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Sacale punta 1938-03-09 (Milonga tangueada) – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Randona (Armando Julio Piovani)

Osvaldo Donato Letra Sandalio Gómez

Cette milonga du jour a été enregistrée le 9 mars 1939, il y a 85 ans. Elle a été enregistrée par Donato et est toujours un succès dans les milongas. Cependant, son titre prête à interprétations et je choisis ce prétexte pour vous faire entrer dans le monde du tango du début du 20e siècle.

Edgardo Donato interprète ici une milonga écrite par son frère, pianiste, Osvaldo. Deux chanteurs interviennent, Horacio Lagos et Randona (Armando Julio Piovani). Ils ne chantent que deux couplets, comme il est d’usage pour le tango de danse.

Le disque

Sacale punta est la face B et la valse Que sera ?, la face A du disque Victor 38397.

Sur l’étiquette on trouve plusieurs mentions. Le nom de l’orchestre, Edgardo Donato y sus Muchachos et le nom d’un des chanteurs de l’estribillo, Horacio Lagos. Randona n’est pas mentionné.
On trouve le nom des auteurs et compositeurs. L’auteur des paroles est en premier. Pour la valse, il n’y a qu’un nom, car Pepe Guízar est l’auteur de la musique et des paroles. Vous pourrez écouter cette valse en fin d’article.
Sur le disque, on peut remarquer sur l’étiquette l’encadré suivant…

Exécution publique et radio-transmission réservées à RCA Victor Argentina INC. Ce disque n’est donc pas autorisé pour être joué en milonga 😉

Extrait musical

Sacale punta 1938-03-09 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Randona (Armando Julio Piovani)

Les paroles

Sacale punta a esta milonga
Que ya empezó.
Sentí que esos fueyes que rezongan
De corazón.
Y las pebetas se han venido
De « true Vuitton ». (De truco y flor)
El tango requiebra la vida (El tango es rey que da la vida)
Y en su nota desparrama,
Su amor.

Tango lindo de arrabal
Que yo,
No lo he visto desmayar
¡ Triunfó!.
Tango lindo que al cantar
Volcó,
Su fe, su amor
Varón tenés que ser.

Nada hay que hacer cuando rezongan
El bandoneón
Oreja a oreja las parejas
Bailan al son,
De un tango lleno de recuerdos
Que no cayó.
Si desde los tiempos de Laura
Se ha sentido primera agua
y brilló.

Osvaldo Donato Letra Sandalio Gómez. Seuls les deux premiers couplets sont chantés dans cette version.

Pourquoi un crayon à la milonga ?

Les paroles de cette chanson parlent donc de la milonga, du point de vue de l’homme qui se prépare à danser joue contre joue (oreille contre oreille) avec des jeunes femmes.
« Saca punta » se dit pour tailler les crayons, faire sortir, la pointe, la mine. Cela se dit couramment dans les écoles.

Sacale punta. J’ai représenté le crayon bien taillé sur cette image, mais ce n’est qu’une petite partie de l’énigme.

Ici, Sandalio a écrit « Sacale punta a esta milonga », sors-lui la pointe à cette milonga…
Pour ceux qui pourraient s’interroger, sur l’intérêt d’apporter un crayon à la milonga. Une petite investigation qui je l’espère ne sera pas trop décevante :

Les autres textes de Sandalio Gómez

Si on cherche une piste dans les autres textes écrits par Sandalio Gómez on trouve :
Deux tangos : « Cumbrera » et « El mundo está loco ». Le premier est un hommage à Carlos Gardel et le second s’inscrit dans la tradition de « Cambalache » ou de « Al mundo le falta un tornillo », ces tangos qui parlent de la dégénérescence du Monde.
Deux milongas : « De punta a punta » et « Mis piernas » qui est une milonga qui incite à se reposer, car les paroles commencent ainsi : « Sentate, cuerpo sentate, que las piernas no te dan más » assois-toi corps, car les jambes n’en peuvent plus.
Un paso doble : « Embrujo » parle d’un « envoutement » amoureux.
Du grand classique et si ce n’était ce « Sacale punta », les paroles ne prêteraient pas à interprétation. On n’est pas en présence de textes de Villoldo qu’il a souvent fallu remanier pour respecter les bonnes mœurs.

D’autres musiques utilisant « Sacale punta »

Il y a d’autres musiques qui utilisent l’expression « Sacale punta ». Par exemple, la milonga écrite par José Basso : « Sacale punta al lápiz » 1955-09-16 écrite par José Basso, mais qui n’a pas de paroles.

Sacale punta al lápiz 1955-09-16 – José Basso (Musique José Basso)

Si on reste en Argentine, on trouve plus récemment l’expression dans des textes de cumbias. Les cumbias ont souvent des textes scabreux, c’est le cas de celle qui s’appelle comme la milonga de Basso et qui est interprétée par Neni y su banda. Mon blog se voulant de haute tenue, je ne vous donnerai pas les paroles, mais sachez que le possesseur du lápiz (crayon) se vante de pouvoir en faire quelque chose au lit.
Le groupe cubain Vieja Trova Santiaguera chante également « Sacale punta al lápiz ». Ce son est avec des paroles relativement explicites, la muñequa (poupée) faisant référence au même crayon que la cumbia susmentionnée.

Sácale la punta al lápiz – Vieja Trova Santiaguera

Le chanteur portoricain de Salsa, Adalberto Santiago, chante dans une salsa du même titre, « Sacale punta ». Il s’agit dans ce cas de faire les comptes avec sa compagne qui l’a trompée. Comme la liste des reproches est longue, elle doit préparer la mine de son crayon pour pouvoir tout noter. On est donc ici, dans la lignée scolaire, du crayon dont on doit affuter la mine.

Sácale punta 1982-12-31 – Adalberto Santiago

Dans l’esprit du crayon pour écrire, on pourrait penser au carnet de bal pour inscrire les partenaires avec qui nous allons danser. Je n’y crois pas dans ce cas. Tout au plus le carnet et le crayon seront pour noter les coordonnées de la belle…

Et donc, pourquoi « Sacale punta » ?

Comme vous l’imaginez, les pistes précédentes ne me satisfont pas. Je vais vous donner ma version, ou plutôt mes versions, mais qui se rejoignent. Pour cela, interrogeons le lunfardo, l’argot portègne.
En lunfardo se dit : « de punta en blanco » qui signifie élégant. Il est donc logique de penser que le narrateur souhaite sortir ses meilleurs vêtements pour aller à la milonga.
Toujours en lunfardo, « hacer punta » est aller de l’avant. On peut donc imaginer qu’il faut aller de l’avant pour aller à la milonga.
Continuons avec le lunfardo : La punta est aussi un couteau, une arme blanche. Quand on connaît la réputation des compadritos, on se dit qu’ils peuvent être prêts à sortir le couteau à la moindre occasion à la milonga.
Pour résumer, il se prépare avec ses beaux habits, éventuellement avec un couteau dans la poche pour les coups durs. Il est donc prêt pour aller à la milonga qui a déjà commencé, pour danser joue contre joue et discuter ce qui se doit avec ceux qui se mettent en travers de sa route. On ne peut pas tout à fait exclure un double sens à la Villoldo, surtout si on se réfère au fait que cette milonga se réfère au début du XXe siècle, époque où les paroles étaient beaucoup plus « libres ».

Lo de Laura

En effet, le dernier couplet, qui n’est pas chanté ici, parle du temps de Laura. Il s’agit de la casa de Laura (Laurentina Monserrat). Elle était située en Paraguay 2512. Cette milonga était de bonne fréquentation au début du vingtième siècle.

Lo de Laura (Laurentina Monserrat). Cette « maison » était située en Paraguay 2512. C’est maintenant une maison de retraite…

Les danseurs pouvaient danser avec les « femmes » de la maison moyennant le paiement de quelques pesos. Je ne connais pas le prix pour cette maison, mais dans une maison comparable, Lo de Maria (La Vasca), le prix était de 3 pesos de l’heure. Le mari de la propriétaire, « El Ingles » (Carlos Kern) veillait à ce que les protégées soient respectées. On est toujours à l’époque du tango de prostibulo, mais avec classe.
Il indique que dès l’époque de Laura, il était de Primer agua c’est-à-dire qu’il était déjà très bon. Un peu comme dans la milonga « En lo de Laura » (musique d’Antonio Polito et paroles d’Enrique Cadícamo). En effet, dans cette milonga, Cadícamo a écrit : « Milonga provocadora que me dio cartel de taura… », Milonga provocante qui me donna le titre de champion (en fait, plutôt dans le sens de cador, caïd, compadrito, courageux, qui se montre…).

En lo de Laura 1943-03-12 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas – Antonio Polito Letra Enrique Cadícamo (Domingo Enrique Cadícamo)

Pour vous donner une idée de l’ambiance de Lo de Laura, vous pouvez regarder cet extrait du film argentin « La Parda Flora » de León Klimovsky et qui est sorti le 11 juillet 1952. C’est bien sûr une reconstitution, avec les limites que ce genre impose.

Reconstitution de l’ambiance en Lo de Laura. Extrait du film argentin « La Parda Flora » de León Klimovsky sorti le 11 juillet 1952

Dans cette partie du film se joue “El Entrerriano” d’Anselmo Rosendo Mendizábal. En effet, une tradition veut que Mendizábal ait écrit ce tango en Lo de Laura. Il était en effet pianiste dans cet établissement et c’est donc fort possible. Il intervenait aussi à Lo de Maria la Vasca et certains affirment que cet dans ce dernier établissement qu’il a inauguré le tango.
Notons que les deux affirmations ne sont pas contradictoires, mais je préfère lever le doute en prenant le témoignage de José Guidobono, témoin et acteur de la chose.
Il décrit cela dans une lettre envoyée en 1934 à Héctor et Luis Bates et qui la publièrent en 1936 dans « Las historias del tango: sus autores » :

“Existía una casa de baile que era conocida por “María la Vasca”. Allí se bailaba todas y toda la noche, a tres pesos hora por persona. Encontraba en esos bailes a estudiantes, cuidadores y jockeys y en general, gente bien. El pianista oficial era Rosendo y allí fue donde por primera vez se tocó “El entrerriano”. […] así se bailó hasta las 6 a.m. Al retirarnos lo saludé a Rosendo, de quien era amigo, y lo felicité por su tango inédito y sin nombre, y me dijo: “se lo voy a dedicar a usted, póngale nombre”. Le agradecí pero no acepté, y debo decir la verdad, no lo acepté porque eso me iba a costar por lo menos cien pesos, al tener que retribuir la atención. Pero le sugerí la idea que se lo dedicase a Segovia, un muchacho que paseaba con nosotros, amigo también de Rosendo y admirador; así fue; Segovia aceptó el ofrecimiento de Rosendo. Y se le puso “El entrerriano” porque Segovia era oriundo de Entre Ríos.”.

José Guidobono

Traduction :

Il y avait une maison de danse connue sous le nom de « María la Vasca ». On y dansait toute la nuit pour trois pesos de l’heure et par personne. À ces bals, j’ai croisé des étudiants, des médecins et des jockeys [c’était une soirée spéciale du Z Club, club auquel Rosendo Mendizábal a d’ailleurs dédié un tango (Z Club)] et en général, de bonnes personnes.
Le pianiste officiel était Rosendo et c’est là que « El entrerriano » a été joué pour la première fois. […] c’est ainsi qu’on a dansé jusqu’à 6 heures du matin.
En partant, j’ai salué Rosendo, dont j’étais ami, et je l’ai félicité pour son tango inédit et sans nom, et il m’a dit : « Je vais te le dédicacer, donne-lui un nom ». Je l’ai remercié, mais je n’ai pas accepté, et je dois dire la vérité, je ne l’ai pas accepté parce que cela allait me coûter au moins cent pesos, pour le remercier de l’attention. Mais j’ai suggéré l’idée qu’il le dédicace à Segovia, un garçon qui marchait avec nous, également ami et admirateur de Rosendo ; C’est comme ça que ça s’est passé ; Segovia a accepté l’offre de Rosendo. Et il l’a intitulé « El Entrerriano » parce que Segovia était originaire d’Entre Ríos. […] Rosendo a ainsi gagné cent mangos (pesos en lunfardo). »

La face A du disque Victor 38397

Sur la face A du même disque Victor a gravé une valse. Elle a été enregistrée le même jour par Donato et Lagos, comme c’est souvent le cas.
Cette valse est sublime, je vous la propose donc ici :

Qué será ? 1938-03-09 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos — Pepe Guízar (MyL)

Ne pas confondre cette valse avec une au titre qui ne diffère que par deux lettres…

Quién será ? 1941-10-13 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos — Luis Rubistein (MyL)

Un clin d’œil pour les DJ

Felix Picherna, un célèbre DJ de l’époque des cassettes Philips, utilisait un crayon pour rembobiner ses cassettes. Il devait donc sacar la punta antes de la milonga.
J’en parle dans mon article sur les tandas.
Maintenant, vous êtes prêts à danser à Lo de Laura ou dans votre milonga favorite.

Felix Pincherna utilisant un crayon pour rembobiner sa cassette de cortina. http://www.molo7photoagency.com/blog/felix-picherna-el-muzicalizador-de-buenos-aires/04-9/

Existe-t-il des tandas “classiques” ?

Réponse à un message d’un danseur que je citerai s’il se reconnaît…
Je crois que sa question était en lien avec l’article tandas 5-4-3-2 ou 1

Existe-t-il une influence des vinyles sur l’ordre des morceaux d’une tanda ?

Byc Bernardo j’ai lu avec intérêt ton article. Concernant l’apport des vinyles, je me suis fait la remarque que certaines tandas « classiques » que l’on entend parfois (du genre où on peut prédire le morceau suivant) semblaient correspondre à l’ordre des morceaux sur un vinyle d’origine. Je me suis donc demandé si certains DJ à l’époque, peut-être par facilité, laissaient les quatre morceaux dans l’ordre du disque (un peu comme pour les cassettes) et que, par habitude auditive, certains DJ actuels reprenaient ce même ordre sans forcément savoir qu’il avait été dicté par.un aspect pratique au début. Qu’en penses-tu ? As-tu pu observer cela ?

Danseur anonyme, car je ne me souviens pas…

Ma réponse…

Excellente question, dont la réponse est facile à donner, c’est non 😉

Les disques des tangos de l’âge d’or étaient des 78 tours qui ne comportaient qu’un morceau par face. Il n’y avait donc pas d’obligation d’enchaîner deux morceaux.

Les publications vinyles étaient réalisées par des éditeurs qui ne cherchaient pas forcément à satisfaire les danseurs. Les morceaux sont dans un ordre quelconque, ou plutôt, ils sont organisés d’un point de vue « esthétique », pas du tout par tanda.

Le concept de disque tanda est même assez récent et quelques orchestres comme la Romantica Milonguera se sont lancés dans cette stratégie. C’est d’ailleurs un problème pour les orchestres contemporains qui n’ont pas leur style propre, ils font un morceau dans le style de d’Arienzo, un dans le style de Di Sarli et ainsi de suite et il est impossible d’en faire une belle tanda. Évidemment, les orchestres monostyles, comme la Juan d’Arienzo, sont plus faciles à utiliser.

Sur l’organisation à l’identique de tandas par différents « DJs », j’attribuerai cela plutôt à l’origine commune des tandas. À Buenos Aires, chaque DJ arrondit ses fins de mois en vendant des Playlists, y compris avec les cortinas toutes faites.

Tu l’auras compris, c’est du tout-venant et rarement de bonne qualité, les DJ conservent jalousement leurs meilleurs atouts.

D’autres récupèrent des playlists sur YouTube ou autres endroits, cela ne relève pas le niveau.

Mais, on peut en dire plus…

Cependant, il y a des logiques.

  • Les titres d’une tanda ne sont pas mis en œuvre de façon aléatoire. Pour moi, c’est comme une exposition de peinture, il doit y avoir une harmonie d’ensemble. Cela peut se faire en ayant des titres de la même période, mais ce n’est pas totalement sûr, les orchestres pouvant avoir enregistré le même jour une version à écouter et une à danser, ou des titres à la mode qui n’ont rien à voir. Après la pandémie, à Buenos Aires, plusieurs DJ s’étaient mis à mélanger dans les tandas des tangos instrumentaux et des chantés. C’est un peu passé de mode maintenant. Depuis la pandémie, beaucoup de choses ont changé et les organisateurs/DJ, cherchent des formules pour attirer la manne des touristes qui ont un taux de change très avantageux.
  • Une tanda est un voyage. On propose au début un morceau qui donne envie de se lever, puis on propose une progression. Le couple augmente en compétence et la dernière pièce est donc une apothéose, les danseurs étant parfaitement accordés, il est possible de se « lâcher » (ce qui est étonnant si on considère que l’abrazo est serré). Lorsque l’orchestre est très prolifique, il y a beaucoup de façon d’organiser les thèmes. Quand il a moins enregistré, c’est plus compliqué. Si on respecte l’harmonie des titres et le voyage, il reste peu de choix et donc, la redite est probable.

La cassette, ferait-elle un coupable idéal ?

Maintenant que j’ai donné plusieurs pistes, je vais te donner une raison bien plus probable. En effet, lorsque Philips a sorti la cassette, les DJ se sont jetés dessus. Pour des raisons de solidité, les DJ utilisaient uniquement les C60 qui avaient 30 minutes par face. Elles permettaient donc de caser 2X5 titres sur une face.

Ainsi, sur une cassette D’Arienzo, il y avait 4 tandas possibles (de 5 titres chacune). Cela conduisait à lire les titres dans le même ordre et pire, les tandas dans le même ordre. Car il est impossible de rembobiner les K7 en cours de milonga. On passe donc la première tanda, ensuite la cortina sur une autre cassette (qui elle est rembobinée à chaque passage pour revenir au début de la cortina qui était toujours la même). Ensuite, le DJ choisissait la cassette d’un autre orchestre et quand il voulait revenir à D’Arienzo, il jouait la deuxième tanda de la première face de la disquette.

Pour en savoir plus sur ce thème et la raison du nombre de titres d’une tanda, je t’invite à lire un article que j’ai proposé sur le sujet : https://dj-byc.com/tandas-de-5-4-3-2-ou-1/

Je pourrai rajouter plusieurs explications, du genre, la paresse de certains qui fabriquent des playlists à l’avance et qui ne se donnent pas la peine de composer les tandas en direct. Dans une certaine mesure, ils ont raison, si les organisateurs font appel à eux et dépensent de l’argent pour payer quelqu’un qui pourrait être remplacé par un lecteur de CD… ils auraient tort de se priver. J’ai vu certains de ces DJ passer des playlists qui portaient le nom d’autres événements, ou qui passent toujours les mêmes titres, car ils sont itinérants et que donc personne ne se rend compte qu’ils passent toujours la même chose.

Je pense que si tu as participé à une milonga que j’anime tu as eu un peu plus de mal à deviner ce qui va suivre, car justement, j’essaye de proposer des titres moins connus ou de les enchaîner de façon plus originale pour susciter l’intérêt et la curiosité. Ce sont les danseurs qui me donnent des idées et je tire le fil. Un titre s’impose à moi et selon le moment, je trouve de quoi l’accompagner pour renforcer le thème. Par exemple, hier, plusieurs thèmes me sont passés par la tête, comme les oiseaux (au jardin Massey à Tarbes), le café (pour la buvette du jardin).

Ensuite, le DJ conduit aussi les danseurs. En mettant un titre qui en évoque un autre, il place à l’insu des danseurs, l’idée du titre plus connu et quand celui-ci arrive, c’est comme une délivrance (au sens paysan du terme ; —)

Hommage à un extraordinaire DJ

Mon DJ préféré, Daniel Borelli (Buenos Aires) est un as dans la composition des tandas et dans la succession des tandas. Ma grande fierté est de deviner quel orchestre il va mettre après la tanda qu’il vient de passer. Cela fait près de quinze ans que je le suis, et il arrive toujours à me surprendre dans la composition des tandas, mais plus rarement dans l’enchaînement des tandas 😉

Recuerdos DJ de Buenos Aires

Après la perte de mon ancien profil Facebook, je recherche des souvenirs pour recréer l’histoire. Ici, des éléments sur mes activités de DJ et d’ami de DJs à Buenos Aires.

Después de perder mi antiguo perfil de Facebook, busco recuerdos para recrear la historia. Aquí, elementos sobre mis actividades como DJ y amigo de DJs en Buenos Aires.

After losing my old Facebook profile, I searched for memories to recreate history. Here, are elements about my activities as a DJ and friend of DJs in Buenos Aires.

Ici, quelques éléments envoyés par le grand DJ et ami, Quique Camargo, que j’ai retrouvés dans la messagerie d’Instagram de mon ancien compte , que je n’avais pas pu consulter depuis bien longtemps, suite aux problèmes avec Facebook… J’en profite pour les mémoriser ici et remercier Quique Camargo qui me les avait envoyé, sans que je le sache à l’époque.

 
 
 
 
 
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DJ, mais aussi danseur (amateur débutant) de Zamba.

Animant la milonga Tango Camargo en El Beso, Buenos Aires.
On me voit un instant dans la niche du DJ, tout en haut des marches.

En Nuevo Chique avec Daniel Borelli, DJ résident de la milonga et Quique Camargo, autre grand ami et brillant DJ de Buenos Aires.

Quique Camargo sait parfaitement présenter ses DJs invités. Ici, une affiche de 2022

Une autre affiche de Quique Camargo, ici, en 2023 (rassurez-vous, je ne vais pas toutes les sortir 😉

Europe Tour 2024 DJ BYC Bernardo

Je serai en Europe de fin mars à fin octobre 2024, disponible pour musicaliser vos milongas, événements, festivals et encuentros.

It will be in Europe from mars to the end of October 2024, available to musicalize your milongas, events and festivals.

Estaré en Europa desde mediados de marzo hasta finales de octubre de 2024, disponible para musicalizar tus milongas, eventos, festivales y encuentros.

Pour en savoir plus — Mas — More.
Contact — Contacto

TANDAS DE 5, 4, 3, 2 OU 1 ? Un débat récurrent, pour DJ et danseurs…

Article publié originellement en août 2017 sur l’ancienne version du site.

Pourquoi ce compte à rebours ?

Aujourd’hui se pose de plus en plus souvent la question du nombre de titres dans une tanda.
Pour ma part, sans consigne particulière, je propose 4 tangos, 4 valses et 3 milongas, mais de plus en plus souvent (même à Buenos Aires), cela devient 3 tangos, 3 valses et 3 milongas.
Je sépare les tandas par une cortina et de temps à autre, je propose un intermède de Folklore (chacarera et parfois zamba), Tropical (cumbia, cuarteto, salsa…) ou Rock, voire autre chose en fonction du lieu.
Dans certaines régions, on milite pour la tanda de trois tangos, dans le but espéré de faire plus souvent tourner et ainsi limiter le temps d’attente, généralement des femmes, pour ceux qui ne dansent pas, faute d’un équilibre du nombre de partenaires.
La notion de tanda est cependant une notion assez récente. 

Le temps des orchestres, tandas de 2 et de 1

À l’âge d’or du tango, celui où on pouvait danser tous les soirs sur un orchestre, les choses étaient bien différentes. En fait, elles étaient absolument identiques à ce que l’on trouve dans nos actuels bals musette en France. L’orchestre jouait deux tangos, puis le même orchestre ou un second orchestre jouait un autre air, du jazz, ou un foxtrot, par exemple.

Ensuite, ils jouaient une valse, suivie d’un nouveau morceau Jazz, puis à nouveau deux tangas, du jazz, et enfin une milonga et on recommençait.

Mais alors, me direz-vous, les danseurs se séparaient à chaque morceau, par exemple après la valse s’ils ne souhaitaient par faire le jazz ?

Ben oui, mais la différence est que les sièges n’étaient pas encore la règle dans les lieux de danse. Les danseurs rejoignaient le milieu de la piste et se dirigaient ensuite vers les femmes situées au bord de la piste.

Cette stratégie pourrait être intéressante pour les événements double-rôle. Les guideurs au milieu, les suiveurs autour…

Je vous propose ici un extrait de l’entrevue de Toto Faraldo interrogé par Pepa Palazon.
https://www.youtube.com/watch?v=HDwAVXI0zWs
Je vous engage à voir en entier cette entrevue, car elle est passionnante, comme toutes celles de la série.
Ici, j’ai isolé la partie qui concernait l’origine des tandas et apporté une traduction en français.
Vous trouverez en fin de cet extrait, un aspect intéressant et peu connu sur le tango, mais qui vous aidera à comprendre l’importance de la calecita que l’on retrouve dans plusieurs tangos.

L’apparition des tables et des enregistrements sur cassettes, tandas de 5 et cortina

Philips, en inventant la cassette musicale a modifié les comportements dans les bals. Chaque face de cassette, à l’époque de 60 minutes pouvait comporter 10 titres. Donc, entre la face A et la face B, une cassette comportait 20 titres.

L’animateur découpait donc sa programmation en 5 morceaux de la première face, une cortina sur une autre cassette. Ah, je vous vois venir, pourquoi la cortina ?

C’est que sont apparues aussi les tables. Il fallait donc prévoir le temps nécessaire pour que les couples se défassent, se reposent (après 5 tangos) et se recomposent.

Pourquoi une deuxième cassette ?  Ben, le temps pour effectuer toutes ces opérations pouvant être très variables d’un jour à l’autre ou d’une salle à l’autre, il est plus simple d’avoir une cassette avec la cortina et de la rembobiner pour repositionner la cortina à son début. Certains le faisaient avec un crayon car c’était plus précis qu’avec le lecteur de cassette car il suffisait de trouver le repère, généralement l’amorce. À mes débuts, je coupais les amorces pour que le rembobinage soit plus simple… Il me suffisait de rembobiner et j’étais au début. Mais j’avais un double-cassettes. Sans cela, j’aurais procédé comme Felix Picherna, au crayon…

Felix Picherna rembobinant sa cassette de cortina. http://www.molo7photoagency.com/blog/felix-picherna-el-muzicalizador-de-buenos-aires/04-9/

De cette période reste aussi la mode de la cortina unique pour toute la soirée. C’est la même cassette qui servait et était rembobinée.

Les tables et le service à icelles a aussi favorisé le développement des cortinas pour permettre aux serveurs de rejoindre les tables avec moins de risque d’accident…

L’apparition du CD, Tandas de 4 et cortinas

Je n’ai pas évoqué l’utilisation du disque noir, car elle n’a pas apporté de grandes innovations sur ce point. En permettant l’accès direct à chaque titre, elle permettait en principe de créer les tandas en direct, mais cela n’a pas d’influence sur le nombre de titres. On retrouve cette facilité sans la difficulté d’accéder à une plage précise avec les CD (il fallait bien viser pour positionner la tête de lecture pile au bon endroit du sillon et ne pas se tromper de plage, non plus…).

De cette époque, on retrouve la normalisation des tandas comme aujourd’hui dans les milongas traditionnelles avec 4T, 4T, 4V, 4T, 4T et 3M (T=Tango, V=Valse, M=Milonga).

Je n’ai pas encore d’explication pour ce passage de cinq à quatre, si ce n’est, peut-être déjà l’idée de réduire l’attente en cas de déséquilibre entre partenaires. Il y avait aussi, sans doute le fait que beaucoup de danseurs n’invitaient que sur le second titre…

La démocratisation du graveur de CD a fait apparaître un nouveau phénomène, la « Playlist ». Le CD est alors tout bonnement lu en continu.

L’apparition de l’ordinateur portable

Dans les années 90, l’ordinateur et l’apparition des disques durs ont favorisé son utilisation en musique.

Pour ma part, je suis passé par le stade intermédiaire du Minidisk qui permettait de conserver une qualité CD, sans se ruiner. C’est l’époque où j’ai numérisé beaucoup de disques de pâte (Shellac et Vinyles) grâce à ma regrettée platine Thorens TD 124…

L’ordinateur a offert une grande facilité pour proposer des tandas construites à la volée. En fait, c’est l’ordinateur portable qui permettait cela, difficile de se trimbaler avec les tours et surtout les écrans cathodiques de l’époque.

Cet outil est donc merveilleux pour le DJ et dès que j’ai pu avoir un ordinateur portable, je l’ai adopté.

J’utilisais Winamp à l’époque, ce que de très nombreux DJs continuent à faire, mais c’est une autre histoire.

L’ère de l’ordinateur, encore plus que celle du graveur de CD a fait la part belle aux Playlists. Et je ne parle pas des mp3… Tiens, à ce sujet, j’ai eu aussi un épisode mp3, avec deux petits iPods nano et classic (avec affichage) qui me permettaient de choisir une tanda pendant que l’autre défilait. C’était pour ma milonga en plein air.

Donc, aujourd’hui, l’ordinateur domine le domaine. C’est très bien, car c’est l’outil qui permet la plus grande souplesse pour l’organisation en direct de la musique. Il sert aussi beaucoup pour les « DJs » à Playlists, qui font leur courrier, échangent sur Facebook ou tout autre activité pour ne pas s’ennuyer (et pour que les danseurs les croient absorbés dans la création…). C’est une raison supplémentaire pour ne pas encourager ce type de DJs (je ne parle pas des bénévoles qui officient dans les associations et qui ont le mérite de se dévouer pour le plaisir des autres). Ces playlisteurs n’ont aucune raison d’être attentifs au bal, puisque de toute façon, ils ne pourront pas changer son déroulement. Un véritable DJ, à mon sens est l’animateur de la soirée, rebondissant sur l’actualité de la salle, pour offrir le plus souvent possible le bon titre au bon moment.

Et mes tandas dans tout cela ?

Ah, oui. Les tandas. Ben, avec l’ordinateur, on peut faire ce que l’on veut. Passer la musique en mode aléatoire. C’est l’ordinateur qui « choisit » la musique à suivre. Diffuser une playlist, ou, s’en servir pour rechercher rapidement le bon titre à diffuser.

J’espère que vous aurez deviné quelle stratégie est la mienne.

Je construis donc à la volée, des tandas de quatre, ou trois selon les circonstances.

Je ne sais pas ce que deviendront les tandas dans le futur. Ici, à Buenos Aires, les tandas sont de quatre, y compris pour les valses (trois pour les milongas) dans les milongas traditionnelles. C’est le modèle auquel je m’accroche et que j’essaye de faire partager, car je le trouve bien adapté au fonctionnement actuel avec tables, chaises et mirada. Le voyage sur quatre titres est aussi idéal avec la danseuse. Trois donne un impression de frustration (et parfois, avouons-le de soulagement, mais dans ce cas, il fallait mieux inviter…).

Peut-être qu’ailleurs, la réduction du nombre de titres va se généraliser (dans certaines milongas à Buenos Aires, il existe des tandas de trois valses). D’ailleurs, je vais respecter cela lors de ma prochaine musicalisation à Gricel…

En descendant le nombre de titres par tanda, on risque de retrouver le fonctionnement des milongas de l’âge d’or, à la limite pourquoi pas. C’est peut-être à essayer dans les milongas où il n’y a pas de sièges…

Par contre, les hommes au milieu qui vont chercher les femmes, pas sûr que ce soit apprécié.

À suivre…

Merci à Dany Borelli, DJ à Los Consagrados, Nueveo Chique, Milonga de Buenos Aires et autres, d’avoir échangé sur ce sujet, ce qui me permet de confirmer certaines idées qui peuvent paraître surprenantes aux néophytes.