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Pitch & speed – Vitesse et tonalité

Certains puristes affirment que l’on doit passer les disques à la vitesse exacte à laquelle ils ont été enregistrés, qu’ils ont été enregistrés ainsi et que donc ce serait un sacrilège de changer cela.
Je saisis cette affirmation pour apporter quelques éléments de réflexion.

Toutes les éditions ne sont pas à la même vitesse.

On peut trouver une édition ou la musique est plus rapide et aiguë qu’une autre, ou au contraire plus grave et lente. À moins d’avoir l’oreille absolue, peu de danseurs se rendent compte de la différence.
Pour s’en convaincre, allez sur un site comme l’excellent https://tango-dj.at/database et comparez la durée des morceaux. Par exemple, Milonga de mis amores a des durées comprises entre 1:38 et 3:53.

Sur l’excellent site www.tango-dj.at, vous trouvez toutes les informations utiles pour gérer une grande partie de votre collection de musique. Pour ma part, c’est ma référence. Si j’ai une information différente, j’écris et Bernhardt adapte la notice pour ajouter l’information. C’est très agréable d’avoir un site qui accepte les remarques et en tient compte. Cela change des sites qui te répondent que je me trompe et qui change ensuite l’information sans rien dire. C’est désormais le seul site avec lequel je collabore régulièrement. Sur cette photo, il manque des colonnes et de lignes que j’ai supprimé pour me concentrer sur ce qui m’intéressait.

Pour un orchestre donné, par exemple, la version de Canaro enregistrée le 26 mai 1937 (matrice 9026) et bien que la source de ces différents enregistrements soit des exemplaires du même disque (Odeon 5028 face A), on trouve des variations de 2:58 chez TangoTunes (9026 – 5028 A TangoTunes) à 3:05 chez Danza y Movimiento (DZ020234).
À l’écoute, la version de TangoTunes est clairement plus aiguë et rapide. Cela correspond à une différence de 4 %.

À l’écoute, la version de TangoTunes est clairement plus aiguë et rapide. Cela correspond à une différence de 4 %.

Dans les années 40, les orchestres jouaient en vivo.

Ils pouvaient donc jouer avec les danseurs, accélérer ou ralentir. Aujourd’hui, le disque a figé la vitesse. Les danseurs vont toujours écouter le même morceau à la même vitesse, avec les mêmes « surprises ». Le DJ peut recréer des « effets », comme le font les orchestres live, en faisant une reprise, en augmentant les breaks, en modifiant la vitesse, en proposant des versions moins courantes du même orchestre ou en proposant un orchestre dans un registre inhabituel (par exemple Troilo qui imite Calo).

On connait tous les prestations tardives de D’Arienzo. Plusieurs orchestres contemporains, imitent ses mouvements pour mettre de l’ambiance. Certains DJ battent la mesure, mais même sans ces extrêmes, le DJ a la possibilité d’influer très fortement sur l’ambiance.

Deux orchestres peuvent jouer le même thème avec des vitesses très différentes.

Des extrêmes comme Milonga de mis amores par exemple qui peut être un canyengue ou une milonga selon les interprétations.

Milonga de mis amores 1937-05-26 — Franciso Canaro — 86 BPM — C’est plutôt du canyengue, non ?
Milonga de mis amores — Hyperion Ensemble — 120 BPM — Ça dépote, non ?

Je considère que le travail du DJ est de mettre de l’ambiance, pas de dire la messe.

Je m’arroge donc le droit de varier le rythme des morceaux, parfois la tonalité en fonction de l’effet que je veux obtenir. Je fais cela depuis plus de vingt ans, dès que j’ai eu un magnétophone à cassettes avec un variateur de vitesse. L’avantage de l’ordinateur est que je peux le faire en cours de morceau, sans changement de tonalité, ce qui rend l’opération discrète pour les danseurs.
J’ai réglé mes logiciels pour limiter la variation à 10 % et je n’utilise de telles valeurs que pour accélérer le final d’une valse ou d’une milonga, par exemple afin de faire rire les danseurs, lorsqu’en fin de tanda ils ont réussi à tenir le rythme d’une tanda « infernale ».
Dans la pratique courante, je peux modifier la vitesse d’un morceau pour pouvoir le placer à un moment différent dans une tanda.
Cela ne m’empêche pas de toujours chercher de meilleures copies, même si maintenant la majorité de ma musique a été numérisée à partir de disques Schellac.
Je pense qu’il faut distinguer l’aspect collectionneur, musicologue, de celui de DJ. On peut être les deux, je dirai même qu’on devrait être les deux, mais pas au même moment.

Le DJ est un élément essentiel pour l’animation du bal. Faites-lui confiance, s’il le mérite 😉