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Patético 1948-04-06 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Jorge Caldara

Pour bien comprendre pourquoi cette version de Patético interprétée par Osvaldo Pugliese est géniale, il faut la comparer aux deux autres enregistrements contemporains, par Anibal Troilo et Juan Deambroggio « Bachicha »… Mais surtout, il faut nous intéresser à son compositeur, Jorge Caldara, un génie mort trop jeune. Pugliese a enregistré Patético il y a jour pour jour 76 ans.

Extrait musical

Patético 1948-04-06 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Je vous laisse écouter cette merveilleuse version, sans commentaire. Vous les trouverez cependant ci-dessous, en comparaison avec deux autres versions contemporaines.

Autres versions

Il me semble intéressant de comparer les trois versions enregistrées à quelques mois d’intervalle. Je commence par le tango du jour, celle de Pugliese, puis une version de Bachicha mal datée, mais probablement légèrement postérieure à celle de Pugliese dans la mesure où Jorge Caladara était bandonéoniste dans l’orchestre d’Osvaldo à ce moment.
La troisième version est celle de Troilo, enregistrée presque un an après celle de Pugliese.

Je vous invite à remarquer comme la version de Pugliese est différente dès les premières secondes.

Patético 1948-04-06 — Orquesta Osvaldo Pugliese
Patético 1948 — Orquesta Juan Deambroggio « Bachicha »
Patético 1949-03-30 — Orquesta Aníbal Troilo

Intéressons-nous maintenant à la vision d’ensemble des trois interprétations.

La partie verte représente le volume de la musique.
La partie à dominante rouge représente la hauteur du son. En bas (en jaune), ce sont les basses et en haut, les aigus.
On se rend compte à l’oreille et à l’œil que la version de Pugliese est un peu plus sourde (moins d’aigus que celle de Troilo. Celle de Bachicha a des aigus, mais ce sont principalement les bruits du disque…
Cela étant dit, il convient de remarquer la structure très différente des trois morceaux. Celui de Pugliese présente des parties fortissimo et des parties piano. Vous remarquerez par exemple la partie où est le curseur (ligne rouge verticale et fine) qui correspond à une partie pianissimo (bas niveau sonore).
Dans la version de Troilo, les alternances de fortissimi et piani sont plus fréquentes et moins marquées.
La version de Bachicha est plus homogène. On peut imaginer que la musique sera un peu moins expressive que dans les deux autres versions.
Sur les basses (partie inférieure en jaune), Pugliese les marque notamment avec ses cordes (contrebasse, par exemple).
Troilo les réalise avec les cordes, mais aussi avec le piano. Les instruments percutant en même temps.
1 : 05 Pugliese ne met pas le long trait de violon qui était si original au début. Au contraire, c’est presque silencieux, ce qui crée un manque, un appel, une interrogation chez l’auditeur. Pour le danseur qui n’avait pas pu danser le premier, car tout au début, c’est une frustration possible. Il s’attendait à faire un truc « super » sur ce motif…Puisqu’on parle de cette partie, Bachicha, que ce soit au début ou au milieu (1 : 08) remplit le vide par un motif ascendant au piano. Ce n’est pas une invention de sa part, il est écrit ans la partition de Caldara. Pugliese a pour sa part, décidé de le supprimer totalement (lui qui est pourtant pianiste).Quant à Troilo, il propose au contraire un motif de piano descendant et une petite fioriture au piano pour compenser, mais seulement dans la partie du milieu, vers 1 : 15.
Je vous laisse écouter les différences.
Pour vérifier que vous suivez bien le moment sur l’audiogramme, voici un petit jeu. Écoutez le morceau en suivant de gauche à droite la zone verte. Si vous arrivez à vous repérer pour être en phase avec les variations de volume, c’est très bien. A minima, essayez de terminer votre lecture visuelle en même temps que la musique.

Pour terminer cette courte étude des interprétations, allons à la fin du morceau. Écoutez la fin de Bachicha. Il déroule tranquillement la partition, sans créer d’effet de surprise. Les deux accords finaux (dominante et tonique) sont joués avec quasiment le même volume. Un véritable « tsoin tsoin » final. J’ai une anecdote à ce sujet, mais je vous la conterai une autre fois. Maintenant, bon, OK. J’étais habitué à dire « tsoin tsoin » à la fin des morceaux. Ce tsoin-tsoin était couvert par les applaudissements. Cependant, un jour, nous avons interprété un choral de Bach durant une messe. Le problème est que dans ce type d’endroit, les gens n’applaudissent pas et que mon tsoin-tsoin a résonné dans toute l’église. Vais-je dire que j’ai encore honte, tant d’années après. Peut-être, mais en tous cas, cela a exacerbé ma sensibilité sur les fins de morceaux et les orchestres de tango sont un régal pour cela, chacun cherchant à donner sa signature.
Revenons à nos moutons, ou plutôt à Troilo et Pugliese afin d’écouter leurs signatures.
Troilo reprend le motif du départ (qui n’est pas dans la partition originale) et termine avec un glissando énorme du piano pour lancer finalement les deux accords finaux, dominante fortissimo et le dernier plus faible. C’est une fin superbe, il faut en convenir.
La fin proposée par Pugliese. Le rappel du motif initial est presque absent, si ce n’est quelques « coups » de volume de tous les instruments avec une fin qui s’estompe, comme un rêve qui se termine. Le pathétique devenu insignifiant après s’être tant gonflé disparaît d’une pichenette et retombe sur l’accord final comme une baudruche dégonflée.

Jorge Caldara (17 septembre 1924 – 24 août 1967)

Le compositeur du tango du jour est un jeune prodige. Tout gosse, il voulait devenir pianiste, mais son père un tanguero un peu pingre rabattit ses ambitions au bandonéon.
Cela ne découragea pas Jorge qui commença à jouer dans des orchestres à l’âge de 14 ans et à 15 ans, il créa son propre orchestre, la Orquesta Juvenil Buenos Aires. (l’orchestre de jeunes de Buenos Aires) qui joua en alternance avec l’orchestre d’Anibal Troilo les mardis au Café Germinal (Avenida Corrientes au 942, au côté du Café Nacional, aujourd’hui théâtre Nacional Sancor Seguros). C’était un lieu prestigieux, voisin du café Nacional avec qui il travaillait en doublette et en face des 36 Billares. De toute façon, chaque mètre de l’avenue Corrientes dans ces environs a des souvenirs de tango. Donc, avoir son orchestre à 15 ans et jouer dans la cour des grands, cela prouve le talent du bonhomme.
Évidemment, il a été remarqué et Alberto Pugliese l’a fait entrer dans son orchestre comme bandéoniste, jusqu’en 1944, date où il a dû effectuer son service militaire.
À la fin de son service, il intègre l’orchestre du petit frère d’Alberto, Osvaldo Pugliese.
Caldara prendra une place importante dans l’orchestre de Pugliese, toutes proportions gardées, comme Biagi avec D’Arienzo, grâce à son bandonéon énergique qui marquait la cadence tout en développant la mélodie. Caldara était sensible à un tango moderne, notamment à celui d’Eduardo Rovira et je pense que cela l’a influencé pour ses créations à l’époque de Pugliese, celui-ci pourtant novateur, n’a pris la dimension de Rovira que bien plus tard, notamment avec sa magnifique version de A Evaristo Carriego qu’il n’a enregistré qu’en 1969… Je pense même que Troilo auquel Caldara était également sensible avait de l’avance dans ce domaine par rapport à Pugliese, notamment sur l’utilisation des chanteurs.
J’ai une théorie personnelle sur la question, mais je pense que la Yumba doit un peu à la façon de jouer de Caldara, même si Pugliese affirme qu’il l’a choisi, car il pouvait s’intégrer parmi sa ligne de bandonéonistes déjà en place.

Osvaldo reconnut également ses talents de compositeurs, car il lui doit plusieurs de ses succès comme Patético 1948, notre tango du jour, Pastoral 1950, Pasional 1951 (avec Alberto Morán) et Por pecadora 1952 (avec Alberto Morán).
Le jeune Jorge Caladra vouait une dévotion à son nouveau chef d’orchestre et lui dédicacera un tango Puglieseando, qui est une merveille et que je vous propose d’écouter tout de suite :

Puglieseando

Puglieseando 1958-08-13 — Jorge Caldara

Le début rappelle Ríe, payaso de Virgilio Carmona, notamment la version de D’Arienzo avec Bustos de 1959 qui possède un tempo proche, a contrario de celle de 1940 (avec Carlos Casares) qui a un tempo beaucoup plus rapide. Jorge connaissait ce titre, car il l’a enregistré.
0 : 17 La Yumba chère à Pugliese apparaît.
0 : 50 remarquez son bandonéon sensible et expressif qui lui permet de marquer le contraste avec les passages plus énergiques. Caldara était bandonéoniste.
Comme chez l’objet de son hommage, les parties avec un tempo marqué alternent avec les parties glissées et suaves, notamment dessinées par les violons, le piano et les bandonéons plus staccatos contrastent, jusqu’à ce que à…
2 : 30 les réponses se fassent de plus en plus rapprochés, les changements de tonalité, font grimper la tension qui s’apaise dans une coda plus lente et un gros accord sur la dominante, suivi par un léger rebond sur la tonique, dans un style complètement pugliesien.

Pasional

Si je vous dis que c’est aussi Jorge Caldara qui a composé Pasional, un des plus gros succès de Pugliese, vous avez pris la dimension de ce musicien. Voici sa version enregistrée avec l’immense chanteur Rodolfo Lesica sur des paroles de Mario Soto.

Pasional 1964 — Jorge Caldara — Rodolfo Lesica, sa composition qu’a rendu célèbre Osvaldo Pugliese, mais ici par son compositeur et chantée par le grand Lesica.

Il a donc commencé très jeune, mais il est mort après moins de 30 ans de carrière et surtout, ses premiers enregistrements comme chef d’orchestre ne datent que de la fin des années 50, période où le rock’n’roll et autres fantaisies avaient pris le pas sur le tango.

Principales compositions de Jorge Caldara

Ses tangos instrumentaux

  • Bamba, dédicacé à sa fille,
  • Con T de Troilo,
  • Cuando habla el bandoneón, en collaboration avec Luis Stazo,
  • Mi bandoneón y yo (Crecimos juntos),
  • Papilino, dédicacé à son fils,
  • Pastoral,
  • Patético,
  • Patriarca,
  • Puglieseando,
  • Sentido en collaboration avec Daniel Lomuto,
  • Tango 05, dédicacé à la Fuerza Aérea Argentina (armée de l’air argentine)

Ses tangos chantés

  • Pasional, avec des paroles de Mario Soto
  • Por pecadora, avec des paroles de Mario Soto
  • Muchachita de barrio, avec des paroles de Mario Soto
  • Profundamente, avec des paroles de Mario Soto
  • Paternal, avec des paroles de Norberto Samonta
  • No ves que nos queremos, avec des paroles de Abel Aznar
  • Estés donde estés, avec des paroles de Martínez
  • Gorrión de barrio, son premier tango (il était lui-même très jeune et donc comme un petit moineau de quartier).
  • Solo Dios vos y yo, dédicacé à son épouse, avec des paroles de Rodolfo Aiello

Jorge Caldara et ses orchestres

On a vu qu’il a fondé son premier orchestre à quinze ans avant d’intégrer différents grands orchestres dont pour finir celui d’Osvaldo Pugliese, mais son parcours ne s’arrête pas là, il reprend à plusieurs milliers de kilomètres de Buenos Aires, au
Jorge Caldara a en effet passé un an au Japon. La fameuse chanteuse Ranko Fujisawa l’ayant entendu jouer dans l’orchestre d’Osvaldo Pugliese à Buenos Aires, l’a invité à venir créer son propre orchestre au Japon.
Fidèle à son directeur, il n’a pas relevé l’invitation, mais un peu plus tard, Ranko est revenue à la charge et Jorge décida de quitter l’orchestre d’Osvaldo à la fin de 1954 et a déménagé avec sa famille.
Il y est resté un an et y a gravé ses premiers disques avec un orchestre composé avec des musiciens japonais qu’il avait recrutés, mais aussi avec ceux de la Típica Tokio dirigée par le mari de Ranko…
Il fut donc l’un des tout premiers, après Juan Canaro, à faire le saut vers le Japon. J’y vois encore une preuve de la qualité de cet artiste.
Parmi les titres gravés au Japon, je vous propose Recuerdo de Buenos Aires enregistré en 1955 et chanté par… vous aurez deviné, Ranko Fujisawa.

Recuerdo de Buenos Aires 1955 — orquesta de Jorge Caldara con Ranko Fujisawa

De retour à Buenos Aires, il monte un orchestre.

Parmi les titres enregistrés avec cet orchestre, je vous propose maintenant deux curiosités, mais le plus intéressant sera pour la fin de cet article…

La Pena de James Dean 1958-11-13 — Jorge Caldara Con Miguel Martino. Une chanson composée par Enrique Juan Munné avec des paroles de Lina Ferro de Bahr) parlant de James Dean, cet acteur mort en 1955 à l’âge de 24 ans dans un accident de voiture.
La fulana (milonga) 1957-07-29 — Jorge Caldara Con Carlos Montalvo avec des paroles et la musique de Alberto Mastra et Luis Rafael Caruso.

En parallèle, Jorge joue dans un cuarteto. Cette dimension d’orchestre s’adapte mieux à cette époque où le tango est en perte de vitesse.

La tablada 1960-01-29 Estrellas de Buenos Aires

Un exemple de ce que donne ce cuarteto nommé Las estrellas de Buenos Aires (les Étoiles de Buenos Aires). Dans ce titre, on entend bien séparément les quatre instruments. Vous pouvez donc repérer par ordre d’apparition : le bandonéon de Jorge, le piano d’Armando Cupo et le violon d’Hugo Baralis puis la contrebasse de Kicho Díaz. Vous remarquerez que la version proposée par ce cuarteto est bien originale et qu’elle valait le coup de lire jusqu’ici.

Et une dernière surprise, un de ses derniers enregistrements

Mais ce n’est pas fini, je reviens à l’orchestre avec qui il a continué d’enregistrer dans les années 60 avec un titre incroyable. C’est une des compositions les plus célèbres d’Osvaldo Pugliese, ici dans une version fort étonnante que nous propose Jorge Caldara et son orchestre.

La Yumba 1964 — Jorge Caldara — La Yumba 1964 — Jorge Caldara.

On voit bien que c’est Caldara qui poussait Pugliese, plutôt que l’inverse, non ?

On ne peut que regretter que ce talentueux musicien soit mort jeune, sa carrière commencée à 14 ans n’a pas duré 30 ans (26 ans). Les trois/quatre dernières années de sa vie furent perdues à cause du cancer qui l’emporta. Ses enregistrements de 1964 sont les derniers.

Paciencia 1938-03-03 — Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida

Juan D’Arienzo Letra : Francisco Gorrindo

Qui s’intéresse un peu, même de loin, au tango connaît Paciencia, (Patience), de D’Arienzo et Gorrindo. Je vous propose de le découvrir plus précisément, à partir de la version de Canaro et Maida enregistrée il y a exactement 86 ans.

Le prétexte étant le jour d’enregistrement, cela tombe sur cette version Canaro Maida, mais l’auteur en est D’Arienzo qui restera fidèle à sa composition toute sa vie.
Je ferai donc la part belle à ses enregistrements en fin d’article.
La beauté et l’originalité des paroles de Francisco Gorrindo avec son « Paciencia », ont fait beaucoup pour le succès de ce thème qui a donné lieu à des versions chantées, des chansons et même instrumentales, ce qui est toutefois un peu dommage 😉

Extrait musical

Paciencia 1938-03-03 – Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida

Il s’agit d’une version instrumentale avec estribillo réduit au minimum. Roberto Maida chante vraiment très peu. La clarinette de Vicente Merico est ici plus présente que lui. On constate dans cette interprétation le goût de Canaro pour les instruments à vent.

Les paroles

Dans cette version, les paroles sont réduites au minimum, je vous invite donc à les savourer avec les autres enregistrements de ce titre, sous le chapitre « autres versions ».

Anoche, de nuevo te vieron mis ojos ;
anoche, de nuevo te tuve a mi lado.
¡Pa qué te habré visto si, después de todo,
fuimos dos extraños mirando el pasado!
Ni vos sos la misma, ni yo soy el mismo…
¡Los años! … ¡La vida!… ¡Quién sabe lo qué!…
De una vez por todas mejor la franqueza:
yo y vos no podemos volver al ayer.

Paciencia…
La vida es así.
Quisimos juntarnos por puro egoísmo
y el mismo egoísmo nos muestra distintos.
¿Para qué fingir?
Paciencia…
La vida es así.
Ninguno es culpable, si es que hay una culpa.
Por eso, la mano que te di en silencio
no tembló al partir.

Haremos de cuenta que todo fue un sueño,
que fue una mentira habernos buscado;
así, buenamente, nos queda el consuelo
de seguir creyendo que no hemos cambiado.
Yo tengo un retrato de aquellos veinte años
cuando eras del barrio el sol familiar.
Quiero verte siempre linda como entonces:
lo que pasó anoche fue un sueño no más.

Juan D’Arienzo Letra : Francisco Gorrindo

Traduction

Hier soir, à nouveau mes yeux t’ont vue,
hier soir, à nouveau, je t’avais de nouveau à mes côtés.
Pourquoi t’ai-je revue, si au final,
nous fûmes deux étrangers regardant le passé !
Ni toi es la même, ni moi suis le même,
Les années, la vie, qui sait ce que c’est ?
Une fois pour toutes, la franchise vaut mieux ;
toi et moi ne pouvons pas revenir en arrière (à hier).

Patience…
la vie est ainsi.

Nous voulions nous rejoindre par pur égoïsme
et le même égoïsme nous révèle, différents.
Pourquoi faire semblant ?

Patience…
la vie est ainsi.
Personne n’est coupable, si tant est qu’il y ait une faute.
C’est pourquoi la main que je t’ai tendue en silence n’a pas tremblé à la séparation.

Nous ferons comme si tout ne fut qu’un rêve,
que c’était un mensonge de nous être cherché ;
ainsi, heureusement, nous reste la consolation
de continuer de croire que nous n’avons pas changé.
J’ai un portrait de ces vingt années-là,
quand du quartier, tu étais le soleil familier,
je veux toujours te voir jolie comme alors.
Ce qui s’est passé la nuit dernière ne fut qu’un rêve, rien de plus.

Maida ne chante que le refrain. Voir ci-dessous, d’autres versions où les paroles sont plus complètes.
Le même jour, Canaro enregistrait avec Maida, la Milonga del corazón.

Milonga del corazón 1938-03-03 – Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida. Une milonga qui est toujours un succès, 86 ans après son enregistrement.

Autres versions

Paciencia 1937-10-29 — Orquesta Juan D’Arienzo con Enrique Carbel. C’est le plus ancien enregistrement. On pourrait le prendre comme référence. Enrique Carbel chante le premier couplet et le refrain.
Paciencia 1938-01-14 — Héctor Palacios accompagné d’une guitare et d’une mandoline. Dans cet enregistrement, Héctor Palacios chante toutes les paroles. Enregistré en Uruguay.

Héctor Palacios est accompagné par une guitare et une mandoline. Le choix de la mandoline est particulièrement intéressant, car cet instrument bien adapté à la mélodie, contrairement à la guitare qui est plus à l’aide dans les accords est le second « chant » de ce thème, comme une réponse à Magaldi. On se souvient que Gardel mentionne la mandoline pour indiquer la fin des illusions « Enfundá la mandolina, ya no estás pa’serenatas » ; Range (remettre au fourreau, comme une arme) la mandoline, ce n’est plus le temps des sérénades. Musique de Francisco Pracánico et paroles d’Horacio J. M. Zubiría Mansill. J’imagine que Palacios a choisi cet instrument pour son aspect nostalgique et pour renforcer l’idée de l’illusion perdue de la reconstruction du couple.

Paciencia 1938-01-26 — Agustín Magaldi con orquesta.

Comme l’indique l’étiquette du disque, il s’agit également d’une chanson. L’introduction très courte (10 secondes) elle présente directement la partie chantée, sans le début habituel. Magaldi chante l’intégralité des paroles. Le rythme est très lent, Magaldi assume le fait que c’est une chanson absolument pas adaptée à la danse. On notera sa prononciation qui « mange le « d » dans certains mots comme la(d)o, pasa(d)o (Palacios et d’autres de l’époque, également).

Paciencia 1938-03-03 – Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida. C’est la version du jour. On est un peu en manque de paroles avec cette version, car Maida ne chante que le refrain, aucun des couplets.
Paciencia 1938 — Orquesta Rafael Canaro con Luis Scalón.

Cette version est contemporaine de celle enregistrée par son frère. Elle a été enregistrée en France. Son style bien que proche de celui de son frère diffère par des sonorités différentes, l’absence de la clarinette et par le fait que Scalón chante en plus du refrain le premier couplet (comme l’enregistra Carbel avec D’Arienzo, l’année précédente.

Paciencia 1948 — Orquesta Típica Bachicha con Alberto Lerena.

Encore une version enregistrée en France. Lerena chante deux fois le refrain avec un très joli trait de violon entre les deux. Le dernier couplet est passé sous silence.

Paciencia 1951-09-14 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe.

14 ans plus tard, D’Arienzo réenregistre ce titre avec Echagüe. Dans cette version, Echagüe chante presque tout, sauf la première moitié du dernier couplet dont il n’utilise que « Yo tengo un retrato de aquellos veinte años […] lo que pasó anoche fue un sueño no más. Le rythme marqué de D’Arienzo est typique de cette période et c’est également une très belle version de danse, même si j’ai personnellement un faible pour la version de 1937.

Paciencia 1951-10-26 — Orquesta Héctor Varela con Rodolfo Lesica. Dans un style tout différent de l’enregistrement légèrement antérieur de D’Arienzo, la version de Varela et Desica est plus « décorative ». On notera toutefois que Lesica chante exactement la même partie du texte qu’Echagüe.
Paciencia 1959-03-02 — Roberto Rufino accompagné par Leo Lipesker. Dans cet enregistrement, Rufino nous livre une chanson, jolie, mais pas destinée à la danse. Toutes les paroles sont chantées et le refrain, l’est, deux fois.
Paciencia 1961-08-10 — Orquesta Juan D’Arienzo con Horacio Palma.

Comme dans la version enregistrée avec Echagüe, dix ans auparavant, les paroles sont presque complètes, il ne manque que la première partie du dernier couplet. Une version énergique, typique d’El Rey del compas et Palma se plie à cette cadence, ce qui en fait une version dansable, ce qui n’est pas toujours le cas avec ce chanteur qui pousse plutôt du côté de la chanson.

Paciencia 1964 — Luis Tuebols et son Orchestre typique argentin. Encore une version enregistrée en France, mais cette fois, instrumentale, ce qui est dommage, mais qui me permet de montrer une autre facette de ce titre.
Paciencia 1970-12-16 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe.

D’Arienzo et Echagüe ont beaucoup interprété à la fin des années 60 et jusqu’à la mort de D’Arienzo Paciencia dans leurs concerts. Cette version de studio est de meilleure qualité pour l’écoute, mais il est toujours sympathique de voir D’Arienzo se démener.

Vidéo enregistrée en Uruguay (Canal 4) en décembre 1969 (et pas février 1964 comme indiqué dans cette vidéo).

Après la mort de D’Arienzo, les solistas de D’Arienzo l’enregistrèrent à diverses reprises, ainsi que des dizaines d’autres orchestres, Paciencia étant un des monuments du tango.

J’ai ici une pensée pour mon ami Ruben Guerra, qui chantait Paciencia et qui nous a quittés trop tôt. Ici, à la milonga d’El Puchu à Obelisco Tango à Buenos Aires, milonga que j’ai eu l’honneur de musicaliser en doublette avec mon ami Quique Camargo.

Ruben Guerra, Paciencia, milonga d’El Puchu à Obelisco Tango à Buenos Aires.18 août 2017.