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Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral

Vicente Romeo Letra : Juan Andrés Caruso

Aujourd’hui, une valse pour déclarer son amour à une jolie femme. Pour cela, quatre hommes se sont attelés à la tâche, Vicente Romeo, Juan Andrés Caruso, Juan d’Arienzo et Walter Cabral. Nous appellerons également à la rescousse, d’autres grands du tango pour vous donner les arguments nécessaires pour séduire une femme papillon.

Avec D’Arienzo à la baguette et Biagi, on a l’assurance d’avoir une valse dansable.
En, ce qui concerne le chanteur, Walter Obdulio Cabral (27/10/1917 – 1993), celui collaborera un peu plus d’un an avec D’Arienzo, le temps d’enregistrer trois valses : Un Placer, Tu Olvido et Irene et une milonga orpheline Silueta Porteña.

Extrait musical

Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral.

Je vous laisse l’écouter. On en reparlera en comparaison avec les autres versions de ce titre.

Les paroles

Linda mariposa
tú eres mi alegría
y tus colores de rosa
te hacen tan hermosa
que en el alma mía
tu imagen quedó.

Por eso a tu reja
hoy vengo a cantarte,
para decirte, mi diosa,
que eres muy hermosa
y no puedo olvidarte
que antes de dejarte
prefiero la muerte
que sólo con verte
es para mí un placer.

Sin tu amor ya no puedo vivir.
¡Oh! ven pronto no me hagas penar.
De tus labios yo quiero sentir
el placer que se siente al besar.
Y por eso en mi canto te ruego
que apagues el fuego
que hay dentro de mí.

Oye amada mía
tuyo es mi querer,
que tuya es el alma mía
toda mi poesía
mis alegres días,
hermosa mujer.

Sale a tu ventana
que quiero admirarte.
Sale mi rosa temprana,
hermosa galana,
que yo quiero hablarte
y quiero robarte
tu querer que es santo
porque te amo tanto
que no puedo más.

Y si el destino
de ti me separa
nunca podre ser feliz
y antes prefiero morir.
Porque tu cariño
es mi vida entera.
Tú has de ser la postrera,
la dulce compañera que ayer soñé.

Vicente Romeo Letra : Juan Andrés Caruso

Traduction libre

Joli papillon, tu es ma joie et tes couleurs de rose te rendent si belle que dans mon âme ton image est restée.


C’est pourquoi à ta grille, aujourd’hui je viens chanter, pour te dire, ma déesse, que tu es très belle, que je ne peux pas t’oublier et que plutôt que de te quitter je préfère la mort. Que rien que te voir est un plaisir pour moi.

Sans ton amour, je ne peux pas vivre. Oh ! Viens vite, ne me fais pas de peine. De tes lèvres, je veux sentir le plaisir que l’on ressent en embrassant et c’est pourquoi dans ma chanson je te supplie que tu éteignes le feu qu’il y a en moi.

Entend ma bien-aimée, que tu es mon désir, mon âme est tienne, toute ma poésie, mes jours heureux ; merveilleuse femme.

Sort à ta fenêtre que je veux t’admirer. Sors ma rose précoce, belle galante, car je veux te parler et te voler ton amour qui est saint parce que je t’aime tant que je n’en peux plus.

Et si le destin me séparait de toi, je ne pourrais jamais être heureux et préférerais mourir. Parce que ta tendresse est toute ma vie. Tu seras la dernière, la douce compagne dont j’ai rêvé hier.

Autres versions

Un placer 1931-04-23 — Orquesta Juan Maglio Pacho.

Un tempo très lent, qui peut déstabiliser certains danseurs. C’est une version instrumentale, avec sans doute un peu de monotonie malgré des variations de rythme. Pour ma part, j’éviterai de la proposer à mes danseurs.

Un placer 1933-04-11 — Orquesta Típica Los Provincianos (dir. Ciriaco Ortiz) con Carlos Lafuente.

Avec la voix un peu aigre de Carlos Lafuente, mais un joli orchestre pour une valse entraînante. La fin donne l’impression d’accélération, ce qui ravit en général les danseurs, surtout en fin de tanda. On est clairement monté d’un cran dans le plaisir de la danse avec cette version. L’orchestre est Los provincianos, mais il s’agit d’un orchestre Victor dirigé par Ciriaco Ortiz. Ce qui fait que vous pouvez trouver le même enregistrement sous les trois formes : Los Provincianos, Típica Victor ou Ciriaco Ortiz, voire un mixage des trois, mais tout cela se réfère à cet enregistrement du 11 avril 1933.

Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral. C’est le tango du jour.

La voix de Walter Cabral rappelle celle de Carlos Lafuente, une voix de ténor un peu nasillarde, mais comme dans le cas de Lafuente, ce n’est pas si gênant, car ce n’est que pour une petite partie de la valse. L’impression d’accélération ressentie avec la version de Ciriaco Ortiz est présente, mais c’est une constante chez d’Arienzo. BIagi qui a intégré l’orchestre il y a cinq mois est relativement discret. Il se détache sur quelques ponctuations lâchées sur les temps de respiration de l’orchestre. Il n’a pas encore complètement trouvé sa place, place qui lui coûtera la sienne deux ans plus tard…

Un placer 1942-06-12 — Orquesta Aníbal Troilo.

Ici pas de voix aigre ou nasillarde, les parties sont chantées par les violons, ou par le chœur des instruments, avec bien sûr le dernier mot au bandonéon de Troilo qui termine divinement cette version élégante et dansante.

Un placer 1949-02 — Francisco Lauro con su Sexteto Los Mendocinos y Argentino Olivier.

Une version un peu faible à mon goût. Le sexteto manque de présence et Argentino Olivier, déroule les paroles, sans provoquer une émotion irrépressible. Une version que je ne recommanderai pas, mais qui a son intérêt historique et qui après tout peut avoir ses fanatiques.

Un placer 1949-08-04 — Orquesta José Basso con Francisco Fiorentino y Ricardo Ruiz.

Une version très jolie, avec piano, violons et bandonéons expressifs. L’originalité est la prestation en Duo, de deux magnifiques chanteurs, Francisco Fiorentino y Ricardo Ruiz. On peut ressentir un léger étonnement en écoutant les paroles, les deux semblent se répondre. C’est une jolie version, mais peut-être pas la première à proposer en milonga.

Un placer 1954 — Cuarteto Troilo-Grela.

Une magnifique version dans le dialogue entre le bandonéon et la guitare. La musique est riche en nuances. Le bandonéon démarre tristement, puis la guitare donne le rythme de la valse et le bandonéon alternent des moments où les notes sont piquées à la main droite, et d’autres où le plein jeu de la main gauche donne du corps à sa musique. À 1 : 30 et 1 : 50, à 2 : 02, le bandonéon s’estompe, comme s’il s’éloignait. À 2 : 10, la réverbération du bandonéon peut être causée par un éloignement physique important du bandonéon par rapport au microphone, ou bien à un ajout ponctuel de réverbération sur ce passage. Je ne suis pas sûr que cet artifice provoqué par l’enregistrement apporte beaucoup au jeu de Troilo. Il faut toutefois pardonner à l’ingénieur du son de l’époque. C’est le début d’une nouvelle ère technique et il a sans doute eu envie de jouer avec les boutons…

Un placer 1958-10-07 — Orquesta José Basso con Alfredo Belusi y Floreal Ruiz.

José Basso refait le coup du duo, mais cette fois avec Alfredo Belusi et Ricardo Ruiz. À mon avis, cela fonctionne moins bien que la version de 1949.

Un placer 1979 — Sexteto Mayor.

Pour terminer, une version assez originale, dès l’introduction. Je vous laisse la découvrir. Étant limité à 1 Mo par morceau sur le site, vous ne pouvez pas entendre la stéréo vraiment exagérée de ce morceau, car tous les titres sont passés en basse qualité et en mono pour tenir dans la limite de 1 Mo. C’est une peine pour moi, car la musique que j’utilise en milonga demande entre 30 et 60 Mo par morceau… Sur la stéréo en milonga, c’est à limiter, surtout avec des titres comme celui-ci, car les danseurs auraient d’un côté de la salle un instrument et de l’autre un autre. Donc, si j’ai un titre de ce type à passer (c’est fréquent dans les démos), je limite l’effet stéréo en réglant le panoramique proche du centre. Une salle de bal n’est pas un auditorium…

Mini tanda en cadeau

Cabral n’a enregistré que trois valses avec D’Arienzo. Je vous propose d’écouter et surtout danser cette mini tanda de seulement trois titres. Peut-être apprécierez-vous à la fin de la tanda la voix un peu surprenante de Cabral.

Cerise sur la tanda. Pardon, le gâteau, les trois titres forment une histoire. Il découvre son amour, elle s’appelle Irene et… Ça se termine mal…

Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral. C’est le tango du jour.
Irene 1936-06-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral
Tu olvido 1936-05-08 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral

Vida y obra de Walter Cabral

Vous pourrez trouver sur ce site, une biographie complète de ce chanteur.

El Porteñito 1943-03-23 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Ángel Villoldo (Ángel Gregorio Villoldo Arroyo)

On connaît tous la milonga du jour, El Porteñito, mais est-ce vraiment une milonga ? Voyons de plus près ce coquin de Porteñito et ce qu’il nous cache.

Ángel Villoldo a composé et créé les paroles de ce tango qui est un des plus anciens dont on dispose des enregistrements. Je profite donc de ce patrimoine pour vous faire toucher du doigt le tango des origines avec le risque de relancer le débat des anciens et des modernes.

Extrait musical

El Porteñito 1943-03-23 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas. C’est notre tango du jour.

La version du jour est intermédiaire sur tous les plans.

Elle a été enregistrée en 1943, soit environ 40 après l’écriture de ce titre, au milieu de ce qu’il est convenu d’appeler l’âge d’or du tango.

Les deux anges se sont donc associés à un troisième, Villoldo pour nous offrir cette belle milonga… ou beau tango… Disons que c’est un tango milonga, un canyengue rapide. Ce titre évoluera depuis sa création entre les rythmes, nous en verrons quelques exemples en fin d’article.

Les paroles

Les paroles, il y a vraiment plusieurs paroles à ce tango. El porteñito est El criollito dans la plus ancienne version enregistrée. Je vais donc vous proposer trois versions.
Celle de D’Agostino et Vargas, ce dernier en bon chanteur de refrain, ne chante qu’une petite partie des paroles.
L’introduction musicale, nous présente un type qui se balade dans les rues, saluant les passants 1:22 plus tard, Vargas entame le chant et termine à la fin du titre. Cette version est généralement considérée comme une milonga, mais si vous la dansez en canyengue, personne ne vous dira rien.

D’Agostino Vargas 1943
 
Soy nacido en Buenos Aires,
me llaman “El Porteñito”,
el criollo más compadrito
que en esta tierra nació.

 
Y al bailar un tango criollo
no hay ninguno que me iguale
porque largo todo el rollo
cuando me pongo a bailar. 

 
Anda que está lindo el baile!
brindase comadre,
y el compadre…

 
Soy un taura del noventa,
tiempo bravo del tambito,
bailarín de mucha meta por más seña “El Porteñito”
y al bailar un tango bravo,
lo hago con corte y quebrada
para dejar bien sentada mi fama de bailarín.
Villoldo 1908
 
Soy hijo de Buenos Aires,
por apodo “El Porteñito”,
el criollo más compadrito
que en esta tierra nació.
Cuando un tango en la vigüela
rasguea algún compañero
no hay nadie en el mundo entero
que baile mejor que yo.

No hay ninguno que me iguale
para enamorar mujeres,
puro hablar de pareceres,
puro filo y nada más.
Y al hacerle la encarada
la fileo de cuerpo entero
asegurando el puchero
con el vento que dará.


…Recitativo…

Soy el terror del malevaje
cuando en un baile me meto,
porque a ninguno respeto
de los que hay en la reunión.
Y si alguno se retoba
y viene haciéndose el guapo
lo mando de un castañazo
a buscar quien lo engrupió.

Cuando el vento ya escasea
le formo un cuento a mi mina (china)
que es la paica más ladina
que pisó el barrio del sur.
Y como caído del cielo
entra el níquel al bolsillo
y al compás de un organillo
bailo el tango a su “salú”.

 
…Recitativo…
Los Gobbi 1906
 
Él:
Soy hijo de Buenos Aires
E me llaman el criollito,
El más pierna e compadrito
Per cantar e per bailar.
De las chinas un querido
Todas me brindan amores,
Soy el que entre los mejores
Siempre se hace respetar.
 
Ella:
Este tipo extravagante
Que viene a largar el rollo,
Echándosela de criollo
Y no sabe compadrear.
Es un gringo chacarero
De afuera recién llegado
Un criollo falsificado
Que la viene aquí a contar.
 
Él:
Soy tremendo para el baile
Se me voy donde hay…
E agarrando la guitarra
La “melunga” sé cantar.
 
Ella:
No arrugués que no hay quién planche
Afeitate, volvé luego,
Que te ha conocido el juego
Gringo, podés espiantar.
 
Él:
No te hagás la compadrona
La paciencia se me acaba,
Te va´ a comé una trompada
Se me llego yo a enojar.
 
Ella:
Arrimate che italiano
Y haceme una atropellada.
 
Él:
Te la doy.
 
Ella:
Pura parada
Si ni el agua vos cortás.
 
Él:
Fijate qué firulete, qué parada
No hay ninguno que me pueda guadañar.
 
Juntos:
Porque somos para el tango
Los más piernas,
Y sabemos hacernos respetar.
Ángel Villoldo (Ángel Gregorio Villoldo Arroyo)

Les versions

El criollo falsificado (Los criollos) 1906 – Dúo Los Gobbi.

Le titre est un peu différent, ainsi que les paroles. Ce sont celles de la troisième colonne. El porteñito est el criollito et il le texte comporte de nombreuses variations par rapport à la version « canonique ». Deux points sont à signaler. C’est un duo (que je trouver relativement pénible entre les époux Gobbi, Flora et Alfredo) avec des passages parlés comme c’était assez courant à l’époque.

El porteñito 1908 — Ángel Villoldo.

Cet enregistrement par l’auteur pourrait servir de référence. Ce sont les paroles de la version centrale (il y a quelques petites différences, comme mina au lien de china, mais qui ne change pas le sens).

El porteñito (La Criollita) 1909 – Andrée Vivianne con orquesta.

Une version chantée par une femme à la voix plutôt plus agréable que celle de Flora Gobbi, mais de peu. On notera qu’elle a adapté les paroles en chantant au féminin et en se faisant appeler la criollita et non pas la porteñita.

El Porteñito 1928-09-26 – Orquesta Típica Victor (Adolfo Carabelli).

On arrive ici à la première version dansable. Il est dirigé par la baguette d’Adolfo Carabelli. C’est une version instrumentale, avec de beaux dialogues instrumentaux, et des violons qui plairont à beaucoup. Une fantaisie qui pourrait passer dans une milonga, mais pas comme une milonga, c’est clairement un tango et même un bon canyengue avec les appuis qui favorisent la quebrada dont parlent d’ailleurs les paroles.

El Porteñito 1937-08-31 – Orquesta Juan D’Arienzo.

Une version au rythme syncopé avec un plan de violon ou bandonéon qui survole le tout. Une impression d’accélération à la fin et quelques ponctuations de Biagi au piano témoignent du style qui est en train de se mettre en place chez D’Arienzo. Je pense que c’est une version rarement diffusée en milonga. Elle pourrait l’être, mais il y a d’autres titres plus porteurs qui prennent la place dans le temps limité donné au DJ pour faire des propositions.

El Porteñito 1941-06-06 – Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro.

Canaro enregistrera deux fois avec le quinteto Pirincho ce titre. Voici la première version, assez brillante, notamment grâce à la partie de piano interprétée par Luis Riccardi.

El Porteñito 1943-03-23 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas. C’est notre tango du jour. Nettement plus milonga que les versions écoutées précédemment. Un best-seller des milongas.

C’est notre tango du jour. Nettement plus milonga que les versions écoutées précédemment. Un best-seller des milongas.

El Porteñito 1959-04-09 – Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro.

Je fais un petit saut dans le temps en passant diverses versions pour retrouver le Quinteto Pirincho et la flute géniale de Juvencio Física qui donne une couleur à cette version qui balance toujours entre le tango et la milonga, mais on peut en général le passer comme milonga, car son allure très enjouée le rend sympathique à danser et il est suffisamment connu pour que les jeux de l’orchestre, petits breaks et fioritures de l’orchestre puissent être mises en valeur par les danseurs.

El Porteñito 2013 – Otros Aires y Joe Powers.

Je vais vous demander de me pardonner, mais l’histoire n’est pas faite que de batailles gagnées. Il y a aussi des tragédies, comme cette version mixant l’orchestre Otros Aires (qui n’a pas su se renouveler et transformer ses premiers essais) et l’harmoniciste, Joe Powers (qui est loin d’être mon préféré). Le résultat est à la hauteur de mes espérances, inaudible, je comprends votre colère.

L’élégance au tango dans les années 1900

On a un peu de mal à imaginer que le tango ait pu paraître sulfureux au point d’être interdit à Buenos Aires. Cependant, il y avait tout de même de bonnes raisons.
Il était dansé dans des lieux dédiés au sexe et le but n’était pas d’être extrêmement élégant, mais de prendre du plaisir avec une femme compréhensive (même si cela la rendait malheureuse, comme a pu le voir hier avec Zorro gris qui parlait d’une grisette dans un établissement de luxe). On imagine que dans d’autres lieux comme Lo de Tranqueli, la réalité était bien pire.

El Cachafaz et Carmencita Calderon dans Tango de Luis Moglia Barth, un film de 1933.
El Cachafaz en 1940 avec Sofía Bozán dans le film de Manuel Romero Carnaval de Antaño.

Je parlerai plus abondamment le 2 juin prochain d’Ovidio José Bianquet, dit el Cachafaz, au sujet de la version du tango El Cachafaz, dans la version de D’Arienzo du 2 juin 1937.
Cette façon de danser passerait difficilement pour élégante de nos jours, mais elle faisait l’admiration de nos aïeux et on peut regretter aujourd’hui une certaine stérilisation de la danse.
Je ne dis pas qu’il faut retrouver les outrances de l’époque, mais plutôt de prendre des petites idées, de relancer la machine à improviser.
Je terminerai par cette image qui est un montage que j’ai réalisé à partir de photos du début du vingtième siècle où on voit des attitudes un peu surprenantes, mais qui étaient considérées comme très chic à l’époque. Cela devait toutefois être fait avec une certaine élégance et ne doit en aucun justifier les violences qu’infligent certains danseurs contemporains à leur partenaire et aux autres danseurs du bal… Eh oui ! Le DJ, il voit tout depuis son poste de travail 😉

Tus besos fueron míos 1927-02-17 (Tango) – Orquesta Típica Victor (Direction Adolfo Carabelli)

Anselmo Alfredo Aieta Letra : Francisco García Jiménez

Tus besos fueron míos

Le tango du jour a 97 ans. Son titre est explicite, Tus besos fueron míos (Tes baisers furent miens) et son sujet, toujours d’actualité.
Même s’il s’agit ici d’une version instrumentale, on imagine qu’il s’agit de la chanson de la perte d’un amour. Les paroles que l’on connaît dans la plupart des autres versions le confirment.
J’ai choisi ce tango pour pouvoir parler de son éditeur, la firme RCA Victor. En effet, l’orchestre Típica Victor ne jouait pas en public, seulement en studio, c’est l’originalité de certains de ces orchestres de maisons d’édition.

Victor ou Victors ?

La particularité de ces orchestres de maisons d’édition de disques était qu’ils n’étaient pas associés à un Directeur d’orchestre. Les musiciens pouvaient rester les mêmes et le chef changer, contrairement aux orchestres dirigés par des chefs ayant donné leur nom à l’orchestre. Le premier chef d’orchestre à avoir été contracté par la Victor a été un jeune pianiste, Adolfo Carabelli, qui a eu par la suite son propre orchestre. Ce tango date de cette période.

Les musiciens de la orquesta Típica Victor vers 1927 De gauche à droite : Contrebasse : Humberto Costanzo — Violons : Eugenio Romano, Agesilao Ferrazzano et Manlio Francia — Bandonéons : Luis Petrucelli, Ciriaco Ortiz et Nicolás Primiani — Piano : Vicente Gorrese. Adolfo Carabelli (le chef d’orchestre et le violoniste Elvino Vardaro qui travaillait aussi à l’époque pour la RCA Victor, ne sont pas sur la photo.

Qui dit pas Victor a parfois tort

Souvent, des danseurs me demandent la Típica Victor. Soucieux de leur faire plaisir, je leur demande quel orchestre, quelle période, quel titre et je n’obtiens jamais de réponse.
Certains DJ, sous le prétexte qu’il y a écrit Victor passent n’importe quels titres sans tenir compte des styles assez différents selon les orchestres et les directeurs qui se sont succédé.

Les différents orchestres Victor

  • Orquesta Victor Popular
  • Orquesta Típica Los Provincianos (Ciriaco Ortiz)
  • Orquesta Radio Victor Argentina (Mario Maurano)
  • Orquesta Argentina Victor
  • Orquesta Victor Internacional
  • Cuarteto Victor [Cayetano Puglisi et Antonio Rossi (violons), Ciriaco Ortiz et Francisco Pracánico (bandonéons)]
  • Trío Victor [Elvino Vardaro (violon), Oscar Alemán et Gastón Buen (guitares)]

En revanche, il est souvent possible de mélanger un titre de la Victor avec un titre enregistré par le même chef avec son propre orchestre.
On remarquera, en effet, qu’avec les mêmes musiciens, les chefs ont mis leur empreinte. C’est d’ailleurs un phénomène bien connu pour les orchestres de musique classique.

Le nom ne fait pas la tanda

Beaucoup de DJ débutants l’apprennent à leur dépens (ou à celui de leurs danseurs), le nom d’un orchestre ne suffit pas pour fabriquer une belle tanda. Dans le cas des orchestres Victor, c’est assez clair, mais si on prend l’exemple de Canaro, de ces différents orchestres (tango et jazz), de ses différentes formations, quintettes, Típicas et de sa très longue période d’enregistrement, on se retrouve face au même problème.
Reconnaissons toutefois que c’est un peu moins gênant maintenant, car ces DJ s’appuient désormais sur des playlists qui circulent et que donc, le travail de tri a déjà été fait. C’était particulièrement sensible au début des années 2000. Voir à ce sujet, cet article.

Écoute

Tus besos fueron míos 1927-02-17Orquesta Típica Victor (Direction Adolfo Carabelli)

L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.

Les paroles

Tus besos fueron míos.
Dique Victor 79334-A

Hoy pasas a mi lado con fría indiferencia
Tus ojos ni siquiera detienes sobre mí
Y sin embargo, vives unida a mi existencia
Y tuyas son las horas mejores que viví
Fui dueño de tu encanto, tus besos fueron míos
Soñé y canté mis penas junto a tu corazón
Tus manos en mis locos y ardientes desvaríos
Pasaron por mi frente como una bendición

Y yo he perdido por torpe inconstancia
La dulce dicha que tú me trajiste
Y no respiro la suave fragancia
De tus palabras, ¡y estoy tan triste!
Nada del mundo mi duelo consuela
Estoy a solas con mi ingratitud
Se fue contigo, de mi novela
La última risa de la juventud

Después te irás borrando, perdida en los reflejos
Confusos que el olvido pondrá a mi alrededor
Tu imagen se hará pálida, tu amor estará lejos
Y yo erraré por todas las playas del dolor
Pero hoy que tu recuerdo con encendidos bríos
Ocupa enteramente mi pobre corazón
Murmuro amargamente: “tus besos fueron míos
Tus besos de consuelo, tus besos de pasión”

Y yo he perdido por torpe inconstancia
La dulce dicha que tú me trajiste
Y no respiro la suave fragancia
De tus palabras, ¡y estoy tan triste!
Nada del mundo mi duelo consuela
Estoy a solas con mi ingratitud
Se fue contigo, de mi novela
La última risa de la juventud

Anselmo Alfredo Aieta Letra : Francisco García Jiménez

Autres enregistrements

Ce titre a été enregistré à plusieurs reprises, dans un balancement entre versions instrumentales, versions chantées et versions chansons (seulement pour l’écoute et pas pour la danse).

  • 1926, Carlos Gardel accompagné par les guitares de Guillermo Barbieri et José Ricardo enregistrait ce titre avec les paroles.
  • 1926, Enregistrement par Canaro
  • 1927-02-17, la version que je vous propose aujourd’hui et qui a donc 97 ans, est celle enregistrée le 17 février 1927 par l’orchestre Típica Victor. Il a été édité sur disque 78 tours sous la référence Victor 79334 A. Sa matrice portait le numéro 1102-2. C’était le deuxième enregistrement de la journée et il est devenu la face A du disque.
    Le même jour, la Típica Victor enregistra Trago amargo de Rafael Iriarte Letra : Julio Plácido Navarrine (matrice 1101-1).
    À cette époque, les maisons d’édition regravent les titres avec les nouveaux procédés d’enregistrement électrique. Cela provoque une activité intense, comme en témoignent d’autres enregistrements du du même jour, comme l’enregistrement de la comparsita par Canaro, chez Odéon.
  • 1927-02-21, Rosita Quiroga propose une version chantée, accompagnée par des guitaristes.
  • 1927-05-30, Canaro l’enregistre de nouveau, toujours en version instrumentale.
  • 1930-12-13, encore Canaro, mais en accompagnant de sa chère Ada Falcon. Voir cet article pour des infos sur leur « couple ».
  • 1946-11-29, Ricardo Tanturi sort le titre de l’oubli avec le chanteur Roberto Videla. Malgré le mode mineur (tristesse), la partie instrumentale est assez allègre. En revanche, Videla met beaucoup (trop ?) d’émotion. On peut aimer et ça reste comme Tanturi en général, dansable.
  • 1952-08-14, Alfredo Attadía et le chanteur Enzo Valentino en donne une version chantée. C’est clairement une chanson qui n’était pas destinée à la danse. Attadia, n’a pas contrôlé le chanteur comme l’avait fait Tanturi.
  • 1952-11-14, Alfredo de Angelis et Carlos Dante en donnent une version chantée bien équilibrée et qui permet une danse de qualité. Elle rejoint donc la version de Tanturi dans la discothèque du DJ de tango.
Pero hoy que tu recuerdo con encendidos bríos
Ocupa enteramente mi pobre corazón
Murmuro amargamente: “tus besos fueron míos
Tus besos de consuelo, tus besos de pasión”