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Ventarrón 1933-03-13 Orquesta Típica Victor con Alberto Gómez (y Elvino Vardaro)

Pedro Maffia Letra : José Horacio Staffolan

Le tango du jour a été enregistré il y a exactement 91 ans par Adolfo Carabelli à la tête de l’Orquesta Típica Victor. Le chanteur d’estribillo est Alberto Gómez, mais un autre soliste fait de ce titre une merveille, le violoniste Elvino Vardaro.

Nous avons largement parlé de la Victor et de ses orchestres. Carabelli est son premier chef d’orchestre. Alberto Gómez a enregistré deux fois ce titre en mars 1933. Le 6, comme chanteur de la version « chanson » et le 13, pour une version de danse. Il est intéressant de comparer les deux versions pour encore plus se familiariser entre les deux types de tangos que certains danseurs, voire DJ n’assimilent pas toujours.

Elvino Vardaro (Buenos Aires le 18 juin 1905 – Argüello 5 août 1971)

Elvino Vardaro. Enfant, dans les années 40 et dans les années 60. Sur la dernière image, on remarque que son pouce droit a perdu une phalange, à la suite d’un accident quand il avait cinq ans.

Le 10 de julio 1919, il donne son premier concert. Au programme de la musique classique. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il commence alors à jouer au cinéma pour accompagner les films muets. Rodolfo Biagi puis Luis Visca l’y remarquent et finalement, Juan Maglio (Pacho) en 1922 vient le chercher au cinéma pour l’intégrer dans on orchestre. Il a alors 17 ans.
Son professeur de violon, Doro Gorgatti lui aurait dit : « Quel dommage que vous jouiez des tangos, vous pourriez jouer très bien du violon ! ».
Une chance pour nous qu’il ait poursuivi dans sa voie.
Il travaille en effet avec différents orchestres et intègrera les prestigieux orchestres de la Victor où il fera merveille, comme vous pourrez l’entendre dans le tango du jour.
Il montera à diverses reprises des orchestres de tailles différentes quintette, sextette, septuor et même típica, mais sans réel succès et peu d’enregistrements. En revanche, il a participé quasiment à tous les orchestres, Canaro, Di Sali, do Reyes, Firpo, Fresedo, Maffia, Piazzolla, Pugliese et a terminé sa carrière dans l’orchestre symphonique de l’orchestre de Cordoba.
Sa virtuosité a inspiré à Argentino Galván une composition musicale « Violinomanía », qu’il a heureusement enregistrée avec le Brighton Jazz Orquesta, un orchestre qu’il dirigeait dans les années 1940. Ce n’est pas du tango, mais je le placerai en fin de cet article pour que vous puissiez juger de sa virtuosité.
Je ne vous donne pas d’autre indication pour l’écoute du tango du jour. Si vous ne détectez pas immédiatement le violon de Vardaro, arrêtez le tango, mettez-vous au reggaeton.

Extraits musicaux

En premier, je vous propose la version de danse. Elle a été enregistrée une semaine après la version en chanson.

Ventarrón 1933-03-13 — Orquesta Típica Victor con Alberto Gómez

Dans cette version, le deuxième soliste, c’est le violoniste Elvino Vardaro. Je vous laisse l’écouter et avoir la chair de poule en l’entendant. Fabuleux.

Ventarrón 1933-03-06 Alberto Gómez accompagné par un orchestre

Il n’est pas certain que l’orchestre soit la Típica Victor. C’est une version chantée et donc, l’important, c’est le chanteur, l’orchestre est au second plan.
Cette version n’est pas pour le bal et est à mon avis musicalement moins intéressante. Je reste donc avec ma version chérie, celle du 13 mars que je propose de temps à autre en milonga, notamment en Europe où la Típica Victor a plutôt la cote.

Les paroles

Por tu fama, por tu estampa,
sos el malevo mentado del hampa;
sos el más taura entre todos los tauras,
sos el mismo Ventarrón.

¿Quién te iguala por tu rango
en las canyengues quebradas del tango,
en la conquista de los corazones,
si se da la ocasión?

Entre el malevaje,
Ventarrón a vos te llaman…
Ventarrón, por tu coraje,
por tus hazañas todos te aclaman…

A pesar de todo,
Ventarrón dejó Pompeya
y se fue tras de la estrella
que su destino le señaló.

Muchos años han pasado
y sus guapezas y sus berretines
los fue dejando por los cafetines
como un castigo de Dios.

Solo y triste, casi enfermo,
con sus derrotas mordiéndole el alma,
volvió el malevo buscando su fama
que otro ya conquistó.

Ya no sos el mismo,
Ventarrón, de aquellos tiempos.
Sos cartón para el amigo
y para el maula un pobre cristo.

Y al sentir un tango
compadrón y retobado,
recordás aquel pasado,
las glorias guapas de Ventarrón.

Pedro Maffia Letra : José Horacio Staffolan

Dans la version de danse du 13 mars, Gomez ne chante que deux couplets (en gras dans le texte). En revanche le violon chante tout le reste, c’est lui la vedette de ce tango.  
Dans la version chanson, Gomez chante la totalité des couplets, dans l’ordre indiqué, sans reprise. De brefs moments instrumentaux donnent une petite respiration, mais la voix est quasiment toujours présente et on peut avoir une impression de monotonie qui fait que ce tango ne pourrait pas porter de façon satisfaisante à l’improvisation.
Il convient donc dans cette version de porter attention aux paroles. Heureusement, elles ne posent pas de problème particulier.
En voici une traduction libre :
Par ta renommée, par ton image, tu es le méchant attitré du gang ; tu es le plus caïd parmi tous les caïds, tu es le Ventarrón même (vent furieux).
Qui t’égale pour ton rang dans les brisées du tango canyengue (façon de danser du canyengue, inspirée de la posture du combat à l’arme blanche), dans la conquête des cœurs, si l’occasion s’en présente ?
Dans l’assemblée des voyous, ils t’appellent Ventarrón… Ventarrón, pour ton courage. Pour tes exploits tout le monde t’acclame…
Malgré tout, Ventarrón a délaissé Pompeya (quartier de Buenos Aires) et a suivi l’étoile que son destin lui a indiquée.
De nombreuses années ont passé et ses témérités et ses faussetés, il les a abandonnées pour les cafés, comme un châtiment de Dieu.
Seul et triste, presque malade, avec ses défaites mordant son âme, le bagarreur est revenu cherchant sa renommée qu’un autre a déjà conquise.
Tu n’es plus le même, Ventarrón, de cette époque. Tu es un cave pour l’ami (le footballeur Messi dirait bobo plutôt que cave) et pour le lâche un pauvre hère.
Et quand tu sens un tango amical et passé de mode, tu te souviens de ce passé, des gloires téméraires de Ventarrón.

Là où on revient à mon violoniste adoré

Je vous l’avais promis, on termine avec d’Elvino Vararo, le meilleur violoniste de tango du 20e siècle.
Argentino Galván a écrit Violinomanía en l’honneur de la virtuosité d’Elvino Vararo. Celui-ci l’a enregistré à la tête du Brighton Jazz Orquesta en 1941 à Buenos Aires. Elvino dirigeait cet orchestre à la radio « El Mundo » et pour des concerts dans différents lieux, cabarets,confiterias, bals…

Violinomanía 1941 — Brighton Jazz Orquesta, direction et violon, Elvino Vararo (Argentino Galván)

Pour être complet, je devrais sans doute citer qu’il a enregistré le même jour Frenesi, un morceau de « Rumba fox-trot », toujours avec le Brighton Jazz et les chanteurs Nito et Roland. C’est moins virtuose, mais représentatif d’un orchestre de Jazz à l’âge d’or du tango.

Frenesi 1941, Brighton Jazz Orquesta, direction et violon, Elvino Vararo, con Nito y Roland (Alberto Domingez)

Pour clore le chapitre en revenant au tango, même si c’est du tango à écouter et pas à danser, voici Pico de oro qu’Elvino a enregistré avec son orchestre en 1953.

Pico de oro 1953 – Elvino Vardaro y su Orquesta Típica (Juan Carlos Cobián Letra: Enrique Cadícamo).
De nombreuses années ont passé et ses témérités et ses faussetés, il les a abandonnées pour les cafés, comme un châtiment de Dieu.