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Rodolfo Biagi Letra Rodolfo Sciammarella<\/p>\n\n\n\n
Le tango du jour, Deja el mundo como est\u00e1<\/strong>, (Laisse le monde comme il est) a \u00e9t\u00e9 enregistr\u00e9 par Biagi avec la voix d\u2019Andr\u00e9s Falg\u00e1s il y a exactement 84 ans. Il faut s\u2019int\u00e9resser aux paroles, relativement originales, pour comprendre pourquoi ne pas changer le Monde, n\u2019oublions pas que si l\u2019Argentine fut \u00e9pargn\u00e9e par la seconde guerre mondiale, tout n\u2019y \u00e9tait pas rose en 1940.<\/em><\/p>\n\n\n\nLa D\u00e9cada Infame (la d\u00e9cada infame)<\/h2>\n\n\n\n La d\u00e9cada infame se situe entre deux coups d\u2019\u00c9tat qui ont secou\u00e9 l\u2019Argentine (1930-1943). Entre les deux diff\u00e9rentes \u00e9lections truqu\u00e9es et les manipulations politiques douteuses. Les causes de la d\u00e9cada infame sont en grande partie issues du crash du 1929, la chute du commerce international ayant durement touch\u00e9 les possibilit\u00e9s d\u2019exportations de l\u2019Argentine, engendrant un ch\u00f4mage massif. Le r\u00f4le de l\u2019Angleterre, sa mainmise sur l\u2019\u00e9conomie argentine, n\u2019est pas sans rappeler l\u2019actualit\u00e9 de l\u2019Argentine d\u2019aujourd\u2019hui, il suffit de remplacer Royaume-Uni par FMI ou USA pour avoir une id\u00e9e du probl\u00e8me. L\u2019Argentine revit de fa\u00e7on cyclique le m\u00eame ph\u00e9nom\u00e8ne en alternance \u00e0 chaque d\u00e9cade. En r\u00e9sum\u00e9, la situation sociale \u00e9tait plut\u00f4t morose et la r\u00e9pression des mouvements populaires f\u00e9roce durant toute la p\u00e9riode. Il fallait bien se changer les id\u00e9es avec le tango pour voir la vie en rose.<\/p>\n\n\n\n
La D\u00e9cada de Oro (L\u2019\u00c2ge d\u2019or)<\/h2>\n\n\n\n
\n\t\t\t\n\t\t\t\t \n\t\t\t<\/svg>\n\t\t<\/button>L\u2019actuel groupe de Boedo rend hommage aux \u00e9crivains du Groupe litt\u00e9raire de Boedo \u00e0 travers divers portraits sur les murs du quartier. Ici, Roberto Arlt, dont la plume enflamm\u00e9e d\u00e9nonce les injustices sociales.<\/figcaption> \n
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L\u2019actuel groupe de Boedo rend hommage aux \u00e9crivains du Groupe litt\u00e9raire de Boedo \u00e0 travers divers portraits sur les murs du quartier. Ici, Roberto Arlt, dont la plume enflamm\u00e9e d\u00e9nonce les injustices sociales.<\/figcaption><\/figure><\/div><\/div>\n \n
L\u2019actuel groupe de Boedo rend hommage aux \u00e9crivains du Groupe litt\u00e9raire de Boedo \u00e0 travers divers portraits sur les murs du quartier. Ici, Roberto Arlt, dont la plume enflamm\u00e9e d\u00e9nonce les injustices sociales.<\/figcaption><\/figure><\/div><\/div>\n <\/div>\n <\/div><\/figure><\/div>\n\n\n
\u00c0 l\u2019oppos\u00e9 de la situation politique, la situation artistique \u00e9tait bouillonnante. L\u2019Argentine \u00e9tait tourn\u00e9e vers l\u2019Europe et en litt\u00e9rature, le groupe de Florida avait pour mod\u00e8le les \u00e9crivains europ\u00e9ens. Ils \u00e9taient plut\u00f4t issus des hautes classes de la soci\u00e9t\u00e9, celles o\u00f9 on parlait couramment le fran\u00e7ais et o\u00f9 on \u00e9tait attentif \u00e0 toutes les modes europ\u00e9ennes. Ces \u00e9crivains soignaient la forme de leurs \u00e9crits, sans doute plus que le contenu. On trouve parmi eux, Jorge Luis Borges. Le bipartisme argentin fait que le principal groupe concurrent, celui de Boedo avait pour sa part des pr\u00e9occupations plus sociales et avait tendance \u00e0 passer la forme au second plan. Une de ses figures de proue \u00e9tait Roberto Emilio Arlt.<\/p>\n\n\n
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\n\t\t\t\n\t\t\t\t \n\t\t\t<\/svg>\n\t\t<\/button>Quinquela Martin \u2014 Motivo de puerto. \u00c9mail sur fer (1946). 0,88×0,98 m.<\/figcaption> \n
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Quinquela Martin \u2014 Motivo de puerto. \u00c9mail sur fer (1946). 0,88×0,98 m.<\/figcaption><\/figure><\/div><\/div>\n \n
Quinquela Martin \u2014 Motivo de puerto. \u00c9mail sur fer (1946). 0,88×0,98 m.<\/figcaption><\/figure><\/div><\/div>\n <\/div>\n <\/div><\/figure><\/div>\n\n\n
On retrouve la m\u00eame dichotomie en peinture, avec d\u2019un c\u00f4t\u00e9 le groupe de Paris, li\u00e9 au surr\u00e9alisme, alors en vogue en France et de l\u2019autre, des peintres plus pr\u00e9occup\u00e9s des questions sociales dont le plus connu est sans doute Quinquela Martin, celui qui a donn\u00e9 \u00e0 la Boca l\u2019image qui pla\u00eet tant aux touristes en mettant de la couleur sur les tristes t\u00f4les des maisons de l\u2019\u00e9poque. Je l\u2019avais \u00e9voqu\u00e9 au sujet du tango \u00ab\u2009El Flete\u2009\u00bb.<\/p>\n\n\n\n
Je pense que vous m\u2019avez vu venir, cette p\u00e9riode est \u00e9galement une d\u00e9cada de oro pour la musique et notamment le tango. Le tango de cette \u00e9poque fait le lien entre l\u2019Europe et notamment la France, beaucoup de musiciens argentins s\u2019\u00e9tant install\u00e9s ou ayant fait le voyage en Europe et notamment \u00e0 Paris avant de rentrer d\u2019urgence en 1939 \u00e0 cause de la Seconde Guerre mondiale. Ceci fait qu\u2019\u00e0 Buenos Aires s\u2019est retrouv\u00e9 tout ce qui comptait en mati\u00e8re de musique de tango. L\u00e0 encore, deux styles, l\u2019orientation De Caro, plus intellectuelle et destin\u00e9e au concert et l\u2019orientation Canaro, D\u2019Arienzo, plus tourn\u00e9s vers le bal. Cette p\u00e9riode est donc \u00e0 la fois tragique pour la population et extr\u00eamement riche pour la cr\u00e9ation artistique. Je vais m\u2019int\u00e9resser, enfin, au tango du jour et voir pourquoi il ne faut pas changer le Monde.<\/p>\n\n\n\n
Extrait musical<\/h2>\n\n\n\n<\/audio>Deja el mundo como est\u00e1 1940-03-14 – Orquesta Rodolfo Biagi con Andr\u00e9s Falg\u00e1s y coro<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\nLes changements chromatiques, du grave vers l\u2019aigu \u00e0 chaque d\u00e9but du couplet, font monter l\u2019intensit\u00e9 dramatique. Inconsciemment on associe ces mont\u00e9es chromatiques \u00e0 une acc\u00e9l\u00e9ration du rythme, comme si le disque tournait plus vite, ce qui n\u2019est pas le cas, le tempo reste content sur toute la dur\u00e9e du morceau.<\/p>\n\n\n\n
Les paroles<\/h2>\n\n\n\n\n\n\n\n\nHoy sos un hombre descontento y amargado despu\u00e9s que has derrochado tu bienestar. Te has convertido en enemigo de la vida porque ella te convida a trabajar. Por eso mismo es que todo te molesta y se oye tu protesta por los dem\u00e1s. Con el tono llor\u00f3n de un agorero dec\u00eds que el mundo entero lo deben transformar. Deja el mundo como est\u00e1, que est\u00e1 hecho a la medida… (aunque parezca mentira)<\/mark> Deja el mundo como est\u00e1 vos debes cambiar de vida… (No has muerto viejo)<\/mark> Le quieres poner rueditas… \u00bfD\u00f3nde lo quieres llevar? S\u00f3lo vos lo ves cuadrado y redondo los dem\u00e1s.Deja el mundo como est\u00e1, con sus malas y sus buenas, con sus dichas y sus penas… \u00a1Deja el mundo como est\u00e1!<\/mark> <\/em><\/strong> Qu\u00e9 cosa buena has de encontrar a la deriva o es que esperas de arriba tu porvenir. S\u00f3lo se logran con trabajo y sacrificios los grandes beneficios para vivir. Al fin, tu queja es el clamor de un fracasado, ya me tienes cansado de o\u00edrte gritar… Que anda el mundo al rev\u00e9s y est\u00e1 deshecho y vos… \u00bfCon qu\u00e9 derecho lo pretendes cambiar?<\/em><\/p>\nRodolfo Biagi Letra Rodolfo Sciammarella<\/em><\/cite><\/blockquote>\n\n\n\n\n\n\n\nDans la version de Biagi, Falg\u00e1s chante ce qui est en gras<\/strong> et le ch\u0153ur insiste en chantant la partie en rouge<\/mark><\/strong>. Dans la version de Canaro, ce qui est chant\u00e9 par Fam\u00e1 est la partie en gras et Canaro fait un dialogue en chantant ce qui est en bleu<\/mark>. Il n\u2019y a pas de reprise de la fin du refrain, contrairement \u00e0 Biagi. Pour sa part, dans la version de Donato, Lagos chante les m\u00eames couplets que Falg\u00e1s, mais sans la reprise de la fin du refrain.<\/p>\n\n\n\nTraduction libre :<\/h2>\n\n\n\n Aujourd\u2019hui, tu es un homme m\u00e9content et amer apr\u00e8s avoir dilapid\u00e9 ton bien-\u00eatre. Tu es devenu l\u2019ennemi de la vie parce qu\u2019elle t\u2019invite \u00e0 travailler. C\u2019est pourquoi tout te d\u00e9range et que ta protestation est entendue par-dessus tout. Avec le ton pleurnichard du pessimiste, tu dis que le monde entier doit \u00eatre transform\u00e9. Laisse le monde tel qu\u2019il est, c\u2019est du sur-mesure\u2026 (crois-le ou pas) Laisse le monde tel qu\u2019il est, c\u2019est toi qui dois changer de vie\u2026 (Tu n\u2019es pas mort, mon vieux) Tu veux y mettre des roulettes\u2026 O\u00f9 veux-tu l\u2019emporter\u2009? Il n\u2019y a que toi qui le vois carr\u00e9 et tous les autres le voient rond. Laisse le monde tel qu\u2019il est, avec ses mauvais et ses bons aspects, avec ses joies et ses peines\u2026 Laisse le monde tel qu\u2019il est\u2009!<\/em><\/p>\n\n\n\nLe passage suivant n\u2019est pas chant\u00e9 dans aucune des trois versions, mais il est int\u00e9ressant \u00e0 saisir :Ce qu\u2019il y a de bon \u00e0 se laisser aller \u00e0 la d\u00e9rive, c\u2019est que tu attends d\u2019en haut ton avenir. Or, ce n\u2019est qu\u2019au prix d\u2019un travail acharn\u00e9 et de sacrifices que l\u2019on peut obtenir les grands avantages de la vie. Pour finir, ta plainte est la clameur d\u2019un \u00e9chec, l\u00e0, tu me fatigues de t\u2019entendre crier\u2026 Que le monde est sens dessus dessous et qu\u2019il est d\u00e9fait, et toi\u2026 de quel droit pr\u00e9tends-tu le changer\u2009?<\/em><\/p>\n\n\n\nAutres versions<\/h2>\n\n\n\n Ce tango a rencontr\u00e9 l\u2019air du temps et en quelques mois, il a \u00e9t\u00e9 enregistr\u00e9 trois fois. Par son auteur, Biagi, puis par Canaro et enfin Donato. Il me semble int\u00e9ressant de comparer les trois versions. Les trois ont des caract\u00e8res communs, mais les versions de Canaro et de Donato sont plus traditionnelles. Elles ont le m\u00eame dynamisme et l\u2019impression de marche haletante que dans la version de Biagi, mais ce dernier propose des enrichissements convaincants et un \u00e9tagement des plans musicaux plus riches, plus vari\u00e9s que ceux de ses coll\u00e8gues qui sont totalement dans la marche et moins dans la subtilit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n<\/audio>Deja el mundo como est\u00e1 1940-03-14 – Orquesta Rodolfo Biagi con Andr\u00e9s Falg\u00e1s y coro<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\nLe rythme est d\u2019environ 139 BPM et est r\u00e9gulier tout au long de l\u2019interpr\u00e9tation, m\u00eame si on a une impression d\u2019acc\u00e9l\u00e9ration sugg\u00e9r\u00e9e par les mont\u00e9es chromatiques. <\/p>\n\n\n\n<\/audio>Deja el mundo como est\u00e1 1940-09-30\u2009\u2013\u2009Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Fam\u00e1 y contracanto por Francisco Canaro<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\nOn note dans cette version, des variations de rythme (145 \u00e0 135). Les parties chant\u00e9es sont plus lentes. Canaro a \u00e9galement choisi de faire un dialogue o\u00f9 il r\u00e9pond \u00e0 Fam\u00e1, jouant donc le r\u00f4le de celui qui l\u2019encourage \u00e0 travailler. La clarinette, le piano et les violons semblent aussi se lancer dans la discussion pour finalement \u00ab\u2009parler\u2009\u00bb en m\u00eame temps, comme le fait le ch\u0153ur dans la version de Biagi.<\/p>\n\n\n\n<\/audio>Deja el mundo como est\u00e1 1941-01-21 – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\nC\u2019est le tempo le plus lent des trois versions, avec environ 135 BPM sur la partie instrumentale et 133 sur la partie chant\u00e9e. Les mont\u00e9es chromatiques sont pr\u00e9sentes, mais moins marqu\u00e9es que chez Biagi.<\/p>\n\n\n\n
La fin du Monde<\/h2>\n\n\n\n Pardonnez ce titre racoleur. Je veux juste vous parler de comment se terminent ces titres et comment els agencer dans une tanda. La terminaison des trois versions. On a vu que dans la version de Biagi, il y a une acc\u00e9l\u00e9ration simul\u00e9e avec en apoth\u00e9ose la reprise finale du couplet par le ch\u0153ur. L\u2019intensit\u00e9 est donc maximale \u00e0 la fin. Dans la version de Canaro, le m\u00e9lange des voix des instruments \u00e0 la fin sugg\u00e8re \u00e9galement un apog\u00e9e, un paroxysme. Pour Donato, en revanche, rien de tel. Il y a juste la ligne m\u00e9lodique du violon qui devient plus expressive et pr\u00e9sente, mais d\u2019impression d\u2019explosion finale, contrairement aux deux autres versions. Cette caract\u00e9ristique, avec le fait qu\u2019elle est d\u2019un tempo plus lent, me pousserait \u00e0 ne pas terminer une tanda avec ce titre, mais plut\u00f4t de le mettre en d\u00e9but de tanda. Les versions de Canaro et Biagi, avec leur apoth\u00e9ose finale, font en revanche de bons morceaux de fin de tanda. Bien s\u00fbr, ce qui compte est \u00e9galement ce qu\u2019on met avant dans le cas de Biagi et Canaro et apr\u00e8s dans celui de Donato. Par exemple, in on termine une tanda de Donato par ce titre, cela veut dire que les pr\u00e9c\u00e9dents sont sans doute moins dynamiques. La tanda sera donc plut\u00f4t calme, voire peut-\u00eatre un peu plate, mais cela peut convenir, par exemple apr\u00e8s des milongas, pour que les danseurs reprennent leur respiration. Comme toujours en la mati\u00e8re, il n\u2019y a pas de r\u00e8gle qui r\u00e9siste \u00e0 l\u2019observation de la milonga. C\u2019est l\u2019ambiance du moment qui d\u00e9cide.<\/p>\n\n\n\nCe titre me fait penser \u00e0 la chanson de Ralph Zachary Richard reprise notamment par Julien Clerc et Alpha Blondy<\/figcaption><\/figure>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"Le tango du jour, Deja el mundo como est\u00e1, (Laisse le monde comme il est) a \u00e9t\u00e9 enregistr\u00e9 par Biagi avec la voix d\u2019Andr\u00e9s Falg\u00e1s il y a exactement 84\u00a0ans. Il faut s\u2019int\u00e9resser aux paroles, relativement originales, pour comprendre pourquoi ne pas changer le Monde, n\u2019oublions pas que si l\u2019Argentine fut \u00e9pargn\u00e9e par la seconde guerre mondiale, tout n\u2019y \u00e9tait pas rose en 1940.<\/p>\n