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Zorro gris 1946-03-22 — Orquesta Enrique Rodríguez

Rafael Tuegols Letra Francisco García Jiménez

Cette version de Zorro gris a Ă©tĂ© enregistrĂ©e le 22 mars 1946 par Enrique Rodriguez, il y a exactement 78 ans. Sa musique attrayante cache une histoire qui comporte deux tragĂ©dies. Menons l’enquĂȘte.

Zorro en espagnol, c’est le renard.

Zorro gris, c’est donc le renard gris. Le tango enregistrĂ© par Rodriguez est une version instrumentale. La musique est plutĂŽt allĂšgre, il est donc facile d’imaginer un petit renard qui gambade. La musique explore des directions opposĂ©es. Les instruments qui se rĂ©pondent permettent d’imaginer un renard furetant, d’un cĂŽtĂ© Ă  l’autre.

En lunfardo, un renard…

En lunfardo, le renard peut désigner les maniÚres de certains, mais ce sont aussi les agents de la circulation, dénommés ainsi à cause de la couleur grise de leur tenue.

Extrait musical

Voyons si l’écoute du tango du jour nous aide Ă  en savoir plus.

Zorro gris 1946-03-22 — Orquesta Enrique Rodríguez. C’est notre tango du jour.

Rodriguez fait une version Ă©quilibrĂ©e dĂ©barrassĂ©e de la pesanteur du canyengue, mĂȘme si la version est relativement lente, les diffĂ©rents instruments s’entremĂȘlent sans nuire Ă  la ligne mĂ©lodique, c’est Ă  mon avis une des versions les plus intĂ©ressantes, bien qu’elle soit rarement proposĂ©e en milonga par les collĂšgues.

Les paroles

Avec les paroles, tout s’éclaire et probablement que vos hypothĂšses vont ĂȘtre contredites.
Cependant, la musique a Ă©tĂ© Ă©crite avant 1920 et les paroles en 1921, il se peut donc qu’une fois de plus, elles aient Ă©tĂ© plaquĂ©es sans vĂ©ritable cohĂ©rence. Francisco GarcĂ­a JimĂ©nez n’a Ă©crit les paroles que de trois des compositions de Rafael Tuegols, Zorro gris (1920-21), Lo que fuiste (1923) et PrĂ­ncipe (1924). Ce n’est donc pas une association rĂ©guliĂšre, Rafael Tuegols ayant composĂ© au moins 55 tangos dont on dispose d’un enregistrement (sans doute beaucoup plus).

Cuantas noches fatĂ­dicas de vicio
tus ilusiones dulces de mujer,
como las rosas de una loca orgĂ­a
les deshojaste en el cabaret.
Y tras la farsa del amor mentido
al alejarte del Armenonville,
era el intenso frĂ­o de tu alma
lo que abrigabas con tu zorro gris.

Al fingir carcajadas de gozo
ante el oro fugaz del champĂĄn,
reprimĂ­as adentro del pecho
un deseo tenaz de llorar.
Y al pensar, entre un beso y un tango,
en tu humilde pasado feliz,
ocultabas las lĂĄgrimas santas
en los pliegues de tu zorro gris.

Por eso toda tu angustiosa historia
en esa prenda gravitando estĂĄ.
Ella guardĂł tus lĂĄgrimas sagradas,
ella abrigĂł tu frĂ­o espiritual.
Y cuando llegue en un cercano dĂ­a
a tus dolores el ansiado fin,
todo el secreto de tu vida triste
se quedarĂĄ dentro del zorro gris.

Rafael Tuegols Letra : Francisco García Jiménez

Gardel change deux fois, au début et à la fin, le couplet en gras.

Traduction libre et explications

Combien de nuits fatidiques de vices, tes douces illusions de femme, comme les roses d’une folle orgie, les as-tu effeuillĂ©es au cabaret.

Et aprĂšs la farce de l’amour menteur en t’éloignant de l’Armenonville, c’était le froid intense de ton Ăąme que tu abritais avec ton renard gris.

En feignant des Ă©clats de rire de joie devant l’or fugitif du champagne, tu as rĂ©primĂ© dans ta poitrine un dĂ©sir tenace de pleurer. Et quand tu pensais, entre un baiser et un tango, Ă  ton humble passĂ© heureux, tu cachais les saintes larmes dans les replis de ton renard gris.

C’est pourquoi toute ton histoire angoissante gravite autour de ce vĂȘtement. Il a gardĂ© tes larmes sacrĂ©es, il a abritĂ© ton froid spirituel. Et quand viendra, un jour prochain, la fin dĂ©sirĂ©e de tes douleurs, tout le secret de ta triste vie restera au cƓur du renard gris.

Le Renard gris d’Argentine (Lycalopex griseus) est un petit canidĂ© d’AmĂ©rique du Sud. Le voici en manteau et quand ce n’est pas un manteau.

Je vous avais annoncĂ© deux tragĂ©dies dans ce tango, la premiĂšre est pour les renards gris qui terminent en manteaux, mais il en reste une seconde, que je vais prĂ©ciser au sujet de l’Armenonville qui est citĂ© dans les paroles.

L’Armenonville

Si on regarde WikipĂ©dia et la plupart des sites de tango, l’Armenonville est dĂ©crit comme un restaurant chic. La rĂ©alitĂ© Ă©tait un peu diffĂ©rente, d’autant plus que beaucoup d’auteurs confondent les deux Armenonville qui se sont succĂ©dĂ©s. J’en parlerai sans doute plus en dĂ©tail le 6 dĂ©cembre, Ă  l’occasion de l’anniversaire de l’enregistrement du tango Armenonville par son auteur, Juan FĂ©lix Maglio « Pacho » avec des paroles de JosĂ© FernĂĄndez.

L’Armenonville 1, celui qui fut dĂ©truit en 1925 et qui Ă©tait donc celui Ă©voquĂ© dans Zorro gris et dans le tango du mĂȘme nom dont la couverture de la partition reprĂ©sente l’entrĂ©e de l’établissement qui avait un parc

À l’époque sĂ©vissaient la traite des blanches, de façon un peu artisanale comme le racontent certains tangos comme Madame Ivonne, mais aussi de façon plus organisĂ©e, notamment avec deux grandes filiĂšres, la Varsovia (qui fut nommĂ©e par la suite Zwi Migdal) et le rĂ©seau marseillais. La population de Buenos Aires et de ses environs Ă©tait alors relativement Ă©quilibrĂ©e pour les autochtones, mais dĂ©sĂ©quilibrĂ©e pour les Ă©trangers fraĂźchement immigrĂ©s. Jusqu’à la fin des annĂ©es 1930 oĂč l’équilibre s’est Ă  peu prĂšs fait, il y a eu jusqu’à quatre fois plus d’hommes que de femmes. Je reviendrai sans doute plus en dĂ©tail sur cette question, car ce dĂ©sĂ©quilibre est une des sources du tango.
Pour revenir Ă  l’Armenonville, son nom et sa structure sont inspirĂ©s du bĂątiment du mĂȘme nom situĂ© dans le Bois de Boulogne Ă  Paris, bien qu’on le dĂ©crive parfois comme un chalet de style anglais. Il sera dĂ©truit en 1925 et un autre Ă©tablissement du mĂȘme nom (qui changera de nom pour Les Ambassadeurs, autre rĂ©fĂ©rence Ă  la France) s’ouvrira avec des proportions bien plus grandes, nous en reparlerons au sujet du tango qui l’a pris pour titre.
Pour ceux qui pourraient s’étonner qu’un Ă©tablissement de Buenos Aires prenne un nom français, je rappellerai que la France Ă  la fin du XIXe siĂšcle Ă©tait le troisiĂšme pays en nombre d’immigrĂ©s, un peu derriĂšre l’Espagne et l’Italie. Ce n’est que vers 1914 que l’immigration française a cessĂ© d’ĂȘtre importante, mĂȘme si son influence est restĂ©e notable jusqu’en 1939 et bien au-delĂ  dans le domaine du tango.

Le zorro gris, la seconde tragédie promise

L’Armenonville Ă©tait un Ă©tablissement de luxe, mais il avait des activitĂ©s secondaires pour cette clientĂšle huppĂ©e. La possesseuse du manteau en Renard gris masquait sa tristesse dans les plis de son vĂȘtement. Sa dĂ©tresse s’exprimait lorsqu’elle quittait l’établissement. Si elle avait Ă©tĂ© une cliente fortunĂ©e allant danser et boire du champagne, on n’en aurait sans doute pas fait un tango. Elle Ă©tait donc honteuse de ce qu’elle devait faire, c’est la seconde tragĂ©die que partage avec elle son manteau de renard.

Autres versions

Zorro gris a donnĂ© lieu Ă  d’innombrables versions. Je vous en propose ici quelques-unes.

Zorro gris 1920 — Orquesta Roberto Firpo.

Un enregistrement acoustique et de faible qualité sonore, mais le témoignage le plus ancien de ce tango.

Zorro gris 1921 — Carlos Gardel accompagnĂ© Ă  la guitare par Guillermo Barbieri et JosĂ© Ricardo.

LĂ  encore la prestation souffre de la piĂštre qualitĂ© de l’enregistrement acoustique, mais c’est le plus ancien enregistrement avec les paroles de JimĂ©nez. Gardel chante deux fois le premier couplet (en gras dans les paroles ci-dessus).

Zorro gris 1927-07-16 — Orquesta Francisco Lomuto.

Un enregistrement agréable, avec les appuis du canyengue atténués par une orchestration plus douce et des fioritures. Il y a également des nuances et les réponses entre instruments sont contrastées.

Zorro gris 1938-04-21 — Quinteto Don Pancho dirigĂ© par Francisco Canaro.

Version tonique, sans doute un peu rĂ©pĂ©titive, mais rien d’excessif pour un titre de la Vieja Guardia. Son esprit est trĂšs diffĂ©rent de la version de 1927. À mon avis, ce n’est pas la version la plus agrĂ©able Ă  danser, trop anecdotique, mĂȘme si elle reste passable elle ne sera pas mon premier choix si je dois passer ce titre.

Zorro gris 1941-07-28 — Orquesta Francisco Lomuto.

Une version enjouĂ©e avec un tempo trĂšs rapide, sans doute un peu trop rapide, car cela brouille le dialogue entre les instruments qui est un des Ă©lĂ©ments intĂ©ressants de la structure de ce tango, mieux mis en valeur dans la version de 1927. Certains passages sont mĂȘme franchement prĂ©cipitĂ©s.

Zorro gris 1946-03-22 — Orquesta Enrique Rodríguez.

C’est notre tango du jour. Rodriguez fait une version Ă©quilibrĂ©e dĂ©barrassĂ©e de la pesanteur du canyengue, mĂȘme si la version est relativement lente, les diffĂ©rents instruments s’entremĂȘlent sans nuire Ă  la ligne mĂ©lodique, c’est Ă  mon avis une des versions les plus intĂ©ressantes, bien qu’elle soit rarement proposĂ©e en milonga par les collĂšgues.

Zorro gris 1952-07-01 — Orquesta Alfredo De Angelis con Oscar Larroca..

J’adore la voix de Larroca, mais le rythme un peu rapide me semble moins agrĂ©able que d’autres interprĂ©tations de ce chanteur.

Zorro gris 1954-04-28 — Orquesta Donato Racciatti con Carlos Roldán.

Ce titre a eu aussi son succĂšs en Uruguay (Canaro est origine d’Uruguay), mais avec Racciatti, on est encore plus au cƓur de l’Uruguay. RoldĂĄn propose ici une des rares versions chantĂ©es et elle est relativement intĂ©ressante et rarement jouĂ©e.

Zorro gris 1957-01-31 — Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro.

Une version bien dans l’esprit de ce quintette avec Luis Riccardi (Ă  moins que ce soit Mariano Mores), le pianiste en forme et un solo de flĂ»te de Juvencio FĂ­sica trĂšs sympathique.

Zorro gris 1973-12-14 — Orquesta Juan D’Arienzo.

Un des derniers enregistrements de D’Arienzo, comme la plupart de ceux de cette Ă©poque, trĂšs flatteur pour le concert, mais sans doute un peu trop grandiloquent et anarchique pour la danse de qualitĂ©. Cependant, cet enregistrement pourra avoir son succĂšs dans certaines milongas.

Zorro gris 1985 — Miguel Villasboas y su Orquesta Típica.

Encore un enregistrement uruguayen dans le style bien reconnaissable de Villasboas, mais sans l’accentuation du style canyengue qui est souvent sa marque. Cet enregistrement nous propose un tango assez joueur, mĂȘme si on peut le trouver un peu rĂ©pĂ©titif.

Zorro gris 2009 — La Tuba Tango.

On revient canyengue du dĂ©but, mais de façon lĂ©gĂšre et en retrouvant les fantaisies qui avaient fait le charme de la version de 1927 par Lomuto. Cette version fait complĂštement les tragĂ©dies de ce tango et peut donc ĂȘtre la source de pensĂ©es joyeuses qui se dansent.

Zorro gris.

Olvidao 1932-03-21 — Orquesta Francisco Canaro

Guillermo Barbieri Letra Enrique CadĂ­camo

Olvidao, le titre du tango du jour peut paraĂźtre Ă©tonnant Ă  premiĂšre vue, voire Ă  seconde vue. Je vais alors vous dĂ©voiler ses secrets. Olvidao a Ă©tĂ© enregistrĂ© par Canaro il y a exactement 92 ans.

Le parlé lunfardo

Olvidao est la forme « contractĂ©e » d’olvidado. Dans la prononciation faubourienne des premiers temps du tango, les chanteurs outre l’emploi du lunfardo chantaient avec ce type de prononciation dĂ©formĂ©e.

 Un des plus forts exemples de ce type est celui que j’ai Ă©voquĂ© dans l’article sur Lo de Laura en citant la retranscription de l’ethnologue Eduardo Barberis reproduisant le texte d’un tango « La Pishuca — El baile en lo de Tranqueli).

Les tangos ayant souvent Ă©tĂ© chantĂ©s d’une façon plus Ă©lĂ©gante par la suite, en gĂ©nĂ©ral, je transcris les paroles en bon espagnol, donc sans les flexions dĂ©fectueuses.
LĂ , le titre Ă©tant figĂ© en olvidao, je le laisse ainsi, mais il faut bien sĂ»r comprendre « olvidado » (oubliĂ©).

Extrait musical

Olvidao 1932-03-21 — Orquesta Francisco Canaro. Tango instrumental. Le drame de l’histoire n’est pas sensible. C’est un bon tango de danse pour une tanda de la vieille garde.

Les paroles

Il s’agit d’une versiĂłn instrumentale qui ne laisse pas deviner la tragĂ©die sous-jacente. Cependant, les paroles expliquent le titre du tango. Voici la version originale, celle Ă©crite par CadicamĂł.

PARTE I
Lo mataron al pobre Contreras,
Recién los casaban!
 Si es para no creer!
Un luz mala, saltĂł la tranquera
Y vino a buscarle su propia mujer

Fue en el patio e’ la estancia «La Hazaña»
La fiesta e’ los novios era un explendor, (esplendor)

Mas de pronto dos dagas hicieron
De aquella alegría un cuadro e’ dolor

RECITADO
MatĂł al despechado
y herido de muerte,
el recién casado,
En sangre bañado,
HablĂł de esta suerte
PARTE II
No es nada mi gaucha

No te asustés, vida

A los dos, peliando,
Se nos fué el facón

Me viene golpeando
Un vientito helado
Aqui
 de este lado
En el corazón

Llevame unas flores,
Anda a visitarme,
La tierra es muy frĂ­a
Pa estar olvidao

Adiosioto gaucha
Te estaré esperando!

Me voy apagando
De puro finao!


PARTE I (BIS)
Al principio fué pura promesa
La viuda lloraba sin dunda demás

Mas después se le jué (fue) la tristeza.
Y a su pobre gaucho no lo jué (fue) a ver mås,.
Con razón que en la noches e’ tormenta
Se siente patente la voz del finao (finado)
Que la llama diciendo: “Lucinda !”
‘Estoy muy solito’
 ‘LlĂ©gate a mi lao (lado)’


Guillermo Barbieri Letra Enrique CadĂ­camo

En rouge, ce qui est chanté par Charlo dans la premiÚre version enregistrée.

Traduction libre et explications

PREMIÈRE PARTIE
Ils ont tué le pauvre Contreras,
Ils venaient de le marier, et c’est incroyable, un gars (luz en lunfardo peut ĂȘtre un homme rapide) malĂ©fique sauta le portillon, et vint le dĂ©rober Ă  sa propre femme.
C’était dans la cour du ranch « La Hazaña ».
La fĂȘte oĂč Ă©taient les mariĂ©s Ă©tait une splendeur,
Mais tout à coup deux poignards firent de cette joie une image d’horreur.
REFRAIN
Il tua le vaurien
Et mortellement blessé, le jeune marié baignant dans le sang parla de cette chance.
SECONDE PARTIE
Ce n’est rien ma gaucha, ne t’inquiùte pas ma vie,
En nous battant contre les deux, nous avons perdu le poignard
Il me vient en frappant, un petit vent glacial, ici, de ce cĂŽtĂ©, dans le cƓur.
Apporte-moi des fleurs, viens me rendre visite, la terre est trop froide pour ĂȘtre oubliĂ©.
Adieux ma gaucha, je t’attendrai, je m’éteins, pur dĂ©funt.
PREMIÈRE PARTIE (BIS)
Au dĂ©but, c’était une promesse pure
La veuve pleura sans doute de trop

Mais ensuite, la tristesse se fut
Et elle n’alla plus voir son pauvre gaucho.
C’est pour cela que dans les nuits d’orage,
on entend clairement la voix du dĂ©funt, qui l’appelle en disant : « Lucinda, je suis trĂšs seul, viens Ă  mon cĂŽté » 
Je pense maintenant que vous savez pourquoi ce tango s’appelle Olvidao (Olvidado), c’est Ă  dire oubliĂ©).

La partition

Autres versions

Olvidao 1932-03-18 — Orquesta Adolfo Carabelli con Charlo.

Trois jours avant l’enregistrement par Canaro. Beaucoup de diffĂ©rences dans le style. La musique est plus lĂ©gĂšre, je trouve plus Ă©lĂ©gante. Charlo chante un couplet (en rouge dans les paroles, ci-dessus). MĂȘme si ce passage parle de la mort, le tango reste tout Ă  fait dans l’élĂ©gance de la danse et son final enjouĂ© (la veuve joyeuse, sans doute), fait que l’on termine la danse dans de bonnes conditions.

Olvidao 1932-03-21 — Orquesta Francisco Canaro. Tango instrumental.

Le drame de l’histoire n’est pas sensible. C’est un bon tango de danse pour une tanda de la vieille garde.
Charlo dans le film Puerto nuevo de Mario Soffici y Luis Cesar Amador en 1935 ou 1936.

Olvidao 1941-07-29 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Reynal.

Reynal chante presque toutes les paroles avec quelques variantes de dĂ©tail qui ne changent pas le sens de l’histoire. L’énergie de D’Arienzo fait oublier le tragique de l’histoire. N’oublions pas qu’un grand nombre de danseurs hispanophones ne tiennent pas compte des paroles quand ils dansent. La lecture des textes de tango peut gĂ©nĂ©rer des pensĂ©es tristes, mais pas pour la danse quand c’est D’Arienzo qui mĂšne la danse.

Olvidao 1952 — Edmundo Rivero con guitarras.

Avec Rivero, une version chanson qui bĂ©nĂ©ficie de l’expressivitĂ© de Rivero qui rend le tragique de l’histoire.

Olvidao 1953-02-03 — Julio Sosa con la Orquesta Francini-Pontier. Une autre version chanson par el Varon del tango.
Olvidao 1953-08-05 — Juan Carlos Cobos Con la Orquesta Osvaldo Pugliese. Pour terminer, cette autre version en chanson que certains pourraient rĂ©clamer de danser. Pffff, Ă©coutez-lĂ , mais ne dansez pas SVP.

Adios Argentina 1930-03-20 — Orquesta Típica Victor

Gerardo Hernån Matos Rodríguez Letra: Fernando Silva Valdés

Je suis dans l’avion qui m’éloigne de mon Argentine pour l’Europe. La coĂŻncidence de date fait que je me devais le choisir comme tango du jour. Il y a un siĂšcle, les musiciens, danseurs et chanteurs argentins s’ouvrirent, notamment Ă  Paris, les portes du succĂšs. Un dĂ©tail amusant, les auteurs de ce titre sont Uruguayens, Gerardo HernĂĄn Matos RodrĂ­guez, l’auteur de la Comparsita et Fernando Silva ValdĂšs


Ce titre peut ouvrir la piste Ă  de trĂšs nombreux sujets. Pas question de les traiter tous. Je liquide rapidement celui de l’histoire contĂ©e dans ce tango, d’autant plus que cette version est instrumentale. C’est un gars de la campagne qui s’est fait voler sa belle par un sale type et qui a donc dĂ©cidĂ© de se faire la belle (s’en aller) en quittant l’Argentine. « Adios Argentina ».
Il se peut qu’il se retourne en Uruguay, ce qui serait logique quand on connaĂźt la nostalgie des originaires de la Province de l’Est (voir par exemple, Felicia Ă©crit par Carlos Mauricio Pacheco).
Dans le cas prĂ©sent, j’ai prĂ©fĂ©rĂ© imaginer qu’il va en Europe. Il dit dans la chanson qu’il cherche d’autres terres, et un autre soleil, ce n’est donc sans doute pas le Sol de Mayo qui est commun, quoique d’aspect diffĂ©rent sur les deux drapeaux.

Les voyages transatlantiques des musiciens de tango

Le dĂ©but du vingtiĂšme siĂšcle jusqu’en 1939 a vu de nombreux musiciens et chanteurs argentins venir tenter leur chance en Europe.
Parmi eux, en vrac :
Alfredo Eusebio Gobbi et sa femme Flora Rodriguez, Angel Vidollo, Eduardo Arolas, Enrique Saborido, Eduardo Bianco, Juan Bautista Deambroggio (Bachicha) et son fils Tito, les frÚres Canaro, Carlos Gardel, Vicente Loduca, Manuel Pizarro, José Ricardo, José Razzano, Mario Melfi, Víctor Lomuto, Genaro Espósito, Celestino Ferrer, Eduardo Monelos, Horacio Pettorossi

La liste est interminable, je vous en fais grĂące, mais nous en parlerons tout au long des anecdotes de tango. Sachez seulement que selon l’excellent site « La Bible tango Â», 345 orchestres ont Ă©tĂ© rĂ©pertoriĂ©s, chaque orchestre comptant plusieurs musiciens. MĂȘme si tous n’étaient pas Argentins ou Uruguayens de naissance, ils ont donnĂ© dans la mode « Tango Â». Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l’excellent site de Dominique Lescarret (dit el Ingeniero « Une histoire du tango Â»)

Vous remarquerez que l’orchestre de Bianco et Bachita est vĂȘtu en costume de Gaucho et qu’ils portent la fameuse bombacha, bombacha offerte par la France Ă  l’Argentine… En effet, le syndicat des musiciens français obligeait les artistes Ă©trangers porter un costume traditionnel de leur pays pour se distinguer des artistes autochtones.

Histoire de bombachas

On connaĂźt tous la tenue traditionnelle des gauchos, avec la culotte ample, nommĂ©e bombacha.  Ce vĂȘtement est particuliĂšrement pratique pour travailler, car il laisse de la libertĂ© de mouvement, mĂȘme s’il est rĂ©alisĂ© avec une Ă©toffe qui n’est pas Ă©lastique.
Cependant, ce qui est peut-ĂȘtre moins connu c’est que l’origine de ce vĂȘtement est probablement française, du moins indirectement.
En France mĂ©tropolitaine, se portaient, dans certaines rĂ©gions comme la Bretagne, des braies trĂšs larges (bragou-braz en breton).Dans les pays du sud et de l’est de la MĂ©diterranĂ©e, ce pantalon Ă©tait aussi trĂšs utilisĂ©. Par exemple par les janissaires turcs, ou les zouaves de l’armĂ©e française d’AlgĂ©rie.

La dĂ©sastreuse Guerre de CrimĂ©e en provoquant la mort de 800 000 soldats a Ă©galement libĂ©rĂ© des stocks importants d’uniformes. Qu’il s’agisse d’uniformes de zouaves (armĂ©e de la France d’AlgĂ©rie dont quatre rĂ©giments furent envoyĂ©s en CrimĂ©e) ou de Turcs qui Ă©taient alliĂ©s de la France dans l’affaire.

NapolĂ©on III s’est alors retrouvĂ© Ă  la tĂȘte d’un stock de prĂšs de 100 000 uniformes comportant des « babuchas », ce pantalon ample. Il dĂ©cida de les offrir Ă  Urquiza, alors prĂ©sident de la fĂ©dĂ©ration argentine. Les Argentins ont alors adoptĂ© les babuchas qu’ils rĂ©formeront en bombachas.
En guise de conclusion et pour ĂȘtre complet, signalons que certaines personnes disent que le pantalon albicĂ©leste d’ObĂ©lix, ce fameux personnage RenĂ© Goscinny et Albert Uderzo est en fait une bombacha et que c’est donc une influence argentine. Goscinny a effectivement vĂ©cu dans son enfance et son adolescence en Argentine de 1927 (Ă  1 an) Ă  1945. Il a donc certainement croisĂ© des bombachas, mĂȘme s’il a Ă©tudiĂ© au lycĂ©e français de Buenos Aires. Ce qui est encore plus certain, c’est qu’il a connu les bandes alternĂ©es de bleu ciel et de blanc que les Argentins utilisent partout de leur drapeau Ă  son Ă©quipe nationale de foot.

Il se peut donc que Goscinny ait influencĂ© Uderzo sur le choix des couleurs du pantalon d’ObĂ©lix. En revanche pour moi, la forme ample est plus causĂ©e par les formes d’ObĂ©lix que par la volontĂ© de lui faire porter un costume traditionnel, qu’il soit argentin ou breton
 Et si vraiment on devait retenir le fait que son pantalon est une bombacha, alors, il serait plus logique de considĂ©rer que c’est un bragou-braz, par Toutatis, d’autant plus que les Gaulois portaient des pantalons amples (braies) serrĂ©s Ă  la cheville


Extrait musical

AdiĂłs Argentina 1930-03-20 – Orquesta TĂ­pica Victor.

Les paroles

Tierra generosa,
en mi despedida
te dejo la vida
temblando en mi adiĂłs.
Me voy para siempre
como un emigrante
buscando otras tierras,
buscando otro sol.
Es hondo y es triste
y es cosa que mata
dejar en la planta
marchita la flor.
Pamperos sucios
ajaron mi china,
adiĂłs, Argentina,
te dejo mi amor.

Mi alma
prendida estaba a la de ella
por lazos
que mi cariño puro trenzó,
y el gaucho,
que es varĂłn y es altanero,
de un tirĂłn los reventĂł.
¿Para qué quiero una flor
que en manos de otro hombre
su perfume ya dejĂł?

Llevo la guitarra
hembra como ella;
como ella tiene
cintas de color,
y al pasar mis manos
rozando sus curvas
cerraré los ojos
pensando en mi amor.
AdiĂłs, viejo rancho,
que nos cobijaste
cuando por las tardes
a verla iba yo.
Ya nada queda
de tanta alegrĂ­a.
AdiĂłs Argentina,
vencido me voy.

Gerardo Hernån Matos Rodríguez Letra: Fernando Silva Valdés

Traduction libre

Terre gĂ©nĂ©reuse, dans mes adieux je te laisse la vie tremblante dans mes adieux. Je pars pour toujours comme un Ă©migrĂ© Ă  la recherche d’autres terres, Ă  la recherche d’un autre soleil. C’est profond et c’est triste et c’est une chose qui tue que de laisser la fleur sur la plante fanĂ©e. Les sales pamperos ont sali ma chĂ©rie, au revoir, Argentine, je te laisse mon amour.
Mon Ăąme Ă©tait attachĂ©e Ă  la sienne par des liens que ma pure affection tressait, et le gaucho, qui est homme et hautain, les brisa d’un seul coup. Pourquoi voudrais-je d’une fleur qui a dĂ©jĂ  laissĂ© son parfum dans les mains d’un autre homme ?
J’emporte ma guitare, femme comme elle, comme elle, elle a des rubans colorĂ©s, et quand mes mains frĂŽleront ses courbes, je fermerai les yeux en pensant Ă  mon amour. Adieu, vieux ranch, tu nous abritais quand j’allais la voir le soir. Il ne reste rien de tant de joie. Adieu Argentine, vaincu, je pars.

J’ai laissĂ© le terme « Pamperos Â» dans sa forme originale, car il peut y avoir diffĂ©rents sens. Ici, on peut penser qu’il s’agit des hommes de la pampa, vu ce qu’ils ont fait Ă  sa china (chĂ©rie) voir l’article sur Por vos yo me rompo todo.
Le Pampero est aussi un vent violent et froid venant du Sud-ouest. Un vent qui pourrait faire du mal Ă  une fleur. Dans un autre tango, Pampero de 1935 composĂ© par Osvaldo Fresedo avec des paroles d’Edmundo Bianchi ; le Pampero (le vent) donne des gifles aux gauchos.

ÂĄPampero!
ÂĄViento macho y altanero
que le enseñaste al gaucho
golpeĂĄndole en la cara
a levantarse el ala del sombrero!

Pampero 1935-02-15 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray (Osvaldo Fresedo Letra: Edmundo Bianchi)

Pampero, vent macho et hautain qui a appris au gaucho en le giflant Ă  la face Ă  lever les ailes de son chapeau (Ă  saluer).

Le terme de Pampero Ă©tait donc dans l’air du temps et je trouve que l’hypothĂšse d’un quelconque malotru de la Pampa fait un bon candidat, en tout cas meilleur que le compagnon de PatoruzĂș, le petit Tehuelche de la BD de Dante Quinterno (1928), puisque ce cheval fougueux n’a rejoint son compagnon qu’en 1936, 8 ans aprĂšs la crĂ©ation de la BD et donc trop tard pour ce tango. Mais de toute façon, je n’y croyais pas.

Autres versions

D’autre versions, notamment chantĂ©es, pour vous permettre d’écouter les paroles.
Les artistes qui ont enregistrĂ© ce titre dans les annĂ©es 1930 Ă©taient tous familiers de la France. C’est dans ce pays que le tango s’est achetĂ© une « conduite Â» et qu’il s’est ainsi ouvert les portes de la meilleure sociĂ©tĂ© argentine, puis d’une importante partie de sa communautĂ© de danseurs, de la fin des annĂ©es 30 jusqu’au milieu des annĂ©es 50 du XXe siĂšcle.

AdiĂłs Argentina 1930-03-20 – Orquesta TĂ­pica Victor.
AdiĂłs Argentina 1930 – Alina De Silva accompagnĂ©e par l’Orchestre argentin El Morito. Voir ci-dessous un texte trĂšs Ă©logieux sur cette artiste paru dans une revue de l’époque.
AdiĂłs Argentina 1930-07-18 – Alberto Vila con conjunto
AdiĂłs Argentina 1930-12-03 – Ada FalcĂłn con acomp. de Francisco Canaro
AdiĂłs Argentina 1930-12-10 – Orquesta Francisco Canaro. Une semaine aprĂšs l’enregistrement du titre avec Ada FalcĂłn, Francisco Canaro enregistre une version instrumentale.
AdiĂłs Argentina 1930-12-10 – Orquesta Francisco Canaro. Il s’agit du mĂȘme disque que le prĂ©cĂ©dent, mais lu sur un gramophone de 1920. C’est en gros le son qu’avaient les utilisateurs de l’époque
 La comparaison est moins nette car pour ĂȘtre mis en place sur ce site, les fichiers sont environ rĂ©duit Ă  40 % de leur taille, mais on entend tout de mĂȘme la diffĂ©rence.
AdiĂłs Argentina 2001-06 – Orquesta Matos RodrĂ­guez (Orquesta La Cumparsita). Une sympathique versiĂłn par cet orchestre Ă  la gloire du compositeur uruguyane, autour de la musique du tango du jour.

Le succùs d’une chanteuse Argentine en France, Alina de Silva

« Nous l’avons connue Ă  l’Empire il y a quelques mois.
Son tour de chant, immédiatement et justement remarqué, réunit les éloges unanimes de la critique.
Elle s’est imposĂ©e maintenant dans la plĂ©iade des grandes et pures artistes.
Chanteuse incomparable, elle est habitĂ©e d’une passion frĂ©missante, qu’elle sait courber Ă  sa fantaisie en ondes douces et poignantes Ă  la fois.
Sur elle, notre confrĂšre Louis-LĂ©on Martin a Ă©crit, ce nous semble, des phrases dĂ©finitives :
“Alina de Silva chante et avec quel art. Elle demeure immobile et l’émotion naĂźt des seules indexions de son visage et des modulations de sa voix. Elle possĂšde cette vertu extraordinaire de paraĂźtre toute proche, comme penchĂ©e vers nous. J’ai dit sa voix calme et volontaire, soumise et impĂ©rieuse, capiteuse, passionnĂ©e, mais jamais je ne I’avais entendue s’éteindre — mais oui, tous les sens ont ici leur part — en de belles pĂąmoisons. Alina de Silva joue de sa voix comme les danseuses, ses compatriotes, de leurs reins Ă©mouvants et flexibles. Elle subjugue
”
Deux ans ont suffi Ă  Mlle Alina de Silva pour conquĂ©rir ce Paris qu’elle adore el qui le lui rend bien, depuis le jour oĂč elle pĂ©nĂ©tra dans la capitale.
La petite chanteuse argentine est devenue maintenant une » Ă©toile » digne de figurer Ă  cĂŽtĂ© des plus Ă©clatantes.
Il est des Ă©motions qui ne trompent pas. Celles que continue Ă  nous donner Alina de Silva accroissent notre certitude dans l’avenir radieux rĂ©servĂ© Ă  cette artiste de haute race. »
A. B.

A. B. ? La Rampe du premier décembre 1929

Et ce n’est qu’un des nombreux articles dithyrambiques qui saluent la folie du tango en France Ă  la belle Ă©poque des annĂ©es folles.

Ainsi s’achùve mon vol

Mon avion va bientĂŽt atterrir Ă  Madrid, c’est merveilleux de faire en si peu d’heures le long trajet qu’ont effectuĂ© en bateau tant de musiciens argentins pour venir semer le tango en Europe. Je vais essayer, lors de cette tournĂ©e europĂ©enne, de faire sentir l’ñme de notre tango Ă  tous les danseurs qui auront la gentillesse de danser sur mes propositions musicales.
À trĂšs bientĂŽt les amis !

Rosa de Fuego 1957-03-19 — Orquesta Edgardo Donato con Alberto Aguirre

Manuel JovĂ©s Letra : Antonio Viergol

Rosa de Fuego, la Rose de Feu, comme ils l’appellent. Quelle histoire se cache derriĂšre ce titre Ă©nigmatique ? Pour le dĂ©couvrir, Ă©coutons la musique de Manuel JovĂ©s et les paroles spectaculaires d’Antonio Viergol. La premiĂšre version enregistrĂ©e de ce tango a un siĂšcle, mais la version du jour a Ă©tĂ© ressuscitĂ©e il y a seulement 67 ans, jour pour jour.

Il est souvent conseillĂ© de dĂ©clarer sa flamme avec des fleurs, mais parfois, la rose la plus flamboyante peut ne pas suffire. Nous allons plonger dans une ambiance mystĂ©rieuse et avec une musique qui va sans doute en Ă©tonner plus d’un quand ils vont se rendre compte qu’il s’agit de Donato. Les plus Ă©tonnĂ©s seront sans doute ceux qui oublient que les grands orchestres ont Ă©tĂ© actifs pendant plusieurs dĂ©cennies et que donc, ils ont suivi les modes de l’époque.
Nous verrons Ă©galement trois autres versions. La plus ancienne, enregistrĂ©e il y a donc un siĂšcle par Juan Pulido. Les deux versions le plus rĂ©centes sont chantĂ©es par le mĂȘme chanteur, HĂ©ctor de Rosas, au nom prĂ©destinĂ© pour ce titre. Ses enregistrements sont distants de sept ans seulement, mais la plus grosse diffĂ©rence vient des orchestres de Roberto CalĂł et JosĂ© Basso qui abordent le thĂšme de façon trĂšs diffĂ©rente.
Mais pour l’instant, intĂ©ressons-nous Ă  notre tango du jour enregistrĂ© par Edgardo Donato et Alberto Aguirre, le 19 mars 1957.

Extrait musical

Rosa de fuego 1957-03-19 — Orquesta Edgardo Donato con Alberto Aguirre

Les paroles

Rosa de Fuego, los hombres la llamaban
Porque sus labios quemaban al besar,
Y eran sus ojos dos ascuas que abrasaban
Y era un peligro su amor ambicionar.
Cuantos lograron, por ella ser mirados
Y de sus labios bebieron el placer,
Todos quedaron como carbonizados
Entre los brazos de tan bella mujer


Rosa de Fuego, feliz vivĂ­a
Rosa de Fuego, se divertĂ­a,
Hasta tenĂ­a vanidad
De su diabólica maldad

Rosa de Fuego, los arruinaba
Rosa de Fuego, los calcinaba,
Y al ver sus víctimas caer

Se reía la mujer


Mas cierto dĂ­a, cruzĂłse en su camino
Un hombre frĂ­o, de hielo el corazĂłn,
Rosa de Fuego luchĂł contra su sino
E inĂștilmente jugĂł con su pasiĂłn.
El hombre aquel, de sangre de serpiente
De su mirada, el fuego resistiĂł,
Y de sus labios aquel beso candente
Se dominaba y esclava se encontró


Rosa de Fuego, ya no reĂ­a
Rosa de Fuego, se consumĂ­a,
Se le abrasaba el corazĂłn
En el volcĂĄn de su pasiĂłn.
Y el hombre frĂ­o, la despreciaba
Y el hombre frĂ­o, la maltrataba,
Rosa de Fuego aĂșn al morir

Lo sentía reír


Manuel JovĂ©s Letra : Antonio Viergol

Traduction libre

Rosa de Fuego (Rose de Feu) ainsi les hommes l’appelaient
Car ses lÚvres brûlaient quand elle embrassait,
Et ses yeux Ă©taient deux braises qui calcinaient
Et c’était un pĂ©ril de convoiter son amour.
Combien rĂ©ussirent Ă  ĂȘtre regardĂ©s par elle
Et qui de ses lĂšvres burent le plaisir,
Tous restÚrent carbonisés
Dans les bras d’une si belle femme


Rosa de Fuego vivait heureuse
Rosa de Fuego s’amusait,
Elle tirait mĂȘme de la vanitĂ©
De sa méchanceté diabolique

Rosa de Fuego les a détruits
Rosa de Fuego, elle les a brûlés,
Et à voir ses victimes tomber

La femme riait


Mais un jour, croisa son chemin
Un homme froid, au cƓur de glace.
Rosa de Fuego s’est battue contre son destin
Et joua en vain de sa passion.
Cet homme, au sang du serpent
RĂ©sistait Ă  son regard et Ă  son feu,
Et de ses lĂšvres au baiser incandescent
Fut dominĂ© et elle s’est retrouvĂ©e esclave


Rosa de Fuego désormais ne riait plus
Rosa de Fuego, se consumait,
Son cƓur brĂ»lait
Au volcan de sa passion.
Et l’homme froid la mĂ©prisait
Et l’homme froid la maltraitait,
Rosa de Fuego au moment de mourir

Le sentit rire


Autres versions

Rosa de fuego 1924 — Orquesta Juan Pulido. Columbia No.2186-X, Matrice 93859. Un enregistrement acoustique, mais de bonne qualitĂ©
Rosa de fuego 1957-03-19 — Orquesta Edgardo Donato con Alberto Aguirre
Rosa de fuego 1957-06-19 – Orquesta Roberto CalĂł con HĂ©ctor De Rosas

HĂ©ctor de Rosas enregistre de nouveau le titre, sept ans plus tard avec un autre orchestre pour une version bien diffĂ©rente.

Rosa de fuego 1964 — Orquesta JosĂ© Basso con HĂ©ctor de Rosas. HĂ©ctor de Rosas
J’ai peut-ĂȘtre un peu forcĂ© le trait, l’homme de glace jette vraiment un froid.

Madame Ivonne (Madame Yvonne) 1942-03-18 – Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Eduardo Pereyra Letra : Enrique Domingo Cadícamo

Madame Ivonne, est l’histoire d’une vie rĂ©sumĂ©e en trois minutes. Comme Mademoiselle Yvonne, des milliers de jeunes femmes ont vĂ©cu l’illusion de l’amour et ont rĂȘvĂ© de la Croix du Sud, Croix sur laquelle, nombre d’entre elles ont Ă©tĂ© clouĂ©es par la tristesse. Je vous invite Ă  dĂ©couvrir la version de Tanturi et Castillo, mais aussi d’autres versions pleines d’émotion. PrĂ©parez votre mouchoir.

Le phĂ©nomĂšne de la traite des blanches est aujourd’hui bien documentĂ©. Des Argentins peu scrupuleux sĂ©duisaient de belles Françaises et leur faisaient miroiter les charmes de l’Argentine, qui Ă  l’époque n’était un paradis que pour les plus riches.
Sur les ailes de l’amour, ou plus prosaĂŻquement sur des bateaux, comme le vapeur Don Pedro qui conduisit Charles Gardes et sa mĂšre Ă  Buenos Aires, les belles Ă©namourĂ©es effectuaient la traversĂ©e et on connaĂźt la suite de l’histoire, trĂšs peu vĂ©curent le rĂȘve, la majoritĂ© se retrouve dans les maisons comme Lo de Laura ou sont lavandiĂšres ou femmes de peine. Les paroles nous en apprendront plus sur la destinĂ©e de Mademoiselle Yvonne, devenue Madame Ivonne.

Extrait musical

Madame Ivonne 1942-03-18 — Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Mademoiselle Ivonne era una pebeta
que en el barrio posta del viejo Montmartre
con su pinta brava de alegre griseta,
animo las fiestas de Les Quatre Arts.

Era la papusa del Barrio Latino,
que supo a los puntos del verso inspirar,
pero fue que un dĂ­a llego un argentino
y a la francesita la hizo suspirar.

Madame Ivonne…
la Cruz del Sur fue como un sino
Madame Ivonne…
fue como el sino de tu suerte.

Alondra gris,
tu dolor me conmueve ;
tu pena es de nieve,
Madame Ivonne


Eduardo Pereyra Letra : Enrique Domingo Cadícamo

Madame Ivone, version de Julio Sosa

La version chantĂ©e par Julio Sosa est lĂ©gĂšrement diffĂ©rente, mais surtout plus complĂšte, il me semble donc intĂ©ressant d’avoir les complĂ©ments de l’histoire.
Julio Sosa commence par un rĂ©citatif qui place l’histoire, puis chante la totalitĂ© des couplets.
Ce qui est en gras est chantĂ©, le dĂ©but est seulement parlĂ© sur la musique. C’est une version qui donne la chair de poule. Je ne la proposerais pas Ă  la danse, mais quelle Ă©motion !

Madame Ivonne 1962-11-08 — Orquesta Leopoldo Federico con Julio Sosa

Ivonne
Yo te conocĂ­ allĂĄ en el viejo Montmartre
Cuando el cascabel de plata de tu risa
Era un refugio para nuestra bohemia
Y tu cansancio y tu anemia
No se dibujaban aĂșn detrĂĄs de tus ojeras violetas

Yo te conocĂ­ cuando el amor te iluminaba por dentro
Y te adore de lejos sin que lo supieras
Y sin pensar que confesĂĄndote este amor podĂ­a haberte salvado
Te conocĂ­ cuando era yo un estudiante de bolsillos flacos
Y el Paris nocturno de entonces
Lanzaba al espacio en una cascada de luces
El efĂ­mero reinado de tu nombre
Mademoiselle Ivonne

Mademoiselle Ivonne era una pebeta
Que en el barrio posta del viejo Montmartre
Con su pinta brava de alegre griseta
AlegrĂł la fiestas de aquel Boulevard
Era la papusa del barrio latino
Que supo a los puntos del verso inspirar
Hasta que un buen dĂ­a cayĂł un argentino
Y a la francesita la hizo suspirar

Madame Ivonne
La Cruz del Sur fue como un sino
Madame Ivonne
Fue como el sino de tu suerte
Alondra gris
Tu dolor me conmueve
Tu pena es de nieve

Madame Ivonne
Han pasado diez años que zarpó de Francia
Mademoiselle Ivonne hoy es solo Madame
La que al ver que todo quedĂł en la distancia
Con ojos muy tristes bebe su champĂĄn
Ya no es la papusa del barrio latino
Ya no es la mistonga florcita de lis
Ya nada le queda, ni aquel argentino
Que entre tango y mate la alzĂł de ParĂ­s

Madame Ivonne
La Cruz del Sur fue como un sino
Madame Ivonne
Fue como el sino de tu suerte
Alondra gris
Tu dolor me conmueve
Tu pena es de nieve

Madame Ivonne
Ya no es la papusa del barrio latino
Ya no es la mistonga florcita de lis
Ya nada le queda, ni aquel argentino
Que entre tango y mate la alzĂł de ParĂ­s

Eduardo Pereyra Letra : Enrique Domingo Cadícamo

Maintenant que vous connaissez parfaitement le thĂšme, je vous propose de voir Julio Sosa chanter le thĂšme. Les gloses initiales sont rĂ©duites et diffĂ©rentes. Comme elles n’apportent rien de plus Ă  ce que nous avons dĂ©jĂ  entendu, je vous propose de dĂ©marrer la vidĂ©o au dĂ©but de la chanson, mais si vous ĂȘtes curieux, vous pouvez voir la vidĂ©o depuis le dĂ©but.

Julio Sosa chante Madame Ivonne à la télévision.

Traduction libre et explication de texte


Comme d’habitude, je fais une traduction destinĂ©e principalement Ă  dĂ©celer les clefs secrĂštes, sans soucis de livrer une Ɠuvre poĂ©tique de la qualitĂ© de l’original.
Pour faciliter la lecture, j’indique en bleu les commentaires au milieu du texte.
Le début est récité sur la musique, mais pas chanté.

Yvonne (Yvonne en français, Ivonne en argentin. Le titre est connu sous les deux formes du prĂ©nom, mais il s’agit bien sĂ»r du mĂȘme). Je rĂ©serve Yvonne Ă  la partie française, quand elle est jeune et Ivonne Ă  la partie argentine.
Je t’ai rencontrĂ©e dans le vieux Montmartre, quand la cloche d’argent de ton rire Ă©tait un refuge pour notre bohĂšme. Ta fatigue et ton anĂ©mie n’étaient pas encore apparues derriĂšre tes cernes violets. (Premiers signes que tout ne va pas pour le mieux pour Ivonne).
Je t’ai connue quand l’amour t’illuminait de l’intĂ©rieur, et je t’adorais de loin, sans que tu le saches et sans penser qu’en te confessant cet amour, j’aurais pu te sauver. C’est la mĂȘme histoire que celle de Susu contĂ©e dans Bajo el cono azul.
Je t’ai rencontrĂ©e quand j’étais Ă©tudiant aux poches plates (fauchĂ©, sans le sou) et le Paris de la nuit de l’époque envoyait dans l’espace en une cascade de lumiĂšres le rĂšgne Ă©phĂ©mĂšre de ton prĂ©nom, Mademoiselle Ivonne

Commence ici la partie chantée.

Mademoiselle Yvonne était une poupée (pépÚte, jeune femme) qui, dans le quartier dit du vieux Montmartre (quartier populaire de Paris, accueillant de nombreux artistes), de son air courageux de grisette (couturiÚre, lavandiÚre, femme modeste, habillée de gris. Elle se différencie de la Lorette qui elle fait plutÎt profession de ses charmes) joyeuse égayait les festivités de ce boulevard (le boulevard Montmartre).
Elle Ă©tait la Papusa du Quartier latin (Papusa, une jolie fille. Quartier Ă©tudiant de Paris, elle devait faire tourner les cƓurs des jeunes gens) qui savait susciter des poĂšmes, jusqu’à ce qu’un beau jour un Argentin tombĂąt et fit soupirer la petite Française.
Madame Ivonne
La Croix du Sud fut comme un signe.
Madame Ivonne. C’était comme le signe de ta chance.
Alouette grise (La alondra est un oiseau matinal. On donnait ce surnom Ă  ceux qui se levaient tĂŽt et se couchaient tĂŽt, Yvonne Ă©tait donc une travailleuse honnĂȘte).
Ta douleur m’émeut, ton chagrin est de neige (il peut s’agir d’une vision poĂ©tique, mais plus sĂ»rement de la cocaĂŻne qui se dĂ©signe par « nieve » en lunfardo. Ces deux indications la rĂ©fĂ©rence Ă  l’alouette du passĂ© et Ă  la cocaĂŻne d’aujourd’hui, content en deux phrases toute l’histoire).
Madame Ivonne
Cela fait dix ans que Mademoiselle a quittĂ© la France. Aujourd’hui c’est seulement Madame. Comme beaucoup de Françaises dans son cas, elle a dĂ» devenir gĂ©rante d’un bordel et acquĂ©rir le « titre » de Madame. celle Ă  qui tout paraĂźt lointain (elle se dĂ©sintĂ©resse de ce qui se passe autour d’elle), avec ses yeux trĂšs tristes, elle boit son champagne (cela confirme qu’elle doit ĂȘtre la chef de la maison close. Il ne s’agit pas de vĂ©ritable Champagne, encore aujourd’hui, les Argentins nomment ainsi les vins mousseux, ce qui Ă©nerve les viticulteurs français. Ils font de mĂȘme avec le Roquefort
).
Elle n’est plus la Papusa du Quartier latin, elle n’est plus la fleur de lys fauchĂ©e (Mistonga en lunfardo est pauvre. Je trouve que faucher la fleur de lys, c’est une belle image. Le lys est un symbole royal, mais aussi de puretĂ©, de virginitĂ©, ce qui confirme discrĂštement que l’activitĂ© actuelle de Madame Ivonne n’est pas des plus pures). Il ne reste plus rien d’elle, pas mĂȘme cet Argentin qui, entre tango et matĂ©, l’a enlevĂ©e de Paris. DĂ©jĂ  les ravages du tango qui Ă©tait une folie Ă  Paris dans les annĂ©es 20. Le matĂ© est bien sĂ»r el mate, la boisson indispensable aux Argentins.
Madame Ivonne
La Croix du Sud Ă©tait comme un signe. La Croix du Sud est la constellation qui marque dans le ciel nocturne de l’hĂ©misphĂšre austral, le Sud.

Au rythme d’un tango

Le mĂȘme jour, Tanturi et Castillo ont enregistrĂ©e Al compĂĄs de un tango.
Les deux tangos pourraient ĂȘtre associĂ©s. En effet, le thĂšme est un copain qui essaye de rĂ©conforter son ami qui est dĂ©sespĂ©rĂ© Ă  cause d’une femme. Son conseil, aller danser


Al compás de un tango 1942-03-18 — Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo (Alberto Suárez Villanueva Letra Oscar Rubens)
Mademoiselle Yvonne et Madame Yvonne. « Dix annĂ©es » sĂ©parent ces images. Je n’ai pas forcĂ© sur les cernes d’Ivonne fatiguĂ©e par la drogue, le champagne et le chagrin

Quelle image choisir ?

L’illustrateur d’un texte est toujours confrontĂ© Ă  des choix. Doit-il faire une belle image ou rester fidĂšle au texte. C’est effectivement un dilemme.
Pour l’image de couverture, j’ai rĂ©alisĂ© une image « entre deux ». Elle n’est plus la jeune femme insouciante de Paris, mais pas encore la tenanciĂšre droguĂ©e du bordel portĂšgne. Cela me semblait plus convenable pour prĂ©senter l’article.
Pour la derniĂšre image, je souhaitais faire apparaĂźtre la dĂ©cennie et ses ravages. J’ai donc testĂ© diffĂ©rentes options pour choisir celle ci-dessus qui ne fait pas apparaĂźtre que la diffĂ©rence d’ñge que j’ai amplifiĂ©e, disons Ă  20 ans au lieu des 10 du tango.
Mais dans cette image, il est difficile de voir les ravages causĂ©s par le chagrin et la vie nocturne et sous l’emprise de l’alcool et de la drogue. Il me fallait donc aller plus loin.
Si vous avez l’ñme sensible, arrĂȘtez de lire le texte ici et ne regardez pas les images qui suivent.

Yvonne est la mĂȘme. Par contre, j’ai beaucoup vieilli Ivonne et je lui ai donnĂ© sans doute un peu trop d’ñge. Pardon, Ivonne.
LĂ , j’ai un peu plus fait tomber les traits d’Ivonne, tout en lui enlevant un peu d’ñge pour ĂȘtre plus proche des paroles. Je lui ai rajoutĂ© les cernes violets et pendant que j’y Ă©tais, je lui ai rougi les yeux et agrandi les pupilles. Je crois que c’est une caractĂ©ristique provoquĂ©e par la drogue. La seule que je prends, c’est la musique de tango, celle qui a des effets euphorisants, mĂȘme Ă  forte dose.

Vous aurez peut-ĂȘtre remarquĂ© le fond qui est le mĂȘme pour toutes les images. Je l’ai conçu pour un article traitant du rĂŽle de la France dans le tango.
Pour vous remercier d’avoir lu jusqu’au bout, voici le fond, tout seul


Je vous jure que ma seule drogue, c’est la musique. C’est ainsi que je vois les mĂ©langes culturels entre la France et l’Argentine, les deux pays rois du cambalache

Silueta porteña 1967-03-17 — Los Siete Del Tango (de Luis Stazo et Orlando TrĂ­podi) con Gloria Velez y Lalo Martel

Nicolas Luis Cuccaro; Juan Ventura Cuccaro Letra Orlando D’Aniello ; Ernesto Noli
Direction et arrangements Luis Stazo et Orlando TrĂ­podi

Silueta porteña est une superbe milonga qui fait le bonheur des danseurs. Aujourd’hui, je vais vous la proposer dans une version diffĂ©rente, moins dansante, mais le tango ne s’arrĂȘte pas Ă  la porte de la milonga et le duo est superbe. Un sondage en fin d’article vous permettra de donner votre avis sur la dansabilitĂ©.

Luis Stazo (1930-2016) est un trĂšs grand monsieur du tango, tout d’abord comme bandonĂ©oniste., mais aussi comme chef d’orchestre, arrangeur et compositeur.
Il est aussi connu pour ĂȘtre le fondateur du Sexteto Mayor avec JosĂ© Libertella, Ă©galement bandonĂ©oniste. Cet orchestre a tournĂ© dans le monde entier et continue de le faire avec les successeurs des crĂ©ateurs.

Évolution de la composition du Sexteto Mayor. Source https://es.wikipedia.org/wiki/Sexteto_Mayor

Los siete del tango est un autre orchestre crĂ©Ă© Ă©galement par Luis Stazo, mais avec Orlando TrĂ­podi. Ils sont les arrangeurs et les chefs de cet orchestre qui a eu une carriĂšre plutĂŽt rĂ©duite, entre 1965 et 1969. Cependant, on conserve des enregistrements, Ă  la fois de compositions « classiques », comme Silueta porteña, notre tango du jour et des compositions de Stazo et TrĂ­podi, comme Entre dos, qu’ils ont enregistrĂ© le mĂȘme jour, le 17 mars 1967.
La composition de l’orchestre est la suivante :

  • Luis Stazo au bandonĂ©on (plus arrangements et direction)
  • Orlando TrĂ­podi au piano (plus arrangements et direction)
  • Suarez Paz au violon
  • Hector Ortega Ă  la guitare Ă©lectrique
  • Mario Monteleone Ă  la basse
  • Les chanteurs sont Gloria Velez et Lalo Martel pour cet enregistrement, mais Roberto Echague et Olga de Grossi ont enregistrĂ© d’autres titres.
Silueta porteña n’a pas Ă©tĂ© intĂ©grĂ©e aux quatre disques 33 tours rĂ©alisĂ©s par l’orchestre (cinq si on compte une double Ă©dition avec les mĂȘmes titres) ni Ă©ditĂ©e en 45 tours (ce qui fut rĂ©servĂ© Ă  seulement deux titres, dont celui qui a Ă©tĂ© enregistrĂ©e le mĂȘme jour que Silueta porteña, Entre dos. Elle a Ă©tĂ© publiĂ© sur la compilation “Al ritmo de la milongas inovidables” par Pampa – EMI – Odeon en 1968. C’est le second titre de la face B. On y trouve la date d’enregistrement, 17-3-67).

Extrait musical

Silueta porteña 1967-03-17 – Los Siete Del Tango con Gloria Velez y Lalo Martel

Les paroles

J’indique Ă©galement les paroles de cette version qui sont un peu diffĂ©rentes, car Gloria Velez chante sa partie en jouant le rĂŽle de la Silueta porteña, contrairement Ă  la version habituelle ou tout le texte est dit du point de vue de l’homme.

Cuando tĂș pasas caminando por las tardes, (Cuando yo paso caminando por las calles)
repiqueteando tu taquito en la vereda, (repiqueteando mi taquito en la vereda)  
marcas compases de cadencias melodiosas
de una milonga juguetona y callejera.
Y en tus vaivenes pareciera la bailaras, (Y en los vaivenes pareciera lo bailara)
asĂ­ te miren y te dicen lo que quieran, (asĂ­ me miran y me dicen lo que quiera)
porque tĂș llevas en tu cuerpo la arrogancia  
y el majestuoso ondular de las porteñas.

Tardecita criolla, de lĂ­mpido cielo
bordado de nubes, llevas en tu pelo.
Vinchita argentina que es todo tu orgullo...
ÂĄY cuĂĄnto sol tienen esos ojos tuyos!

Y los piropos que te dicen los muchachos,
como florcitas que a tu paso te ofrecieran
que las recoges y que enredas en tu pelo,
junto a la vincha con que adornas tu cabeza.
Dice tu cuerpo tu arrogancia y tu cadencia
y tus taquitos provocando en la vereda:
Soy el espĂ­ritu criollo hecho silueta
y te coronan la mås guapa y mås porteña.

Nicolas Luis Cuccaro ; Juan Ventura Cuccaro Letra Orlando D’Aniello ; Ernesto Noli

En rouge ce qui est chantĂ©e par Gloria Velez (Quand c’est un homme qui chante, c’est la partie gauche des lignes qui est chantĂ©e).
En bleu, ce qui est chanté par Lalo Martel.
En gras, ce qui est chanté par les deux en duo.
En gras et vert, la reprise finale du refrain par les deux chanteurs, Gloria et Lalo.
Le dernier couplet n’est pas chantĂ© dans cette version
.

Une autre silhouette portĂšgne jusqu’au bout des ongles

Traduction libre

Quand tu passes dans l’aprĂšs-midi, en faisant claquer tes talons sur le trottoir, tu marques la cadence mĂ©lodieuse d’une milonga joyeuse et de la rue (il n’y a pas d’équivalent en français).
Et dans tes allers et retours, tu sembles danser, ainsi ils te regardent, te parlent ceux qui aiment, car tu portes dans ton corps, l’arrogance et la majestueuse ondulation des Portùgnes.
L’aprĂšs-midi criollo, au ciel limpide et brodĂ© de nuages, tu le portes dans tes cheveux. Le ruban (banniĂšre) argentin(e) qui est toute ta fierté  Et que de soleil contiennent tes yeux ! (Elle porte les couleurs de l’Argentine sur la tĂȘte. Le cĂ©leste et le blanc, ainsi que le soleil dans ses yeux).
Et les flatteries (piropos) que te lancent les gars, comme des petites fleurs qu’ils offrent Ă  ton passage pour que tu les ramasses et les laces dans tes cheveux, au cĂŽtĂ© du bandeau dont tu ornes ta tĂȘte. Ton corps dit ton arrogance et ta cadence et tes talons professent sur le trottoir : je suis l’esprit criollo fait silhouette et ils te couronnent comme la plus belle et la plus portĂšgne.

Sondage

L’aprĂšs-midi criollo, au ciel limpide et brodĂ© de nuages, tu le portes dans tes cheveux. La banniĂšre argentine est toute ta fierté  Et que de soleil contiennent tes yeux !

ViolĂ­n 1944-03-16 – Orquesta Ricardo Malerba con Orlando Medina

Ricardo Malerba; Dante Smurra Letra Horacio Sanguinetti

Ricardo Malerba Ă©tait bandonĂ©oniste et ses frĂšres Ă©taient violoniste (Carlos) et pianiste (Alfredo). Carlos est mort au Portugal lors d’une tournĂ©e en 1931 et il se peut que ViolĂ­n, soit un hommage de Ricardo Ă  son frĂšre trop tĂŽt disparu. Quoi qu’il en soit, ce titre mĂ©rite d’ĂȘtre le tango du jour. Il a Ă©tĂ© enregistrĂ© il y a exactement 80 ans.

On connaĂźt Malerba, comme chef d’orchestre et compositeur. Il Ă©tait un bandonĂ©oniste, semble-t-il, assez moyen si on en croit un tĂ©moignage rapportĂ© par Tango al Bardo qui indique qu’il laissait le gros du travail Ă  Miguel CalĂł lors de la tournĂ©e en Espagne des annĂ©es 30.

Les violonistes de Malerba Ă  cette Ă©poque sont Alfredo Lattero, Ernesto Gianni, Francisco Sanmartino et JosĂ© LĂłpez. Il m’est impossible de dire lequel effectue les magnifiques solos de violon que l’on peut entendre dans cette Ɠuvre.
Son frĂšre, Alfredo avait entretemps Ă©pousĂ© Libertad Lamarque. Cette derniĂšre lui a permis de travailler Ă  Radio Belgrano, Ă  condition qu’il propose des tangos rythmĂ©s Ă  la D’Arienzo

Pour cela il avait un autre atout, son pianiste, Dante Smurra qui Ă©tait particuliĂšrement rĂ©putĂ© au point qu’en 1938, il avait Ă©tĂ© sollicitĂ© pour remplacer Biagi dans l’orchestre de D’Arienzo.
Dante a refusĂ© l’offre, pour rester fidĂšle Ă  Malerba. Avec ce dernier, il a composĂ© Cuando florezcan las rosas, Embrujamiento (leur plus grand succĂšs, repris Ă©galement par D’Arienzo), La piba de los jazmines, un des hits de Malerba et bien sĂ»r ViolĂ­n, notre tango du jour.

Extrait musical

Violín 1944-03-16 – Orquesta Ricardo Malerba con Orlando Medina

Les paroles

Hoy mi violín estå soñando
con un amor en el atril,
sus cuerdas vibran tiritando
porque vive recordando
que hoy estĂĄ lejos de mĂ­.

Es mi violĂ­n el alma mĂ­a
y su canciĂłn es mi sentir,
mi corazĂłn que la querĂ­a,
que la quiere y no la olvida,
va llorando en mi violĂ­n.

ViolĂ­n, violĂ­n…
La quiero mucho mĂĄs,
la quiero mĂĄs que ayer
mi amor no tiene fin.
Violín, violín

quisiera que mi voz,
en alas de tu voz,
llegara hasta mi amor.
ViolĂ­n, violĂ­n…
me quiso igual que yo
y ha de volver a mĂ­,
la esperaré
y tĂș tambiĂ©n,
violĂ­n.

Ricardo Malerba ; Dante Smurra Letra Horacio Sanguinetti

Les paroles ne laissent pas de doute sur le fait qu’elles ne s’adressent pas Ă  Carlos, le frĂšre violoniste mort en 1931, mais il se peut que Malerba ait Ă©crit la musique en pensant Ă  son frĂšre. Les hommages de musicien Ă  musicien sont trĂšs frĂ©quents dans le tango, bien que gĂ©nĂ©ralement plus explicites.

Traduction libre

Aujourd’hui mon violon rĂȘve avec un amour sur le pupitre, ses cordes vibrent en frissonnant parce qu’il vit en se souvenant qu’aujourd’hui elle est loin de moi.
Mon violon est mon Ăąme et son chant est mon sentiment, mon cƓur qui l’a aimĂ©e, qui l’aime et ne l’oublie pas, il pleure dans mon violon.
Violon, violon
 Je l’aime tellement plus, je l’aime plus qu’hier mon amour n’a pas de fin.
Violon, violon
 Je voudrais que ma voix, sur les ailes de ta voix, atteigne mon amour.
Violon, violon
 Elle m’aimait comme moi, et elle reviendra vers moi, je l’attendrai, et toi aussi, violon.

En lunfardo, un violon (un violín) est une femme. Je suis donc parti de cette idée. Les papillons, ce sont ceux du creux du ventre quand on est amoureux.

Loco turbiĂłn 1946-03-15 — Orquesta Miguel CalĂł con RaĂșl Iriarte y Roberto Arrieta

Vicente Spina Letra : Roberto MirĂł (Roberto Daniel MirĂł)

J’ai toujours adorĂ© Loco turbiĂłn et me suis demandĂ© pourquoi seulement CalĂł l’avait enregistrĂ©. C’est sans doute que cette version est parfaite. Je vous invite donc Ă  savourer ce tango du jour, enregistrĂ© il y a 78 ans.

Loco turbiĂłn, dĂšs le titre, on est en appĂ©tit. Loco, fou et turbiĂłn, averse violente, mais aussi choses emportĂ©es dans un « tourbillon ».
Si on ne prĂȘte pas attention aux paroles, on peut imaginer le passage de l’averse. Au dĂ©but, une marche, puis la montĂ©e de la tension, des mouvements contradictoires, comme le vent qui agite les arbres Ă  l’approche de la tourmente. L’averse pourrait ĂȘtre le puissant duo d’Iriarte et Arrieta, puis le soleil rĂ©apparaĂźt Ă  la toute fin, jusqu’à la chute des deux derniĂšres gouttes d’eau.

Extrait musical

Loco turbiĂłn 1946-03-15 — Orquesta Miguel CalĂł con RaĂșl Iriarte y Roberto Arrieta

L’exposition semble faire rĂ©fĂ©rence Ă  un temps passĂ©, comme quelqu’un qui se souvient. Le passage en mineur aux alentours de 0:30 et qui trouve son apogĂ©e dans le solo de violon Ă  partir de 0:40.
Roberto Arrieta commence Ă  chanter Ă  1:00. À 1:30 RaĂșl Iriarte remplace Arrieta, puis Ă  1:37 ils chantent en duo, avec une Ă©motion intense, qui se dĂ©tend, puis Arrieta prend le relais, seul et ainsi de suite, jusqu’au final en duo jusqu’à la fin et les deux gouttes de pluie qui closent le tango.
La musique semble effectuer des aller et retour, comme pour marquer les hĂ©sitations. Les instruments, puis les chanteurs semblent apporter leur pierre Ă  la construction musicale, jusqu’à ce qu’ils se combinent dans le final en Ă©tant sur la « mĂȘme longueur d’onde ». Les paroles confirment cette impression.

Les paroles

Les paroles renforcent l’idĂ©e de tourbillon, de dialogue, d’hĂ©sitation. Les chanteurs se rĂ©pondent avant de s’accorder (Ă  la quinte) et de dĂ©velopper un des magnifiques duos dont nous ravit le tango.

Tengo miedo de encontrarla
Y de nuevo recordarla

Y achicar el corazĂłn.
Tengo miedo que en sus ojos,
Al mirar estos despojos
Yo adivine compasiĂłn.
En mis dĂ­as fue un dolor,
En mis sueños, fue un rencor,
Y en mi vida no hizo más que mal

Me tortura este recuerdo
Que me acosa y me persigue
En mis noches sin final.

En la fragua de espantos del sufrir,
Ella puso entre brasas mi ilusiĂłn.

Me ha enseñado a morir,
Porque ya no es vivir,
Escuchando en las sombras su reĂ­r.
Y esa voz que me nombra sin cesar,
Que me muerde en las noches con su mal,
¡Es un loco turbión!

Una garra brutal,
Que me estruja el corazĂłn.

Yo me hundo en la locura
De un turbiĂłn, al recordarla
Y quererla con pasiĂłn.
Y el pensar en olvidarla,
Es camino que conduce
ÂĄA la desesperaciĂłn!
Es tormento sin final
El fracaso de olvidar,
ÂĄY es plegaria que no escucha Dios!
Es tortura interminable
El recuerdo de sus ojos
Y el arrullo de su voz.

Vicente Spina Letra : Roberto MirĂł (Roberto Daniel MirĂł)

Les parties chantées par Roberto Arrieta seul, sont en rouge.
Celles qui sont chantĂ©es par RaĂșl Iriarte seul sont en bleu.
Lorsque les deux chantent en duo, c’est en gras.
Au final, ils reprennent en duo le refrain à partir de Y esa voz que me nombra sin cesar, qui était chanté par Iriarte seul la premiÚre fois.
Le dernier couplet n’est pas chantĂ©. C’est la partie oĂč il souhaite l’oublier.

La météo du tango

Plusieurs tangos parlent d’averses soudaines et violentes, que ce soit de façon objective, comme el aguacero ou de façon figurĂ©e, comme Tormenta.
El aguacero de CĂĄtulo Castillo Letra : JosĂ© GonzĂĄlez Castillo (Juan de LeĂłn).
ChaparrĂłn 1946-08-26 (Milonga) Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto EchagĂŒe, nous en reparlerons le 26 aoĂ»t Ă  l’occasion de l’anniversaire de cet enregistrement.
Lluvia au moins une quarantaine de tangos parlent de pluie (lluvia), toujours au sens propre ou figuré.
Pour rester dans les aléas climatiques, le vent a aussi sa voix, par exemple dans les tangos suivants.
Cuando bronca el temporal de Gerardo HernĂĄn Matos RodrĂ­guez Letra : Ernesto Marsili, que nous avons Ă©voquĂ© Ă  propos de la version de Di Sarli de 1929. XXXX
Tormenta d’Enrique Santos DiscĂ©polo, mais il y a d’autres tangos incluant tormenta (Antonio Bonavena, P. Montanelli, JosĂ© De Cicco, JosĂ© Luis Padula) qui parlent de tormenta, au rĂ©el comme au figurĂ©.
Huracán, une incroyable composition de Donato d’une puissance titanesque.
Ventaval, plusieurs tangos de ce nom, comme Ventaval de Rodolfo Sciammarella par Mercedes Simone dans le film de 1939, qui se passe Ă  Paris (le titre a pour fond d’écran, le PanthĂ©on), mais qui est argentin, ou cruento vendaval de Miguel Martino et Jacinto AlĂ­ (MyL).

Les illustrations

Pour les illustrations, je suis parti de deux pistes. L’idĂ©e de tourbillon pour la premiĂšre, tourbillon que m’évoque le mot turbiĂłn, et la musique qui semble circuler d’un cĂŽtĂ© Ă  l’autre, rebondissant d’un instrument Ă  l’autre, d’un chanteur Ă  l’autre et l’idĂ©e de la femme perdue, inaccessible, qui s’en va.
En rĂ©sumĂ©, n’arrivant pas Ă  choisir, je vous propose les quatre images. N’hĂ©sitez pas Ă  indiquer en commentaire celle qui vous plaĂźt le plus, peut-ĂȘtre que je changerai la photo de couverture en fonction de vos avis.

L’image de couverture

Je souhaitais garder l’ambiguĂŻtĂ© entre l’averse, le tourbillon et la belle. J’ai hĂ©sitĂ© entre deux styles, un abstrait Ă  la Arcimboldo, ou les fleurs et nuages colorĂ©s remplacent les lĂ©gumes et un autre, plus « orageux ». J’ai finalement optĂ© pour la femme fleur tourbillonnante, mais comme j’aime bien les autres aussi, je vous prĂ©sente le lot.

Cliquez sur les images pour les agrandir.

Tengo miedo de encontrarla y de nuevo recordarla….
J’ai peur de la rencontrer et d’à nouveau me souvenir d’elle.

L’image de fin

En gĂ©nĂ©ral, je souhaite proposer une image d’un style diffĂ©rent pour l’image de fin. C’est donc la version orageuse qui clĂŽture l’article, mais j’aime bien aussi celle de la belle qui s’évapore dans les nuĂ©es tourbillonnantes.

Es tortura interminable el recuerdo de sus ojos y el arrullo de su voz. C’est une torture interminable, le souvenir de ses yeux et le roucoulement de sa voix.

Le regard de la belle qui s’éloigne au milieu des Ă©clairs, semblant tenir dans sa main la foudre, du coup de foudre qu’elle a volĂ© avant de rejoindre l’Olympe. Elle est devenue inaccessible, divine et cruelle.

Pitch & speed – Vitesse et tonalitĂ©

Certains puristes affirment que l’on doit passer les disques Ă  la vitesse exacte Ă  laquelle ils ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s, qu’ils ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s ainsi et que donc ce serait un sacrilĂšge de changer cela.
Je saisis cette affirmation pour apporter quelques éléments de réflexion.

Toutes les Ă©ditions ne sont pas Ă  la mĂȘme vitesse.

On peut trouver une Ă©dition ou la musique est plus rapide et aiguĂ« qu’une autre, ou au contraire plus grave et lente. À moins d’avoir l’oreille absolue, peu de danseurs se rendent compte de la diffĂ©rence.
Pour s’en convaincre, allez sur un site comme l’excellent https://tango-dj.at/database et comparez la durĂ©e des morceaux. Par exemple, Milonga de mis amores a des durĂ©es comprises entre 1:38 et 3:53.

Sur l’excellent site www.tango-dj.at, vous trouvez toutes les informations utiles pour gĂ©rer une grande partie de votre collection de musique. Pour ma part, c’est ma rĂ©fĂ©rence. Si j’ai une information diffĂ©rente, j’Ă©cris et Bernhardt adapte la notice pour ajouter l’information. C’est trĂšs agrĂ©able d’avoir un site qui accepte les remarques et en tient compte. Cela change des sites qui te rĂ©pondent que je me trompe et qui change ensuite l’information sans rien dire. C’est dĂ©sormais le seul site avec lequel je collabore rĂ©guliĂšrement. Sur cette photo, il manque des colonnes et de lignes que j’ai supprimĂ© pour me concentrer sur ce qui m’intĂ©ressait.

Pour un orchestre donnĂ©, par exemple, la version de Canaro enregistrĂ©e le 26 mai 1937 (matrice 9026) et bien que la source de ces diffĂ©rents enregistrements soit des exemplaires du mĂȘme disque (Odeon 5028 face A), on trouve des variations de 2:58 chez TangoTunes (9026 – 5028 A TangoTunes) Ă  3:05 chez Danza y Movimiento (DZ020234).
À l’écoute, la version de TangoTunes est clairement plus aiguĂ« et rapide. Cela correspond Ă  une diffĂ©rence de 4 %.

À l’écoute, la version de TangoTunes est clairement plus aiguĂ« et rapide. Cela correspond Ă  une diffĂ©rence de 4 %.

Dans les annĂ©es 40, les orchestres jouaient en vivo.

Ils pouvaient donc jouer avec les danseurs, accĂ©lĂ©rer ou ralentir. Aujourd’hui, le disque a figĂ© la vitesse. Les danseurs vont toujours Ă©couter le mĂȘme morceau Ă  la mĂȘme vitesse, avec les mĂȘmes « surprises ». Le DJ peut recrĂ©er des « effets », comme le font les orchestres live, en faisant une reprise, en augmentant les breaks, en modifiant la vitesse, en proposant des versions moins courantes du mĂȘme orchestre ou en proposant un orchestre dans un registre inhabituel (par exemple Troilo qui imite Calo).

On connait tous les prestations tardives de D’Arienzo. Plusieurs orchestres contemporains, imitent ses mouvements pour mettre de l’ambiance. Certains DJ battent la mesure, mais mĂȘme sans ces extrĂȘmes, le DJ a la possibilitĂ© d’influer trĂšs fortement sur l’ambiance.

Deux orchestres peuvent jouer le mĂȘme thĂšme avec des vitesses trĂšs diffĂ©rentes.

Des extrĂȘmes comme Milonga de mis amores par exemple qui peut ĂȘtre un canyengue ou une milonga selon les interprĂ©tations.

Milonga de mis amores 1937-05-26 — Franciso Canaro — 86 BPM — C’est plutît du canyengue, non ?
Milonga de mis amores — Hyperion Ensemble — 120 BPM — Ça dĂ©pote, non ?

Je considùre que le travail du DJ est de mettre de l’ambiance, pas de dire la messe.

Je m’arroge donc le droit de varier le rythme des morceaux, parfois la tonalitĂ© en fonction de l’effet que je veux obtenir. Je fais cela depuis plus de vingt ans, dĂšs que j’ai eu un magnĂ©tophone Ă  cassettes avec un variateur de vitesse. L’avantage de l’ordinateur est que je peux le faire en cours de morceau, sans changement de tonalitĂ©, ce qui rend l’opĂ©ration discrĂšte pour les danseurs.
J’ai rĂ©glĂ© mes logiciels pour limiter la variation Ă  10 % et je n’utilise de telles valeurs que pour accĂ©lĂ©rer le final d’une valse ou d’une milonga, par exemple afin de faire rire les danseurs, lorsqu’en fin de tanda ils ont rĂ©ussi Ă  tenir le rythme d’une tanda « infernale ».
Dans la pratique courante, je peux modifier la vitesse d’un morceau pour pouvoir le placer Ă  un moment diffĂ©rent dans une tanda.
Cela ne m’empĂȘche pas de toujours chercher de meilleures copies, mĂȘme si maintenant la majoritĂ© de ma musique a Ă©tĂ© numĂ©risĂ©e Ă  partir de disques Schellac.
Je pense qu’il faut distinguer l’aspect collectionneur, musicologue, de celui de DJ. On peut ĂȘtre les deux, je dirai mĂȘme qu’on devrait ĂȘtre les deux, mais pas au mĂȘme moment.

Le DJ est un Ă©lĂ©ment essentiel pour l’animation du bal. Faites-lui confiance, s’il le mĂ©rite 😉

Deja el mundo como estĂĄ 1940-03-14 – Orquesta Rodolfo Biagi con AndrĂ©s FalgĂĄs

Rodolfo Biagi Letra Rodolfo Sciammarella

Le tango du jour, Deja el mundo como estĂĄ, (Laisse le monde comme il est) a Ă©tĂ© enregistrĂ© par Biagi avec la voix d’AndrĂ©s FalgĂĄs il y a exactement 84 ans. Il faut s’intĂ©resser aux paroles, relativement originales, pour comprendre pourquoi ne pas changer le Monde, n’oublions pas que si l’Argentine fut Ă©pargnĂ©e par la seconde guerre mondiale, tout n’y Ă©tait pas rose en 1940.

La Década Infame (la década infame)

La dĂ©cada infame se situe entre deux coups d’État qui ont secouĂ© l’Argentine (1930-1943). Entre les deux diffĂ©rentes Ă©lections truquĂ©es et les manipulations politiques douteuses.
Les causes de la dĂ©cada infame sont en grande partie issues du crash du 1929, la chute du commerce international ayant durement touchĂ© les possibilitĂ©s d’exportations de l’Argentine, engendrant un chĂŽmage massif. Le rĂŽle de l’Angleterre, sa mainmise sur l’économie argentine, n’est pas sans rappeler l’actualitĂ© de l’Argentine d’aujourd’hui, il suffit de remplacer Royaume-Uni par FMI ou USA pour avoir une idĂ©e du problĂšme. L’Argentine revit de façon cyclique le mĂȘme phĂ©nomĂšne en alternance Ă  chaque dĂ©cade.
En résumé, la situation sociale était plutÎt morose et la répression des mouvements populaires féroce durant toute la période. Il fallait bien se changer les idées avec le tango pour voir la vie en rose.

La DĂ©cada de Oro (L’Âge d’or)

À l’opposĂ© de la situation politique, la situation artistique Ă©tait bouillonnante.
L’Argentine Ă©tait tournĂ©e vers l’Europe et en littĂ©rature, le groupe de Florida avait pour modĂšle les Ă©crivains europĂ©ens. Ils Ă©taient plutĂŽt issus des hautes classes de la sociĂ©tĂ©, celles oĂč on parlait couramment le français et oĂč on Ă©tait attentif Ă  toutes les modes europĂ©ennes. Ces Ă©crivains soignaient la forme de leurs Ă©crits, sans doute plus que le contenu. On trouve parmi eux, Jorge Luis Borges.
Le bipartisme argentin fait que le principal groupe concurrent, celui de Boedo avait pour sa part des préoccupations plus sociales et avait tendance à passer la forme au second plan. Une de ses figures de proue était Roberto Emilio Arlt.

On retrouve la mĂȘme dichotomie en peinture, avec d’un cĂŽtĂ© le groupe de Paris, liĂ© au surrĂ©alisme, alors en vogue en France et de l’autre, des peintres plus prĂ©occupĂ©s des questions sociales dont le plus connu est sans doute Quinquela Martin, celui qui a donnĂ© Ă  la Boca l’image qui plaĂźt tant aux touristes en mettant de la couleur sur les tristes tĂŽles des maisons de l’époque. Je l’avais Ă©voquĂ© au sujet du tango « El Flete ».

 Je pense que vous m’avez vu venir, cette pĂ©riode est Ă©galement une dĂ©cada de oro pour la musique et notamment le tango. Le tango de cette Ă©poque fait le lien entre l’Europe et notamment la France, beaucoup de musiciens argentins s’étant installĂ©s ou ayant fait le voyage en Europe et notamment Ă  Paris avant de rentrer d’urgence en 1939 Ă  cause de la Seconde Guerre mondiale. Ceci fait qu’à Buenos Aires s’est retrouvĂ© tout ce qui comptait en matiĂšre de musique de tango. LĂ  encore, deux styles, l’orientation De Caro, plus intellectuelle et destinĂ©e au concert et l’orientation Canaro, D’Arienzo, plus tournĂ©s vers le bal.
Cette pĂ©riode est donc Ă  la fois tragique pour la population et extrĂȘmement riche pour la crĂ©ation artistique.
Je vais m’intĂ©resser, enfin, au tango du jour et voir pourquoi il ne faut pas changer le Monde.

Extrait musical

Deja el mundo como estĂĄ 1940-03-14 – Orquesta Rodolfo Biagi con AndrĂ©s FalgĂĄs y coro

Les changements chromatiques, du grave vers l’aigu Ă  chaque dĂ©but du couplet, font monter l’intensitĂ© dramatique. Inconsciemment on associe ces montĂ©es chromatiques Ă  une accĂ©lĂ©ration du rythme, comme si le disque tournait plus vite, ce qui n’est pas le cas, le tempo reste content sur toute la durĂ©e du morceau.

Les paroles

Hoy sos un hombre descontento y amargado
después que has derrochado tu bienestar.
Te has convertido en enemigo de la vida
porque ella te convida a trabajar.
Por eso mismo es que todo te molesta
y se oye tu protesta por los demĂĄs.
Con el tono llorĂłn de un agorero
decĂ­s que el mundo entero lo deben transformar.

Deja el mundo como estĂĄ,
que estĂĄ hecho a la medida… (aunque parezca mentira)
Deja el mundo como estĂĄ
vos debes cambiar de vida… (No has muerto viejo)
Le quieres poner rueditas…
ÂżDĂłnde lo quieres llevar?
SĂłlo vos lo ves cuadrado
y redondo los demĂĄs.
Deja el mundo como estĂĄ,
con sus malas y sus buenas,
con sus dichas y sus penas…
ÂĄDeja el mundo como estĂĄ!


Qué cosa buena has de encontrar a la deriva
o es que esperas de arriba tu porvenir.
SĂłlo se logran con trabajo y sacrificios
los grandes beneficios para vivir.
Al fin, tu queja es el clamor de un fracasado,
ya me tienes cansado de oĂ­rte gritar…
Que anda el mundo al revés y estå deshecho
y vos… ÂżCon quĂ© derecho lo pretendes cambiar?

Rodolfo Biagi Letra Rodolfo Sciammarella

Dans la version de Biagi, Falgás chante ce qui est en gras et le chƓur insiste en chantant la partie en rouge.
Dans la version de Canaro, ce qui est chantĂ© par FamĂĄ est la partie en gras et Canaro fait un dialogue en chantant ce qui est en bleu. Il n’y a pas de reprise de la fin du refrain, contrairement Ă  Biagi.
Pour sa part, dans la version de Donato, Lagos chante les mĂȘmes couplets que FalgĂĄs, mais sans la reprise de la fin du refrain.

Traduction libre :

Aujourd’hui, tu es un homme mĂ©content et amer aprĂšs avoir dilapidĂ© ton bien-ĂȘtre. Tu es devenu l’ennemi de la vie parce qu’elle t’invite Ă  travailler. C’est pourquoi tout te dĂ©range et que ta protestation est entendue par-dessus tout. Avec le ton pleurnichard du pessimiste, tu dis que le monde entier doit ĂȘtre transformĂ©.

Laisse le monde tel qu’il est, c’est du sur-mesure
 (crois-le ou pas)
Laisse le monde tel qu’il est, c’est toi qui dois changer de vie
 (Tu n’es pas mort, mon vieux)
Tu veux y mettre des roulettes
 OĂč veux-tu l’emporter ? Il n’y a que toi qui le vois carrĂ© et tous les autres le voient rond.
Laisse le monde tel qu’il est, avec ses mauvais et ses bons aspects, avec ses joies et ses peines
 Laisse le monde tel qu’il est !

Le passage suivant n’est pas chantĂ© dans aucune des trois versions, mais il est intĂ©ressant Ă  saisir :
Ce qu’il y a de bon Ă  se laisser aller Ă  la dĂ©rive, c’est que tu attends d’en haut ton avenir. Or, ce n’est qu’au prix d’un travail acharnĂ© et de sacrifices que l’on peut obtenir les grands avantages de la vie. Pour finir, ta plainte est la clameur d’un Ă©chec, lĂ , tu me fatigues de t’entendre crier
 Que le monde est sens dessus dessous et qu’il est dĂ©fait, et toi
 de quel droit prĂ©tends-tu le changer ?

Autres versions

Ce tango a rencontrĂ© l’air du temps et en quelques mois, il a Ă©tĂ© enregistrĂ© trois fois.
Par son auteur, Biagi, puis par Canaro et enfin Donato.
Il me semble intéressant de comparer les trois versions.
Les trois ont des caractĂšres communs, mais les versions de Canaro et de Donato sont plus traditionnelles. Elles ont le mĂȘme dynamisme et l’impression de marche haletante que dans la version de Biagi, mais ce dernier propose des enrichissements convaincants et un Ă©tagement des plans musicaux plus riches, plus variĂ©s que ceux de ses collĂšgues qui sont totalement dans la marche et moins dans la subtilitĂ©.

Deja el mundo como estĂĄ 1940-03-14 – Orquesta Rodolfo Biagi con AndrĂ©s FalgĂĄs y coro

Le rythme est d’environ 139 BPM et est rĂ©gulier tout au long de l’interprĂ©tation, mĂȘme si on a une impression d’accĂ©lĂ©ration suggĂ©rĂ©e par les montĂ©es chromatiques.          

Deja el mundo como está 1940-09-30 – Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá y contracanto por Francisco Canaro

On note dans cette version, des variations de rythme (145 Ă  135). Les parties chantĂ©es sont plus lentes. Canaro a Ă©galement choisi de faire un dialogue oĂč il rĂ©pond Ă  FamĂĄ, jouant donc le rĂŽle de celui qui l’encourage Ă  travailler. La clarinette, le piano et les violons semblent aussi se lancer dans la discussion pour finalement « parler » en mĂȘme temps, comme le fait le chƓur dans la version de Biagi.

Deja el mundo como estĂĄ 1941-01-21 – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos

C’est le tempo le plus lent des trois versions, avec environ 135 BPM sur la partie instrumentale et 133 sur la partie chantĂ©e. Les montĂ©es chromatiques sont prĂ©sentes, mais moins marquĂ©es que chez Biagi.

La fin du Monde

Pardonnez ce titre racoleur. Je veux juste vous parler de comment se terminent ces titres et comment els agencer dans une tanda.
La terminaison des trois versions. On a vu que dans la version de Biagi, il y a une accĂ©lĂ©ration simulĂ©e avec en apothĂ©ose la reprise finale du couplet par le chƓur. L’intensitĂ© est donc maximale Ă  la fin.
Dans la version de Canaro, le mélange des voix des instruments à la fin suggÚre également un apogée, un paroxysme.
Pour Donato, en revanche, rien de tel. Il y a juste la ligne mĂ©lodique du violon qui devient plus expressive et prĂ©sente, mais d’impression d’explosion finale, contrairement aux deux autres versions.
Cette caractĂ©ristique, avec le fait qu’elle est d’un tempo plus lent, me pousserait Ă  ne pas terminer une tanda avec ce titre, mais plutĂŽt de le mettre en dĂ©but de tanda. Les versions de Canaro et Biagi, avec leur apothĂ©ose finale, font en revanche de bons morceaux de fin de tanda.
Bien sĂ»r, ce qui compte est Ă©galement ce qu’on met avant dans le cas de Biagi et Canaro et aprĂšs dans celui de Donato.
Par exemple, in on termine une tanda de Donato par ce titre, cela veut dire que les prĂ©cĂ©dents sont sans doute moins dynamiques. La tanda sera donc plutĂŽt calme, voire peut-ĂȘtre un peu plate, mais cela peut convenir, par exemple aprĂšs des milongas, pour que les danseurs reprennent leur respiration. Comme toujours en la matiĂšre, il n’y a pas de rĂšgle qui rĂ©siste Ă  l’observation de la milonga. C’est l’ambiance du moment qui dĂ©cide.

Ce titre me fait penser Ă  la chanson de Ralph Zachary Richard reprise notamment par Julien Clerc et Alpha Blondy

VentarrĂłn 1933-03-13 Orquesta TĂ­pica Victor con Alberto GĂłmez (y Elvino Vardaro)

Pedro Maffia Letra : JosĂ© Horacio Staffolan

Le tango du jour a Ă©tĂ© enregistrĂ© il y a exactement 91 ans par Adolfo Carabelli Ă  la tĂȘte de l’Orquesta TĂ­pica Victor. Le chanteur d’estribillo est Alberto GĂłmez, mais un autre soliste fait de ce titre une merveille, le violoniste Elvino Vardaro.

Nous avons largement parlĂ© de la Victor et de ses orchestres. Carabelli est son premier chef d’orchestre. Alberto GĂłmez a enregistrĂ© deux fois ce titre en mars 1933. Le 6, comme chanteur de la version « chanson » et le 13, pour une version de danse. Il est intĂ©ressant de comparer les deux versions pour encore plus se familiariser entre les deux types de tangos que certains danseurs, voire DJ n’assimilent pas toujours.

Elvino Vardaro (Buenos Aires le 18 juin 1905 – ArgĂŒello 5 aoĂ»t 1971)

Elvino Vardaro. Enfant, dans les annĂ©es 40 et dans les annĂ©es 60. Sur la derniĂšre image, on remarque que son pouce droit a perdu une phalange, Ă  la suite d’un accident quand il avait cinq ans.

Le 10 de julio 1919, il donne son premier concert. Au programme de la musique classique. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il commence alors Ă  jouer au cinĂ©ma pour accompagner les films muets. Rodolfo Biagi puis Luis Visca l’y remarquent et finalement, Juan Maglio (Pacho) en 1922 vient le chercher au cinĂ©ma pour l’intĂ©grer dans on orchestre. Il a alors 17 ans.
Son professeur de violon, Doro Gorgatti lui aurait dit : « Quel dommage que vous jouiez des tangos, vous pourriez jouer trĂšs bien du violon ! ».
Une chance pour nous qu’il ait poursuivi dans sa voie.
Il travaille en effet avec diffĂ©rents orchestres et intĂšgrera les prestigieux orchestres de la Victor oĂč il fera merveille, comme vous pourrez l’entendre dans le tango du jour.
Il montera Ă  diverses reprises des orchestres de tailles diffĂ©rentes quintette, sextette, septuor et mĂȘme tĂ­pica, mais sans rĂ©el succĂšs et peu d’enregistrements. En revanche, il a participĂ© quasiment Ă  tous les orchestres, Canaro, Di Sali, do Reyes, Firpo, Fresedo, Maffia, Piazzolla, Pugliese et a terminĂ© sa carriĂšre dans l’orchestre symphonique de l’orchestre de Cordoba.
Sa virtuositĂ© a inspirĂ© Ă  Argentino GalvĂĄn une composition musicale « ViolinomanĂ­a Â», qu’il a heureusement enregistrĂ©e avec le Brighton Jazz Orquesta, un orchestre qu’il dirigeait dans les annĂ©es 1940. Ce n’est pas du tango, mais je le placerai en fin de cet article pour que vous puissiez juger de sa virtuositĂ©.
Je ne vous donne pas d’autre indication pour l’écoute du tango du jour. Si vous ne dĂ©tectez pas immĂ©diatement le violon de Vardaro, arrĂȘtez le tango, mettez-vous au reggaeton.

Extraits musicaux

En premier, je vous propose la version de danse. Elle a été enregistrée une semaine aprÚs la version en chanson.

Ventarrón 1933-03-13 — Orquesta Típica Victor con Alberto Gómez

Dans cette version, le deuxiĂšme soliste, c’est le violoniste Elvino Vardaro. Je vous laisse l’écouter et avoir la chair de poule en l’entendant. Fabuleux.

Ventarrón 1933-03-06 Alberto Gómez accompagné par un orchestre

Il n’est pas certain que l’orchestre soit la TĂ­pica Victor. C’est une version chantĂ©e et donc, l’important, c’est le chanteur, l’orchestre est au second plan.
Cette version n’est pas pour le bal et est Ă  mon avis musicalement moins intĂ©ressante. Je reste donc avec ma version chĂ©rie, celle du 13 mars que je propose de temps Ă  autre en milonga, notamment en Europe oĂč la TĂ­pica Victor a plutĂŽt la cote.

Les paroles

Por tu fama, por tu estampa,
sos el malevo mentado del hampa;
sos el mĂĄs taura entre todos los tauras,
sos el mismo VentarrĂłn.

¿Quién te iguala por tu rango
en las canyengues quebradas del tango,
en la conquista de los corazones,
si se da la ocasiĂłn?

Entre el malevaje,
Ventarrón a vos te llaman

VentarrĂłn, por tu coraje,
por tus hazañas todos te aclaman…

A pesar de todo,
VentarrĂłn dejĂł Pompeya
y se fue tras de la estrella
que su destino le señaló.

Muchos años han pasado
y sus guapezas y sus berretines
los fue dejando por los cafetines
como un castigo de Dios.

Solo y triste, casi enfermo,
con sus derrotas mordiéndole el alma,
volviĂł el malevo buscando su fama
que otro ya conquistĂł.

Ya no sos el mismo,
VentarrĂłn, de aquellos tiempos.
Sos cartĂłn para el amigo
y para el maula un pobre cristo.

Y al sentir un tango
compadrĂłn y retobado,
recordĂĄs aquel pasado,
las glorias guapas de VentarrĂłn.

Pedro Maffia Letra : JosĂ© Horacio Staffolan

Dans la version de danse du 13 mars, Gomez ne chante que deux couplets (en gras dans le texte). En revanche le violon chante tout le reste, c’est lui la vedette de ce tango.  
Dans la version chanson, Gomez chante la totalitĂ© des couplets, dans l’ordre indiquĂ©, sans reprise. De brefs moments instrumentaux donnent une petite respiration, mais la voix est quasiment toujours prĂ©sente et on peut avoir une impression de monotonie qui fait que ce tango ne pourrait pas porter de façon satisfaisante Ă  l’improvisation.
Il convient donc dans cette version de porter attention aux paroles. Heureusement, elles ne posent pas de problĂšme particulier.
En voici une traduction libre :
Par ta renommĂ©e, par ton image, tu es le mĂ©chant attitrĂ© du gang ; tu es le plus caĂŻd parmi tous les caĂŻds, tu es le VentarrĂłn mĂȘme (vent furieux).
Qui t’égale pour ton rang dans les brisĂ©es du tango canyengue (façon de danser du canyengue, inspirĂ©e de la posture du combat Ă  l’arme blanche), dans la conquĂȘte des cƓurs, si l’occasion s’en prĂ©sente ?
Dans l’assemblĂ©e des voyous, ils t’appellent VentarrĂłn
 VentarrĂłn, pour ton courage. Pour tes exploits tout le monde t’acclame

MalgrĂ© tout, VentarrĂłn a dĂ©laissĂ© Pompeya (quartier de Buenos Aires) et a suivi l’étoile que son destin lui a indiquĂ©e.
De nombreuses années ont passé et ses témérités et ses faussetés, il les a abandonnées pour les cafés, comme un chùtiment de Dieu.
Seul et triste, presque malade, avec ses dĂ©faites mordant son Ăąme, le bagarreur est revenu cherchant sa renommĂ©e qu’un autre a dĂ©jĂ  conquise.
Tu n’es plus le mĂȘme, VentarrĂłn, de cette Ă©poque. Tu es un cave pour l’ami (le footballeur Messi dirait bobo plutĂŽt que cave) et pour le lĂąche un pauvre hĂšre.
Et quand tu sens un tango amical et passé de mode, tu te souviens de ce passé, des gloires téméraires de Ventarrón.

LĂ  oĂč on revient Ă  mon violoniste adorĂ©

Je vous l’avais promis, on termine avec d’Elvino Vararo, le meilleur violoniste de tango du 20e siĂšcle.
Argentino GalvĂĄn a Ă©crit ViolinomanĂ­a en l’honneur de la virtuositĂ© d’Elvino Vararo. Celui-ci l’a enregistrĂ© Ă  la tĂȘte du Brighton Jazz Orquesta en 1941 Ă  Buenos Aires. Elvino dirigeait cet orchestre Ă  la radio « El Mundo » et pour des concerts dans diffĂ©rents lieux, cabarets,confiterias, bals


Violinomanía 1941 — Brighton Jazz Orquesta, direction et violon, Elvino Vararo (Argentino Galván)

Pour ĂȘtre complet, je devrais sans doute citer qu’il a enregistrĂ© le mĂȘme jour Frenesi, un morceau de « Rumba fox-trot », toujours avec le Brighton Jazz et les chanteurs Nito et Roland. C’est moins virtuose, mais reprĂ©sentatif d’un orchestre de Jazz Ă  l’ñge d’or du tango.

Frenesi 1941, Brighton Jazz Orquesta, direction et violon, Elvino Vararo, con Nito y Roland (Alberto Domingez)

Pour clore le chapitre en revenant au tango, mĂȘme si c’est du tango Ă  Ă©couter et pas Ă  danser, voici Pico de oro qu’Elvino a enregistrĂ© avec son orchestre en 1953.

Pico de oro 1953 – Elvino Vardaro y su Orquesta TĂ­pica (Juan Carlos CobiĂĄn Letra: Enrique CadĂ­camo).
De nombreuses années ont passé et ses témérités et ses faussetés, il les a abandonnées pour les cafés, comme un chùtiment de Dieu.

En lo de Laura 1943-03-12 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Antonio Polito Letra Enrique CadĂ­camo (Domingo Enrique CadĂ­camo)

Cette milonga, enregistrĂ©e il y a exactement 81 ans par D’Agostino et Vargas Ă©voque l’un des lieux de tango semi-clandestin les plus fameux des dĂ©buts du tango. Celui qui Ă©tait tenu par Laurentina Monserrat, Laura. Nous sommes Ă  la fin du XIXe, dĂ©but du XXe siĂšcle. Je vous propose de suivre le tango dans ses berceaux interlopes, Ă  la recherche de ses heures de gloire.

Au sujet de Sacale punta, j’ai Ă©voquĂ© les « maisons » de tango. Je prolonge ici l’enquĂȘte, plus au cƓur de ces premiers sites, qui n’étaient pas que des lieux de danse


Extrait musical

En lo de Laura 1943-03-12 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Les paroles

Milonga de aquel entonces
que trae un pasado envuelto…
De aquel 911
ya no te queda ni un vuelto…
Milonga que en lo de Laura
bailé con la Parda Flora

Milonga provocadora
que me dio cartel de taura

Ah… milonga ‘e lo de Laura


Milonga de mil recuerdos
milonga del tiempo viejo.
Qué triste cuando me acuerdo
si todo ha quedado lejos…
Milonga vieja y sentida
¿quién sabe qué se ha hecho de todo?
En la pista de la vida
ya estamos doblando el codo.
Ah… milonga ‘e lo de Laura


Amigos de antes, cuando chiquilĂ­n,
fui bailarĂ­n compadrito…
Saco negro, trensillao, y bien afrancesao
el pantalĂłn a cuadritos…
ÂĄQue baile solo el Morocho
 ! — me solía gritar
la barra «
 e los Balmaceda

Viejos tangos que empezĂł a cantar
la Pepita Avellaneda
ÂĄEso ya no vuelve mĂĄs!

Antonio Polito Letra Enrique CadĂ­camo (Domingo Enrique CadĂ­camo).

Une brĂšve et caricaturale histoire du tango

On lit beaucoup de bĂȘtises sur les prĂ©mices du tango, le mieux est donc de faire court pour limiter la liste de ces Ăąneries. Ce que l’on peut en dire de façon Ă  peu prĂšs certaine est qu’il n’est pas nĂ© dans les salons huppĂ©s de la bourgeoisie. Cependant, les jeunes hommes de la bonne sociĂ©tĂ©, les niños biens, allaient parfois s’encanailler dans les moins troubles des lieux de « divertissement » de l’époque.
Comme bien sĂ»r, les filles de bonne famille ne pouvaient pas dĂ©cemment se rendre dans les mĂȘmes lieux, la danse se faisait avec les femmes du lieu, des banlieusardes, des soubrettes, des grisettes et des prostituĂ©es, plus ou moins raffinĂ©es. On n’y dansait donc pas entre hommes, en tout cas pas de façon gĂ©nĂ©ralisĂ©e et souhaitĂ©e

Lorsque le tango est revenu couvert de gloire d’Europe et notamment de Paris, le tango s’est diffusĂ© dans les hautes sphĂšres. Il n’était plus nĂ©cessaire de frĂ©quenter ce type de lieu pour le pratiquer, les femmes de la bonne sociĂ©tĂ© pouvaient alors s’adonner Ă  cette danse qui s’est alors assagie. Les paroles outranciĂšres comme celles de Villodo ont Ă©tĂ© rĂ©Ă©crites, la danse s’est raffinĂ©e en adoptant une attitude plus droite, plus Ă©lĂ©gante, le tango Ă©tait prĂȘt Ă  entrer dans son Ăąge d’or. Par chance pour nous, c’est aussi plus ou moins l’époque oĂč l’enregistrement Ă©lectrique est apparu, ce qui nous permet de conserver des souvenirs sonores de bien meilleure qualitĂ© de cette Ă©poque. Enregistrement.

Allons au bordel

La maison que certains appellent pudiquement « école de danse » ou tout simplement Lo de Laura (ou du nom d’une autre tenanciĂšre) est tout simplement une maison de plaisirs. Cependant, il ne faut pas y voir nĂ©cessairement un lieu sordide, digne d’un roman de Zola.
En effet, la prostitution au XIXe siÚcle avait différents étages.

Les courtisanes

Tout en haut, la Courtisane. À Paris, la Paiva en Ă©tait sans doute le meilleur exemple. C’était une prostituĂ©e, plus ou moins occasionnelle qui a rĂ©ussi Ă  se faire remarquer et qui est devenu une femme entretenue, par un ou plusieurs riches hommes.
Avoir une maĂźtresse pour un homme trĂšs riche n’était pas mal vu Ă  l’époque, au contraire, c’est le contraire qui aurait Ă©tĂ© choquant. On aurait pensĂ© qu’il Ă©tait pingre ou ruinĂ©, ce qui n’aurait pas Ă©tĂ© bon pour les affaires.

L’hĂŽtel de la PaĂŻva, 25 avenue des Champs-ÉlysĂ©es Ă  Paris, France,

L’hĂŽtel de la PaĂŻva est le seul hĂŽtel particulier restant de l’époque oĂč on affirmait que c’était les Champs-ÉlysĂ©es Ă©taient la plus belle avenue du Monde. En effet, l’horrible avenue actuelle n’a plus rien Ă  voir avec le charme de tous ces hĂŽtels qui rivalisaient sur les « Champs ». MĂȘme ce survivant est mis Ă  mal, car dĂ©sormais masquĂ© par la devanture d’un bistrot.
Prendre un exemple en France n’est pas une erreur, c’est ce pays qui servait essentiellement de modĂšle pour les mƓurs de la haute sociĂ©tĂ© Ă  cette Ă©poque.

Cliquez ce lien pour en savoir un peu plus sur ce lieu et sa propriétaire.

Les cocotes

La cocote n’arrive pas au statut social des courtisanes. Elle est entretenue par divers « rĂ©guliers », mais aucun n’est suffisamment riche ou gĂ©nĂ©reux pour lui permettre de s’établir dans un somptueux hĂŽtel particulier.
Notons que les Ă©conomies qu’arrivent Ă  faire certaines leur permettent d’ouvrir des maisons, que ce soient des pensions (logements) ou des bordels. Elles continuent donc de travailler, elles-mĂȘmes ou font travailler d’autres femmes, contrairement aux Courtisanes, qui ne travaillent plus que pour le plaisir ou leur mĂ©cĂšne.

Les occasionnelles

L’occasionnelle est celle qui ayant du mal Ă  boucler son budget, se livre Ă  l’exercice moyennant finance. Elle peut ĂȘtre une lingĂšre, une fille de salle, une artiste de cabaret, ou toute autre profession qui ne garantit pas un revenu suffisamment rĂ©gulier et important pour vivre. Certaines auront un peu de chance dans leurs rencontres et iront rejoindre les cocotes, voire les courtisanes, mais d’autres feront cela Ă  temps plein et entreront alors dans les maisons closes.

Les maisons closes (prostibulos)

LĂ  encore il y a diffĂ©rents Ă©tages. Je ne rentrerai pas dans les dĂ©tails, car cela n’aurait pas trop d’intĂ©rĂȘt pour notre propos. Ce qu’il suffit de savoir est que pour pratiquer le tango dans les premiers temps, c’étaient des lieux oĂč on pouvait facilement trouver une partenaire, pour danser, ou plus si affinitĂ© (et finances). En gĂ©nĂ©ral, cela commençait avec un cafĂ©, cafĂ© qui reste toujours de mise dans la bouche des dragueurs des milongas portĂšgnes

Ces Ă©tablissements Ă©taient contrĂŽlĂ©s, notamment pour limiter la syphilis et gĂ©rĂ©s par une ancienne prostituĂ©e, un souteneur ou quelque entrepreneur entreprenant. D’ailleurs, de trĂšs nombreuses filles pauvres, notamment des Françaises, sont venues Ă  Buenos Aires avec les promesses d’un bel Argentin et se sont retrouvĂ©es dans ces Ă©tablissements avec des fortunes trĂšs diverses. Parmi elles, on pourrait citer de nombreuses « grisettes » comme Griseta, Malena, ManĂłn, Margot, MarĂ­a, MimĂ­, Mireya NinĂłn et Mademoiselle Ivonne qui devient Madame Ivonne. Cette derniĂšre toutefois Ă©tait une administratrice de pension, pas de bordel, elle a employĂ© diffĂ©remment ses Ă©conomies.
Les diffĂ©rentes « écoles de danse » Ă©taient donc des lieux oĂč la danse n’était pas la seule activitĂ©.

Les « Lo »

Parmi les lieux les plus rĂ©putĂ©s pour la danse, on pourrait citer Lo de Laura, qui fait l’objet de ce tango et que nous avons dĂ©jĂ  dĂ©crit Ă  propos de Sacale punta XXXX, Lo de Maria la Vasca (la Basque). On cite souvent Lo de Hansen qui Ă©tait un bar-restaurant crĂ©Ă© par un Allemand, Juan Hansen, en 1877, mais il est Ă  la fois douteux que ce fĂ»t un lieu de danse et un bordel. En revanche, Lo de Tancreli revendique les deux fonctions.

Lo de Hansen

Cet établissement était situé dans le parc 3 de febrero (Palermo) qui a été inauguré en 1875.
Pour ceux que ça intĂ©resse, le nom vient du 3 fĂ©vrier 1852, date de la bataille de Caseros entre les armĂ©es de Rosas et Urquiza et qui marque le dĂ©but de la pĂ©riode nommĂ©e « organizaciĂłn nacional » (organisation nationale
) de l’histoire politique mouvementĂ©e de l’Argentine.
Le 4 mai 1877, Juan Hansen sollicite auprĂšs de la commission du parc d’ouvrir un cafĂ©-restaurant dans une construction du parc (probablement antĂ©rieure Ă  la crĂ©ation du parc en 1875, car elle Ă©tait en mauvais Ă©tat. Il avait dĂ©jĂ  un Ă©tablissement depuis 1869, Ă©galement Ă  Palermo (en face de la gare). La commission accepte et Juan Hansen effectuera diffĂ©rents travaux comme l’ajout d’une terrasse sur le toit, le remplacement du plancher par un carrelage, l’agrandissement des fenĂȘtres existantes et la construction d’un salon supplĂ©mentaire.

Le cafĂ© de Hansen, ici nommĂ© « Restaurant del Parque 3 de Febrero » et la mention J Hansen sur la droite de la façade. À droite, une vue « intĂ©rieure ». On voit sur ces deux photos les amĂ©nagements proposĂ©s Ă  la commission : Le carrelage et la terrasse panoramique.

Le cafĂ© restaurant ouvre donc, mais se livrerait Ă  d’autres activitĂ©s, comme l’avancent « JosĂ© Sebastian TallĂłn dans El tango en su etapa de mĂșsica prohibida. Buenos Aires, Instituto Amigos del Libro Argentino, 1959 et repris par Enrique Horacio Puccia dans “el Buenos Aires de Ángel Villoldo”. »
« Hansen Ă  Palermo, Ă©tait un mĂ©lange de bordel somptueux et de restaurant. Un commerce de prĂ©curseurs, pourrait-on dire, avec en prime les bagarres frĂ©quentes, le cabaret tumultueux qui a prĂ©cĂ©dĂ© les actuels. Ce fut la cour de rĂ©crĂ©ation de bacancitos (petits chefs) et compadritos comme ils se dĂ©finissent eux-mĂȘmes. Et des bagarreurs et des gens ayant divers problĂšmes. »
Cependant, plus qu’un bordel, c’était une « Chupping house » comme disent Ă©lĂ©gamment les Argentins qui ne veulent pas parler de la chose et la dĂ©guisent par une expression anglaise qui pourrait se traduire par masturbation. Il semblerait que les bosquets avoisinants aient Ă©tĂ© propices Ă  ces activitĂ©s, notamment la nuit.
En effet, le cafĂ© de Hansen avait deux visages. Il Ă©tait ouvert en permanence. De jour, il accueillait les promeneurs qui venaient se rafraĂźchir et manger et de nuit, les fĂȘtards et fauteurs de trouble s’y retrouvaient.
Parmi eux, les amateurs de tango. Ceux-ci venaient Ă©couter, car il Ă©tait interdit de le danser, comme l’affirment notamment Amadeo Lastra et Miguel Angel Scenna.
Cependant, plusieurs tĂ©moignages indiquent que l’on dansait tout de mĂȘme au son de la musique dans les alentours de l’établissement. Dans ce sens, je vous propose le tĂ©moignage de FĂ©lix Lima :

« Se bailaba ? Estaba prohibido el bailongo, pero a retaguardia del caserĂłn de Hansen, en la zona de las glorietas tanguea base liso, tangos dormilones, de contrabando. Los mozos hacĂ­an la vista gorda. El tango estaba en pañales. A un no habĂ­a invadido los salones de la “haute”. Solamente lo bailaban las mujeres alegres »

« Est-ce qu’on y dansait ? Il Ă©tait interdit de faire du bailongo, mais Ă  l’arriĂšre de l’établissement d’Hansen, dans la zone des gloriettes, il se dansait des tangos tranquilles, des tangos lascifs (endormis), de contrebande. Les serveurs faisaient semblant de ne pas voir (vista gorda). Le tango avait encore des couches (Ă©tait bĂ©bĂ©). Il n’avait pas encore investi les salons de la « haute ». Seules les femmes lĂ©gĂšres (alegres) le dansaient.

El Esquinazo, un succĂšs Ă  tout rompre

C’est dans cet Ă©tablissement qu’a eu lieu l’incroyable succĂšs de El Esquinazo d’Ángel Gregorio Villoldo. Voici comment le raconte Pintin Castellanos dans Entre cartes y quebradas, candombes, milongas y tangos en su historia y comentarios. Montevideo, 1948.
Pintin parle du CafĂ© Tarana qui Ă©tait le nom de l’époque du CafĂ© de Hansen (qui Ă©tait mort le 3 avril 1891). Anselmo R. Tarana avait lorsqu’il en devint le propriĂ©taire le 8 mai 1903, adoptĂ© le nom « Restaurante Recreo Palermo. Antiguo Hansen ». Mais pour les clients, c’était Lo de Hansen ou Lo de Tarana. Signalons que Tarana avait cinq voitures, pour raccompagner les clients Ă  domicile, ce qui tĂ©moigne bien du succĂšs.
La composition de Villoldo a Ă©tĂ© un triomphe [
]. L’accueil du public fut tel que, soir aprĂšs soir, il se rendit au et le rythme diabolique du tango susmentionnĂ© commença Ă  rendre peu Ă  peu tout le monde fou. Pour avoir une idĂ©e de comment c’était jouĂ© Ă  l’époque, un enregistrement de 1909 sorti le 5 mars 1910.

El esquinazo 1910-03 05 — Estudiantina Centenario dirige par Vicente Abad (Ángel Gregorio Villoldo Letra Carlos Pesce ; A. Timarni [Antonio Polito])

Tout d’abord, et avec une certaine prudence, les clients ont accompagnĂ© la musique de « El Esquinazo » en tapant lĂ©gĂšrement avec leurs mains sur les tables.
Mais les jours passaient et l’engouement pour le tango diabolique ne cessait de croütre.
Les clients du CafĂ© Tarana ne se contentaient plus d’accompagner avec le talon et leurs mains. Les coups, en gardant le rythme, augmentĂšrent peu Ă  peu et furent rejoints par des tasses, des verres, des chaises, etc.
Mais cela ne s’est pas arrĂȘtĂ© lĂ  [
] Et il arriva une nuit, une nuit fatale, oĂč se produisit ce que le propriĂ©taire de l’établissement florissant ressentait depuis des jours. À l’annonce de l’exĂ©cution du tango dĂ©jĂ  consacrĂ© de Villoldo, une certaine nervositĂ© Ă©tait perceptible dans le public nombreux [
] l’orchestre a commencĂ© le rythme rythmique de « El Esquinazo » et tous les assistants ont continuĂ© Ă  suivre leur rythme avec tout ce qu’ils avaient sous la main : chaises, tables, verres, bouteilles, talons, etc. […]. Patiemment, le propriĂ©taire (Anselmo R Tarana) a attendu la fin du tango du dĂ©mon, mais le dernier accord a reçu une standing ovation de la part du public. La rĂ©pĂ©tition ne se fit pas attendre ; et c’est ainsi qu’il a Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© un, deux, trois, cinq, sept
 Finalement, de nombreuses fois et Ă  chaque interprĂ©tation, une salve d’applaudissements ; et d’autres choses cassĂ©es [
] Cette nuit inoubliable a coĂ»tĂ© au propriĂ©taire plusieurs centaines de pesos, irrĂ©couvrables. Mais le problĂšme le plus grave [
] n’était pas ce qui s’était passĂ©, mais ce qui allait continuer Ă  se produire dans les nuits suivantes.
AprĂšs mĂ»re rĂ©flexion, le malheureux « Paganini » des « assiettes brisĂ©es » prit une rĂ©solution hĂ©roĂŻque. Le lendemain, les clients du cafĂ© Tarana ont eu la dĂ©sagrĂ©able surprise de lire une pancarte qui, prĂšs de l’orchestre, disait : « Est strictement interdite l’exĂ©cution du tango el esquinazo ; La prudence est de mise Ă  cet Ă©gard. »

Lo de MarĂ­a la Vasca

Cette maison Ă©tait situĂ©e en la calle Europa, aujourd’hui, Carlos Calvo au n° 2721. Elle appartenait Ă  Carlos Kern (El Ingles) et sa femme, MarĂ­a Rangolla, une basque française) et une ancienne prostituĂ©e, devenue Courtisane la gĂ©rait.
C’est lĂ  que Rosendo MendizĂĄbal a lancĂ© « El Entrerriano », voir cela dans l’article sur Sacale punta.

El entrerriano 1910-03-05 Estudiantina Centenario dir. Vicente Abad (enregistré en 1909, sortie du disque le 5 mars 1910). Une sympathique version avec une jolie mandoline.
Extérieur et patio de la casa de Maria la Vasca.

Le mari de la Vasca, Carlos Kern dont l’autre surnom Ă©tait Matasiete (tue sept en rĂ©fĂ©rence Ă  son imposante stature) veillait Ă  ce que les dames de la maison soient respectĂ©es.
Un film un peu particulier sur cette maison : Origines prohibidos y prostibularios del tango — MarĂ­a Aldaz. Il y a beaucoup Ă  lire, plus qu’à regarder, c’est comme un immense gĂ©nĂ©rique, ou un livre Ă  dĂ©filement automatique, mais ce travail est intĂ©ressant si vous avez le courage de vous y plonger.

Origines prohibidos y prostibularios del tango par MarĂ­a Aldaz

La Parda Loreto

Le mari de la Vasca possĂ©dait un autre lieu, plus modeste qui Ă©tait situĂ© Ă  Chile au 1567 Ă  la Societad Patria e Lavoro. Cet immeuble n’existe plus. Sa danseuse la plus rĂ©putĂ©e Ă©tait « La Parda » Loreto.
Avec le paiement d’un supplĂ©ment, il Ă©tait possible de profiter d’une chambre avec une des belles du bal.
Cette « annexe » de Lo de la Vasca, n’était pas forcĂ©ment bien vue par Maria, qui Ă©tait Ă  juste titre jalouse de ce qui s’y passait avec son mari.

Lo de Laura

Lo de Laura est l’établissement en l’honneur duquel a Ă©tĂ© Ă©crite la milonga du jour.
Elle Ă©tait situĂ©e en Paraguay 2512. J’en ai parlĂ© Ă  propos de Sacale punta. XXXX
Cette maison Ă©tait beaucoup plus grande que celle de MarĂ­a la Vasca.

Lo de Laura (Laurentina Monserrat). Cette « maison » Ă©tait situĂ©e en Paraguay 2512. C’est maintenant une maison de retraite


Sa fréquentation était plus élitiste que celles des toutes les autres maisons.

Les maisons de tango dans les paroles de tangos

Voici quelques tangos qui parlent de ces maisons, comme Lo de Laura.

En lo de Laura 1943-03-12 — Antonio Polito Letra Enrique Cadícamo

Lo de Laura

C’est le tango du jour, voir donc ci-dessus, mais ne boudons pas le plaisir d’écouter de nouveau nos deux anges. Vargas et D’Agostino.

En lo de Laura 1943-03-12 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

No aflojĂ©s (Pedro Maffia et SebastiĂĄn Piana Letra : Mario Battistella)

Lo de Laura et Lo de MarĂ­a la Vasca

 Â«â€‰Vos fuiste el rey del bailongo en lo de Laura y la Vasca… »

No aflojĂ©s 1940-11-13 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas (Pedro Maffia ; SebastiĂĄn Piana Letra: Mario Battistella)

Tiempos viejos (Francisco Canaro Letra:  Manuel Romero)

Lo de Laura et lo de Hansen

En 1926, Carlos Gardel enregistrait le bon vieux temps, celui des « maisons » de danse, ces bordels de luxe oĂč on dansait le tango et cherchait la compagnie des femmes. La musique est de Francisco Canaro et les paroles de Manuel Romero.

Tiempos viejos (Te acordĂĄs hermano) 1926 — Carlos Gardel avec les guitares de Guillermo Barbieri et JosĂ© Ricardo (Francisco Canaro Letra: Manuel Romero)

Canaro l’a enregistrĂ© Ă  de multiples reprises, mais seulement Ă  partir de 1927, notamment avec sa compagne officieuse, Ada FalcĂłn.

Tiempos viejos (Te acordĂĄs hermano) 1931-12-17 — Ada FalcĂłn con acomp. de Francisco Canaro. C’est une autre version « chanson ».

Je reviendrai Ă  l’occasion du tango du jour sur une version de danse de ce titre, notamment le 28 septembre avec la version enregistrĂ©e en 1937 par Francisco Canaro et Roberto Maida.

ÂżTe acordĂĄs, hermano ? ÂĄQuĂ© tiempos aquĂ©llos!
Eran otros hombres mĂĄs hombres los nuestros.
No se conocĂ­an cocĂł ni morfina,
los muchachos de antes no usaban gomina.

¿Te acordås, hermano? ¥Qué tiempos aquéllos!
ÂĄVeinticinco abriles que no volverĂĄn!
Veinticinco abriles, volver a tenerlos,
si cuando me acuerdo me pongo a llorar.

ÂżDĂłnde estĂĄn los muchachos de entonces?
Barra antigua de ayer ÂżdĂłnde estĂĄ?
Yo y vos solos quedamos, hermano,
yo y vos solos para recordar…
¿Dónde estån las mujeres aquéllas,
minas fieles, de gran corazĂłn,
que en los bailes de Laura peleaban
cada cual defendiendo su amor?

ÂżTe acordĂĄs, hermano, la rubia Mireya,
que quité en lo de Hansen al loco Cepeda?

Casi me suicido una noche por ella
y hoy es una pobre mendiga harapienta.
ÂżTe acordĂĄs, hermano, lo linda que era?
Se formaba rueda pa’ verla bailar…
Cuando por la calle la veo tan vieja
doy vuelta la cara y me pongo a llorar.

Francisco Canaro Letra: Manuel Romero

On note plusieurs Ă©lĂ©ments dans le texte, que j’ai mis en gras et que je traduis ici :
On ne connaissait pas la cocaĂŻne ni la morphine (pas de drogue autre que le tabac).
Les gars d’avant n’utilisaient pas de gomina (le film argentin d’Enrique Carreras ; Los muchachos de antes no usaban gomina sorti le 13 mars 1969 prĂ©tend reprĂ©senter cette Ă©poque et a choisi cette phrase de la chanson comme titre.
Tu te souviens, frĂ©rot, de la blonde Mireya, que j’ai piquĂ© Ă  Lo de Hansen au fou Cepeda ? Il a piquĂ© la copine française, Mireille, Ă  Cepeda, le poĂšte AndrĂ©s Cepeda [surnommĂ© le Loco ou le mauvais, il Ă©tait de plus anarchiste] et il a failli se suicider pour elle et aujourd’hui, elle est une mendiante.

La Vasca [Juan Calos BazĂĄn]

Lo de MarĂ­a la Vasca

Couverture de la partition pour piano de la Vasca de Juan Carlos Bazan.

On a la partition, mais pas d’enregistrement de ce tango.

El fueye de Arolas [Pedro Laurenz Letra : HĂ©ctor MarcĂł]

Lo de Hansen

Lo de Hansen est citĂ© dans « El fueye de Arolas » [Le bandonĂ©on d’Arolas] Ă©crit Ă  la mĂ©moire d’Arolas par HĂ©ctor Marcó en 1951, Ă  l’occasion du retour des restes d’Arolas de Paris Ă  Buenos Aires :
No ronda en las noches de Hansen al muelle [Il s’agit du quai de la Marne, Arolas Ă©tant mort Ă  Paris]. La mention de Lo de Hansen est donc trĂšs sommaire, mais ça prouve qu’en 1924, l’établissement rasĂ© en 1912 restait dans les mĂ©moires).
Pedro Laurenz le mettra en musique, mais il n’a probablement pas Ă©tĂ© enregistrĂ©.

La Pishuca — El baile en lo de Tranqueli

NotĂ© par Eduardo Barberis le 25 avril 1905 (compositeur anonyme).

Lo de Tranqueli, cet Ă©tablissement de bas Ă©tage Ă©tait situĂ© Ă  l’angle sud-est des rues SuĂĄrez y Necochea (La Boca). L’immeuble n’en a plus pour trĂšs longtemps, il est dĂ©saffectĂ©. À droite, la partition avec la retranscription des paroles qui sont assez difficiles Ă  comprendre.

Eduardo Barberis (qui a fait un travail ethnographique en rĂ©coltant ce tango) a essayĂ© de reproduire la façon de chanter ce qu’il entendait. Cela rend la partition moins comprĂ©hensible. Je vous propose une version probable et une traduction approximative Ă  la suite


Anoche en lo de Tranqueli
Bailé con la Boladora
Y estaba la parda Flora
Que en cuanto me vio estrilĂł,
Que una vez en los Corrales
En un cafetĂ­n que estaba,
Le tuve que dar la biaba
Porque se me reversĂł.

Premier couplet du tango qui en compte cinq, de la mĂȘme eau…

Hier soir Ă  lo de Tranqueli, j’ai dansĂ© avec la Boladora. Il y avait la Parda Flora (Uruguayenne mulĂątresse ayant travaillĂ© Ă  Lo de Laura et danseuse rĂ©putĂ©e). Quand elle m’a vu elle s’est mise en colĂšre, car aux Corrales dans un cafĂ© oĂč elle Ă©tait, j’avais dĂ» lui donner une branlĂ©e, car j’étais Ă  l’envers (retournĂ©, pas dans mon assiette).
Je propose de rapprocher la Parda Flora de Pepita Avellaneda, qui si elle n’est pas la mĂȘme a un parcours trĂšs similaire : Uruguay, Lo de Laura, Flores et la Boca.
Aux Corrales viejos a eu lieu le 22 juin 1880, le dernier combat des guerres civiles argentines. Les forces nationales y ont remporté la derniÚre manche contre les rebelles de la Province de Buenos Aires.

Los Corrales Viejos (situĂ© Ă  Parque Patricios). On voit qu’on n’est pas dans l’ambiance feutrĂ©e des salons parisiens, ni mĂȘme dans celle de Lo de Laura


Selon le poÚte Miguel A.Camino, le tango est né aux Corrales Viejos dans les années 80, les duels au couteau leur ont appris à danser, le 8 (ocho) et la sentada, la media luna et le pas en arriÚre.
Lo de Tranqueli fait partie des piringundines, les bordels oĂč on danse, mais de bas Ă©tages. Rien Ă  voir avec les Ă©tablissements de plus haute tenue comme Lo de Laura.
Fernando Assuncao, dans « El tango y sus circunstancias » mentionne cette uruguayenne fameuse qui gĂ©rait un bordel en Montevideo oĂč il y avait rĂ©guliĂšrement (pour ne pas dire tout le temps du grabuge). On lui attribue la phrase « ¥Que haiga relajo pero con orden! », que ce soit dĂ©tendu, mais avec de l’ordre !

En guise de conclusion, provisoire


Il est Ă©tonnant et intĂ©ressant de voir comment le tango s’est frayĂ© un chemin des faubourgs et de la prostitution de bas Ă©tage, jusqu’aux plus hautes classes de la sociĂ©tĂ©. Nous avons dĂ©veloppĂ© aujourd’hui la premiĂšre Ă©tape, celle oĂč le tango est interdit de danse dans les lieux publics et doit donc se cacher dans des Ă©tablissements dĂ©guisĂ©s sous le nom d’école de danse ou de bordels.
J’ai passĂ© sous silence la danse dans les conventillos (habitats populaires), mais on imagine que les fanatiques du tango devaient saisir toutes les occasions possibles, dans les gloriettes oĂč on pouvait entendre la musique de chez Hansen, jusqu’à la musique des manĂšges pour enfants (les calecitas).
Progressivement, il se trouve un chemin et va ĂȘtre dansĂ© dans de nouveaux lieux, comme ici au ThĂ©Ăątre de la rue de la rue Victoria.

El Teatro de la Victoria. On trouve en gĂ©nĂ©ral la photo de droite associĂ©e Ă  Lo de Laura. Il s’agit en fait d’une photographie rĂ©alisĂ©e en 1905 au Teatro de la Victoria qui Ă©tait situĂ© au 954 de la calle Victoria (actuelle Hipolito Irigoyen).

L’étape suivante se passe en Europe, nous aurons l’occasion d’y revenir.
À suivre


Danseurs en Lo de Laura — Reconstitution fantaisiste à tous points de vue.

Felicia 1966-03-11 – Orquesta Florindo Sassone

Enrique Saborido Letra Carlos Mauricio Pacheco

Felicia est un tango abondamment enregistrĂ©. La version d’aujourd’hui est un peu plus rare en milonga, car la sonoritĂ© particuliĂšre de Sassone n’est pas recherchĂ©e par tous les danseurs. Il a rĂ©alisĂ© cet enregistrement le 11 mars 1966, il y a 58 ans.

Florindo Sassone (12 janvier 1912 – 31 janvier 1982) Ă©tait violoniste. Il a commencĂ© Ă  monter son orchestre dans les annĂ©es 1930.
Le succĂšs a Ă©tĂ© particuliĂšrement long Ă  venir, mais il a progressivement crĂ©Ă© son propre style en s’inspirant de Fresedo et Di Sarli. D’ailleurs, comme nous l’avons vu avant-hier avec Pimienta de Fresedo, les correspondances musicales sont nettes au point que l’on peut confondre dans certains passages Fresedo et Sassone dans les annĂ©es 60. À Di Sarli, il a empruntĂ© des Ă©lĂ©ments de sa la ligne mĂ©lodique et du dialogue entre le piano et le chant des violons.
Il gĂšre son orchestre par bloc, sans mettre en valeur un instrument particulier avec des solos.
Pourtant, il a des musiciens de grand talent dans son orchestre :

  • Piano : Osvaldo Requena (puis Norberto Ramos)
  • BandonĂ©ons : Pastor Cores, Carlos Pazo, JesĂșs MĂ©ndez et Daniel Lomuto (puis Orlando Calautti et Oscar Carbone avec le premier bandonĂ©on Pasto Cores)
  • Violons : Roberto Guisado, Claudio GonzĂĄlez, Carlos Arnaiz, Domingo Mancuso, Juan Scafino et JosĂ© Amatriali (Eduardo Matarucco, Enrique Mario Francini, JosĂ© Amatriain, JosĂ© Votti, Mario Abramovich et Romano Di Paola autour de Carlos Arnaiz, Claudio GonzĂĄlez et Domingo Mancuso).
  • Contrebasse : Enrique Marcheto (puis Mario Monteleone et Victor Osvaldo Monteleone)

Autre Ă©lĂ©ment de son originalitĂ©, ses ponctuations qui terminent une bonne part de ses phrases musicales et des instruments plus rares en tango comme :

  • La harpe : Etelvina Cinicci
  • Le vibraphone et les percussions : Salvador MolĂ©

Écoutez le style trùs particulier de Sassone avec ce trùs court extrait de La canción de los pescadores de perlas (version de 1974).

Les dix premiĂšres secondes de la canciĂłn de los pescadores de perlas 1974. Remarquez la harpe et le vibraphone.

Extrait musical

Felicia 1966-03-11 — Orquesta Florindo Sassone.

Les paroles

Il s’agit ici d’un tango instrumental. Felicia peut ĂȘtre un prĂ©nom qui fait penser Ă  la joie (feliz en espagnol, fĂ©licitĂ© en français). Cependant, Carlos Mauricio Pacheco a crĂ©Ă© des paroles pour ce tango et elles sont loin de respirer l’allĂ©gresse. Il exprime la nostalgie pour sa terre natale (l’Uruguay) en regardant la mer. Il peut s’agir du Rio de la Plata qui est tellement large qu’il est difficile de ne pas le prendre pour une mer quand on le voit depuis Buenos Aires.

AllĂĄ en la casta apartada
donde cantan las espumas
el misterio de las brumas
y los secretos del mar,
yo miraba los caprichos
ondulantes de las olas
llorando mi pena a solas:
mi consuelo era el mirar.

Desde entonces en mi frente
como un insondable enigma
llevo patente el estigma
de este infinito pesar.
Desde entonces en mis ojos
estĂĄ la sombra grabada
de mi tarde desolada:
en mis ojos estĂĄ el mar.

Ya no tendré nunca aquellos
tintes suaves de mi aurora
aunque quizĂĄs se atesora
toda su luz en mis ojos.
Ya nunca veré mis playas
ni aspiraré de las lomas
los voluptuosos aromas
de mis flores uruguayas.

Enrique Saborido Letra Carlos Mauricio Pacheco

J’ai 65 versions diffĂ©rentes de ce titre et pas une n’est chantĂ©e. On se demande donc pourquoi il y a des paroles. C’est sans doute qu’elles ont Ă©tĂ© jugĂ©es un peu trop tristes et nostalgiques et pas en adĂ©quation avec la musique qui est plutĂŽt entraĂźnante dans la plupart des versions.

Le vibraphone et la harpe dans le tango

Sassone a utilisĂ© assez systĂ©matiquement la harpe et le vibraphone dans ses enregistrements des annĂ©es postĂ©rieures Ă  1960. C’est un peu sa signature, mais il n’est pas le seul. Je vous invite Ă  identifier ces instruments dans les titres suivants. Amis danseurs, imaginez comment mettre en valeur ces « dings » et « bloings ».

Vida mía 1934-07-11 — Tito Schipa con Orquesta Osvaldo Fresedo (Osvaldo Fresedo Letra: Emilio Augusto Oscar Fresedo).

Il peut s’agir d’un autre orchestre, mais on entend clairement le vibraphone dans ce titre et pas dans la version de danse chantĂ©e par Roberto Ray enregistrĂ©e moins d’un an avant, le 13 septembre 1939. Je prĂ©sente cette version pour illustrer mon propos, mais la voix criĂ©e de Schipa n’est pas des plus agrĂ©ables, contrairement Ă  la version formidable de Ray.

Orquesta Osvaldo Fresedo. À gauche, on voit bien le vibraphone. À droite, on voit bien la harpe. Le vibraphone est cachĂ© Ă  l’arriĂšre.
El vals soñador 1942-04-29 — Orquesta Miguel CalĂł con RaĂșl BerĂłn (Armando Pontier Letra Oscar Rubens). On entend par exemple le vibraphone Ă  6 et 22 secondes.

Nina 1955 — Florindo Sassone (compositeur Abraham).

Le vibraphone puis la harpe dĂ©butent ce thĂšme (Nina 1955 Florindo Sassone. Extrait de « 100 años de vibrĂĄfono y su desarrollo en el Tango » de Gerardo Verdun (vibraphoniste que je vous recommande si vous vous intĂ©ressez Ă  cet instrument).

Nina 1971 — Florindo Sassone (compositeur Abraham), le mĂȘme thĂšme enregistrĂ© en 1971.

Pour en savoir plus sur les instruments de musique du tango, vous pouvez consulter l’excellent site : Milongaophelia. Il manque quelques instruments comme la scie musicale, l’orgue Hammond, les ondes Martenot et Ă©ventuellement l’accordĂ©on, mais leur panorama est dĂ©jĂ  assez complet.
Comme danseur, vous pouvez vous entraĂźner Ă  les reconnaĂźtre et les choisir pour dynamiser votre improvisation en passant d’un instrument Ă  l’autre au fur et Ă  mesure de leurs jeux de rĂ©ponse.
Voici Florindo Sassone en reprĂ©sentation au Teatro ColĂłn Ă  Buenos Aires, le 21 juillet 1972. Vous pourrez entendre (difficilement, car le son n’est pas gĂ©nial) :

  • (00:00) Organito de la Tarde (Castillo CĂĄtulo (Ovidio CĂĄtulo Castillo GonzĂĄlez) Letra : JosĂ© GonzĂĄlez Castillo (Juan de LeĂłn). On retrouve l’inspiration de Di Sarli dans cette interprĂ©tation.
  • (02:26) Champagne tango (Manuel ArĂłztegui Letra: Pascual Contursi)
  • (05:45) La cumparsita (Gerardo Matos RodrĂ­guez Letra: Pascual Contursi)
  • (08:53) Re Fa si (Enrique Delfino). On y entend bien la harpe et le vibraphone.

Sur la vidéo on peut remarquer la harpe, le vibraphone, mais aussi les timbales, pas si courantes dans un orchestre de tango.

Et pour en terminer avec le tango du jour, un tango assez original, car il s’agit en fait d’un morceau de musique classique française, de Georges Bizet (Les pĂȘcheurs de perles) qui a donnĂ© lieu Ă  diffĂ©rentes versions par Sassone, donc celle que je vous offre ici, enregistrĂ©e en 1974. Vous y entendrez la harpe et le vibraphone, nos hĂ©ros du jour.

La canción de los pescadores de perlas 1974 — Orquesta Florindo Sassone.

Nous sommes à présent au bord de la mer, partageant les pensées de Carlos Mauricio Pacheco, songeant à son pays natal.

Carlos Mauricio Pacheco, pensant Ă  son Uruguay natal en regardant les vagues.

Sondage

Ce titre peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un particulier Ă  danser. Vous pouvez donner votre avis en rĂ©pondant Ă  ce sondage.

Pimienta 1939-03-10 — Orquesta Osvaldo Fresedo

Osvaldo Fresedo (compositeur)

Fresedo est un vieux de la vieille, mais dont le style a beaucoup Ă©voluĂ© au cours de sa longue carriĂšre de chef d’orchestre. Pimienta, est un des fleurons de la partie la plus intĂ©ressante de ses 70 ans de tango. Il en est le compositeur et ici l’interprĂšte.

Fresedo a commencĂ© Ă  jouer en public Ă  16 ans, en 1913. À partir de 1920, il a commencĂ© Ă  enregistrer, jusque dans les annĂ©es 1980, environ 1200 titres.

À plus de 90 %, ce sont des tangos. Moins de deux pour cent sont des valses ou des milongas. Le reste sont diffĂ©rents rythmes, pasodobles, scottishs, congas, fox-trots, chansons, rancheras, rumbas, shimmys et autres. En effet, comme beaucoup d’orchestres de tango, il jouait d’autres styles, car dans les bals de l’époque se dansaient de nombreux styles et pas seulement ceux issus du tango. Dans les programmes des Ă©vĂ©nements un peu plus consĂ©quents, il y avait en gĂ©nĂ©ral deux orchestres annoncĂ©s. Un de tango et un de « Jazz » (le reste). N’oublions pas qu’il a jouĂ© avec Dizzy Gillepsie.

S’il a enregistrĂ© avec diffĂ©rents chanteurs, dont Carlos Gardel et rĂ©alisĂ© de merveilleux enregistrements avec Roberto Ray et Ricardo Ruiz, la majoritĂ© de sa production de tango sont instrumentaux.

C’est le cas de notre tango du jour, Pimienta, enregistrĂ©e le 10 mars 1939 auprĂšs de la RCA Victor. Le numĂ©ro de matrice est 12706-1 et le disque est la rĂ©fĂ©rence 38682B.

Le mĂȘme jour, il a enregistrĂ© avec Ricardo Ruiz, un tango magnifique, mais que peu de DJ passent en milonga, bien qu’il soit parfaitement dansable. Je vous le propose aussi Ă  l’écoute

Extrait musical

Pimienta 1939-03-10 Osvaldo Fresedo. L’impressionnant glissando qui est une caractĂ©ristique de plusieurs titres de Fresedo donne l’impression que quelque chose chute. Comme danseur, il est difficile de rĂ©sister Ă  l’envie de faire quelque chose pour marquer « l’atterrissage ».
Mi gitana 1939-03-10 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo Ruiz – Juan JosĂ© Guichandut Letra : Enrique CadĂ­camo.

Autre versions de Pimienta par Osvaldo Fresedo

De 1939 à 1962, Fresedo a enregistré quatre fois Pimienta. Cela nous donne une idée de la progression de son style sur cette période.
Voici les quatre enregistrements par ordre chronologique :

Pimienta 1939-03-10 Osvaldo Fresedo. C’est l’enregistrement du jour. Un des grands titres pour les danseurs.
Pimienta 1945 Osvaldo Fresedo.

C’est un enregistrement public, Ă  la radio, dans le cadre de la Ronda Musical de las AmĂ©ricas. Osvaldo Fresedo dirige son Gran Orquesta Argentina avec le merveilleux Elvino Vardaro comme premier violon et Emilio Barbato au piano. J’ai coupĂ© le blabla au dĂ©but pour ne garder que la musique. La musique est relativement courte, seulement 1,45 minute, sans doute Ă  cause du format imposĂ© par la radio et du bavardage initial (50 secondes). La qualitĂ© sonore est mĂ©diocre comme la plupart des « grabaciones radiales » (enregistrement Ă  la radio), mais on peut remarquer un certain nombre de diffĂ©rences dans l’orchestration par rapport Ă  la version originale de 1939.

Pimienta 1959-01-23 — Osvaldo Fresedo.

Vingt ans aprĂšs la premiĂšre version, celle-ci est d’un style trĂšs diffĂ©rent. Plus « symphonique », plus enrichi, avec une orchestration complĂštement renouvelĂ©e. On retrouve tout de mĂȘme les chutes, mais il me semble que la danse n’y trouve pas son compte. C’est joli, mais je ne le propose pas en milonga, malgrĂ© quelques trouvailles intĂ©ressantes d’une meilleure superposition des plans et des chutes assez impressionnantes.

Pimienta 1962-10-04 — Osvaldo Fresedo.

Encore diffĂ©rent de la version de 1959, on trouve ici le « Fresedo-Sassone ». En effet, on trouve dans cette version les « glings » chers Ă  Sassone qui fait que l’on ne retrouve pas du tout l’esprit de Fresedo tel que le conçoivent les danseurs habituĂ©s Ă  ces titres des annĂ©es 30-40. MalgrĂ© des impacts intĂ©ressants, cette version est sans doute un peu monotone pour la danse.
En rĂ©sumĂ©, hormis pour l’illustration, je reste avec la merveilleuse version de 1939.

Qui est pimienta ?

La pimienta est le poivre. Je ne pense pas que Fresedo pensa Ă  faire l’apologie de cette Ă©pice quand il a Ă©crit le titre. N’ayant pas trouvĂ© d’information sur le sujet, j’ai cherchĂ© d’autres tangos parlant de pimienta. Il n’y en a pas dans ma discothĂšque, pourtant assez vaste. Il y a bien une milonga AzĂșcar, pimienta y sal d’HĂ©ctor Varela (Salustiano Paco Varela) ; TitĂ­ Rossi (Ernesto Ovidio Rossi) et avec des paroles d’Abel Aznar (Abel Mariano Aznar).

AzĂșcar, pimienta y sal 1973 – Orquesta HĂ©ctor Varela con Fernando Soler y Jorge FalcĂłn

Le sujet est une femme, au caractùre variable. Voici ce qu’en dit un des couplets, le dernier :

La quiero difĂ­cil como es,
con su mundo diferente.
Qué importa su mundo al revés,
sin que cambie fĂĄcilmente.
Tampoco lo que hablen de mi,
porque yo la quiero asĂ­.
AsĂ­, como es
rebelde y angelical.
ÂĄAsĂ­, como es,
azĂșcar, pimienta y sal!

HĂ©ctor Varela (Salustiano Paco Varela) ; TitĂ­ Rossi (Ernesto Ovidio Rossi) avec des paroles d’Abel Aznar (Abel Mariano Aznar)

Traduction :

Je l’aime difficile comme elle est, avec son monde diffĂ©rent.
Qu’importe son monde à l’envers, sans qu’il change facilement.
Ni ce qu’ils disent de moi, parce que je l’aime ainsi. Rebelle et angĂ©lique. Ainsi, comme elle est le sucre, le poivre et le sel
 !

J’ai donc imaginĂ© que Pimienta parlait d’une femme au caractĂšre bien marquĂ©. C’est ainsi que j’ai proposĂ© l’image de couverture, avec une femme, disons, presque en colĂšre


Pour terminer, je propose cette beautĂ© « angĂ©lique », mais avec une pointe de rĂ©bellion dans les yeux.

ÂżPimienta?

Sacale punta 1938-03-09 (Milonga tangueada) – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Randona (Armando Julio Piovani)

Osvaldo Donato Letra Sandalio GĂłmez

Cette milonga du jour a Ă©tĂ© enregistrĂ©e le 9 mars 1939, il y a 85 ans. Elle a Ă©tĂ© enregistrĂ©e par Donato et est toujours un succĂšs dans les milongas. Cependant, son titre prĂȘte Ă  interprĂ©tations et je choisis ce prĂ©texte pour vous faire entrer dans le monde du tango du dĂ©but du 20e siĂšcle.

Edgardo Donato interprĂšte ici une milonga Ă©crite par son frĂšre, pianiste, Osvaldo. Deux chanteurs interviennent, Horacio Lagos et Randona (Armando Julio Piovani). Ils ne chantent que deux couplets, comme il est d’usage pour le tango de danse.

Le disque

Sacale punta est la face B et la valse Que sera ?, la face A du disque Victor 38397.

Sur l’étiquette on trouve plusieurs mentions. Le nom de l’orchestre, Edgardo Donato y sus Muchachos et le nom d’un des chanteurs de l’estribillo, Horacio Lagos. Randona n’est pas mentionnĂ©.
On trouve le nom des auteurs et compositeurs. L’auteur des paroles est en premier. Pour la valse, il n’y a qu’un nom, car Pepe GuĂ­zar est l’auteur de la musique et des paroles. Vous pourrez Ă©couter cette valse en fin d’article.
Sur le disque, on peut remarquer sur l’étiquette l’encadrĂ© suivant


ExĂ©cution publique et radio-transmission rĂ©servĂ©es Ă  RCA Victor Argentina INC. Ce disque n’est donc pas autorisĂ© pour ĂȘtre jouĂ© en milonga 😉

Extrait musical

Sacale punta 1938-03-09 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Randona (Armando Julio Piovani)

Les paroles

Sacale punta a esta milonga
Que ya empezĂł.
SentĂ­ que esos fueyes que rezongan
De corazĂłn.
Y las pebetas se han venido
De « true Vuitton ». (De truco y flor)
El tango requiebra la vida (El tango es rey que da la vida)
Y en su nota desparrama,
Su amor.

Tango lindo de arrabal
Que yo,
No lo he visto desmayar
ÂĄ TriunfĂł!.
Tango lindo que al cantar
VolcĂł,
Su fe, su amor
Varón tenés que ser.

Nada hay que hacer cuando rezongan
El bandoneĂłn
Oreja a oreja las parejas
Bailan al son,
De un tango lleno de recuerdos
Que no cayĂł.
Si desde los tiempos de Laura
Se ha sentido primera agua
y brillĂł.

Osvaldo Donato Letra Sandalio Gómez. Seuls les deux premiers couplets sont chantés dans cette version.

Pourquoi un crayon à la milonga ?

Les paroles de cette chanson parlent donc de la milonga, du point de vue de l’homme qui se prĂ©pare Ă  danser joue contre joue (oreille contre oreille) avec des jeunes femmes.
« Saca punta » se dit pour tailler les crayons, faire sortir, la pointe, la mine. Cela se dit couramment dans les Ă©coles.

Sacale punta. J’ai reprĂ©sentĂ© le crayon bien taillĂ© sur cette image, mais ce n’est qu’une petite partie de l’énigme.

Ici, Sandalio a Ă©crit « Sacale punta a esta milonga », sors-lui la pointe Ă  cette milonga

Pour ceux qui pourraient s’interroger, sur l’intĂ©rĂȘt d’apporter un crayon Ă  la milonga. Une petite investigation qui je l’espĂšre ne sera pas trop dĂ©cevante :

Les autres textes de Sandalio GĂłmez

Si on cherche une piste dans les autres textes Ă©crits par Sandalio GĂłmez on trouve :
Deux tangos : « Cumbrera » et « El mundo estĂĄ loco ». Le premier est un hommage Ă  Carlos Gardel et le second s’inscrit dans la tradition de « Cambalache » ou de « Al mundo le falta un tornillo », ces tangos qui parlent de la dĂ©gĂ©nĂ©rescence du Monde.
Deux milongas : « De punta a punta » et « Mis piernas » qui est une milonga qui incite Ă  se reposer, car les paroles commencent ainsi : « Sentate, cuerpo sentate, que las piernas no te dan mĂĄs » assois-toi corps, car les jambes n’en peuvent plus.
Un paso doble : « Embrujo » parle d’un « envoutement » amoureux.
Du grand classique et si ce n’était ce « Sacale punta », les paroles ne prĂȘteraient pas Ă  interprĂ©tation. On n’est pas en prĂ©sence de textes de Villoldo qu’il a souvent fallu remanier pour respecter les bonnes mƓurs.

D’autres musiques utilisant « Sacale punta »

Il y a d’autres musiques qui utilisent l’expression « Sacale punta ». Par exemple, la milonga Ă©crite par JosĂ© Basso : « Sacale punta al lĂĄpiz » 1955-09-16 Ă©crite par JosĂ© Basso, mais qui n’a pas de paroles.

Sacale punta al lĂĄpiz 1955-09-16 – JosĂ© Basso (Musique JosĂ© Basso)

Si on reste en Argentine, on trouve plus rĂ©cemment l’expression dans des textes de cumbias. Les cumbias ont souvent des textes scabreux, c’est le cas de celle qui s’appelle comme la milonga de Basso et qui est interprĂ©tĂ©e par Neni y su banda. Mon blog se voulant de haute tenue, je ne vous donnerai pas les paroles, mais sachez que le possesseur du lĂĄpiz (crayon) se vante de pouvoir en faire quelque chose au lit.
Le groupe cubain Vieja Trova Santiaguera chante Ă©galement « Sacale punta al lĂĄpiz ». Ce son est avec des paroles relativement explicites, la muñequa (poupĂ©e) faisant rĂ©fĂ©rence au mĂȘme crayon que la cumbia susmentionnĂ©e.

SĂĄcale la punta al lĂĄpiz – Vieja Trova Santiaguera

Le chanteur portoricain de Salsa, Adalberto Santiago, chante dans une salsa du mĂȘme titre, « Sacale punta ». Il s’agit dans ce cas de faire les comptes avec sa compagne qui l’a trompĂ©e. Comme la liste des reproches est longue, elle doit prĂ©parer la mine de son crayon pour pouvoir tout noter. On est donc ici, dans la lignĂ©e scolaire, du crayon dont on doit affuter la mine.

SĂĄcale punta 1982-12-31 – Adalberto Santiago

Dans l’esprit du crayon pour Ă©crire, on pourrait penser au carnet de bal pour inscrire les partenaires avec qui nous allons danser. Je n’y crois pas dans ce cas. Tout au plus le carnet et le crayon seront pour noter les coordonnĂ©es de la belle


Et donc, pourquoi « Sacale punta » ?

Comme vous l’imaginez, les pistes prĂ©cĂ©dentes ne me satisfont pas. Je vais vous donner ma version, ou plutĂŽt mes versions, mais qui se rejoignent. Pour cela, interrogeons le lunfardo, l’argot portĂšgne.
En lunfardo se dit : « de punta en blanco » qui signifie Ă©lĂ©gant. Il est donc logique de penser que le narrateur souhaite sortir ses meilleurs vĂȘtements pour aller Ă  la milonga.
Toujours en lunfardo, « hacer punta » est aller de l’avant. On peut donc imaginer qu’il faut aller de l’avant pour aller Ă  la milonga.
Continuons avec le lunfardo : La punta est aussi un couteau, une arme blanche. Quand on connaĂźt la rĂ©putation des compadritos, on se dit qu’ils peuvent ĂȘtre prĂȘts Ă  sortir le couteau Ă  la moindre occasion Ă  la milonga.
Pour rĂ©sumer, il se prĂ©pare avec ses beaux habits, Ă©ventuellement avec un couteau dans la poche pour les coups durs. Il est donc prĂȘt pour aller Ă  la milonga qui a dĂ©jĂ  commencĂ©, pour danser joue contre joue et discuter ce qui se doit avec ceux qui se mettent en travers de sa route. On ne peut pas tout Ă  fait exclure un double sens Ă  la Villoldo, surtout si on se rĂ©fĂšre au fait que cette milonga se rĂ©fĂšre au dĂ©but du XXe siĂšcle, Ă©poque oĂč les paroles Ă©taient beaucoup plus « libres ».

Lo de Laura

En effet, le dernier couplet, qui n’est pas chantĂ© ici, parle du temps de Laura. Il s’agit de la casa de Laura (Laurentina Monserrat). Elle Ă©tait situĂ©e en Paraguay 2512. Cette milonga Ă©tait de bonne frĂ©quentation au dĂ©but du vingtiĂšme siĂšcle.

Lo de Laura (Laurentina Monserrat). Cette « maison » Ă©tait situĂ©e en Paraguay 2512. C’est maintenant une maison de retraite


Les danseurs pouvaient danser avec les « femmes » de la maison moyennant le paiement de quelques pesos. Je ne connais pas le prix pour cette maison, mais dans une maison comparable, Lo de Maria (La Vasca), le prix Ă©tait de 3 pesos de l’heure. Le mari de la propriĂ©taire, « El Ingles » (Carlos Kern) veillait Ă  ce que les protĂ©gĂ©es soient respectĂ©es. On est toujours Ă  l’époque du tango de prostibulo, mais avec classe.
Il indique que dĂšs l’époque de Laura, il Ă©tait de Primer agua c’est-Ă -dire qu’il Ă©tait dĂ©jĂ  trĂšs bon. Un peu comme dans la milonga « En lo de Laura » (musique d’Antonio Polito et paroles d’Enrique CadĂ­camo). En effet, dans cette milonga, CadĂ­camo a Ă©crit : « Milonga provocadora que me dio cartel de taura  », Milonga provocante qui me donna le titre de champion (en fait, plutĂŽt dans le sens de cador, caĂŻd, compadrito, courageux, qui se montre
).

En lo de Laura 1943-03-12 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas – Antonio Polito Letra Enrique CadĂ­camo (Domingo Enrique CadĂ­camo)

Pour vous donner une idĂ©e de l’ambiance de Lo de Laura, vous pouvez regarder cet extrait du film argentin « La Parda Flora » de LeĂłn Klimovsky et qui est sorti le 11 juillet 1952. C’est bien sĂ»r une reconstitution, avec les limites que ce genre impose.

Reconstitution de l’ambiance en Lo de Laura. Extrait du film argentin « La Parda Flora » de LeĂłn Klimovsky sorti le 11 juillet 1952

Dans cette partie du film se joue “El Entrerriano” d’Anselmo Rosendo MendizĂĄbal. En effet, une tradition veut que MendizĂĄbal ait Ă©crit ce tango en Lo de Laura. Il Ă©tait en effet pianiste dans cet Ă©tablissement et c’est donc fort possible. Il intervenait aussi Ă  Lo de Maria la Vasca et certains affirment que cet dans ce dernier Ă©tablissement qu’il a inaugurĂ© le tango.
Notons que les deux affirmations ne sont pas contradictoires, mais je préfÚre lever le doute en prenant le témoignage de José Guidobono, témoin et acteur de la chose.
Il dĂ©crit cela dans une lettre envoyĂ©e en 1934 Ă  HĂ©ctor et Luis Bates et qui la publiĂšrent en 1936 dans « Las historias del tango: sus autores Â» :

“ExistĂ­a una casa de baile que era conocida por “MarĂ­a la Vasca”. AllĂ­ se bailaba todas y toda la noche, a tres pesos hora por persona. Encontraba en esos bailes a estudiantes, cuidadores y jockeys y en general, gente bien. El pianista oficial era Rosendo y allĂ­ fue donde por primera vez se tocĂł “El entrerriano”. [
] asĂ­ se bailĂł hasta las 6 a.m. Al retirarnos lo saludĂ© a Rosendo, de quien era amigo, y lo felicitĂ© por su tango inĂ©dito y sin nombre, y me dijo: “se lo voy a dedicar a usted, pĂłngale nombre”. Le agradecĂ­ pero no aceptĂ©, y debo decir la verdad, no lo aceptĂ© porque eso me iba a costar por lo menos cien pesos, al tener que retribuir la atenciĂłn. Pero le sugerĂ­ la idea que se lo dedicase a Segovia, un muchacho que paseaba con nosotros, amigo tambiĂ©n de Rosendo y admirador; asĂ­ fue; Segovia aceptĂł el ofrecimiento de Rosendo. Y se le puso “El entrerriano” porque Segovia era oriundo de Entre RĂ­os.”.

José Guidobono

Traduction :

Il y avait une maison de danse connue sous le nom de « MarĂ­a la Vasca ». On y dansait toute la nuit pour trois pesos de l’heure et par personne. À ces bals, j’ai croisĂ© des Ă©tudiants, des mĂ©decins et des jockeys [c’était une soirĂ©e spĂ©ciale du Z Club, club auquel Rosendo MendizĂĄbal a d’ailleurs dĂ©diĂ© un tango (Z Club)] et en gĂ©nĂ©ral, de bonnes personnes.
Le pianiste officiel Ă©tait Rosendo et c’est lĂ  que « El entrerriano » a Ă©tĂ© jouĂ© pour la premiĂšre fois. [
] c’est ainsi qu’on a dansĂ© jusqu’à 6 heures du matin.
En partant, j’ai saluĂ© Rosendo, dont j’étais ami, et je l’ai fĂ©licitĂ© pour son tango inĂ©dit et sans nom, et il m’a dit : « Je vais te le dĂ©dicacer, donne-lui un nom ». Je l’ai remerciĂ©, mais je n’ai pas acceptĂ©, et je dois dire la vĂ©ritĂ©, je ne l’ai pas acceptĂ© parce que cela allait me coĂ»ter au moins cent pesos, pour le remercier de l’attention. Mais j’ai suggĂ©rĂ© l’idĂ©e qu’il le dĂ©dicace Ă  Segovia, un garçon qui marchait avec nous, Ă©galement ami et admirateur de Rosendo ; C’est comme ça que ça s’est passé ; Segovia a acceptĂ© l’offre de Rosendo. Et il l’a intitulĂ© « El Entrerriano » parce que Segovia Ă©tait originaire d’Entre RĂ­os. [
] Rosendo a ainsi gagnĂ© cent mangos (pesos en lunfardo). »

La face A du disque Victor 38397

Sur la face A du mĂȘme disque Victor a gravĂ© une valse. Elle a Ă©tĂ© enregistrĂ©e le mĂȘme jour par Donato et Lagos, comme c’est souvent le cas.
Cette valse est sublime, je vous la propose donc ici :

QuĂ© será ? 1938-03-09 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos — Pepe GuĂ­zar (MyL)

Ne pas confondre cette valse avec une au titre qui ne diffùre que par deux lettres


QuiĂ©n será ? 1941-10-13 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos — Luis Rubistein (MyL)

Un clin d’Ɠil pour les DJ

Felix Picherna, un cĂ©lĂšbre DJ de l’époque des cassettes Philips, utilisait un crayon pour rembobiner ses cassettes. Il devait donc sacar la punta antes de la milonga.
J’en parle dans mon article sur les tandas.
Maintenant, vous ĂȘtes prĂȘts Ă  danser Ă  Lo de Laura ou dans votre milonga favorite.

Felix Pincherna utilisant un crayon pour rembobiner sa cassette de cortina. http://www.molo7photoagency.com/blog/felix-picherna-el-muzicalizador-de-buenos-aires/04-9/

Niño bien 1953-03-08 — Enrique Mora y su Cuarteto TĂ­pico con Elsa Moreno

Juan Antonio Collazo Letra : Roberto Fontaina ; VĂ­ctor Soliño

Un Niño bien est un jeune homme de bonne famille, Ă©lĂ©gant et un peu prĂ©cieux. Cependant, le tango du jour parle d’un autre Niño bien. Enrique Mora et Elsa Moreno vous invitent Ă  dĂ©couvrir le personnage avec une caricature lĂ©gĂšre et entraĂźnante. C’est aussi pour moi, l’occasion de vous faire souvenir d’un orchestre un peu oubliĂ©.

MĂȘme dans le monde du tango, il y a des personnes qui aiment paraĂźtre, qui ont la « nariz parada » (le nez relevĂ© par la fiertĂ©), qui souhaitent pĂ©ter plus haut que leur cul. Ce tango, dont les paroles qui sont de Roberto Fontaina et VĂ­ctor Soliño, parlent d’un de ces personnages de banlieue qui joue Ă  ĂȘtre de la haute (sociĂ©tĂ©).
Ce tango a été enregistré diverses reprises, en deux vagues.
La plus ancienne version est une version chantĂ©e par Alberto Vila, accompagnĂ© Ă  la guitare en 1927. L’annĂ©e suivante, la TĂ­pica Victor enregistre une version instrumentale et en 1930 Irusta le chante avec Lucio Demare (piano) et Samul Reznik (violon).
Puis le titre reste dans l’ombre, jusqu’en 1948. Nous Ă©couterons en fin d’article, certains des enregistrements de cette renaissance.

À propos de Niño bien

 Niño bien a donnĂ© son nom Ă  une milonga du jeudi Ă  Buenos Aires qui Ă©tait fameuse mais qui a malheureusement disparu, comme tant d’autres.

La Leonesa, le salon oĂč se dĂ©roulait la milonga Niño bien. Je pense que vous reconnaissez le DJ 😉

Cette milonga Ă©tait suffisamment fameuse pour que Brian Winter donne son nom Ă  un de ses livres (Bien aprĂšs minuit Ă  la Niño bien). Une autre milonga fameuse qui elle aussi a disparu, Thunderland est l’autre hĂ©roĂŻne parmi les milongas citĂ©es dans ce livre.

La captivante quĂȘte d’une AmĂ©ricaine dans les milongas portĂšgnes pour retrouver le bel Argentin dont elle est tombĂ©e amoureuse dans une milonga aux USA. Pour le retrouver, elle devra dĂ©couvrir tous les aspects du tango. Ce livre permet de se remĂ©morer des lieux qui n’existent plus, dont la fameuse milonga Niño Bien Ă©voquĂ©e ci-dessus. Je ne vous en dis pas plus pour ne pas vous gĂącher le plaisir de lire ce livre paru en 2008, mais qui place l’histoire en 1999.

Enrique Mora y su Cuarteto TĂ­pico con Elsa Moreno

Enrique (Fausta) Mora (8 fĂ©vrier 1915 – 14 juillet 2003) est sans doute injustement oubliĂ©, Il Ă©tait un brillant pianiste, chef d’orchestre et compositeur de tangos comme Este es tu tango, connu par les enregistrements de Ricardo Tanturi avec Roberto Videla ou Enrique Rodriguez avec Armando Moreno.
J’imagine que son oubli vient en particulier du fait qu’il n’a enregistrĂ© que dans les annĂ©es 50, un moment oĂč le tango de danse Ă©tait en rĂ©gression. Il n’a donc pas Ă©tĂ© rĂ©Ă©ditĂ© aussi rapidement que les monstres sacrĂ©s. Je suis donc content de lui redonner justice, comme j’avais ressorti de l’oubli Donato Racciatti il y a une vingtaine d’annĂ©es (en France). D’ailleurs, Ă  l’écoute, on retrouvera une similitude entre Mora, Racciatti et Firpo, jusqu’à la façon de chanter d’Elsa Moreno qui peut Ă©voquer Nina Miranda ou Olga Delgrossi, voire Tita Merello qui a aussi chantĂ© ce titre.
Elsa Moreno a enregistrĂ© une douzaine de titres avec le cuarteto d’Enrique Mora entre 1953 et 1956. Niño bien est le premier de la sĂ©rie.

Extrait musical

Niño bien 1953-03-08 — Enrique Mora y su Cuarteto TĂ­pico con Elsa Moreno

Les paroles

Niño bien, pretencioso y engrupido,
que tenés berretín de figurar;
niño bien que llevås dos apellidos
y que usĂĄs de escritorio el Petit Bar;
pelandrĂșn que la vas de distinguido
y siempre hablĂĄs de la estancia de papĂĄ,
mientras tu viejo, pa’ ganarse el puchero,
todos los dĂ­as sale a vender fainĂĄ.

Vos te creés que porque hablås de ti,
fumås tabaco inglés
paseĂĄs por SarandĂ­,
y te cortĂĄs las patillas a lo Rodolfo
sos un fifĂ­.
Porque usĂĄs la corbata carmĂ­n
y allĂĄ en el Chantecler
la vas de bailarĂ­n,
y te mandĂĄs la biaba de gomina,
te creés que sos un rana
y sos un pobre gil.

Niño bien, que naciste en el suburbio
de un bulín alumbrao a querosén,
que tenés pedigrée bastante turbio
y decĂ­s que sos de familia bien,
no manyĂĄs que estĂĄs mostrando la hilacha
y al caminar con aire triunfador
se ve bien claro que tenés mucha clase
para lucirte detrĂĄs de un mostrador.

Juan Antonio Collazo Letra: Roberto Fontaina; Víctor Soliño

La photo de couverture

Pour cette image, je ne suis pas parti de photos. Je vais vous expliquer la démarche, à la lueur des paroles du tango.

Siempre hablĂĄs de la estancia de papĂĄ, mientras tu viejo, pa’ ganarse el puchero, todos los dĂ­as sale a vender fainĂĄ. [Tu parles toujours du domaine de ton papa, cependant ton vieux, pour gagner la pitance, sort tous les jours pour vendre des fainĂĄs (Galettes Ă  base de farine de pois chiches)].

Au couplet suivant : « te cortĂĄs las patillas a lo Rodolfo, sos un fifĂ­. » Tu te tailles les pattes Ă  la Rudoph (Valentino), tu es un effĂ©minĂ©.

Pour l’image, je suis parti de l’idĂ©e d’avoir le Niño Bien au premier plan et Ă  l’arriĂšre-plan, son vieux pĂšre qui vend des fainĂĄs. Pour le le niño bien, j’ai choisi de partir de son modĂšle, Ă  savoir Rudolph Valentino, cet acteur de l’époque du cinĂ©ma muet qui Ă©tait considĂ©rĂ© comme particuliĂšrement beau. Pour le pĂšre, j’ai dĂ©cidĂ© de mettre en avant (ou plutĂŽt Ă  l’arriĂšre dans le cas prĂ©sent) un vĂ©ritable vendeur de fainĂĄs. Il s’agit ici de galettes de farine de pois chiches, cuites au four Ă  pizza, Ă  la poĂȘle, ou sur des installations plus sommaires, comme on peut le voir sur la photo.
Voici les images originales :

À gauche, Rudolph Valentino. Il y a un logo en bas Ă  droite, mais je n’ai pas identifiĂ© le studio (photo ou cinĂ©ma). À droite, le « pĂšre » est en fait Ricardo Ravadero, un vendeur ambulant de Buenos Aires dans les annĂ©es 20 sur cette photo).

D’autres enregistrements des annĂ©es 50 de ce tango

AprĂšs la premiĂšre vague des annĂ©es 20-30, la relance du titre vient de la sortie du film d’Homero Manzi e Ralph Pappier « Pobre mi madre querida », le 28 avril 1948. Hugo del Carril y chante le titre en se moquant d’un autre type, ce qui va se terminer en bagarre


Nino bien 1948-04-28 (sortie du film) — Hugo del Carril. Extrait du film « Pobre mi madre querida » de Homero Manzi y Ralph Pappier
Niño bien 1953-03-08 — Enrique Mora y su Cuarteto TĂ­pico con Elsa Moreno. C’est le tango du jour.
Niño bien 1953 — Orquesta Juan SĂĄnchez Gorio con Luis Mendoza. Date prĂ©cise non-disponible. La matrice est le numĂ©ro OPT 225-1 et le disque 6007A.
Niño bien 1955-03-22 — Orquesta Juan SĂĄnchez Gorio con Luis Mendoza. Avec de la rĂ©verbĂ©ration. On peut prĂ©fĂ©rer la version de 1953

Niño bien 1956-06-14 — Tita Merello accompagnĂ©e par Francisco Canaro. La gouaille incroyable de Tita Merello, fait de cette version un morceau d’anthologie. Pas garanti pour le bal, c’est d’ailleurs prĂ©sentĂ© comme une chanson, mais Ă  ne pas rater.
Le Niño Bien semble détonner dans le magasin et les clients le regardent avec un air étonné.

Tinta verde 1938-03-07 — Orquesta Aníbal Troilo

AgustĂ­n Bardi (compositeur)

Peut-ĂȘtre vous ĂȘtes-vous demandĂ© pourquoi ce sublime tango s’appelait « Tinta Verde » (Encre verte). La version de ce tango du jour a Ă©tĂ© enregistrĂ©e par Anibal Troilo le 7 mars 1938, il y a exactement 86 ans, mais la musique a Ă©tĂ© Ă©crite par Bardi en 1914. Une histoire d’amitiĂ© comme il en existe tant en Argentine.

Jetez l’encre

AgustĂ­n Bardi (13 aoĂ»t 1884 – 21 avril 1941) a Ă©crit ce trĂšs beau tango en 1914. Il n’en existe pas Ă  ma connaissance de versions chantĂ©es, toutes les versions sont instrumentales. On n’a donc que l’écoute et le titre pour avoir une idĂ©e du thĂšme. Je me suis intĂ©ressĂ© Ă  d’autres tangos qui parlaient d’encre (tinta).
Tinta roja (SebastiĂĄn Piana Letra: CĂĄtulo Castillo). Il ne s’agit pas d’encre rouge, mais des jeux de couleurs, couleur du sang et du vin teintĂ© (les hispanophones disent vino tinto pour parler du vin rouge). Tinta roja (1942) a sans doute Ă©tĂ© Ă©crit en rĂ©ponse Ă  tinta verde qui avait toujours du succĂšs comme en tĂ©moignent les enregistrements de D’Arienzo 1935 et Troilo 1938, celui dont on parle aujourd’hui).
Tinta china (Antonio Polito Letra : HĂ©ctor Polito). Encre de Chine. Peut-ĂȘtre pour les mĂȘmes raisons, mais sans le mĂȘme succĂšs, ce tango Ă©crit en 1942 parle des personnes Ă  la peau noire. Tinta china se rĂ©fĂšre donc Ă  la couleur de la peau.
Tinta verde. J’ai gardĂ© le suspens, mais je vous rassure, c’est impossible de deviner pourquoi ce tango s’appelle Tinta verde (encre verte). Ce n’est pas une histoire de couleur de peau (pas de petits Martiens Ă  la peau verte), d’autant plus que la cĂ©lĂšbre Ă©mission d’Orson Welles mettant en scĂšne la Guerre des Mondes d’Herbert George Wells (le plus grand pionnier de la science-fiction) n’a Ă©tĂ© diffusĂ©e que le 30 octobre 1938 et ce tango Ă©crit en 1914.
Je lùve le suspens, il s’agit tout simplement de l’encre verte, celle que l’on peut mettre dans les stylos.

1 Je suis parti d’une photo de Octopus Fluids, le fabricant de l’excellente encre Barock 1910, la verte s’appelle jade. J’espĂšre que le collĂšgue photographe ne m’en voudra pas de cet emprunt, mais j’ai trouvĂ© sa photo si belle que je n’ai pas eu d’idĂ©e pour faire mieux. Voici le site d’Octopus Fluids pour ceux que ça intĂ©resse. https://www.octopus-fluids.de/en/writing-ink-fountain-pen-inks/barock-fountain-pen-inks

Vous allez me dire que je devrais avancer une preuve, car le tango Ă©tant instrumental, c’est difficile Ă  vĂ©rifier.
La preuve, la voici ; AgustĂ­n Bardi avait pour voisin et ami, Eduardo Arolas (24 fĂ©vrier 1892 – 29 septembre 1924). Ce dernier Ă©tait illustrateur en plus d’ĂȘtre bandonĂ©oniste, compositeur et chef d’orchestre. Il Ă©tait donc coutumier de l’usage des encres. Curieuse coĂŻncidence, Ă  la mĂȘme Ă©poque, AgustĂ­n Bardi travaillait pour une entreprise de transport, « La Cargadora » (la chargeuse, ou le chargeur). Dans cet Ă©tablissement, AgustĂ­n Ă©crivait les Ă©tiquettes des expĂ©ditions Ă  l’encre verte. Cela lui a donnĂ© d’écrire le tango pour son jeune ami (il avait 22 ans et AgustĂ­n 30), compagnon d’usage des encres.

Eduardo, qui Ă©tait donc Ă©galement illustrateur a rĂ©alisĂ© la couverture de la partition qui lui Ă©tait dĂ©diĂ©e, Ă  l’encre verte… La boucle est bouclĂ©e.

Extrait musical

Depuis 1914, il y a eu diverses versions du titre. Vous pourrez entendre la plupart en fin de cet article. Mais le tango du jour est l’excellente version de Troilo de 1938. Il l’a rĂ©enregistrĂ©, avec moins de bonheur Ă  mon sens en 1970.

Tinta verde 1938-03-07 — Orquesta AnĂ­bal Troilo. C’est le tango du jour.

Je trouve amusant de proposer en rĂ©ponse, l’encre rouge, qui elle a des paroles chantĂ©es par Fiorentino. Nous en reparlerons sans doute en octobre


Tinta roja 1941-10-23 — Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino / Sebastián Piana Letra : Cátulo Castillo

Je vous laisse apprĂ©cier le contraste. Ces titres peuvent ĂȘtre compatibles, pour les DJ qui mĂ©langent les tangos chantĂ©s et instrumentaux.

D’autres enregistrements

Cette histoire d’amitiĂ©, trop vite interrompue par la mort d’Eduardo Arolas (en 1924, Ă  32 ans), a donnĂ© lieu Ă  de nombreuses et belles versions. AgustĂ­n Bardi aura le bonheur d’entendre les versions de D’Arienzo et Troilo, mais probablement pas l’intĂ©ressante interprĂ©tation de Demare. Ce dernier l’a enregistrĂ© plus d’un an aprĂšs la mort de Bardi, mais il se peut qu’il l’ait jouĂ© en sa prĂ©sence avant avril 1941.

Tinta verde 1916 — Quinteto Criollo Atlanta. Une version acoustique, mais plutĂŽt mĂ©lodique. Pas pour nos milongas, mais Ă  dĂ©couvrir, tout de mĂȘme.
Tinta verde 1927-10-17 — Osvaldo Fresedo. Une version un peu canyengue, moyennement intĂ©ressante, mĂȘme pour l’époque. À rĂ©server aux fans absolus de Fresedo et de la vieille garde.
Tinta verde 1929-10-03 — Orquesta Pedro Maffia. Une version tranquille qui aura une sƓur 30 ans plus tard.
Tinta verde 1935-08-12 — Orquesta Juan D’Arienzo. Un D’Arienzo typique de sa premiĂšre pĂ©riode, avant l’arrivĂ©e de Biagi dans l’orchestre.
Tinta verde 1938-03-07 — Orquesta AnĂ­bal Troilo. C’est le tango du jour.
Tinta verde 1942-12-09 — Orquesta Lucio Demare. J’aime bien l’entrĂ©e du piano au dĂ©but de cette version.
Tinta verde 1945-10-30 — Orquesta Carlos Di Sarli. Magnifique solo de violon.
Tinta verde 1954-01-26 — Orquesta Carlos Di Sarli. Une version lente et majestueuse, comme sait en produire El Señor del Tango.
Tinta verde 1957-06-19 — Orquesta Juan Cambareri. Une version un peu prĂ©cipitĂ©e. Amusante, quasiment dansable en milonga. Elle sera sans doute dĂ©routante pour les danseurs et donc Ă  Ă©viter, sauf occasion trĂšs particuliĂšre.
Tinta verde 1959 — Orquesta Pedro Maffia. 30 ans aprĂšs le premier enregistrement, Maffia joue avec une sonoritĂ© diffĂ©rente, mais un rythme proche.
Tinta verde 1966-12-23 — Orquesta Armando Pontier. Une version assez originale. Pas forcĂ©ment gĂ©niale Ă  danser, mais agrĂ©able Ă  Ă©couter.
Tinta verde 1967-11-14 Orquesta Juan D’Arienzo. Ce n’est clairement pas la meilleure version. Je ne proposerai pas en milonga, mĂȘme si cela reste dansable.
Tinta verde 1970-11-23 — Orquesta AnĂ­bal Troilo. Comme pour D’Arienzo, on s’éloigne un peu trop du tango de danse. C’est magnifique, mais sans doute insatisfaisant pour les meilleurs danseurs.

Il existe bien d’autres versions, les thĂšmes apprĂ©ciĂ©s par Troilo ou D’Arienzo ont beaucoup de succĂšs avec les orchestres contemporains. N’hĂ©sitez pas Ă  donner votre avis sur votre version prĂ©fĂ©rĂ©e en commentaire (il faut crĂ©er un compte pour Ă©viter les spams, mais ce n’est pas trĂšs contraignant).

Agustin Bardi (Ă  droite), a Ă©crit ce tango pour son ami, Eduardo Arolas, Ă  gauche.

Lágrimas 1939-03-06 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos

Edgardo Donato Letra: Maruja Pacheco Huergo

Le tango du jour, LĂĄgrimas a Ă©tĂ© enregistrĂ© il y a exactement 85 ans par Donato et Lagos.
Maruja Pacheco Huergo, l’auteure des paroles a su trouver les mots pour parler de la dĂ©tresse de l’abandon. Je vous invite donc, au-delĂ  de ce thĂšme, Ă  dĂ©couvrir cette femme exceptionnelle, auteure de tangos sublimes comme
El adiĂłs.

Le tango du jour

L’association Donato et Lagos a donnĂ© un grand nombre de tangos magnifiques. Celui d’aujourd’hui, qui fĂȘte son anniversaire aujourd’hui, parle de tristesse, mais la musique dynamique de Donato se dĂ©marque de la plupart des tangos portant ce titre « Lagrimas » en abandonnant la tristesse gĂ©nĂ©ralement de mise.
On compatit aux larmes, mais on se laisse emporter dans la musique pour danser sur la piste ce tango entraĂźnant.
Notons que Donato a Ă©galement enregistrĂ© une valse de ce titre Ă©crite par Vicente Vilardi ; J. Pastene Letra : Juan De la Calle (Federico Saniez).
Je reviendrai sur ce point dans quelques jours, au sujet de LĂĄgrimas y sonrisas ; la tristesse et les valses.

L’orchestre de Donato

Edgardo Donato

Edgardo Donato Ă©tait violoniste et au dĂ©but de son orchestre, en 1930, il jouait en plus de diriger l’orchestre.
Dans l’orchestre on retrouve deux des ses huit frùres Osvaldo au piano et Ascanio au violoncelle.
Petit cadeau, la composition de son orchestre en 1930 et en 1936. Dans l’orchestre de 1936, on remarque trois chanteurs qui ont produit plusieurs titres ensemble, leurs voix se mariant parfaitement.

Instrumentistes Orchestre de 1930 Orchestre de 1936
Bandonéonistes José Roque Turturiello
Vicente Vilardi
Miguel Bonano
José Roque Turturiello
Vicente Vilardi
Eliseo Marchesse
José Budano
Violonistes Edgardo Donato
Armando Julio Piovani
Pascual Humberto MartĂ­nez
Armando Julio Piovani
Domingo Mirillo
José Pollicita
Pianiste Osvaldo Donato Osvaldo Donato
Violoncelliste Ascanio Donato Ascanio Donato
Contrebassiste José Campesi José Campesi
Accordéoniste   Washington Bertolini
(pseudo de Osvaldo Bertoni)
qui Ă©tait aussi pianiste.
Chanteurs Luis DĂ­az
Antonio RodrĂ­guez Lesende
Carlos VivĂĄn
Teófilo Ibåñez
Horacio Lagos
Lita Morales
Romeo Gavio
L’orchestre d’Edgardo Donato en 1930 et 1936. Remarquez la prĂ©sence de ses frĂšres Osvaldo (Piano) et Ascanio (violonceliste)

L’orchestre d’Edgardo Donato en 1933 (ce n’est pas la composition du 6 mars 1939, mais il y a les trois frĂšres Donato, Edgardo, Osvaldo et Ascanio.

Maruja Pacheco Huergo

Sous ses allures discrÚtes et modestes se cachait un génie. Maruja, Pacheco Huergo.

Maruja Pacheco Huergo de son véritable nom, María Esther Pacheco Huergo était une femme remarquable. Je vous propose donc quelques éléments sur Maruja (surnom hypocoristique de Maria).
Si on se limite Ă  sa production de tango, on pourrait citer El adiĂłs, Don Naides, Milonga del aguatero, SinfonĂ­a de arrabal, ou Vuelves et quelques autres dont elle est la compositrice et parfois aussi l’auteure, comme pour le tango du jour dont elle n’a Ă©crit que les paroles. Mais elle a Ă©crit aussi environ 600 titres dans tous les rythmes. C’était donc une compositrice particuliĂšrement prolifique.
Mais Maruja Ă©tait aussi pianiste, chanteuse, auteure et actrice, voire professeur de piano et de chant. Le meilleur est qu’elle a fait tous ces mĂ©tiers avec succĂšs. Elle Ă©tait l’épouse de Manuel FerradĂĄs Campos, lui-mĂȘme Ă©crivain de tangos et journaliste, mais avec nettement moins de rayonnement que son Ă©pouse.

Extrait musical

Lágrimas 1939-03-06 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos

Les paroles

Ansias de hundir en las sombras
la angustia infinita que quiero ocultar.
Ansias de llorar tu llanto,
pena de quererte tanto,
voy por un camino largo
llevando en mi alma buena
mi propio desencanto…
arrastrando en mi agonĂ­a
la cruz de mi resignaciĂłn.

LĂĄgrimas…
En la amargura de mi vida son,
bálsamo

Que cicatrizan mi dolor.
Benditas una y mil veces estas lĂĄgrimas,
sinceras, que brotaron
de mi pobre corazĂłn.

LĂĄgrimas…
Que enmudeciendo mis tristezas van,
lĂĄgrimas…
tibia llovizna de pesar.
Hoy llegan hasta el cĂĄliz de mi vida,
suavizando la nostalgia
de esta inmensa soledad.

Edgardo Donato Letra: Maruja Pacheco Huergo

D’autres enregistrements

LĂĄgrimas n’a Ă©tĂ© enregistrĂ© que par Donato. Avec Horacio Lagos en 1939 et Oscar Peralta en 1956.

Lágrimas 1939-03-06 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos. Tango du jour.

C’est le tango du jour. J’ai eu la chance de le danser hier Ă  la milonga Nuevo Chique avec l’excellent DJ Dany Borelli. Je confirme que malgrĂ© les paroles, le plaisir de le danser est total.

LĂĄgrimas 1956-06-21 – Orquesta Edgardo Donato con Oscar Peralta

Cette derniĂšre version va sans doute surprendre les fans de Donato qui oublient trop souvent que beaucoup de chefs d’orchestres ont eu une carriĂšre trĂšs longue et que par consĂ©quent, ils ont Ă©voluĂ© pour rester dans l’air du temps. En 1956, on est plus en direction de l’Ă©coute que du tango de bal, par exemple.
Signalons que le mĂȘme jour, Donato et Lagos ont enregistrĂ© De punta a punta une milonga Ă©crite par Osvaldo Donato avec des paroles de Sandalio GĂłmez.

De punta a punta 1939-03-06 Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos / Osvaldo Donato Letra Sandalio GĂłmez

Des rires aux larmes et des larmes aux rires

Nous reviendrons prochainement sur ce thÚme (le 26 mars), mais en attendant, deux titres.

Risas y lágrimas 1927-04-08 (valse) — Roberto Firpo con Jazz Band / F. Caso (rires et larmes)

LĂĄgrimas y sonrisas 1950 Roberto Firpo (Hijo) y su Cuarteto (valse) / Pascual De Gullo Letra : Francisco Gullo (larmes et rires) oĂč Pascual De Gullo a merveilleusement jouĂ© des passages des modes mineurs Ă  majeurs pour moduler les variations d’émotion.

Nous terminons donc sur des rires, mais avec moi, vous le savez, le tango est une pensée heureuse qui se danse.

Ce tango a aussi été chanté avec sensibilité par deux hommes, Horacio Lagos et Oscar Peralta. Les hommes aussi peuvent pleurer les tristesses de la vie.

CornetĂ­n 1943-03-05 Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Pedro Maffia Letra : Homero Manzi ; Cátulo Castillo

Le tango du jour, CornetĂ­n, Ă©voque le cornet autrefois utilisĂ© par les « conductors» del tranvĂ­a a motor de sangre (les chargĂ©s de clientĂšle des tramways Ă  moteur de sang, c’est-Ă -dire Ă  traction animale). Il a Ă©tĂ© enregistrĂ© il y a exactement 81 ans.

ÉlĂ©ments d’histoire du tranvĂ­a, le tramway de Buenos Aires)

Les premiers tramways Ă©taient donc Ă  traction animale. Vous aurez notĂ© que les Argentins disent Ă  moteur de sang pour ce qui est traction humaine et animale. Cela peut paraĂźtre Ă©trange, mais quand on pense au prix que payaient les chevaux qui tiraient les tranvĂ­as de Buenos Aires, l’expression est assez parlante.

TranvĂ­as a motor de sangre en la Boca (Puente Puyrredon)

En effet, Ă  Buenos Aires, les chevaux Ă©taient durement exploitĂ©s et avaient une durĂ©e d’utilisation d’environ deux ans avant d’ĂȘtre hors d’usage contre une dizaine d’annĂ©es en Europe, rĂ©gion oĂč le cheval coĂ»tait cher et Ă©tait donc un peu plus prĂ©servĂ©.
Nous avons dĂ©jĂ  vu les calesitas qui Ă©taient animĂ©es par un cheval, jusqu’à ce que ce soit interdit, tout comme, il n’y a que trĂšs peu d’annĂ©es, les cartoneros de Buenos Aires n’aient plus le droit d’utiliser des chevaux. L’ironie de l’histoire est que l’arrĂȘt de l’utilisation des chevaux a Ă©tĂ© Ă©dictĂ© pour Ă©viter la cruautĂ© envers les animaux, mais maintenant, ce sont des hommes qui tirent les charrettes de ce qu’ils ont rĂ©cupĂ©rĂ© dans les poubelles.
Dans la Province de Buenos Aires, le passage de la traction animale Ă  la traction Ă©lectrique s’est fait autour de 1915, sauf pour quelques compagnies rĂ©sistantes Ă  ce changement et qui ont continuĂ© jusqu’à la fin des annĂ©es 20.
Il faut aussi noter que la rĂ©ticence des passagers Ă  la traction Ă©lectrique, avec la peur d’ĂȘtre Ă©lectrocutĂ©, est aussi allĂ©e dans ce sens. Il faut dire que les Ă©tincelles et le tintement des roues de mĂ©tal sur les rails pouvaient paraĂźtre inquiĂ©tants. Je me souviens que quand j’étais gamin, j’aimais regarder le conducteur du mĂ©tro, fascinĂ© par les nuĂ©es d’étincelles qui explosaient dans son habitacle. Je me souviens Ă©galement d’un conducteur qui donnait des coups avec une batte en bois sur je ne sais quel Ă©quipement Ă©lectrique, situĂ© Ă  la gauche de la cabine. C’était le temps des voitures de mĂ©tro en bois, elles avaient leur charme.

Retour au cornetĂ­n

Celui qui tenait le cornetĂ­n, c’est le conductor. Attention, il n’est pas celui qui mĂšne l’attelage ou qui conduit les tramways Ă©lectriques, c’est celui qui s’occupe des passagers. Le nom peut effectivement porter Ă  confusion. Le conducteur, c’est le mayoral que l’on retrouve Ă©galement, hĂ©ros de diffĂ©rents tangos que je prĂ©senterai en fin d’article.
Le cornetĂ­n servait Ă  la communication entre le mayoral (Ă  l’avant) et le conductor Ă  l’arriĂšre). Le premier avait une cloche pour indiquer qu’il allait donner le dĂ©part et le second un cornet qui servait Ă  avertir le conducteur qu’il devait s’arrĂȘter Ă  la suite d’un problĂšme de passager. Le conducteur abusait parfois de son instrument pour prĂ©senter ses hommages Ă  de jolies passantes.
C’est l’histoire de ce tango.

Extrait musical

Cornetín 1943-03-05 — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Les paroles

TarĂ­, TarĂ­.
Lo apelan Roque Barullo
conductor del Nacional.

Con su tramway, sin cuarta ni cinchĂłn,
sabe cruzar el barrancĂłn de Cuyo (al sur).
El cornetĂ­n, colgado de un piolĂ­n,
y en el ojal un medallĂłn de yuyo.

TarĂ­, tarĂ­.
y el cuerno listo al arrullo
si hay percal en un zaguĂĄn.

CalĂĄ, que linda estĂĄ la moza,
calĂĄ, barriendo la vereda,
MirĂĄ, mirĂĄ que bien le queda,
mirĂĄ, la pollerita rosa.
FrenĂĄ, que va a subir la vieja,
frenĂĄ porque se queja,
si estĂĄ en movimiento.
CalĂĄ, calĂĄ que sopla el viento,
calĂĄ, calĂĄ calamidad.

TarĂ­, tarĂ­,
trota la yunta,
palomas chapaleando en el barrial.

TalĂĄn, tilĂ­n,
resuena el campanĂ­n
del mayoral
picando en son de broma
y el conductor
castiga sin parar
para pasar
sin papelĂłn la loma
TarĂ­, tarĂ­,
que a lo mejor se le asoma,
cualquier moza de un portal

Qué linda esta la moza,
barriendo la vereda,
mirĂĄ que bien le queda,
la pollerita rosa.
FrenĂĄ, que va a subir la vieja,
FrenĂĄ porque se queja
si estĂĄ en movimiento,
calĂĄ, calĂĄ que sopla el viento,
calĂĄ, calĂĄ calamidad.

TarĂ­, TarĂ­.
Conduce Roque Barullo
de la lĂ­nea Nacional.

Pedro Maffia Letra : Homero Manzi ; Cátulo Castillo

Parmi les détails amusants :

On notera le nom du conducteur du tranvĂ­a, Barullo, qui en lunfardo veut dire bagarreur. Encore un tango qui fait le portrait d’un compadrito d’opĂ©rette. Celui-ci fait ralentir letranvĂ­a pour faciliter la montĂ©e d’une ancienne ou d’une belle ou tout simplement admirer une serveuse sur le trottoir.

Le TarĂ­, TarĂ­, ou TarĂĄ, TarĂ­ est bien sur le son du cornetĂ­n.

“sabe cruzar el barrancĂłn de Cuyo” – El barrancĂłn de Cuyo est un ravin, comme si le tranvĂ­a allait s’y risquer. Cela a du parait re extravagant, car dans certaines versions, c’est tout simplement remplacĂ© par el sur (dans le mĂȘme sens que le Sur de la chanson de ce nom qui est d’ailleurs Ă©crite par le mĂȘme Homero Manzi. D’ailleurs la ligne nacionale pouvait s’adresser Ă  celle de Lacroze qui allait effectivement dans le sud.

Tangos sur le tranvĂ­a

Cornetín (le thÚme du jour de Pedro Maffia Letra : Homero Manzi; Cåtulo Castillo)

El cornetĂ­n (CornetĂ­n) 1942-12-29 — Orquesta Francisco Canaro con Carlos RoldĂĄn. C’est le premier de la sĂ©rie Ă  ĂȘtre enregistrĂ©.

Cornetín 1943-03-05 — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino. C’est le tango du jour.

Cornetín 1943-04-05 — Libertad Lamarque con orquesta dirigida por Mario Maurano.

Cornetín 1943-04-05 — Libertad Lamarque con orquesta dirigida por Mario Maurano.

Cette chanson a Ă©tĂ© enregistrĂ©e un mois, jour pour jour, aprĂšs la version de Di Sarli. Cette version, plutĂŽt chanson est tout de mĂȘme dansĂ©e dans le film Eclipse de sol de Luis Saslavsky d’aprĂšs un scĂ©nario d’Homero Manzi tirĂ© de l’Ɠuvre d’Enrique GarcĂ­a Velloso. Le film est sorti le 1er juillet 1943.
Cet extrait nous permet de voir comment Ă©tait organisĂ© un tranvĂ­a a motor de sangre, avec son mayoral Ă  l’avant, conduisant les chevaux et son conductor, Ă  l’arriĂšre, armĂ© de son cornetĂ­n.

CornetĂ­n 1950-07-28 Nelly Omar con el conjunto de guitarras de Roberto Grela.

AprĂšs une courte intro sur un rythme Ă  trois temps, Nelly Omar chante sur un rythme d’habanera. Le rĂ©sultat est trĂšs sympa, l’équilibre entre la voix de Nelly et la guitare de Roberto Grela et ses fioritures est agrĂ©able.

  • Je vous dispense de la version de De Angelis de 1976


Autres titres parlant du tranvĂ­a

El cochero del tranvĂ­a 1908 Los Gobbi (Alfredo Gobbi y Flora Gobbi) – Ángel Gregorio Villoldo (MyL).

Le son est pĂ©nible Ă  Ă©couter, c’est un des tout premiers enregistrements et c’est plus un dialogue qu’une chanson. C’est pour l’intĂ©rĂȘt historique, je ne vous en voudrai par si vous ne l’écoutez pas en entier.

El cornetín del tranvía 1938-06-09 – Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar / Antonio Oscar Arona Letra : Armando Tagini. Une belle version de ce titre.
El mayoral 1946-04-24 (milonga candombe) — Orquesta Domingo Federico con Oscar Larroca.mp 3/JosĂ© VĂĄzquez Vigo Letra: JoaquĂ­n GĂłmez Bas.

Au début, les annonces du départ et le adios final, vraiment théùtral. Sans doute pas le meilleur de Larocca.

El mayoral del tranvĂ­a (milonga) 1946-04-26 Orquesta Alfredo De Angelis con Julio Martel / Francisco Laino; Carlos Mayel (MyL)
Milonga del mayoral 1953 – Orquesta AnĂ­bal Troilo con Jorge Casal y RaĂșl BerĂłn arrangements d’Astor Piazzolla/AnĂ­bal Troilo Letra: CĂĄtulo Castillo

Un tango qui est plus une nostalgie de l’époque des tranvĂ­as

En effet, les tranvĂ­as ont terminĂ© leur carriĂšre Ă  Buenos Aires en 1962, soit environ un siĂšcle aprĂšs le dĂ©but de l’aventure.

Tiempo de tranvĂ­as 1981-07-01 Orquesta Osvaldo Pugliese con Abel CĂłrdoba / RaĂșl Miguel Garello Letra : HĂ©ctor Negro.

Un truc qui peut plaire Ă  certains, mais qui n’a aucune chance de passer dans une de mes milongas. L’intro de 20 secondes, sifflĂ©e, est assez originale. On croirait du Morricone, mais dans le cas prĂ©sent, c’est un tranvĂ­a, pas un train qui passe.

Tiempo de tranvĂ­as 2012 — Nelson Pino accompagnement musical Quinteto NĂ©stor Vaz / RaĂșl Miguel Garello Letra : HĂ©ctor Negro.

Petits plus

« Los cocheros y mayorales ebrios, en servicio, serĂĄn castigados con una multa de cinco pesos moneda nacional, que se harĂĄ efectiva por medio de la empresa ». Les cochers et conducteurs (plus tard, on dira les

On appelle souvent les colectivos de Buenos Aires « Bondis ». Ce nom vient du nom brĂ©silien des tramways, « Bonde ». Sans doute une autre preuve de la nostalgie du tranvĂ­a perdu.

Quelques sources

Quelques sources

TranvĂ­as a motor de sangre en la Boca (Puente Puyrredon)
Un des premiers tramways Ă©lectriques Ă  avoir une grille pour sauver les piĂ©tons qui seraient percutĂ©s par le tramway. Cette grille pouvait se relever Ă  l’aide d’une chaĂźne dont l’extrĂ©mitĂ© est dans la cabine de conduite.
Motorman levant la rejilla 1948 (Document Archives générales de la nation Argentine)

5 Coches del Tranvía eléctrico de la calle Las Heras, doble pisos.

Coches del Tranvía eléctrico de la calle Las Heras, doble pisos.
Reconstitution du tranvĂ­a du film “Eclipse de sol”, car il n’apparait pas en entier dans le film, car la scĂšne est trop petite.
À l’Ă©poque de notre tango (ici en 1938, donc 3 ans avant), c’est ce type de tramway qui circule. on comprend la nostalgie des temps anciens.
Trafic compliquĂ© sur la Plaza de Mayo en 1934. À l’arriĂšre-plan, les colonnes de la cathĂ©drale. Trois tranvĂ­as Ă©lectriques essayent de se frayer un passage. On remarque la grille destinĂ©e Ă  Ă©viter aux piĂ©tons de passer sous le tramway en cas de collision.

El flete 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo

Vicente Greco Letra : Pascual Contursi/Juan Sarcino/Jerónimo Gradito (trois versions des paroles)

Le tango du jour, el Flete a Ă©tĂ© enregistrĂ© il y a exactement 88 ans par Juan d’Arienzo. Je vous propose d’en voir un peu plus de ce tango qui est des premiers Ă  avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© de la collaboration avec Rodolfo Biagi.

Ceux qui parcourent les rues de Buenos Aires ont sans doute Ă©tĂ© surpris par l’abondance de ces camions antĂ©diluviens et porteurs de charges parfois extravagantes.

Des camions de « Fletes » dans une rue de Buenos Aires.

Sur leurs flancs, l’indication « Fletes ». Ce sont des vĂ©hicules destinĂ©s aux livraisons. Si vous avez un canapĂ© Ă  vous faire livrer, ou tout un dĂ©mĂ©nagement, vous ferez sans doute appel Ă  un de ces services de fletes.
El flete, c’est donc la charge, la livraison, le transport, le colis Le mot « flete » vient du français « Fret ». On pense aux merveilleuses toiles et splendides Ă©maux sur mĂ©tal de Quinquela Martin oĂč on voit les porteurs plier sous le poids des paquets qu’ils chargent et dĂ©chargent des bateaux dans le port de la Boca.

Quinquela Martin — Motivo de puerto. Émail sur fer (1946). 0,88×0,98 m. Au centre, on voit la traversĂ©e d’une passerelle. La musique m’évoque la marche de ces hommes.

Si vous allez Ă  la Boca le quartier qui doit tant Ă  Benito Quinquela Martin, n’oubliez pas de voir son joyau, le musĂ©e maison de ce peintre.

Ceux qui n’ont pas l’occasion de venir Ă  Buenos Aires pourront avoir une idĂ©e de ce musĂ©e en regardant cette vidĂ©o.

Anecdote : VĂ­ctor FernĂĄndez, directeur du MusĂ©e Benito Quinquela MartĂ­n est Ă©galement DJ de tango, ce qui limite ma culpabilitĂ© dans mon excursion dans ce superbe musĂ©e.

LĂ , oĂč on revient Ă  notre tango du jour, El Flete


Le tango du jour est instrumental, on pourrait donc penser que l’on Ă©voque le transport, le travail difficile de ceux qui l’effectuent, les vĂ©hicules lourdement chargĂ©s.
D’ailleurs, la musique encourage Ă  cette interprĂ©tation. Quelques pas rapides et un pas plus pesant, comme un homme qui porterait une lourde charge en descendant du bateau et qui ferait de temps Ă  autre une pause. Cette interprĂ©tation est pour moi renforcĂ©e par l’enregistrement par Firpo, surtout celui du 16 fĂ©vrier 1916.
C’est un enregistrement acoustique, donc, avec les limites que cela implique. Dans cet enregistrement, je retrouve les pas alternĂ©s compatible avec le travail d’un flete, mais si on se souvent que Firpo aimait les tangos descriptifs (oĂč la musique Ă©voque les Ă©lĂ©ments rĂ©els), cela renforce l’hypothĂšse que le tango est en lien avec cette activitĂ©. Vous pourrez l’écouter Ă  la fin de cet article.

Je te donne ma parole

Ou plutÎt, mes paroles. En effet, pas moins de trois versions des paroles existent pour ce tango, bien que celui-ci soit quasiment toujours enregistré sans le chant. Il convient donc de les interroger et cela va donner des surprises par rapport à notre interprétation primitive.

Les paroles originales de Contursi (1914)

Pascual Contursi a Ă©crit des paroles pour El Flete. Ce sont sans doute les paroles originales, celle d’une Ă©poque oĂč le tango n’avait pas encore trouvĂ© ses lettres de noblesse en France, Pays oĂč Contursi terminera sa carriĂšre.
Dans les paroles de Contursi, un peu confuses, car trĂšs chargĂ©es de sous-entendus et de lunfardo, on comprend que le climat de crainte qu’inspiraient certains malfrats n’encourageait pas les compadrons Ă  faire les fiers quand ils les croisaient. Ils dĂ©gonflaient la poitrine et faisaient profil bas pour Ă©viter de paraĂźtre celui qui a le plus d’oseille (flouze, argent), car celui-ci, ils l’envoyaient dans l’autre monde

Le dan flete pa’ la otra poblaciĂłn.

Les paroles renouvelées, de Gradito

En lunfardo, El Flete dĂ©signe un cheval lĂ©ger de monte, brillant et lĂ©ger. Rien Ă  voir avec les chevaux devant tirer les lourds chariots des fletes de l’époque.
Dans une des rares versions chantĂ©es dont on a l’enregistrement, Ernesto Fama chante le refrain des paroles de GerĂłnimo Gradito qui parlent d’un cheval de course, autre leitmotiv du tango.
Le cheval de couleur noisette, vainqueur de la course, permet d’attirer l’attention d’une jeune paysanne sur son lad, ce qui le rend amoureux.

Il existe Ă©galement des paroles Ă©crites par Juan Sarcino et qui font Ă©galement rĂ©fĂ©rence Ă  un cheval, mais Ă  ma connaissance, nous n’avons pas d’enregistrement de cette version et je ne les possĂšde pas. Si vous avez une version enregistrĂ©e et les paroles, je suis preneur.

Extrait musical

El flete 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo.

C’est notre tango du jour. Il est le fruit de la collaboration relativement nouvelle de D’Arienzo avec son pianiste et arrangeur gĂ©nial, Rodoflo Biagi. Cette version hĂ©rite du dynamisme de D’Arienzo et des facĂ©ties au piano de Biagi qui rĂ©pondent aux cordes. C’est un morceau superbe et assurĂ©ment un de plus plaisants Ă  danser dans les milongas de Buenos Aires, grĂące Ă  ces jeux de rĂ©ponses entre les instruments. À noter que les premiĂšres rĂ©Ă©ditions sur CD, toutes tirĂ©es d’une mĂȘme Ă©dition effectuĂ©e dans les annĂ©es 50 sur disque vinyle comportaient un dĂ©faut (saute du disque). Aujourd’hui, la plupart des versions qui circulent sont corrigĂ©es.

Les paroles

Je propose ici les paroles par ordre chronologique. D’abord celles de Contursi, puis celles de Gradito. Elles nous content deux histoires trĂšs diffĂ©rentes, ce qui tĂ©moigne de la polysĂ©mie du mot Flete en espagnol argentin, mais aussi de l’évolution du tango qui des mauvais quartiers est passĂ© dans la sociĂ©tĂ© plus aisĂ©e, oĂč il Ă©tait plus facile de parler d’un lad amoureux et de son cheval que de dangereux assassins rodant pour dĂ©pouiller les frimeurs.

Version de 1916 – MĂșsica : Vicente Greco — Letra : Pascual Contursi

Se acabaron los pesados,
patoteros y mentaos
de coraje y decisiĂłn.
Se acabaron los malos
de taleros y de palos,
fariñeras y facón.
Se acabaron los de faca
y todos la van de araca
cuando llega la ocasiĂłn.
Porque al de mĂĄs copete
lo catan y le dan flete
pa’ la otra poblaciĂłn.

Esos taitas que tenĂ­an
la mujer de prepotencia,
la van de pura decencia
y no ganan pa’l bullĂłn.
Nadie se hace el pata ancha
ni su pecho ensancha
de puro compadrĂłn,
porque al de mĂĄs copete
lo catan y le dan flete
pa’ la otra poblaciĂłn.

Version de 1916 – MĂșsica : Vicente Greco — Letra : Pascual Contursi

Ici, on dĂ©crit un monde assez noir avec des hommes armĂ©s (taleros, palos, fariñeras, facĂłn). En fait, il s’agit de se moquer des compadritos qui jouent les durs et qui n’en mĂšnent pas large, il retrouvent une attitude dĂ©cente, ne gonflent plus la poitrine, car ici, celui qui a le plus de pĂ©pĂštes (argent),, ils le goĂ»tent (tĂątent pour trouver ses richesses) et lui donnent une expĂ©dition (Flete) dans l’autre monde (ils le tuent).
Cette version des paroles peut Ă©galement ĂȘtre compatible avec la musique, les alternances de la musique pouvant ĂȘtre les mouvements respectifs des assassins et de la victime.

Version de 1930 – MĂșsica : Vicente Greco — Letra : GerĂłnimo Gradito

On peut imaginer que ces paroles violentes ont incitĂ© Fama Ă  adopter des paroles plus lĂ©gĂšres Ă  une Ă©poque oĂč le tango Ă©tait en train d’entrer dans la bonne sociĂ©tĂ©.

Parejero; zaino escarceador,
por tu pinta y color
y por tu sangre sos
todo un flete de mi flor

ÂĄPorque es tu corazĂłn
difícil de empardar !
En las canchas no tenés rival,
y en una ocasiĂłn
que has de recordar
ganaste a un pangaré
y, al jinetearte, asĂ­
decĂ­a para mĂ­:

ÂĄZaino,
mi viejo amigo,
de punta a punta, ganale!
ÂĄFlete,
todo he jugado,
y en vos estĂĄ mi esperanza!
ÂĄZaino!
¡Solo en la cancha !
ÂĄCorrelo al galope,
que atrás lo dejás !
ÂĄFlete,
zaino de mi alma,
tuya es la carrera
que en ley la ganás !

Y al llegar vos triunfador
el pueblo te aplaudiĂł,
y una paisanita
flores te tiraba
que después se acercó
y tu cabeza palmeĂł.
Y ella, desde entonces,
ÂĄes mi Ășnico querer!


Parejero; zaino escarceador,
por tu pinta y color
y por tu sangre sos
todo un flete de mi flor

ÂĄPorque es tu corazĂłn
difícil de empardar !
En los pueblos no tenés rival
como yo pa’el amor,
y al correrla los dos
siempre tenemos que ser:
ÂĄYo todo un buen varĂłn
y un bravo flete vos !

Version de 1930 – MĂșsica : Vicente Greco — Letra : GerĂłnimo Gradito

Ici, il s’agit d’un lad qui tombe amoureux d’une jeune paysanne qui a envoyĂ© des fleurs au cheval dont il s’occupe et qui lui a caressĂ© la tĂȘte. Cependant, le lad ne peut pas s’empĂȘcher de faire le fanfaron, disant qu’il n’a pas de rival pour l’amour, tout comme « ChĂątaigne », son cheval, n’a pas de rival dans la course. Je suis un bon homme et toi un brave flete.

À mon avis, qui en vaut sans doute un autre, sans ĂȘtre une rĂ©fĂ©rence, ces paroles ne conviennent pas totalement Ă  la musique. On a du mal Ă  y voir la fiĂšvre de la course, l’exaltation du vainqueur et l’amour naissant. Je pense que c’est juste le fait que El Flete peut aussi bien considĂ©rer l’expĂ©dition que le cheval de course qui est Ă  l’origine de cette fusion.

Comme j’aime bien faire des hypothĂšses, je me dis que le cheval de course est en fait l’hĂ©ritier du cheval qui passait les messages et qui Ă©tait donc rapide. C’est un peu ce que sous-entend ce tango, Zaino est le messager de l’amour.

Quelques versions

À titre de comparaison, quelques versions de ce tango qui n’est vraiment cĂ©lĂšbre que sous la baguette de Juan d’Arienzo.

Les versions de Roberto Firpo. Il y a plusieurs versions, instrumentales et au piano. Je vous propose ma préférée, celle de 1916.

El Flete 1916-02-16 — Roberto Firpo.

MalgrĂ© les limites de l’enregistrement acoustique, la musique est agrĂ©able Ă  Ă©couter. Cela nous permet de rappeler qu’à cette Ă©poque, Firpo Ă©tait un chef d’orchestre de tout premier plan.

El flete 1928-03-07 Orquesta Francisco Canaro

Un des premiers enregistrements électriques du thÚme. Une version encore empreinte du canyengue et probablement bien adaptée aux paroles sombres de Contursi. On retrouvera Canaro 11 ans plus tard dans une versión bien différente.

El flete 1930-09-16 — Orquesta TĂ­pica Porteña dir. Adolfo Carabelli con Ernesto FamĂĄ.

C’est un bon Carabelli et le plus ancien enregistrement en ma possession avec une partie chantĂ©e. Les paroles, comme nous l’avons vu ci-dessus sont celles de Gradito. La musique est dĂ©sormais intermĂ©diaire entre le planplan du canyengue et les versions futures plus dynamiques.

El flete 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo

C’est notre tango du jour. Le fruit de la collaboration relativement nouvelle de D’Arienzo avec son pianiste et arrangeur gĂ©nial, Rodoflo Biagi. Cette version hĂ©rite du dynamisme de D’Arienzo et des facĂ©ties au piano de Biagi qui rĂ©pondent aux cordes. C’est un morceau superbe et assurĂ©ment un de plus plaisants Ă  danser dans les milongas de Buenos Aires, grĂące Ă  ces jeux de rĂ©ponses entre les instruments.
À noter que les premiĂšres rĂ©Ă©ditions sur CD, toutes tirĂ©es d’une mĂȘme Ă©dition effectuĂ©e dans les annĂ©es 50 sur disque vinyle comportaient un dĂ©faut (saute du disque). Aujourd’hui, la plupart des versions qui circulent sont corrigĂ©es.

El Flete 1939-03-30

XXXX El Flete 1939-03-30 — Quinteto Don Pancho dir. Francisco Canaro. On retrouve Canaro dans une version avec un de ses quintettes, le Don Pancho (Pancho est un surnom pour le prĂ©nom Francisco, mais aussi quelqu’un qui fait l’andouille en lunfardo
). Contrairement Ă  la version de 1928, cette version est bien plus allĂšgre et d’une grande richesse musicale, notamment dans sa seconde partie. C’est un trĂšs beau Canaro, avec les interventions magnifiques de la flĂ»te de JosĂ© Ranieri Virdo (qui Ă©tait aussi trompettiste de Canaro, mais pas dans cet enregistrement).

Je ne citerai pas d’autres versions, car elles n’apportent rien Ă  notre propos. Voir, pour ceux que ça intĂ©resse,

  • HĂ©ctor Varela (1950 et 1952),
  • Donato Racciatti y sus Tangueros del 900 (1959), oĂč on retrouve la flĂ»te, ici avec des guitares, mais le rĂ©sultat est monotone.
  • Osvaldo Fresedo (1966), dans son style « Varela » 
  • La Tubatango (2006), une version amusante, joueuse comme une milonga et avec le retour de la flĂ»te farceuse.

Je vais terminer cet article avec la Tubatango, mais dans une reprĂ©sentation thĂ©Ăątrale le 18 octobre 2010 au Paraguay.

La Tubatango, El flete, représentation théùtrale le 18 octobre 2010 au Paraguay

Vous remarquerez l’apparition d’un riche ivrogne qui se fera jeter de scĂšne. La Tuba Tango s’est donc inspirĂ©e des paroles originales de Contursi, ce qui est logique, puisqu’ils ont adoptĂ© un style canyengue.

Sur scùne, ils expulsent l’ivrogne, ils le ne le tuent pas, mais je reste sur mes positions


Photomontage d’un jeune homme ayant fait le fier devant des malandrins et qui risque de le payer trĂšs cher. Mais que faisait-il dans cette galĂšre, dans le port de la Boca ? Dans le fond des dĂ©tails de la toile DĂ­a luminoso de « Benito Quinquela MartĂ­n.

Paciencia 1938-03-03 — Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida

Juan D’Arienzo Letra : Francisco Gorrindo

Qui s’intĂ©resse un peu, mĂȘme de loin, au tango connaĂźt Paciencia, (Patience), de D’Arienzo et Gorrindo. Je vous propose de le dĂ©couvrir plus prĂ©cisĂ©ment, Ă  partir de la version de Canaro et Maida enregistrĂ©e il y a exactement 86 ans.

Le prĂ©texte Ă©tant le jour d’enregistrement, cela tombe sur cette version Canaro Maida, mais l’auteur en est D’Arienzo qui restera fidĂšle Ă  sa composition toute sa vie.
Je ferai donc la part belle à ses enregistrements en fin d’article.
La beautĂ© et l’originalitĂ© des paroles de Francisco Gorrindo avec son « Paciencia Â», ont fait beaucoup pour le succĂšs de ce thĂšme qui a donnĂ© lieu Ă  des versions chantĂ©es, des chansons et mĂȘme instrumentales, ce qui est toutefois un peu dommage đŸ˜‰

Extrait musical

Paciencia 1938-03-03 – Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida

Il s’agit d’une version instrumentale avec estribillo rĂ©duit au minimum. Roberto Maida chante vraiment trĂšs peu. La clarinette de Vicente Merico est ici plus prĂ©sente que lui. On constate dans cette interprĂ©tation le goĂ»t de Canaro pour les instruments Ă  vent.

Les paroles

Dans cette version, les paroles sont rĂ©duites au minimum, je vous invite donc Ă  les savourer avec les autres enregistrements de ce titre, sous le chapitre « autres versions ».

Anoche, de nuevo te vieron mis ojos ;
anoche, de nuevo te tuve a mi lado.
¥Pa qué te habré visto si, después de todo,
fuimos dos extraños mirando el pasado!
Ni vos sos la misma, ni yo soy el mismo

ÂĄLos años! 
 ÂĄLa vida!
 ÂĄQuiĂ©n sabe lo quĂ©!

De una vez por todas mejor la franqueza:
yo y vos no podemos volver al ayer.

Paciencia

La vida es asĂ­.
Quisimos juntarnos por puro egoĂ­smo
y el mismo egoĂ­smo nos muestra distintos.
¿Para qué fingir?
Paciencia

La vida es asĂ­.
Ninguno es culpable, si es que hay una culpa.
Por eso, la mano que te di en silencio
no temblĂł al partir.

Haremos de cuenta que todo fue un sueño,
que fue una mentira habernos buscado;
asĂ­, buenamente, nos queda el consuelo
de seguir creyendo que no hemos cambiado.
Yo tengo un retrato de aquellos veinte años
cuando eras del barrio el sol familiar.
Quiero verte siempre linda como entonces:
lo que pasó anoche fue un sueño no mås.

Juan D’Arienzo Letra : Francisco Gorrindo

Traduction

Hier soir, à nouveau mes yeux t’ont vue,
hier soir, Ă  nouveau, je t’avais de nouveau Ă  mes cĂŽtĂ©s.
Pourquoi t’ai-je revue, si au final,
nous fĂ»mes deux Ă©trangers regardant le passé !
Ni toi es la mĂȘme, ni moi suis le mĂȘme,
Les annĂ©es, la vie, qui sait ce que c’est ?
Une fois pour toutes, la franchise vaut mieux ;
toi et moi ne pouvons pas revenir en arriĂšre (Ă  hier).

Patience

la vie est ainsi.

Nous voulions nous rejoindre par pur Ă©goĂŻsme
et le mĂȘme Ă©goĂŻsme nous rĂ©vĂšle, diffĂ©rents.
Pourquoi faire semblant ?

Patience

la vie est ainsi.
Personne n’est coupable, si tant est qu’il y ait une faute.
C’est pourquoi la main que je t’ai tendue en silence n’a pas tremblĂ© Ă  la sĂ©paration.

Nous ferons comme si tout ne fut qu’un rĂȘve,
que c’était un mensonge de nous ĂȘtre cherché ;
ainsi, heureusement, nous reste la consolation
de continuer de croire que nous n’avons pas changĂ©.
J’ai un portrait de ces vingt annĂ©es-lĂ ,
quand du quartier, tu Ă©tais le soleil familier,
je veux toujours te voir jolie comme alors.
Ce qui s’est passĂ© la nuit derniĂšre ne fut qu’un rĂȘve, rien de plus.

Maida ne chante que le refrain. Voir ci-dessous, d’autres versions oĂč les paroles sont plus complĂštes.
Le mĂȘme jour, Canaro enregistrait avec Maida, la Milonga del corazĂłn.

Milonga del corazĂłn 1938-03-03 – Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida. Une milonga qui est toujours un succĂšs, 86 ans aprĂšs son enregistrement.

Autres versions

Paciencia 1937-10-29 — Orquesta Juan D’Arienzo con Enrique Carbel. C’est le plus ancien enregistrement. On pourrait le prendre comme rĂ©fĂ©rence. Enrique Carbel chante le premier couplet et le refrain.
Paciencia 1938-01-14 — HĂ©ctor Palacios accompagnĂ© d’une guitare et d’une mandoline. Dans cet enregistrement, HĂ©ctor Palacios chante toutes les paroles. EnregistrĂ© en Uruguay.

HĂ©ctor Palacios est accompagnĂ© par une guitare et une mandoline. Le choix de la mandoline est particuliĂšrement intĂ©ressant, car cet instrument bien adaptĂ© Ă  la mĂ©lodie, contrairement Ă  la guitare qui est plus Ă  l’aide dans les accords est le second « chant » de ce thĂšme, comme une rĂ©ponse Ă  Magaldi. On se souvient que Gardel mentionne la mandoline pour indiquer la fin des illusions « EnfundĂĄ la mandolina, ya no estĂĄs pa’serenatas » ; Range (remettre au fourreau, comme une arme) la mandoline, ce n’est plus le temps des sĂ©rĂ©nades. Musique de Francisco PracĂĄnico et paroles d’Horacio J. M. ZubirĂ­a Mansill. J’imagine que Palacios a choisi cet instrument pour son aspect nostalgique et pour renforcer l’idĂ©e de l’illusion perdue de la reconstruction du couple.

Paciencia 1938-01-26 — Agustín Magaldi con orquesta.

Comme l’indique l’étiquette du disque, il s’agit Ă©galement d’une chanson. L’introduction trĂšs courte (10 secondes) elle prĂ©sente directement la partie chantĂ©e, sans le dĂ©but habituel. Magaldi chante l’intĂ©gralitĂ© des paroles. Le rythme est trĂšs lent, Magaldi assume le fait que c’est une chanson absolument pas adaptĂ©e Ă  la danse. On notera sa prononciation qui « mange le « d » dans certains mots comme la(d)o, pasa(d)o (Palacios et d’autres de l’époque, Ă©galement).

Paciencia 1938-03-03 – Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida. C’est la version du jour. On est un peu en manque de paroles avec cette version, car Maida ne chante que le refrain, aucun des couplets.
Paciencia 1938 — Orquesta Rafael Canaro con Luis Scalón.

Cette version est contemporaine de celle enregistrĂ©e par son frĂšre. Elle a Ă©tĂ© enregistrĂ©e en France. Son style bien que proche de celui de son frĂšre diffĂšre par des sonoritĂ©s diffĂ©rentes, l’absence de la clarinette et par le fait que ScalĂłn chante en plus du refrain le premier couplet (comme l’enregistra Carbel avec D’Arienzo, l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente.

Paciencia 1948 — Orquesta Típica Bachicha con Alberto Lerena.

Encore une version enregistrée en France. Lerena chante deux fois le refrain avec un trÚs joli trait de violon entre les deux. Le dernier couplet est passé sous silence.

Paciencia 1951-09-14 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto EchagĂŒe.

14 ans plus tard, D’Arienzo rĂ©enregistre ce titre avec EchagĂŒe. Dans cette version, EchagĂŒe chante presque tout, sauf la premiĂšre moitiĂ© du dernier couplet dont il n’utilise que « Yo tengo un retrato de aquellos veinte años [
] lo que pasĂł anoche fue un sueño no mĂĄs. Le rythme marquĂ© de D’Arienzo est typique de cette pĂ©riode et c’est Ă©galement une trĂšs belle version de danse, mĂȘme si j’ai personnellement un faible pour la version de 1937.

Paciencia 1951-10-26 — Orquesta HĂ©ctor Varela con Rodolfo Lesica. Dans un style tout diffĂ©rent de l’enregistrement lĂ©gĂšrement antĂ©rieur de D’Arienzo, la version de Varela et Desica est plus « dĂ©corative ». On notera toutefois que Lesica chante exactement la mĂȘme partie du texte qu’EchagĂŒe.
Paciencia 1959-03-02 — Roberto Rufino accompagnĂ© par Leo Lipesker. Dans cet enregistrement, Rufino nous livre une chanson, jolie, mais pas destinĂ©e Ă  la danse. Toutes les paroles sont chantĂ©es et le refrain, l’est, deux fois.
Paciencia 1961-08-10 — Orquesta Juan D’Arienzo con Horacio Palma.

Comme dans la version enregistrĂ©e avec EchagĂŒe, dix ans auparavant, les paroles sont presque complĂštes, il ne manque que la premiĂšre partie du dernier couplet. Une version Ă©nergique, typique d’El Rey del compas et Palma se plie Ă  cette cadence, ce qui en fait une version dansable, ce qui n’est pas toujours le cas avec ce chanteur qui pousse plutĂŽt du cĂŽtĂ© de la chanson.

Paciencia 1964 — Luis Tuebols et son Orchestre typique argentin. Encore une version enregistrĂ©e en France, mais cette fois, instrumentale, ce qui est dommage, mais qui me permet de montrer une autre facette de ce titre.
Paciencia 1970-12-16 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto EchagĂŒe.

D’Arienzo et EchagĂŒe ont beaucoup interprĂ©tĂ© Ă  la fin des annĂ©es 60 et jusqu’à la mort de D’Arienzo Paciencia dans leurs concerts. Cette version de studio est de meilleure qualitĂ© pour l’écoute, mais il est toujours sympathique de voir D’Arienzo se dĂ©mener.

VidĂ©o enregistrĂ©e en Uruguay (Canal 4) en dĂ©cembre 1969 (et pas fĂ©vrier 1964 comme indiquĂ© dans cette vidĂ©o).

AprĂšs la mort de D’Arienzo, les solistas de D’Arienzo l’enregistrĂšrent Ă  diverses reprises, ainsi que des dizaines d’autres orchestres, Paciencia Ă©tant un des monuments du tango.

J’ai ici une pensĂ©e pour mon ami Ruben Guerra, qui chantait Paciencia et qui nous a quittĂ©s trop tĂŽt. Ici, Ă  la milonga d’El Puchu Ă  Obelisco Tango Ă  Buenos Aires, milonga que j’ai eu l’honneur de musicaliser en doublette avec mon ami Quique Camargo.

Ruben Guerra, Paciencia, milonga d’El Puchu Ă  Obelisco Tango Ă  Buenos Aires.18 aoĂ»t 2017.

Con los amigos (A mi madre) 1943-03-02 – Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Carlos Gardel et José Razzano (paroles et musique)

Con los amigos (a mi madre) est un thĂšme Ă©crit par Carlos Gardel et JosĂ© Razzano. Mais la version que j’ai choisie pour le tango du jour a Ă©tĂ© enregistrĂ©e le 2 mars de 1943 par Tanturi et Castillo. La particularitĂ© est que la chanson originale s’est commuĂ©e en valse, mais ce n’est pas la seule surprise


On connaüt, un peu l’histoire de Carlos Gardel, je devrais dire les histoires pour ne pas fñcher mes amis Uruguayens et Argentins. Que Gardel soit enfant de France, ou de quelque qu’autre endroit, il a eu une relation particuliùre avec sa mùre.
Pas forcĂ©ment celle qu’elle espĂ©rait, dans la mesure oĂč il a fait les 400 coups et mĂȘme des coups plutĂŽt pendables.
On sait cependant que Gardel avait un bon cƓur et qu’il chĂ©rissait sa mĂšre, mĂȘme s’il ne l’a pas toujours entourĂ© de toute l’affection qu’elle aurait pu attendre.
Cette chanson doit sans doute ĂȘtre prise pour un regret, un remords, un hommage Ă  sa mĂšre qui a Ă©levĂ© seule ce chenapan de Gardel.

Extrait musical

Con los amigos (A mi madre) 1943-03-02 — Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo (Valse)

Les paroles

Con los amigos que el oro me produjo
Pasaba con afĂĄn las horas yo
Y de mi bolsa el poderoso influjo
Todos gozaban de esplendente lujo
Pero mi madre, no

ÂĄPobre madre!, yo de ella me olvidaba
Cuando en los brasosdel vicio me dormĂ­
Un inmenso cortejo me rodeaba
Yo a nadie mi afecto le faltaba
Pero a mi madre, sĂ­

ÂĄHoy moribundo en lĂĄgrimas deshecho!
Exclamo con dolor, todo acabĂł
Y al ver que gime mi angustiado pecho
Todos se alejan de mi pobre lecho
Pero mi madre, no

Y cerca ya del Ășltimo suspiro
Nadie se acuerda por mi mal, de mĂ­
La vista en torno de mi lecho giro
Y en mi triste en derredor a nadie miro
Pero a mi madre, sĂ­

ÂĄHoy moribundo en lĂĄgrimas deshecho!
Exclamo con dolor, todo acabĂł
Y al ver que gime mi angustiado pecho
Todos se alejan de mi pobre lecho
ÂĄPero mi madre, no!

Carlos Gardel et José Razzano (musique et paroles)

Je propose ici les deux premiers couplets et le dernier, pour vous donner une idée du thÚme de ce tango.
Avec les amis que l’or me procurait, moi, je trompais les heures, et de ma poche, le pouvoir influait. Tous jouissaient d’un luxe splendide, mais ma mùre, non !
Pauvre mùre ! Moi, je l’oubliais quand dans les bras (emprise, mais j’aime mieux le changement de parole de la version de Canaro) du vice je m’endormis.
Une immense cour m’entourait. Personne ne manquait de mon affection. Mais ma mùre, si.

[
]
Aujourd’hui, moribond, en larmes, dĂ©fait, je crie de douleur, tout est fini et Ă  voir ma poitrine oppressĂ©e gĂ©mir, tous quittent mon pauvre lit, mais ma mĂšre, non.
La morale de ce tango pourrait ĂȘtre que les amis faits par l’argent ne valent pas l’amour d’une mĂšre.

Autres versions

Tout d’abord, un exemple de la chanson originale par Carlos Gardel, celle qu’il chantait pour exprimer ses regrets à sa mùre.
Il existe plusieurs enregistrements, 1919,192 0, 1930, 1933. J’ai choisi celui-ci oĂč l’on ressent bien l’émotion dans la voix de Gardel.

A mi madre (Con los amigos) 1930-05-22 Carlos Gardel accompagné par Guillermo Barbieri, José María Aguilar, Domingo Riverol (guitares).

Version en chanson, avec de jolies guitares. Bien sĂ»r, pas pour la danse. D’ailleurs Gardel ne se danse pas, mĂȘme si on danse sur plusieurs de ses titres quand ils sont jouĂ©s par d’autres orchestres, comme celui de Tanturi ou celui de Canaro dans ce cas (voir ci-dessous).

Con los amigos (A mi madre) 1943-05-12 — Orquesta Francisco Canaro con Eduardo Adrián.
Gardel à Nice en 1931. Il est au centre avec Charlie Chaplin. Pensait-il à ce moment à sa mùre ?
Charlie Chaplin, c’est Charlot, Ă  ne pas confondre avec le chanteur Charlo 😉

Cuando bronca el temporal 1929-03-01 – Carlos di Sarli (Sexteto)

Gerardo HernĂĄn Matos RodrĂ­guez Letra: Ernesto Marsili

Le tango du jour, Cuando bronca el temporal, a Ă©tĂ© enregistrĂ© par Di Sarli avec son sexteto, le premier mars 1929, il y a exactement 95 ans. Il a Ă©tĂ© Ă©crit par l’auteur de la Cumparsita.

Un temporal, c’est une tempĂȘte. Une bronca, c’est une colĂšre. Cependant, la tempĂȘte dont nous parlons aujourd’hui est autant dans les crĂąnes que dans la ville. Une fois de plus, les paroles d’un tango jouent sur les mots. Ernesto Marsili a fait le parallĂšle entre la tempĂȘte qui se dĂ©chaĂźne Ă  l’extĂ©rieur et les sentiments qui s’entrechoquent dans la tĂȘte de l’homme abandonnĂ©.

Il y a quelques semaines, en Argentine, il y a eu des tempĂȘtes violentes. On dĂ©plore des morts, notamment Ă  Mar del Plata, la ville natale d’Astor Piazzolla. À Buenos Aires, des centaines d’arbres ont Ă©tĂ© abattus et une fleur a perdu un de ses pĂ©tales.

Le ciel juste avant le début du temporal, à Buenos Aires.
Floralis GenĂ©rica despuĂ©s del temporal. Un des pĂ©tales est au sol. Trois mois aprĂšs, elle n’a toujours pas Ă©tĂ© rĂ©parĂ©e. En revanche, le parc a Ă©tĂ© rĂ©ouvert quelques semaines plus tard, lorsque les arbres dangereux ont Ă©tĂ© sĂ©curisĂ©s.

Extrait musical

Cuando bronca el temporal 1929-03-01 — Carlos Di Sarli (Sexteto)

Extrait musical

Cuando bronca el temporal 1929-03-01 — Carlos Di Sarli (Sexteto)

On a un peu de mal Ă  imaginer la tempĂȘte ou les tempĂȘtes. Pour les danseurs qui ne connaissent pas le titre, comme cette version est instrumentale, ce n’est pas forcĂ©ment gĂȘnant.
Carlos Di Sarli nous propose un tango plan-plan, bien canyengue.
Je sais que certains adorent ce qu’il a enregistrĂ© Ă  l’époque de son sexteto, mais pour ma part, je prĂ©fĂšre ces annĂ©es 40 et 50 pour la richesse des arrangements et la qualitĂ© de l’interprĂ©tation.

Bien sĂ»r, comme DJ, je peux ĂȘtre amenĂ© Ă  passer du canyengue, justement, car certains aiment cela.

Les paroles

La version de Di Sarli avec son sexteto est instrumentale. Cependant, Ernesto Marsili a Ă©crit un texte qui fait le parallĂšle entre la tempĂȘte et les sentiments de l’homme abandonnĂ©. Peut-ĂȘtre temporairement. Elle est sortie se passer les nerfs (PaÂŽ sacarte el berretĂ­n).

Mina, mina desalmada
Que de puro empecinada,
Una noche ÂŽe tempestad
Te piantaste del bulín

Me dijiste: “Está lloviendo
voy a descolgar la ropa”,
Y rajaste hecha una sopa
PaÂŽ sacarte el berretĂ­n.

Desde entonces en la noche,
Con su estrépito infernal
Me despierta el temporal

Me parece que en el patio
Otra vez vuelvo a escuchar,
Tu nervioso taconear


Me parece que estĂĄs cerca
¥Pero qué vas a ser vos!,
Es el ruido de la lluvia
Que lo engrupe al corazĂłn,
Que lo engrupe al corazĂłn.

Cuando frĂ­a y despiadada
Como pilcha abandonada,
Me dejaste en la catrera
No pensaste en mi dolor.
Y olvidaste aquel cariño
Que te contentĂł, es perfecto,
De un rezongo, con un beso
De un desdén con una flor.

Olvidaste aquel cariño
Que yo no puedo olvidar,
Aunque lo quiero lograr

Ni los ecos de tus pasos
Cuando bronca el temporal,
Con su estrépito infernal


Me parece que estĂĄs cerca
¥Pero qué vas a ser vos!,
Es el ruido de la lluvia
Que lo engrupe al corazĂłn,
Que lo engrupe al corazĂłn.

Gerardo HernĂĄn Matos RodrĂ­guez Letra : Ernesto Marsili.

Bref rĂ©sumĂ© de l’intrigue

Les paroles, qui ne sont pas utilisĂ©es par Di Sarli, nous apprennent qu’elle est partie rentrer le linge Ă  cause de la pluie qui arrivait (assurĂ©ment un prĂ©texte), puis est allĂ©e passer sa colĂšre. Lui s’est endormi et l’orage l’a rĂ©veillĂ©. Le bruit des gouttes d’eau Ă©voquait les talons de la belle qui n’était toujours pas revenue. La fin n’est pas dite. Faut-il croire en son espoir de rĂ©unir le cƓur ? Pas sĂ»r.
Je vous propose Ă©galement une version chantĂ©e. La plus ancienne enregistrĂ©e dont je dispose dans ma collection (on peut toujours espĂ©rer trouver d’autres enregistrements. Le milieu de la recherche en tango est trĂšs actif) est celle de Francisco Lomuto. Elle est chantĂ©e par Charlo (Carlos JosĂ© PĂ©rez). Cette version est un eu antĂ©rieure Ă  celle du jour, elle est du 10 dĂ©cembre 1928.

Cuando bronca el temporal 1928-12-10 — Orquesta Francisco Lomuto con Charlo.

Seule la partie en rouge et gras des paroles est chantĂ©e par Charlo. Il se contente d’un couplet et du refrain. La musique est Ă©galement empreinte de canyengue. C’était dans l’air du temps. J’aime bien la prestation de Charlo, dans ce titre.

Desde entonces en la noche, con su estrĂ©pito infernal me despierta el temporal
 (Plus tard, dans la nuit, avec ses rugissements infernaux, l’orage me rĂ©veilla)

Bajo el cono azul 1944-02-29 (Tango) Alfredo De Angelis con Floreal Ruiz y glosas de NĂ©stor Rodi

Alfredo De Angelis Letra : Carmelo Volpe

Le cono azul cache une histoire triste, mais vĂ©cue par des milliers de jeunes Françaises. Le tango du jour Bajo et cono azul a Ă©tĂ© enregistrĂ© par De Angelis et Floreal Ruiz, il y a exactement 80 ans, le 29 fĂ©vrier 1944.

Comme il y a peu de 29 fĂ©vrier, seulement les annĂ©es bissextiles, on pouvait craindre qu’il soit difficile de trouver un enregistrement du jour. La richesse des enregistrements de tango, mĂȘme si ce n’est qu’un faible pourcentage de ce qui a Ă©tĂ© jouĂ© permet de vous prĂ©senter cette perle.

Dedico esta nota a mi querida cuñada Marta cuyo cumpleaños es hoy.
Ella tiene suerte (o mala suerte) de cumplir solo cada cuatro años).

La triste histoire de SusĂș et autres grisettes

La France, et notamment Paris, a Ă©tĂ© un rĂ©servoir inĂ©puisable de femmes pour l’Argentine et notamment Buenos Aires. De beaux Argentins faisaient de belles promesses aux belles Françaises. Ces derniĂšres, Ă  la recherche du soleil (celui du drapeau de Manuel Belgrano ou tout simplement celui du ciel austral), font leur maigre bagage et se retrouvent au sein du rĂȘve portĂšgne.
Las, lĂ , les promesses se changent en trahison et les belles, dans le meilleur des cas deviennent « grisettes », Ă  faire des Ɠuvres de couture, mais beaucoup se retrouvent dans les bordels, Ă  danser et Ă  se livrer Ă  d’autres activitĂ©s usuelles dans ce genre d’endroit.
On imagine leur dĂ©tresse. C’est ce qui est arrivĂ© Ă  la SusĂș de ce tango, comme Ă  tant d’autres qui ont inspirĂ© des dizaines de tangos Ă©mouvants.
Le point original de ce tango est que le narrateur connaissait et probablement aimait (il s’interroge sur ce point) SusĂș Ă  Paris et qu’il l’a suivie quand elle est partie avec son « amour ».
Aujourd’hui, vingt ans et « un amour » plus tard, elle continue de danser, mais elle qui se rĂȘvait papillon, s’est brĂ»lĂ© les ailes Ă  la chaleur de la lumiĂšre du projecteur et pleure dans l’ombre du salon oĂč s’écrit jour aprĂšs jour son malheur.
Écoutons Ă  prĂ©sent ce thĂšme qui unit Paris et le Cono sur (le cĂŽne du Sud), partie infĂ©rieure et triangulaire de l’AmĂ©rique latine.

Extrait musical

Bajo el cono azul 1944-02-29 (Tango) – Orquesta Alfredo De Angelis con Floreal Ruiz y glosas de NĂ©stor Rodi.
L’introduction parlĂ©e dure 13 secondes…

Un certain nombre de tangos ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s avec des paroles dites, gĂ©nĂ©ralement en dĂ©but de musique. C’est le cas de ce tango ou ces glosas dites par NĂ©stor Rodi dĂ©voilent la tristesse du thĂšme.
La musique de De Angelis est rythmĂ©e et tonique et la voix de Floreal Ruiz, est Ă©galement bien marquĂ©e. Je ne sais pas si c’est pour cela qu’il a pris le surnom de Carlos Martel. C’était peut-ĂȘtre aussi en hommage au plus fameux des Carlos du tango.

Les paroles

Bajo el cono azul de luz
bailando estĂĄ SusĂș
su danza nocturnal

Sola, en medio del salĂłn
se oprime el corazĂłn
cansada de su mal

Veinte años y un amor,
y luego la traiciĂłn
de aquel que amó en París

ÂĄMariposa que al querer llegar al sol
sĂłlo encontrĂł
la luz azul de un reflector!


Bajo el cono azul
envuelta en el tul
gira tu silueta en el salĂłn.
Y yo, desde aquĂ­
como allĂĄ, en ParĂ­s,
Sueño igual que ayer, otra ilusiĂłn

No sĂ© si te amé 
Acaso lloré
cuando te alejaste con tu amor

ÂĄTriste recordar!
¡Sigue tu danzar!

Yo era sĂłlo un pobre soñador


Bajo el cono azul de luz
no baila ya SusĂș
su danza nocturnal

En las sombras del salĂłn
solloza un corazĂłn
su mal sentimental

Veinte años y un amor,
que en alas de ilusiĂłn
la trajo de París

ÂĄMariposa que al querer llegar al sol
sĂłlo encontrĂł
la luz de un reflector! 


Alfredo De Angelis Letra: Carmelo Volpe. La partie en italique n’est pas chantĂ©e par Floreal Ruiz. Il reprend pour terminer le refrain Ă  partir de No sĂ© si te amé 

La traduction des paroles

Les paroles sont intĂ©ressantes, mais sujettes Ă  erreurs d’interprĂ©tation. J’ai donc dĂ©cidĂ© de faire une traduction en français. Avec la traduction automatique du site, vous l’aurez dans une Ă©ventuelle autre langue parmi les 50 possibles.

Sous le cîne de lumiùre bleu, Susu danse sa danse nocturne

Seule au milieu du salon, le cƓur oppressĂ©, fatiguĂ©e de son mal

Vingt ans et un amour, et puis la trahison de celui qu’elle aimait à Paris

Papillon qui veut atteindre le soleil ne trouve que la lumiùre bleue d’un projecteur !
(réflecteur, mais pour faire un cÎne de lumiÚre il vaut mieux un projecteur
)

Sous le cÎne bleu, enveloppée de tulle, virevolte ta silhouette dans le salon.
Et moi, depuis ici comme lĂ -bas, Ă  Paris, je rĂȘve comme hier, une autre illusion

Je ne sais pas si je t’aimais

J’ai peut-ĂȘtre pleurĂ© quand tu es partie avec ton amour

Triste souvenir !
Continue de danser ! …
Je n’étais qu’un pauvre rĂȘveur

 
Sous le cîne de lumiùre bleu, Susu ne danse plus sa danse nocturne

Dans l’ombre du salon un cƓur sanglote son mal d’amour

Vingt ans et un amour, que sur les ailes de l’illusion il l’a amenĂ©e de Paris…
Papillon qui veut atteindre le soleil ne rencontre que la lumiùre d’un projecteur ! 


Autres tangos enregistrés un 29 février

De Angelis a enregistrĂ© le mĂȘme jour Ya sĂ© que siguen hablando avec le chanteur Julio Martel. Le mĂȘme jour, Floreal ne pouvait donc pas prendre son pseudonyme de Carlos Martel, hein ?

Ya sĂ© que siguen hablando 1944-02-29 – Alfredo De Angelis con Julio Martel. EnregistrĂ© le mĂȘme jour que Bajo el Cono Azul.
Canaro 1956-02-29 – Florindo Sasone. Une version curieuse, Ă  la fois pour le thĂšme, enregistrĂ© pour la premiĂšre par Canaro en 1915 (on n’est jamais si bien servi que par soi-mĂȘme). C’est un mĂ©lange d’un des styles de Canaro et de Sasone, assez Ă©tonnant.
Lagrimas 1956-02-29 Florinda Sasone. EnregistrĂ© le mĂȘme jour, ce tango est plus dans l’esprit pur Sasone avec les dings si caractĂ©ristiques qui ponctuent ses interprĂ©tations.
De quĂ© podemos hablar 1956-02-29 – Orquesta Carlos Di Sarli con Argentino Ledesma. Ledesma, une des grandes voix du tango. Mais est-ce sa meilleure interprĂ©tation, je ne suis pas sĂ»r.
Mala yerba 1956-02-29 (Valse) – Orquesta Carlos Di Sarli con Rodolfo GalĂ©. EnregistrĂ© le mĂȘme jour que De quĂ© podemos hablar. Cette valse n’est pas la plus entraĂźnante, notamment Ă  cause de la prestation de GalĂ©, qui chante magnifiquement, mais pas forcĂ©ment idĂ©alement pour la danse.
Sous le cîne de lumiùre bleu, Susu ne danse plus sa danse nocturne

Dans l’ombre du salon un cƓur sanglote son mal d’amour


Ahora voy a tomar mate con yerba que no sea mala y con yuyos de sierras, y después a bailar el chamame qué estoy en la provincia de Corrientes. Qué la tristeza se va.

Et maintenant, je vais prendre un mate avec de la yerba qui ne soit pas mauvaise et des herbes de montagne. Ensuite, je vais danser le chamamĂ©, car je suis dans la province de Corrientes, pour que la tristesse s’en aille.

El chamamĂ© ya es Patrimonio Cultural Inmaterial de la Humanidad [Le chamame est dĂ©sormais au Patrimoine ImmatĂ©riel de l’HumanitĂ© (Unesco)]

Yuyo verde 1945-02-28 Orquesta AnĂ­bal Troilo con Floreal Ruiz

Domingo Federico (Domingo SerafĂ­n Federico) Letra: Homero Aldo ExpĂłsito

Le tango du jour, Yuyo verde, a Ă©tĂ© enregistrĂ© le 28 fĂ©vrier 1945, il y a 79 ans par AnĂ­bal Troilo et Floreal Ruiz. C’est encore un magnifique thĂšme Ă©crit par l’équipe Federico et ExpĂłsito, les auteurs de Percal. Le yuyo verde est une herbe verte qui peut ĂȘtre soit une mauvaise herbe, soit une herbe mĂ©dicinale. Je vous laisse forger votre interprĂ©tation Ă  la lecture de cet article.

Extrait musical

Yuyo verde 1945-02-28 Orquesta AnĂ­bal Troilo con Floreal Ruiz

Les paroles

Callejón
 callejón

lejano
 lejano

Ă­bamos perdidos de la mano
bajo un cielo de verano
soñando en vano

Un farol
 un portón

-igual que en un tango-
y los dos perdidos de la mano
bajo el cielo de verano
que partió


DĂ©jame que llore crudamente
con el llanto viejo adiós

adonde el callejĂłn se pierde
brotĂł ese yuyo verde
del perdón

DĂ©jame que llore y te recuerde
-trenzas que me anudan al portĂłn-
De tu paĂ­s ya no se vuelve
ni con el yuyo verde
del perdón


¿Dónde estás?
 ¿Dónde estás?

¿Adónde te has ido?

ÂżDĂłnde estĂĄn las plumas de mi nido,
la emociĂłn de haber vivido
y aquel cariño?

Un farol
 un portón

-igual que un tango-
y este llanto mĂ­o entre mis manos
y ese cielo de verano
que partió


Domingo Federico Letra: Homero ExpĂłsito

Autres versions

Ce tango, magnifique a donné lieu à des centaines de versions.

Yuyo verde 1944-09-12 — Orquesta Domingo Federico con Carlos Vidal. La version originale par l’auteur de la musique. C’est une jolie version.
Yuyo verde (CallejĂłn) 1945-01-24 — Orquesta Rodolfo Biagi con Jorge Ortiz. Un biagi typique, bien Ă©nergique. À noter le sous-titre, CallejĂłn, la ruelle, qui commence les paroles en Ă©tant chantĂ©e deux fois.
Yuyo verde 1945-01-25 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto MorĂĄn. Une interprĂ©tation de MorĂĄn un peu larmoyante. Rien Ă  voir avec la version enregistrĂ©e la veille par Biagi et Ortiz. La merveilleuse diversitĂ© des orchestres de l’ñge d’or du tango.
Yuyo verde 1945-02-28 Orquesta AnĂ­bal Troilo con Floreal Ruiz. C’est le tango du jour. Pour moi, c’est un des meilleurs Ă©quilibres entre dansabilitĂ© et sensibilitĂ©.
Yuyo verde 1945-05-08 — Tania y su Orquesta TĂ­pica dir. Miguel Nijenson. Si l’enregistrement de Troilo et MorĂĄn faisait un peu chanson, cette interprĂ©tation par Tania est clairement une chanson. L’indication que c’est Tania et son orchestre, dirigĂ© par Miguel Mijenson confirme que l’intention de Tania Ă©tait bien d’en faire une chanson.

Avec ces cinq versions, on a donc une vision intéressante du potentiel de ce titre. En 1958, Federico a enregistré de nouveau ce titre, avec son Trío Saludos et les chanteurs Rubén Maciel et Rubén Sånchez. Je vous fais grùce de cette version kitch.
Comme il est l’auteur de la musique, je citerai aussi son enregistrement rĂ©alisĂ© Ă  Rosario avec la Orquesta Juvenil De La Universidad Nacional De Rosario con HĂ©ctor GatĂĄneo. J’ai dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© ce chanteur et cet orchestre Ă  propos de Percal dont Federico est Ă©galement l’auteur.
Il y a des centaines d’interprĂ©tations par la suite, mais relativement peu pour la danse. Les aspects chanson ou musique classique ont plutĂŽt Ă©tĂ© les sources d’inspiration.
Pour terminer cet article sur une note sympathique, une version en vidĂ©o par un orchestre qui a cherchĂ© son style propre, la RomĂĄntica Milonguera. Ici avec Roberto Minondi. Un enregistrement effectuĂ© en Uruguay, un des trois pays du tango ; en mars 2019.

Yuyo verde 2019-03 – Orquesta Romantica Milonguera con Roberto Minondi.

Clin d’Ɠil

Un cuarteto organisĂ© autour du guitariste Diego Trosman et du bandĂ©oniste Fernando Maguna avait pris le nom de Yuyo Verde en 2003. Ce cuarteto avait d’ailleurs participĂ© en 2004 au festival que j’organisais alors Ă  Saint-Geniez d’Olt (Aveyron, France). Ils nous avaient fait parvenir une maquette dont je tire cette superbe interprĂ©tation de la milonga La Trampera. Ce n’est pas Yuyo Verde, mais c’est une composition d’Anibal Troilo, on reste dans le thĂšme du jour.

La trampera 2004 — Yuyo Verde (Maquette)

Deux des affiches que j’avais rĂ©alisĂ©es pour mon festival de tango. Le site internet Ă©tait hĂ©bergĂ© par mon site perso de l’époque (byc.ch) et sur l’affiche de droite, les plus observateurs pourront remarquer mon logo de l’époque. C’était il y a 20 ans


Petite histoire, ce festival de tango qui existe toujours, avec d’autres organisateurs, avait au dĂ©part une partie salsa, car mon coorganisateur croyait plutĂŽt en cette danse. C’est la raison pour laquelle j’avais donnĂ© le nom de Tango latino (tango y latino), pour faire apparaĂźtre ces deux facettes. La milonga du samedi soir Ă©tait animĂ©e par Yuyo Verde et Corine d’AlĂšs, une pionniĂšre du DJing de tango que je salue ici


Por vos
 Yo me rompo todo 1939-02-27 — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá

Francisco Canaro (Francisco Canarozzo) musique et paroles

Le tango d’aujourd’hui a Ă©tĂ© enregistrĂ© par Francisco Canaro avec le chanteur Ernesto FamĂĄ, le 27 fĂ©vrier 1939, il y a exactement 85 ans. Mais je vous parlerai aussi de la version de son frĂšre, Rafael, enregistrĂ©e la mĂȘme annĂ©e, en France et avec lui-mĂȘme comme chanteur.

J’ai dĂ©jĂ  citĂ© deux Canaros, il s’agit en fait d’une famille de musiciens de tango que je vous invite Ă  dĂ©couvrir.

Les Canaros

De cette famille uruguayenne de musiciens, Francisco Canaro (Canarozzo) est sans doute le plus connu, mais il avait quatre frĂšres musiciens de tango, Rafael, Humberto, Juan et Mario.

  • Francisco, l’aĂźnĂ© (26 novembre 1888 – 14 dĂ©cembre 1964) Ă©tait compositeur, chef d’orchestre et violoniste.
  • Rafael (22 juin 1890 – 28 janvier 1972) Ă©tait compositeur, chef d’orchestre, contrebassiste et joueur de scie musicale. Il a passĂ© une douzaine d’annĂ©es en France avant la Seconde Guerre mondiale. Il a enregistrĂ© des tangos chantĂ©s en français, notamment avec Toussaint.
  • Juan (23 juin 1892 – 16 mars 1977) Ă©tait compositeur, chef d’orchestre et bandonĂ©oniste. Il est Ă©galement passĂ© par Paris, mais a beaucoup voyagĂ© et ne s’y est pas fixĂ©.
  • Humberto (16 aoĂ»t 1896 – 26 aoĂ»t 1952) Ă©tait compositeur, chef d’orchestre et pianiste. Il n’est venu en France qu’aprĂšs la Seconde Guerre mondiale.
  • Mario (14 mai 1903 – 19 juin 1974) est le seul Ă  ĂȘtre nĂ© en Argentine, Ă  Buenos Aires et ne pas avoir Ă©tĂ© chef d’orchestre. En revanche, il Ă©tait compositeur, violoniste, bandonĂ©iste et contrebassiste. Il termina sa formation musicale en France et en Belgique et resta Ă  Paris, jusqu’en 1939, chassĂ©, comme Rafael, par la guerre.

On constatera que les frĂšres Canaro pouvaient Ă  eux seuls faire un quintette de qualitĂ©. L’histoire des Canaro est Ă©galement liĂ©e Ă  la France. Ils ont permis au tango de se dĂ©velopper en remportant un immense succĂšs en Europe. Tous les frĂšres y sont passĂ©s. Francisco y a fait plusieurs sĂ©jours et Rafael et Juan s’y sont Ă©tablis et n’en sont partis qu’à cause de la Seconde Guerre mondiale.

Le titre du jour nous donne une preuve de l’internationalisme du tango, peut-ĂȘtre le mĂȘme jour (il y a un petit doute entre le 26 et le 27 fĂ©vrier 1939, Francisco et Rafael enregistraient Por vos
 yo me rompo todo.

Le dialogue transatlantique

La version de Francisco a Ă©tĂ© enregistrĂ©e Ă  Buenos Aires (matrice 9814-1) et diffusĂ©e par OdĂ©on en Argentine et en Angleterre. Le chanteur en est Ernesto FamĂĄ dont la voix gouailleuse et un peu ironique convient bien au thĂšme.

Rafael a, pour sa part, enregistrĂ© chez Columbia, en France (matrice CL 7130-1). C’est lui qui chante, ainsi que le chƓur de ses instrumentistes qui remprennent les “ma china” et le final, comme cela se faisait assez frĂ©quemment Ă  l’époque. À ce sujet, il y a deux jours, j’étais dans une milonga animĂ©e par un quatuor (qui va prochainement faire un tour en Europe) et oĂč les musiciens faisaient le chƓur. Le rĂ©sultat Ă©tait mitigĂ©, car les voix Ă©taient trop proches et dĂ©saccordĂ©es. Pour moi, cela gĂąchait leur prestation musicale, car les quatre Ă©taient d’excellents musiciens. EspĂ©rons que pour leur tournĂ©e en Europe ils vont abandonner cette idĂ©e ou a minima ne laisser qu’un seul chanter ces brefs estribillos pour ne pas attĂ©nuer le plaisir des danseurs.

Version Francisco diffusée en Argentine, au centre, version Francisco éditée en Angleterre et à droite, la version de Rafael, éditée en France.

Extrait musical

Vous aurez le droit à deux pour le prix d’un.

Por vos
 yo me rompo todo 1939-02-27 – Orquesta Francisco Canaro con Ernesto FamĂĄ
Por vos… yo me rompo todo 1939 – Orquesta Rafael Canaro con Rafael Canaro y coro

Les paroles

Yo soy como el ave que canta y no llora
Como la calandria, igual que un zorzal
Cuando canto, canto, cuando rio, rio
Cuando quiero, quiero con todo el corazĂłn
Yo soy como el ave que canta y no llora
Y busco un cariño para mi pasión
Por vos yo me rompo todo
Mi china
Por vos yo me juego entero
Mi vida
Por vos yo seré doctor, todo un gran señor
Rico y distinguido
Por vos yo seré ladrón, guapo y con padrón
Malo y atrevido
Por vos yo me rompo todo
Mi china
Porque sos mi «metegol»

Francisco Canaro (Francisco Canarozzo) musique et paroles

Les paroles sont assez simples et sans trop de sous-entendus qui les compliquent.
Voici, cependant, quelques indications :

Je suis comme l’oiseau qui chante et ne pleure pas
La calendria (Mimus saturninus, espùce d’alouette) est un oiseau chanteur, trùs commun à Buenos Aires.
Le zorzal (turdus rufiventris, merle Ă  ventre roux) est un autre oiseau chanteur. C’était aussi le surnom de Carlos Gardel, rĂ©fĂ©rence en matiĂšre d e chant en Argentine


Por vos yo me rompo todo [
] Por vos yo me juego entero
Plusieurs interprétations sont possibles, mais on pourrait traduire par il se met en quatre, en risque, en jeu.

Mi china
La china est une femme de condition modeste, de la campagne, ou d’origine indienne, mais c’est aussi un terme affectueux. Cela peut aussi ĂȘtre un canif qui se dit « cortaplumas » selon le dictionnaire lunfardo de Dellepiane, ce qui prend sa saveur quand il se dĂ©signe comme Ă©tant un oiseau. Dans le cas prĂ©sent, il est probable que ma chĂ©rie serait une traduction valable, comme le confirme l’expression Mi vida utilisĂ©e ensuite.

Il est vraiment prĂȘt Ă  tout, docteur, grand seigneur ou voleur, courageux, avec un casier judiciaire. Riche et distinguĂ© dans le premier cas, mauvais et audacieux dans le second.

Sos mi « metegol »

Un mĂ©tegol, c’est un baby-foot (marquer un but). Le fait qu’il compare sa china (chĂ©rie) Ă  un baby-foot peut sembler Ă©trange. Peut-ĂȘtre est-ce la preuve de la passion des Argentins pour le foot et ce jeu. S’il aime cette femme autant que le baby-foot, c’est que c’est du sĂ©rieux. C’est peut-ĂȘtre moins glorieux s’il se rĂ©fĂšre qu’il l’a Ă  sa main et qu’il peut la manipuler comme les personnages du jeu.
La preuve que cet engouement continue, en 2013, ils ont rĂ©alisĂ© un film d’animation en 3D qui s’appelle Metegol
 Le hĂ©ros du film, Amadeo, est un passionnĂ© de football. Au point qu’il passe la ses journĂ©es, Ă  jouer au baby-foot. Mais aprĂšs qu’il eut battu le caĂŻd du coin, ce dernier le met au dĂ©fi de jouer dans un vĂ©ritable match de football. Les personnages du babyfoot viendront prĂȘter main-forte Ă  Amadeo. Au-delĂ , cet argument se joue la lutte du passĂ© et du futur. Le caĂŻd, Grosso, veut raser la ville pour construire un immense stade de football. Tous les ingrĂ©dients de l’Argentine actuelle sont dans ce scĂ©nario, non ?

Metegol est un film argentin et espagnol d’animation en 3D. Il a Ă©tĂ© dirigĂ© par Juan JosĂ© Campanella et est inspirĂ© du conte « Memorias de un wing derecho » de l’écrivain argentin Roberto Fontanarrosa

GOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOLLLLL
(BUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUTTTT)

Tu es mon baby-foot…

Fuegos artificiales 1941-02-26 (Tango) – Orquesta Juan D’Arienzo

Roberto Firpo ; Eduardo Arolas

Le tango d’aujourd’hui a Ă©tĂ© enregistrĂ© par Juan D’Arienzo, le 26 fĂ©vrier 1941, il y a exactement 83 ans. Los fuegos artificiales sont les feux d’artifice. Nous verrons dans cet article qu’on peut les voir rĂ©ellement dans la musique.

Ceux qui connaissent un peu l’Argentine savent qu’ils sont fans d’expĂ©riences pyrotechniques. Cependant, contrairement Ă  la France, ce ne sont pas les communes qui les proposent, ce sont les Argentins eux-mĂȘmes qui rivalisent avec leurs voisins pour proposer le plus beau spectacle. Roberto Firpo et Eduardo Arolas se sont donc inspirĂ©s de ces feux d’artifice pour proposer un tango descriptif oĂč se voient et s’entendent les fusĂ©es.

Roberto Firpo

Roberto Firpo, un des auteurs de cette musique, a souvent composĂ© des tangos imagĂ©s, c’est-Ă -dire oĂč la musique cherche Ă  imiter des sons de la vie rĂ©elle. On connaĂźt, par exemple :
El amanecer (l’aube) avec ses oiseaux qui accueillent le soleil ; El burrito (l’ñne) un pasodoble oĂč on entend quelques facĂ©ties d’un Ăąne ; El rĂĄpido (tango) imitation du train avec dans certaines versions des annonces du type (second service du restaurant). Biagi et Piazzolla par exemple, reprend ce thĂšme de façon plus musicale, pour la danse dans le cas de Biagi et pour l’écoute en ce qui concerne Piazzolla, mais dans tous les cas on reconnaĂźt bien le train ; La carcajada le rire.

Fuegos artificiales est donc dans cette lignĂ©e et il n’est pas difficile d’imaginer la trajectoire des cohetes (fusĂ©es) en Ă©coutant les diffĂ©rentes versions de cette Ɠuvre.

Roberto Firpo a composĂ© Ă©normĂ©ment. Il n’est pas un chef d’orchestre de premier plan, mais tous les danseurs de tango ont dansĂ©, parfois sans le savoir, bon nombre de ses crĂ©ations interprĂ©tĂ©es par d’autres orchestres.
En plus d’El amanecer, on pourrait citer, Alma de bohemio dont il existe des dizaines de versions, dont celle trĂšs exceptionnelle de Pedro Laurenz chantĂ©e par Alberto PodestĂĄ qui tient la note pendant une durĂ©e incroyable, Argañaraz (Aquellas farras), Didi, El apronte ou Viviani.

Extrait musical

Fuegos artificiales 1941-02-26 – Orquesta Juan D’Arienzo.mp3. C’est le premier enregistrement de ce thĂšme par D’Arienzo et celui qui fait l’objet de cet article.

Les paroles
 la musique en images

Comme il s’agit d’un tango instrumental et que personne n’a eu l’idĂ©e d’y mettre des paroles. Je vous propose de voir les fusĂ©es du feu d’artifice dans la musique.
En effet, pour travailler la musique, les logiciels spĂ©cialisĂ©s proposent diffĂ©rents outils. Un que j’aime bien est la reprĂ©sentation de la frĂ©quence spectrale.
Le principe est simple. Plus un son est grave et plus il est reprĂ©sentĂ© en bas du spectrogramme. Mais ici, ce n’est pas la technique qui nous intĂ©resse, mais ce qu’on peut voir avec cet outil. Nous allons voir trois versions. Celle de Firpo (le compositeur) en 1927, puis en 1928 et enfin celle qui fait l’objet de la composition du jour, celle de D’Arienzo de 1941.

Spectrogramme de la version de 1927 de Firpo. Observez les lignes obliques qui indiquent, de gauche Ă  droite, une descente chromatique, une remontĂ©e chromatique (on dirait un V, visible dans la premiĂšre moitiĂ©) puis une descente vers le spectre grave vibrĂ©e dans la seconde moitiĂ©. Ce sont les fusĂ©es du feu d’artifice qui montent et descendent.
Fuegos artificiales 1927-11-04 — Orquesta Roberto Firpo. La partie correspondant à l’image ci-dessus se trouve entre 1 h 28 et 1 h 36.
Version de 1928 de Firpo. Elle est sensiblement diffĂ©rente de celle de 1927. La montĂ©e chromatique est effectuĂ©e par tout l’orchestre et la descente par les seuls violons. Le motif en V de la version de 1927 a disparu, certains Ă©lĂ©ments de la descente chromatique qui prĂ©cĂ©dait se retrouvent dĂ©sormais dans la montĂ©e, beaucoup plus puissante et par consĂ©quent presque invisibles.
Fuegos artificiales 1928-05-28 — Orquesta Roberto Firpo. La partie correspondant Ă  l’image ci-dessus se trouve entre 1 h 25 et 1 h 35. C’est la mĂȘme que dans la version 1927.
La mĂȘme partie de la musique, mais d’un aspect totalement diffĂ©rent. Les montĂ©es et descentes se font en escalier. Les glissandos de violons ont disparu.
Fuegos artificiales 1941-02-26 — Orquesta Juan D’Arienzo. Dans le mĂȘme passage (1 : 29, Ă  1 : 36) les glissandos des violons ont disparu. Les notes en marche d’escalier sont typiques de D’Arienzo.
Tout l’orchestre et notamment les bandonĂ©ons et le piano montent chromatiquement par saccades, puis le piano en solo entame une descente chromatique qu’il enchaĂźne avec une remontĂ©e, accompagnĂ© par l’orchestre.

Le motif est donc trĂšs diffĂ©rent de celui de Firpo et ne suggĂšre que lointainement le feu d’artifice.

Pour le retrouver, il faut choisir un autre passage.

Ici, c’est le dĂ©but de la version de D’Arienzo, dans une partie diffĂ©rente. À gauche, une montĂ©e chromatique saccadĂ©e au piano, suivi d’un silence (zone sombre au milieu). Ce silence accueille des coups fermes du bandonĂ©on, puis enfin, une nouvelle montĂ©e chromatique, cette fois en glissando par les violons. C’est une Ă©vocation de la montĂ©e des fusĂ©es.

Mais lĂ , on est loin de la description des versions de Firpo. MĂȘme la montĂ©e chromatique des cordes est courte et peu expressive, comme si D’Arienzo voulait faire oublier qu’il s’agissait d’un feu d’artifice. En effet, il en fait une piĂšce instrumentale, beaucoup moins imagĂ©e.
Cependant, D’Arienzo n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  faire quelques tangos imagĂ©s, comme El Hipo oĂč EchagĂŒe a le hoquet (hipo), accompagnĂ© par de courts glissandos de violon, mais ce n’est pas le meilleur de sa production


En observant les spectrogrammes, on peut tirer des idées sur la façon dont le musicien organise sa musique et sa composition.

Les enregistrements de Fuegos artificiales

Par Juan D’Arienzo

D’Arienzo a enregistrĂ© Ă  deux reprises ce titre. . C’est la version proposĂ©e d’aujourd’hui.

Fuegos artificiales 1941-02-26 — Orquesta Juan D’Arienzo.
Fuegos artificiales 1946 — Orquesta Juan D’Arienzo. Une version plus rare. La prise de son un peu brouillonne rend la danse moins intĂ©ressante. Cette version ne manquera donc pas en milonga.

On trouve deux ou trois autres enregistrements souvent attribuĂ©s Ă  d’Arienzo, mais ils ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s aprĂšs la mort de celui-ci. Ce sont les mĂȘmes musiciens qui ont repris les thĂšmes sous la direction du bandĂ©oniste arrangeur de D’Arienzo, Carlos Lazzari. On peut donc presque considĂ©rer que c’est du D’Arienzo tardif. Le plus ancien est de 1977, un autre a Ă©tĂ© enregistrĂ© au Japon, mais est quasiment identique Ă  celui de 1987 que je propose ici :

Fuegos Artificiales 1987 — Los Solistas de D’Arienzo dir. Carlos Lazzari.

Par d’autres orchestres

Fuegos artificiales 1927-11-04 — Orquesta Roberto Firpo. C’est le plus ancien enregistrement, par l’auteur de la partition. Une version bien canyengue, mais trĂšs expressive et descriptive. On aimerait sans doute un peu plus de vitesse pour rendre le spectacle plus dynamique. Nous en avons parlĂ© ci-dessus.
Fuegos artificiales 1928-05-28 — Orquesta Roberto Firpo. Firpo s’est rendu compte qu’il pouvait accĂ©lĂ©rer son titre. Elle a Ă©galement Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e visuellement ci-dessus.
Fuegos artificiales 1945-05-29 — Orquesta AnĂ­bal Troilo. Comme dans la version de 1941 de DArienzo, la partie descriptive est attĂ©nuĂ©e. Contrairement Ă  D’Arienzo, la musique est plus coulĂ©e, sans les saccades et on a un peu l’impression de voir les explosions de lumiĂšre au loin, les instruments se mĂȘlant comme se mĂȘlent les Ă©toiles d’un feu d’artifice. C’est une trĂšs belle version alternant les moments de tension et ceux de relĂąchement, mais avec un enchaĂźnement, sans rupture. La musique est plus coulĂ©e. Pour la danse, cela peut manquer un peu de clartĂ© pour des danseurs qui ne maĂźtrisent pas les subtilitĂ©s de Troilo, mais ils pourront se raccrocher Ă  la marcation la plupart du temps bien prĂ©sente.

En 1952, Troilo enregistrera une autre version bien plus spectaculaire et évoquant les prémices du tango nuevo.

Fuegos artificiales 1952 — Orquesta Aníbal Troilo. Version plus spectaculaire que celle de 1945, annonçant les futurs succùs de Troilo vers le tango dit nuevo.

On pourrait multiplier les exemples, mais maintenant vous saurez ĂȘtre attentifs aux Ă©lĂ©ments de feu d’artifice, par exemple chez Donato, Varela ou De Angelis qui en ont tirĂ© Ă©galement des versions intĂ©ressantes.

Feux d’artifice et pauvretĂ©, misĂšre et artifices.

Percal 1943-02-25 (Tango) – Orquesta Miguel CalĂł con Alberto PodestĂĄ

Domingo Federico (Domingo SerafĂ­n Federico) Letra: Homero Aldo ExpĂłsito

Ne me dites pas que la voix chaude d’Alberto PodestĂĄ quand il lance le premier « Percal » ne vous Ă©meut pas, je ne vous croirais pas. Mais avant le thĂšme crĂ©Ă© par Domingo Federico et magistralement proposĂ© par l’orchestre de CalĂł a instaurĂ© une ambiance de mystĂšre.

Je ne sais pas pourquoi, mais les premiĂšres notes m’ont toujours fait penser aux mille et une nuit. L’évocation de la percale qui est un tissu de qualitĂ© en France pourrait renforcer cette impression de luxe.
Cependant, le percal qui est masculin en espagnol, est une étoffe modeste destinée aux femmes pauvres. Vous le découvrirez plus largement avec les paroles, ci-dessous.

PodestĂĄ a commencĂ© Ă  chanter pour CalĂł Ă  15 ans. Il a passĂ© une audition dans l’aprĂšs-midi et le soir-mĂȘme il commençait avec l’orchestre. Miguel CalĂł savait dĂ©celer les talents…

Extrait musical

QuĂ© tiempo aquel 1938-02-24 — Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar

Les paroles

Percal

ÂżTe acuerdas del percal?
TenĂ­as quince abriles,
Anhelos de sufrir y amar,
De ir al centro, triunfar
Y olvidar el percal.
Percal

Camino del percal,
Te fuiste de tu casa

Tal vez nos enteramos mal.
Solo sé que al final
Te olvidaste el percal.

La juventud se fue

Tu casa ya no está

Y en el ayer tirados
Se han quedado
Acobardados
Tu percal y mi pasado.
La juventud se fue

Yo ya no espero más

Mejor dejar perdidos
Los anhelos que no han sido
Y el vestido de percal.

Llorar

¿Por qué vas a llorar?

ÂżAcaso no has vivido,
Acaso no aprendiste a amar,
A sufrir, a esperar,
Y también a callar?
Percal

Son cosas del percal

Saber que estĂĄs sufriendo
Saber que sufrirĂĄs aĂșn mĂĄs
Y saber que al final
No olvidaste el percal.
Percal

Tristezas del percal.

Domingo Federico (Domingo SerafĂ­n Federico) Letra: Homero Aldo ExpĂłsito

Parlons chiffons

Percal est mentionnĂ© sept fois dans les paroles de ce tango d’Homero ExpĂłsito. Il est donc trĂšs important de ne pas faire un contresens sur la signification de ce mot.
WikipĂ©dia nous dit que : « La percale est un tissu de coton de qualitĂ© supĂ©rieure fait de fil fin serrĂ© Ă  plat. Elle est apprĂ©ciĂ©e en literie pour son toucher lisse, doux, et sa rĂ©sistance ».
Vous aurez compris qu’il ne faut pas en rester là, car une fois de plus, c’est le lunfardo, l’argot argentin qu’il faut interroger pour comprendre.
En lunfardo, il s’agit d’un tissu de coton utilisĂ© pour les robes des femmes de condition modeste. On retrouve dans cette dĂ©rivation du mot en lunfardo, la dĂ©rision de la mode de la haute sociĂ©tĂ© qui se piquait d’ĂȘtre Ă  la française. Nommer une toile modeste du nom d’une toile prestigieuse Ă©tait une façon de se moquer de sa condition de misĂšre.
En français, on dirait donc plutĂŽt « calicot » que percale pour ce type de tissu de basse qualitĂ©.
Voici ce qu’a Ă©crit Athos EspĂ­ndola dans son « Diccionario del lunfardo » :

Percal. l. p. Tela de modesta calidad que se empleaba para vestidos de mujer, la mĂĄs comĂșn entre la gente humilde. Fue llevada por el canto, la poesĂ­a y el teatro populares a convertirse en sĂ­mbolo de sencillez y pureza que representaba a la mujer de barrio entregada a su hogar y a la obrera que sucumbĂ­a doce horas diarias en el taller de planchado o en la fĂĄbrica para llevar unos mĂ­seros pesos a la pobreza de su familia. A esa que luego, a la tardecita, salĂ­a con su vestido de percal a la puerta de su casa a echar a volar sueños e ilusiones. Pero tambiĂ©n fue sĂ­mbolo discriminatorio propicio para que las grandes señoras de seda y de petit-gris tuvieran otro motivo descalificatorio para esa pobreza ofensiva e insultante que, afortunadamente, estaba tan allĂĄ, en aquellos barrios adonde no alcanzaban sus miradas. ÂżCĂłmo iba a detenerse a conversar con una mujer que viste de percal?

Athos EspĂ­ndola, Diccionario del lunfardo

Ce tango Ă©voque donc la malĂ©diction de celles qui sont nĂ©es pauvres et qui ne sortiront pas de l’univers des tissus de basse qualitĂ©, contrairement Ă  celles qui vivent dans la soie et le petit-gris.
Pour information, le petit-gris est apparentĂ© au vair des chaussures de Cendrillon, le vair Ă©tant une fourrure Ă  base de peaux d’écureuils. Le petit-gris, c’est pire dans le domaine de la cruautĂ©, car il faut le double d’écureuils. Au lieu d’utiliser le dos et le ventre, on n’utilise que le dos des Ă©cureuils pour avoir une fourrure de couleur unie et non pas en damier comme le vair.

TenĂ­as quince abriles, en français on emploi souvent l’expression avoir quinze printemps pour dire quinze ans. En Argentine, les quinze ans sont un Ăąge tout particulier pour les femmes. Les familles modestes s’endettent pour offrir une robe de fĂȘte pour leur fille, pour cet anniversaire le plus spectaculaire de leur vie. Le fait que la robe de la chanson soit dans un tissus humble, accentue l’idĂ©e de pauvretĂ©.
Il existe d’ailleurs des valses de quinziĂšme anniversaire et pas pour les autres annĂ©es.
Dans les milongas, la tradition de fĂȘter les anniversaires en valse vient de lĂ .

El vals de los quince años pour l’anniversaire de Quique Camargo par Los Reyes del Tango.
Milonga Camargo Tango – El Beso – Buenos Aires – 2024-02-17. .
Parole et musique AgustĂ­n Carlos Minotti.
GrabaciĂłn DJ BYC Bernardo

Les enregistrements de Percal

Percal 1943-02-25 — Orquesta Miguel Caló con Alberto Podestá. C’est le tango du jour.
Percal 1943-03-25 — Orquesta AnĂ­bal Troilo con Francisco Fiorentino. EnregistrĂ©e un mois, jour pour jour aprĂšs celle de Calo, cette version est superbe. Cependant, il me semble que la voix de Fiorentino et en particulier sa premiĂšre attaque de « Percal » sont en deçà de ce qu’ont proposĂ© CalĂł et PodestĂĄ. Mais bien sĂ»r, ce titre est Ă©galement merveilleux Ă  danser.
Percal 1943-05-13 Hugo Del Carril accompagnĂ© par Tito Ribero. Cette chanson, ce n’est pas un tango de danse, commence avec une musique trĂšs particuliĂšre et Hugo Del Carril dĂ©marre trĂšs rapidement (normal, c’est une chanson) le thĂšme d’une voix trĂšs chaude et vibrante.
Percal 1947 ou 1948 — Francisco GonzĂĄlez et son Orchestre typique argentin con Roberto RodrĂ­guez.
Je n’ai pas cette musique dans ma collection. Le catalogue de la BibliothĂšque nationale de France (Notice FRBNF38023941) l’indique de 1948 sous la bonne rĂ©fĂ©rence du disque : Selmer ST3003. La bible Tango l’indique de 1947 et avec le numĂ©ro de matrice 3728.
Percal 1952-08-25 — Orquesta Domingo Federico con Armando Moreno et rĂ©citatif por Julia de Alba. Il est intĂ©ressant d’écouter cette version enregistrĂ©e par l’auteur de la musique, mĂȘme si c’est plus tardif. En plus des paroles chantĂ©es par Armando Moreno, il y a un rĂ©citatif dit par Julia de Alba, une cĂ©lĂ©britĂ© de la radio. Son intervention renforce le thĂšme du tango en Ă©voquant le chemin de percale, la destinĂ©e que lui prĂ©disait sa mĂšre et qui s’est avĂ©rĂ©e la rĂ©alitĂ©. Elle l’a compris plus tard, pleurant les baisers de sa mĂšre qui ne peut plus l’embrasser.
Percal 1969 — Orquesta Domingo Federico con Carlos Vidal.
Percal 1969-09-24 — Domingo Federico (bandonĂ©on) Oscar Brondel (guitare) con RubĂ©n Maciel. La particularitĂ© de cet enregistrement est qu’il est chantĂ© en esperanto par RubĂ©n Maciel. Federico Ă©tait un militant de l’esperanto, ce langage destiner Ă  unir les hommes dans une grande fraternitĂ©. Le mĂȘme jour, ils ont aussi enregistrĂ© une version de la cumparsita, toujours en esperanto.
Percal 1990-12 — Orquesta Juvenil de Tango de la U.N.R. dir Domingo Federico con HĂ©ctor GatĂĄneo. Vous pouvez acheter ce titre ou tout l’album sur BandCamp, y compris dans des formats sans perte (ALAC, FLAC
). Pour mĂ©moire, les fichiers que je propose ici sont en trĂšs basse qualitĂ© pour ĂȘtre autorisĂ© sur le serveur (limite 1 Mo par fichier).

Autre titre enregistrĂ© un 25 fĂ©vrier

Ya sale el tren 1943-02-25 — Orquesta Miguel CalĂł con Jorge Ortiz. Musique et paroles de Luis Rubistein. Ce tango a Ă©tĂ© enregistrĂ© le mĂȘme jour que Percal, mais avec un chanteur diffĂ©rent, Jorge Ortiz. On entend la cloche du train au dĂ©but.
Ya sale el tren 1943-02-25 — Orquesta Miguel CalĂł con Jorge Ortiz. Musique et paroles de Luis Rubistein. Ce tango a Ă©tĂ© enregistrĂ© le mĂȘme jour que Percal, mais avec un chanteur diffĂ©rent, Jorge Ortiz. On entend la cloche du train au dĂ©but.

QuĂ© tiempo aquel 1938-02-24 (Milonga) – Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar

Francisco Lomuto Letra: Celedonio Esteban Flores

Francisco Lomuto et Jorge Omar vous proposent la milonga du jour. Ce titre agréable à danser nous permet de nous intéresser à la mode masculine et au billard. Des souvenirs du bon vieux temps disparu (Qué tiempo aquel que no podremos ver mås).

Cette milonga, une de plus, dĂ©crit un individu amateur de billard, sa tenue et sa façon de dĂ©ambuler. C’est en somme un portrait qui peut se danser de façon amusante. Tous les instruments jouent en appuyant la rythmique, ce qui est bien dans le style de Lomuto, la plupart du temps inspirĂ© du canyengue. Jorge Omar s’inscrit dans cette puissante prĂ©sence du rythme, tout en en usant de sa diction parfaite pour mettre en valeur les syncopes de la partition. Quelques excursions du piano illuminent la musique C’est le seul instrument qui semble s’échapper de la machine pour proposer quelques fioritures qui allĂšgent le rĂ©sultat et offrent aux danseurs qui savent les saisir, des Ă©lĂ©ments ludiques.

Vous reprendrez bien un peu de homard Omar ?

s reprendrez bien un peu de homard Omar ?

Hier, j’évoquais, Nelly Omar, la muse d’Homero (encore Omar) et aujourd’hui, le chanteur en vedette est Jorge Omar. Seraient-ils de la mĂȘme famille, frĂšre et sƓur, mari et femme ?

Que nenni. Mais ils sont d’autres points communs. Ils sont nĂ©s tous les deux en 1911, le 10 d’un mois, Ă  Buenos Aires ou dans la province Ă©ponyme, sont chanteurs de tango et ont Ă©tĂ© au firmament dans les annĂ©es 30-40. Mais leurs identitĂ©s rĂ©elles lĂšvent les doutes :

  • Nilda Elvira Vattuone = Nelly Omar 1911-09-10
  • Juan Manuel Ormaechea = Jorge Omar 1911-03-10

Je vais donc me contenter de parler de Jorge, le chanteur héros du jour.

Sa carriĂšre est essentiellement associĂ©e Ă  Francisco Lomuto. Lorsqu’il a quittĂ© cet orchestre, en 1943, il a repris une carriĂšre de chanteur soliste, mais sans le succĂšs qu’il mĂ©ritait. Pour moi, il a donnĂ© un peu d’ñme Ă  l’orchestre de Lomuto avec sa diction parfaite et son expressivitĂ©.

Francisco Lomuto

NĂ© en 1893, Francico Lomuto est un ancien du tango. Il fait partie d’une famille de musiciens. Son pĂšre, VĂ­ctor Lomuto Ă©tait violoniste et sa mĂšre RosalĂ­a Narducci, pianiste. Parmi ses 9 frĂšres et sƓurs, plusieurs contribuĂšrent au tango.
Victor, qu’il ne faut pas confondre avec son pĂšre qui porte le mĂȘme prĂ©nom Ă©tait bandonĂ©iste et a passĂ© une partie importante de sa vie en France, notamment avec l’orchestre de Manuel Pizarro.
HĂ©ctor Antonio, pianiste (jazz) et compositeur. Il est l’auteur de rancheras, pasodobles et foxtrots, mais aussi du tango Yo serĂ© como tĂș quieras et de la superbe valse El dĂ­a que te fuiste.
Enrique, pianiste (tango), chef d’orchestre et compositeur. Parmi ses compositions, les trĂšs beaux tangos BĂ©same mi amor ou Éramos tres.
Oscar (Pascual TomĂĄs) Ă©tait pour sa part Ă©crivain et journaliste et a Ă©crit les paroles de quelques tangos comme Nunca mĂĄs dont l’interprĂ©tation par Maure avec l’orchestre de D’Arienzo est une merveille.

Francisco himself

Pour revenir Ă  Francisco, l’auteur de la musique et le chef d’orchestre du tango du jour, la milonga QuĂ© tiempo aquel, il est un des Ă©lĂ©ments de ce qu’il est convenu d’appeler la Guardia Vieja (La vieille garde).
La rencontre de Francisco Lomuto et Jorge Omar a marquĂ© un tournant dans le style de l’orchestre. Progressivement en 1935 et surtout en 1936, avec l’arrivĂ©e de MartĂ­n DarrĂ© en remplacement de Daniel Alvarez comme premier primer bandonĂ©on et arrangeur, son style se modernise avec des chefs d’Ɠuvres comme Nostalgias ou Otra vez.
Sur la fin de sa carriĂšre, son style s’est encore adaptĂ©, notamment avec la participation d’Angel Vargas. On notera toutefois que la majoritĂ© de ses ultimes enregistrements concernent du jazz argentin. Encore un tĂ©moignage du dĂ©clin du tango de danse dans les annĂ©es 50.
Mais dans l’ensemble, il restera fidĂšle Ă  son esprit « vieille garde » comme en tĂ©moigne Callecita de mi novia enregistrĂ© le mĂȘme jour que la milonga dont nous parlons aujourd’hui.

Nostalgias 1936-10-28 — Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar. Un titre superbe dans un style relativement diffĂ©rent du Lomuto habituel.
Callecita de mi novia 1938-02-24 — Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar. Le style trĂšs imprĂ©gnĂ© de canyengue persiste dans cet enregistrement.

Ce style au rythme trĂšs marquĂ© plait beaucoup aux amateurs d’encuentro, sans doute moins aux danseurs qui aiment improviser. Il faut de tout pour faire un monde et un DJ avisĂ© saura sortir en temps utile un bon Lomuto.

Extrait musical

QuĂ© tiempo aquel 1938-02-24 – Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar

Les paroles

Un « taco » va con sombrero
Requintado de ala corta,
Un gesto de “quĂ© me importa”
Sobrador y pendenciero.

Pantalón “a la francesa”
A cuadritos de fragacha,
Que iba pidiéndole cancha
Al barro del arrabal.

Qué tiempo aquel que no podremos ver mås
Que si se fue, no volverĂĄ,
Qué tiempo aquel de nuestra vieja ciudad
El del matĂłn del arrabal,
Que la biaba del progreso,
Igual que a cinco de queso
Me lo han dejado,
Y hoy se pierde lentamente,
Como el sol en el poniente
Triste y derrotado.

Francisco Lomuto Letra: Celedonio Esteban Flores

Les paroles sont assez simples à comprendre. Il y a toutefois quelques éléments qui peuvent mériter une explication.
Taco : C’est Ă  la fois la queue du billard et un bon joueur de billard. Rien Ă  voir avec les talons dans le cas prĂ©sent, si ce n’est le « tac », le son du talon au sol ou des boules qui s’entrechoquent.

PantalĂłn « a la francesa » : on retrouve ce pantalon Ă  la française dans au moins trois milongas. Celle qui nous occupe aujourd’hui, mais aussi dans De antaño une milonga Ă©crite par Luis Rubistein (Juan D’Arienzo avec Alberto EchagĂŒe, 1939-09-27) et dans Pantalon « a la francesa » Ă©crite par Luisa Rosa GonzĂĄlez sur une musique de Severo Vietri.
Vous n’avez sans doute pas entendu parler de Vietri. Je vous invite Ă  consulter le blog du regrettĂ© Aldo Caseros pour mieux connaĂźtre ce bandonĂ©oniste et compositeur.
Le pantalon Ă  la française est un pantalon large (plus confortable avec les tissus rigides, sans Ă©lasthanne, de l’époque) et resserrĂ© Ă  la cheville. C’est un peu le type bombacha campesina, le modĂšle moins exagĂ©rĂ© que la bombacha des danseurs professionnels de malambo et qui se vend toujours comme vĂȘtement de travail.
Beaucoup de danseurs de tango actuels adoptent ce type de pantalons amples avec cinq pinces, mais qui sont différents à la base.
Je n’ai en revanche pas d’explication pour les cuadritos de fragacha. Sans doute un motif de tissus quadrillĂ© (espagnol ?) ou des piĂšces destinĂ©es Ă  rĂ©parer les accrocs.
Que iba pidiĂ©ndole cancha/Al barro del arrabal. Marcher en se frayant un passage avec autoritĂ©, ici Ă  la fange des faubourgs. On imagine bien le type marcher, chargĂ© de son « importance ».
Que la biaba del progreso. Qui l’assomme avec le progrĂšs. Biaba est pour moi au sens figurĂ©, le tueur Ă©voquĂ© au vers prĂ©cĂ©dent est Ă©galement figurĂ©.
Igual que a cinco de queso. L’expression usuelle est dejar chato como cinco de queso. C’est-Ă -dire qu’il laisse l’autre interdit, sans voix. Mon interprĂ©tation de ce passage est que le passage et le verbiage de cet individu devaient estomaquer les gens, les laisser comme « deux ronds de flan ».

Les enregistrements de Qué tiempo aquel

Il n’y en a pas d’autres à ma connaissance. C’est une milonga orpheline.
En revanche, Lomuto a enregistrĂ© quelques autres milongas comme :

  • AquĂ­ me pongo a cantar 1945-08-08 – Orquesta Francisco Lomuto con Alberto Rivera
  • No hay tierra como la mĂ­a 1939-08-08 – Orquesta Francisco Lomuto con Fernando DĂ­az
  • Parque Patricios 1941-06-27 — Orquesta Francisco Lomuto con Fernando DĂ­az
  • Et des milongas candombe. Lomuto est un assez bon choix pour une tanda de milonga.

Autres titres enregistrĂ©s un 24 fĂ©vrier

Il y plusieurs autres titres enregistrĂ©s un 24 fĂ©vrier de Gloria de Canaro 1927-02-24, bien canyengue Ă  Y te parece todavĂ­a 1959-02-24 — Orquesta HĂ©ctor Varela con Armando Laborde. Ce sera pour des 24 fĂ©vrier des annĂ©es Ă  venir, mais en attendant, Ă©coutez ces deux titres, extrĂȘmes qui tĂ©moignent de la richesse du tango, aux limites de son rĂ©pertoire traditionnel.

Gloria 1927-02-24 — Orquesta Francisco Canaro
Y te parece todavĂ­a 1959-02-24 – Orquesta HĂ©ctor Varela con Armando Laborde
Un « taco » pensant au temps qui a disparu…

Sur 1948-02-23 – Orquesta AnĂ­bal Troilo con Edmundo Rivero

AnĂ­bal Troilo (arrangement de Argentino GlavĂĄn) Letra : Homero Manzi

Il y a 76 ans, AnĂ­bal Troilo enregistrait avec Edmundo Rivero, un des tangos avec le titre le plus court, « Sur ». Sur, en espagnol, c’est le Sud. Pour ceux qui sont nĂ©s dans l’hĂ©misphĂšre Nord, le Sud, c’est la chaleur. En Argentine, c’est l’inverse, mais le Sud chantĂ© par Rivero n’est ni l’un ni l’autre. C’est ce Sud, que je vous invite Ă  dĂ©couvrir avec ce tango du jour aux paroles Ă©crites par Homero Manzi.

<- AnĂ­bal Troilo et Homero Manzi par Sabat.

Ce tango n’est pas un tango de bal, mais c’est un monument du tango. La musique est d’Anibal Troilo et les paroles, celles qui marquent le cƓur de tous les tangueros sont d’Homero Manzi.
Ernesto Sabato aurait dĂ©clarĂ© qu’il donnerait toute la littĂ©rature qu’il avait Ă©crite en Ă©change d’ĂȘtre l’auteur de « Sur ». IntĂ©ressons-nous donc Ă  ces deux monstres sacrĂ©s du tango, Homero et Sur.

Homero

Les deux se prĂ©nomment Homero, les deux sont fans de Buenos Aires, mais un seul est Manzi. Saurez-vous dĂ©couvrir lequel ?

Homero Manzi est un provincial, arrivĂ© Ă  Buenos Aires Ă  l’ñge de neuf ans. Il a vĂ©cu enfant et adolescent dans le quartier de Pompeya, au sud de Boedo, donc, dans le Sud de Buenos Aires.
Les paroles nostalgiques de ce tango Ă©voquent les souvenirs de cette enfance et les regrets des points de repĂšre Ă©vanouis, mais en parallĂšle de sa vie amoureuse avec un baiser Ă©changĂ© et qui ne s’est transformĂ© qu’en souvenir.
Les lieux qu’il indique peuvent ĂȘtre partiellement retrouvĂ©s. Le plus facile est l’angle de Boedo et San Juan. C’est l’endroit oĂč Homero Manzi a Ă©crit Sur. Il abrite dĂ©sormais l’Esquina Manzi, un lieu prisĂ© par les touristes.

L’angle entre Boedo et San Juan oĂč se trouve dĂ©sormais l’Esquina Manzi. À gauche en 1948, Ă  droite en 2015, avec les caricatures de Sabat, enlevĂ©es depuis et remplacĂ©es par des Ă©crans qui les diffusent. La modernitĂ©. À l’intĂ©rieur, elles sont encore visibles.

« Pompeya y mĂĄs allĂĄ la inundaciĂłn ». Buenos Aires est rĂ©guliĂšrement victime d’inondations. Cette annĂ©e encore, mais la pire fut sans doute celle de 1912, celle qui toucha Pompeya, le quartier de Manzi.

En 1912, une voiture hippomobile transporte des rescapĂ©s sur l’Avenida SĂĄenz, recouverte d’eau. Ils viennent de zones encore plus inondĂ©es, le Riachuelo avait dĂ©bordĂ©.

On imagine l’impact de cet Ă©vĂ©nement chez un enfant de 5 ans qui venait juste de quitter sa province de Santiago del Estero pour arriver avec sa mĂšre Ă  Buenos Aires. Parmi ces autres souvenirs, ce tango mentionne La esquina del herrero, barro y pampa. Certains y voient l’angle de Del Barco Centenera et de TabarĂ©, deux avenues que Manzi cite dans son tango, Mano Blanca, un autre de ses tangos emblĂ©matiques.

Mano Blanca (letra de Homero Manzi) par Ángel D’Agostino et Ángel Vargas.(1944)

D’ailleurs un « musĂ©e » a Ă©tĂ© installĂ© sur cet emplacement, en l’honneur de ce titre immortalisĂ© par D’Agostino et Vargas.

Le petit chariot de Portenito et Mano Blanca avec les initiales peintes Ă  la main et qui font que ce tango est le tango des fileteadores.
Sur le trottoir d’en face le musĂ©e Mano Blanca, le bar el BuzĂłn nommĂ© ainsi Ă  cause de la boĂźte aux lettres rouge qui occupe le trottoir devant l’établissement.

Extrait musical

Sur 1948-02-23 — Orquesta Aníbal Troilo con Edmundo Rivero

Les paroles

Vous trouverez tous les enregistrements Ă  Ă©couter, en fin d’article.

San Juan y Boedo antigua, y todo el cielo,
Pompeya y mĂĄs allĂĄ la inundaciĂłn.
Tu melena de novia en el recuerdo
Y tu nombre florando en el adiĂłs.
La esquina del herrero, barro y pampa,
TĂș casa, tu vereda y el zanjĂłn,
Y un perfume de yuyos y de alfalfa
Que me llena de nuevo el corazĂłn.

Sur,
Paredón y después

Sur,
Una luz de almacén

Ya nunca me verĂĄs como me vieras,
Recostado en la vidriera
Y esperĂĄndote.
Ya nunca alumbraré con las estrellas
Nuestra marcha sin querellas
Por las noches de Pompeya

Las calles y las lunas suburbanas,
Y mi amor y tu ventana
Todo ha muerto, ya lo sé 


San Juan y Boedo antiguo, cielo perdido,
Pompeya y al llegar al terraplén,
Tus veinte años temblando de cariño
Bajo el beso que entonces te robé.
Nostalgias de las cosas que han pasado,
Arena que la vida se llevĂł
Pesadumbre de barrios que han cambiado
Y amargura del sueño que murió.

AnĂ­bal Troilo (arrangement de Argentino GlavĂĄn) Letra : Homero Manzi

Les enregistrements de Sur

Les enregistrements Sur, par Troilo

Sur 1948-02-23 — Orquesta AnĂ­bal Troilo con Edmundo Rivero, l’enregistrement, objet de cet article. Le plus ancien, Ă  moins qu’un petit Français, lui ait brĂ»lĂ© la politesse. Voir le chapitre suivant

Sur 1953-09-21 (En vivo) — Ranko Fujisawa con AnĂ­bal Troilo y Roberto Grela. Enregistrement par Radio Tokio d’un concert au Teatro DiscĂ©polo de Buenos Aires. BandonĂ©on (Troilo), Guitare (Grela) et voix (Omar).
Sur 1956-08-08 — Orquesta AnĂ­bal Troilo con Edmundo Rivero arr. de Argentino GlavĂĄn. À comparer par la version de 1948 par les mĂȘmes.
Sur 1971-04-26 — Orquesta AnĂ­bal Troilo con Roberto Goyeneche. Encore un qui a sa place au panthĂ©on du tango. La partie instrumentale est particuliĂšrement expressive, notamment, grĂące aux pleurs du bandonĂ©on de Troilo.
Sur 1974-05 — Orquesta AnĂ­bal Troilo con Susana Rinaldi. Le dernier enregistrement de Sur par Troilo a Ă©tĂ© effectuĂ© en public avec Susana Rinaldi dans un programme en hommage Ă  Homero Manzi effectuĂ© par Antonio Carrizo, el caballero de la radio.

Cette version est pleine d’émotion. Impossible de ne pas essuyer une larme Ă  son Ă©coute notamment, lorsqu’elle chante pour la seconde fois, la fin du refrain. « Ya lo sé ».

Autres enregistrements de Sur

Là, il faut discuter un peu, Nelly Omar serait la premiÚre à avoir chanté ce tango.
C’est ce qu’indique la Bible du Tango, qui a souvent d’excellentes informations. Malheureusement, sans rĂ©fĂ©rence prĂ©cise et probablement sans enregistrement, cela reste difficile Ă  confirmer.
Cependant, si on se souvient que Nelly fut la muse d’Homero, celle qui lui inspira la chanson Malena lors de son exil au Mexique et qu’ils ont eu une relation mouvementĂ©e, cela n’a rien d’impossible.
Comme Sur est un tango Ă  Ă©couter, je vous invite Ă  voir Nelly Omar le chanter. J’ai choisi cette version, car c’est une de ses derniĂšres versions enregistrĂ©es. Elle a parcouru toutes les Ă©poques du tango, depuis les annĂ©es 1920 jusqu’au 21e siĂšcle. La « Gardel en jupe » est une des Ă©toiles indĂ©boulonnables au firmament du tango.

Je ne peux pas confirmer la date, de cet enregistrement. La voix semble plus assurĂ©e que dans son dernier concert au Luna Park, Ă  prĂšs de 100 ans. Je daterai donc cette vidĂ©o de la premiĂšre dĂ©cennie des annĂ©es 2000.

Plus Ă©tonnant, serait un enregistrement par Quintin Verdu en 1947, soit plusieurs mois avant Troilo. On peut facilement imaginer qu’un tango soit chantĂ© avant d’ĂȘtre enregistrĂ©, car c’est le processus normal. En revanche, qu’il soit enregistrĂ© en France avant d’avoir Ă©tĂ© jouĂ© en Argentine alors qu’il est crĂ©Ă© par deux Argentins qui Ă©taient Ă  Buenos Aires Ă  l’époque est plus Ă©tonnant.
En revanche, il existe bien un enregistrement de Sur par Quintin Verdu, avec le chanteur AgustĂ­n Duarte. C’est un enregistrement PathĂ©, malheureusement pas datĂ© et ses rĂ©fĂ©rences ne m’ont pas permis d’en valider la date : PA 2617 — CPT 7021.
Cependant, comme tout ce qu’a rĂ©alisĂ© Verdu, la musique est excellente et vaut la peine d’ĂȘtre Ă©coutĂ©e. Duarte chante uniquement le refrain, dont il reprend la seconde partie comme final.

Sur 1947 ? – Orchestre Quintin VerdĂș con AgustĂ­n Duarte. Superbe, non ?
Sur 1948 — Orquesta Luis Rafael Caruso con Julio Sosa. La mĂȘme annĂ©e que Troilo, Julio Sosa enregistre Sur, dans une des rares versions qui peuvent se danser de façon agrĂ©able en tango.

C’est le moment de dire un petit mot sur ce chef d’orchestre, Luis Caruso, nĂ© Ă  Buenos Aires en 1916, mais qui Ă  l’ñge de vingt ans s’est installĂ© Ă  Montevideo oĂč il continuera sa carriĂšre artistique. C’est pour cela qu’il est un peu moins connu aujourd’hui, mais il lui reste le titre de gloire d’avoir enregistrĂ© les cinq premiers titres avec Julio Sosa qui Ă©tait au dĂ©but de sa carriĂšre (il venait de gagner un concours dont un lot Ă©tait d’enregistrer 5 titres avec Sondor).
Les cinq titres Ă©taient : Sur 1948, Una y mil noches 1948, Mascarita 1949-01-31, La Ășltima copa 1948 (Valse) et un candombe (nous sommes en Uruguay
) San Domingo 1948.
À cette Ă©poque, le cuarteto de Caruo comprenait, en plus de lui qui dirigeait et jouait le bandonĂ©on, RubĂ©n Pocho PĂ©rez au piano, Roberto Smith Ă  la contrebasse et Mirabello Dondi au violon.

Pour terminer cette liste qui pourrait ĂȘtre bien plus longue, je vous propose un extrait du film franco-argentin Sur qui dĂ©bute par cette chanson interprĂ©tĂ©e par Roberto Goyeneche qui joue le rĂŽle d’Amado. Ce film de 1988 a Ă©tĂ© dirigĂ© par Fernando “Pino” Solanas qui a obtenu le premier pour cela au Festival de Cannes. Il a pour sujet, la dictature militaire qui s’est achevĂ©e 5 ans plus tĂŽt.
La musique qui a Ă©tĂ© enregistrĂ©e au studio Ion de Buenos Aires est jouĂ©e par un quatuor composĂ© de Nestor Marconi au bandonĂ©on, Raul Luzzi Ă  la guitare, Carlos Gaivironsky au violon et Humberto Ridolfi Ă  la contrebasse et chantĂ©e par Roberto Goyeneche. Plusieurs notice indiquent que la musique est de Piazzolla, vous aurez compris que c’est une erreur et on voit parfaitement dans le film qu’il ne joue pas le bandonĂ©on dans cette interprĂ©tation et s’il a Ă©ventuellement arrangĂ© la musique, il n’en est ni l’auteur ni l’interprĂȘte.
Je vous propose donc cet extrait du film qui sera Ă©galement la fin du chapitre sur les enregistrements de Sur


Au dĂ©but du film Sur, on voit les musiciens arriver et s’installer, puis arrive Goyeneche.
Les musiciens sont : Nestor Marconi au bandonĂ©on, Raul Luzzi Ă  la guitare, Carlos Gaivironsky au violon et Humberto Ridolfi Ă  la contrebasse.
Le cafĂ© Sur qui accueille le quatuor au dĂ©but du film existe toujours. C’est l’Almacen Sur, Ă  l’angle de Juan Darquier y Villarino, juste en face de la station HipĂłlito Yrigoyen de la ligne ferroviaire Roca.

Autres titres enregistrĂ©s un 23 fĂ©vrier

Il y avait beaucoup de perles Ă  piocher pour le 23 fĂ©vrier. En voici quelques-unes qui pourront faire l’objet d’articles dans les annĂ©es Ă  venir


El rebelde 1932-02-23 — Osvaldo Fresedo C Roberto Ray. On a Ă©voquĂ© cet orchestre hier avec le merveilleux Sollozos. Ce titre de 5 ans exactement antĂ©rieur n’a pas la mĂȘme maturitĂ©.
De todo te olvidas (Cabeza de novia) 1948-02-23 — Anibal Troilo C Floreal Ruiz. Le mĂȘme jour, Troilo a aussi enregistrĂ© avec un autre chanteur, Floreal Ruiz. Ce titre est entrĂ© dans le langage commun, cabeza de novia), pour parler d’étourderies, d’oublis.
El jagĂŒel 1956-02-23 — Orquesta Carlos Di Sarli. Comme DJ, j’aurais sans doute dĂ» choisir ce titre ou Rodriguez Peña (prĂ©sident argentin), qui sont deux titres Ă©minemment dansables par le seigneur du tango, Carlos Di Sarli. Ce sera pour une prochaine annĂ©e 😉
Rodriguez Peña 1956-02-23 — Orquesta Carlos Di Sarli. EnregistrĂ© le mĂȘme jour que El JagĂŒel, un best of du tango dansĂ©.
Homero Manzi dans Pompeya, entre le souvenir lumineux de l’enfance et la dĂ©sespĂ©ration de l’avenir. InspirĂ© du style de Benito Quinquela MartĂ­n, le voisin de la Boca. Manzi semble marcher dans l’eau, souvenir des inondations qui l’ont accueilli Ă  son arrivĂ©e Ă  Buenos Aires en 1912.

Sollozos 1937-02-22 (Tango) – Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray

Osvaldo Fresedo (Osvaldo NicolĂĄs Fresedo)  Letra : Emilio Augusto Oscar Fresedo

Le 22 fĂ©vrier 1937, Osvaldo Fresedo enregistre Sollozos (soupirs) avec Roberto Ray et le mĂȘme jour Siempre es carnaval. Fresedo en a composĂ© la musique et son frĂšre Emilio, les paroles. Le premier enregistrement par Fresedo date de 1922, annĂ©e de l’écriture de ce titre qui fut rapidement un succĂšs et fĂ»t repris par divers orchestre. Fresedo le rĂ©enregistrera en 1937, la version qui nous occupe aujourd’hui, puis en 1952 et 1957.

SOS femme triste

Sollozos = sanglots. Les sanglots d’une jeune femme triste, qui se cache au milieu d’une foule de gens qui font la fĂȘte. Un homme (ou une femme) vient sĂ©cher ses pleurs provoquĂ©s par l’homme qui l’a trompĂ©e.
Pour la consoler, il (elle) lui dit : « Olvide su pasado, olvide todo lo de ayer. No llore si Ă©l no ha llorado, ni pensĂł que sufre una mujer » (Oublie votre passĂ©, oublie tout ce qui est d’hier. Ne pleure pas s’il n’a pas pleurĂ© ni pensĂ© qu’une femme souffre).

Extrait musical

Sollozos 1937-02-22 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray

Les paroles

Osvaldo Fresedo a donc enregistrĂ© quatre fois ce titre, dont trois versions chantĂ©es. Les trois n’utilisent que la moitiĂ© des paroles Ă©crites par son frĂšre, Emilio.
En revanche, en 1923, Rosita Quiroga chante l’intĂ©gralitĂ© des paroles. C’est bien sĂ»r un tango Ă  Ă©couter, dans cette version.
On apprend dans les paroles intĂ©grales, celles chantĂ©es par Rosita Quiroga, que l’infidĂšle est prĂ©sent, car elle porte son portrait dans un mĂ©daillon.
Le fait qu’un femme chante la chanson ne gĂȘne pas, car consoler peut aussi bien ĂȘtre le fait d’un homme que d’une femme. Pour l’image en fin d’article, j’ai reprĂ©sentĂ© un homme consolateur, car la version de Fresedo et Ray m’a toujours fait penser Ă  un homme. J’imagine que je me voyais en consolateur…

Vous trouverez tous les enregistrements Ă  Ă©couter, en fin d’article.

En un mundo de alegrĂ­as,
entre el humo y copas de champagne,
hay una almita afligida
que se esconde por llorar.
AtraĂ­do por su pena
mi pañuelo lågrimas secó,
mientras dijó: “Estoy enferma,
sufro y lloro por mi amor”.
 
VolviĂł su cara hacia mi lado,
acariciando su dolor.
OĂ­ sollozos y cortados,
bajo hablĂł: “Un hombre me engaĂ±Ăłâ€.
Le dije : « Olvide su pasado,
olvide todo lo de ayer.
No llore si Ă©l no ha llorado,
ni pensĂł que sufre una mujer ».
Algo habrĂ­a en su mirada
que no fue preciso adivinar,
ilusiones apagadas,
odio y ganas de vengar.
Dijo entonces que su vida
de pasiĂłn en pena se tornĂł.
RecordĂł felices dĂ­as
a su vieja y su honor.
 
Pobre, su quebranto mi alma hiriĂł,
que sin fuerzas me sentĂ­,
cuando vi su relicario
y enseñó que el falso estaba allí.
Pobre, con cuanta tristeza vio
que por ella yo sufrĂ­.
El pintar de sus labios,
la sonrisa para mĂ­.
Osvaldo Fresedo – Osvaldo Nicolás Fresedo Letra: Emilio Augusto Oscar Fresedo

Les enregistrements de Sollozos

Les quatre enregistrements de Fresedo

Sollozos 1922-08-28 – Orquesta Osvaldo Fresedo. Cet enregistrement acoustique est d’une qualitĂ© musicale incroyable. Tout Fresedo est dĂ©jĂ  dans cette musique. Un des rares titres antĂ©rieurs Ă  1926 que je pourrais, un jour de folie, passer en milonga.
Sollozos 1937-02-22 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray. C’est celui dont on parle aujourd’hui.
Sollozos 1952-09-18 – Orquesta Osvaldo Fresedo con HĂ©ctor Pacheco. Cette version est clairement moins dansante, mais est jolie.
Sollozos 1957-09-10 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Carlos Barrios. Fresedo a clairement abandonnĂ© les danseurs dans cette version. Je la trouve trop maniĂ©rĂ©e. À vouloir la rendre plus expressive, Fresedo et Barrios sont, pour moi aller un peu trop loin. Si la partie instrumentale peut Ă  la limite passer en milonga, la partie chantĂ©e fait que ce titre devrait ĂȘtre rĂ©servĂ© Ă  l’écoute.

Autres enregistrements de Sollozos

Je commence par la premiĂšre version enregistrĂ©e avec les paroles complĂštes d’Emilio Fresedo, celle de Rosita Quiroga accompagnĂ©e par une guitare et un harmonium [armonio]. La prĂ©sence d’un harmonium n’est pas si Ă©tonnante que cela pour l’époque qui a vu de nombreux instruments plus ou moins hĂ©tĂ©roclites rejoindre les orchestres de tango, comme la scie musicale ou les Ondes Martenot [assez proches comme sonoritĂ© et parfois indiquĂ© l’un pour l’autre dans les annĂ©es 30]. Il faudrait plusieurs articles pour traiter de l’évolution des instruments de musique, de la guitare et la flĂ»te aux instruments du tango actuels. Ce sera pour une autre fois ; —)

Sollozos 1923 — Rosita Quiroga accompagnĂ©e par une guitare et un harmonium (armonio). Elle chante les paroles en entier.
Sollozos 1928-04-30 — Orquesta Julio De Caro. De Caro a choisi de personnaliser son interprĂ©tation avec des changements de rythmes un peu surprenants qui confirment qu’il ne travaille pas pour les danseurs.
Sollozos 1944-03-16 — Orquesta Ricardo Malerba. Cette versiĂłn instrumentale est dans l’esprit de Fresedo. Le rythme est plus marquĂ©, ce qui pourrait en faire un bon titre de danse, si la version de Fresedo n’avait pas tant de prĂ©sence. Certains danseurs pourraient reprocher le choix au DJ de les priver de la version de 1937 par Fresedo et Ray.
Sollozos 1967-08-21 — Orquesta Juan D’Arienzo. D’Arienzo, fidĂšle Ă  lui-mĂȘme propose une version Ă©nergique avec des Ă©lĂ©ments d’orchestration originales, rappelant un peu la version de De Caro. Pour moi, c’est plus du domaine du concert que de la danse, mais si un DJ le passe en milonga, il ne se fera sans doute pas Ă©charper.

Autres titres enregistrés un 22 février

Il y avait beaucoup de choix. Parmi les titres qui auraient pu ĂȘtre les tangos du jour, voici quelques exemples :

Si supieras 1927-02-22 — Orquesta Osvaldo Fresedo. On retrouve Fresedo et un titre associĂ© Ă  la Cumparsita. En effet, des paroles ont Ă©tĂ© accolĂ©es Ă  l’air le plus cĂ©lĂšbre du tango « Si supieras, que aĂșn dentro de mi alma, conservo aquel cariño que tuve para ti… » (Si tu savais que mĂȘme au creux de mon Ăąme, je conserve cette affection que j’avais pour toi  ». Cet enregistrement Ă©tant instrumental, difficile de dire s’il y a un lien, cet air composĂ© par JosĂ© MarĂ­a Rizzuti n’a pas d’enregistrement avec paroles.
Recuerdo malevo 1933-02-22 — Carlos Gardel accompagnĂ© par Guillermo Barbieri, Domingo Riverol et Domingo Julio Vivas. Pas de danse, mais l’inoubliable Gardel dans un de ses grands succĂšs. En attendant un tango du jour sur un de ses titres, vous pouvez toujours consulter « Gardel enfant de France ».
Siempre es carnaval 1937-02-22 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray, l’autre titre enregistrĂ© le mĂȘme jour par Fresedo et Ray.
Senda Florida 1945-02-22 — Orquesta Domingo Federico con Carlos Vidal. C’est un tango de danse, malgrĂ© son introduction chantĂ©e. Toutefois, ce n’est pas ce qui est le plus agrĂ©able Ă  danser. Disons que c’est un tango qui hĂ©site entre la danse et l’écoute.

On voit que ces quelques titres pourraient donner lieu Ă  d’autres articles. Peut-ĂȘtre qu’ils auront leur chance un autre 22 fĂ©vrier.

AtraĂ­do por su pena mi pañuelo lĂĄgrimas secĂł, mientras dijĂł: “Estoy enferma, sufro y lloro por mi amor”.

Diez años 1934-02-21 (Tango) – Orquesta Francisco Canaro con Ernesto FamĂĄ

Cayetano Puglisi; Pascual De Gregorio Letra: Manuel Enrique FerradĂĄs Campos

Le 21 fĂ©vrier 1934, il y a 90 ans, Francisco Canaro enregistrait Diez años avec Ernesto FamĂĄ, seulement 4 jours aprĂšs l’avoir enregistrĂ© avec Ada FalcĂłn. Je saisis cette occasion pour parler des chanteurs d’estribillo et rappeler la diffĂ©rence entre le tango chanson et le tango chantĂ©.

Les deux enregistrements de Diez años par Canaro

Tout d’abord, nous n’avons aujourd’hui la trace sonore que des versions enregistrĂ©es. Il ne faut pas oublier que les orchestres se produisaient plusieurs fois par semaine et que seuls leurs « tubes » avaient les honneurs de la gravure. Nous avons ainsi perdu la grande majoritĂ© du rĂ©pertoire de l’époque. Ce n’est pas l’absence d’enregistrement qui peut prouver que l’orchestre ne jouait pas tel ou tel air.
Comme je l’indiquais en introduction, Canaro a enregistrĂ© deux fois ce thĂšme en 1934. Le 17 fĂ©vrier avec sa « chĂ©rie » Ada FalcĂłn, et le 21 fĂ©vrier avec Ernesto FamĂĄ.
On pourrait penser qu’avec un si court intervalle, les enregistrements sont proches. Que nenni. Ils appartiennent en fait Ă  deux genres diffĂ©rents. Le tango chanson et le tango chantĂ©.
Mais avant d’écouter les diffĂ©rences, faisons le point.

Il y a tango et tango


Le tango fait partie d’un ensemble culturel qui est tout autant littĂ©raire que musical, audiophile que danseur. Ces directions peuvent ĂȘtre rĂ©parties de façon diffĂ©rente chez chacune des personnes qui entre en contact avec un tango.
S’il est danseur, il va souhaiter une musique qui porte Ă  l’improvisation, sans surprises indĂ©celables (variations de rythme arbitraires, par exemple) et avec un support rythmique suffisant pour que les deux partenaires du couple puissent se synchroniser.
S’il est audiophile, il va se concentrer sur l’orchestration, les rĂ©ponses des instruments, la virtuositĂ© de tel ou tel trait et ainsi de suite. Il pourra le faire en restant dans son fauteuil, sans que la musique l’oblige Ă  se mouvoir. Il va comparer les versions, pinailler sur des diffĂ©rences de tonalitĂ© d’un enregistrement Ă  l’autre, sur l’accord du bandonĂ©on et ainsi de suite.
S’il est littĂ©raire, il va savourer les paroles. Cependant, comme en cuisine, tous les plats ne se valent pas et il lui faudra des mets dĂ©licieux, Ă©crits par de grands auteurs. Par chance, cela ne manque pas dans la culture tango.

Le danseur de tango « idĂ©al »

Le danseur, celui qui m’intĂ©resse, vu que je suis DJ peut et doit, avoir un peu des autres aspects pour mieux danser.
Un danseur qui ne danserait que le rythme, sans Ă©couter les phrases musicales, les rĂ©ponses d’instruments et tous les dĂ©veloppements qui font la richesse du tango serait bien Ă  plaindre. Ce manque de sensibilitĂ© lui permettrait de danser sur Gotan Project et autres orchestres rĂ©pĂ©titifs, mais ce sera au dĂ©triment de l’improvisation et de la richesse de la danse. Certains dĂ©butants se contentent de reproduire des chorĂ©graphies apprises en cours, sans chercher Ă  les insĂ©rer dans le flux musical, ou mieux, Ă  les dĂ©construire pour n’utiliser que les briques, au service de l’interprĂ©tation dansĂ©e de la musique.
Sur l’aspect littĂ©raire, la chose est moins claire. En effet, d’excellents DJ et d’excellents danseurs disent prĂȘter peu d’attention aux paroles. Il est clair que pour un danseur qui improvise, les paroles sont de peu d’utilitĂ©. Il ne va pas se mettre Ă  pleurer, se mettre Ă  genoux ou autre fantaisie qui seraient dites dans le texte.
Cela Ă©tait bien clair Ă  l’ñge d’or du tango. Les orchestres proposaient des musiques adaptĂ©es Ă  la danse. Qu’elles soient instrumentales ou avec chanteurs, mais il est temps de revenir Ă  la distinction entre tango chanson et tango chantĂ©.

Tango chanson et tango chanté

Un tango chanson est un tango destinĂ© Ă  l’écoute. Il est destinĂ© Ă  satisfaire les audiophiles et les littĂ©raires. C’est un genre qui va se dĂ©velopper plus rapidement Ă  partir des annĂ©es 50, Ă  cause de l’arrivĂ©e du microsillon (33 tours) et surtout du rock qui va remplacer le tango dans les activitĂ©s des danseurs de l’époque. Les orchestres de tango se reconvertissent alors vers le concert, la tĂ©lĂ©vision et la radio pour pouvoir continuer Ă  jouer et vivre de leur art.
Mais il ne faut pas limiter le phĂ©nomĂšne aux annĂ©es 50 et suivantes. En effet, mĂȘme Ă  l’ñge d’or, il y a les deux types de musique.
Pour faciliter le choix, les disques indiquent clairement si c’est destinĂ© Ă  danser ou Ă  Ă©couter.
Il suffit de regarder l’étiquette


Ada Falcón, avec accompagnement de l’orchestre Francisco Canaro
Francisco Canaro et son orchestre typique (Estribillo par Ernesto FamĂĄ)

Vous avez compris. Si le chanteur est indiquĂ© en premier, c’est pour Ă©couter. S’il est indiquĂ© en second, c’est pour danser. C’est plutĂŽt simple, non ?
On trouve aujourd’hui des DJ et danseurs qui ne tiennent pas compte de cette diffĂ©rence et qui considĂšrent que l’on peut tout danser.
Dans le cas d’Ada FalcĂłn, c’est plutĂŽt envisageable. En gĂ©nĂ©ral, les voix de femmes, mĂȘme pour des chansons, laissent plus de place Ă  l’orchestre, notamment dans le registre grave, lĂ  oĂč se trouve la rythmique. Ainsi, elles ne la masquent pas et il est possible de continuer Ă  la suivre.
Pour les chanteurs, surtout pour ceux qui en font des tonnes, c’est impossible. On pourrait mentionner la distinction que font certain entre cantor et cantante. Le premier chantant au service de la musique et le second se mettant en valeur, en jouant de tous les artifices possibles pour masquer l’orchestre qui de fait n’est qu’un accompagnement.
Progressivement Ă  partir des annĂ©es 50, le cantante (avec une jolie voix de chanteur d’opĂ©ra) prend le dessus et on ne compte plus le nombre de chansons plus ou moins miĂšvres et dĂ©sespĂ©rĂ©es qui en a rĂ©sultĂ©. Attention, je ne dis pas que ce n’est pas bien, pas beau. Je dis juste que trĂšs peu de danseurs vont Ă  la milonga pour se trancher les veines.

Comment distinguer les tangos chansons Ă  l’écoute ?

Ernesto FamĂĄ chante une petite partie des paroles Ă©crites par Manuel Enrique FerradĂĄs Campos. En gros, c’est le refrain (estribillo).
C’est une autre particularitĂ© qui divise les tangos de danse des tangos Ă  Ă©couter. Lorsqu’il s’agit de chansons, le chanteur commence dĂšs le dĂ©but. Quand c’est pour danser, le danseur n’intervient qu’un court moment, le refrain, refrain qui a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© aux danseurs par l’orchestre et que donc, ils vont pouvoir danser en confiance.
Lorsque le tango est instrumental, la premiĂšre fois que le refrain est proposĂ©, il est en gĂ©nĂ©ral plus simple Ă  danser et lors de la reprise, il est jouĂ© par un instrument diffĂ©rent, avec plus de richesse. Le chanteur est dans ce cas un instrument supplĂ©mentaire qui permet d’éviter la monotonie en ne jouant pas deux fois la mĂȘme chose.
Dans les annĂ©es 50, sous l’impulsion de chefs d’orchestre comme Troilo, la partie chantĂ©e va prendre de l’ampleur, mĂȘme pour le tango de danse. Ainsi, le mĂȘme titre chantĂ© par Valdez avec l’orchestre de Juan d’Arienzo est prĂ©sentĂ© comme un tango de danse, mais Valdez chante plus que le seul refrain. Voir ci-dessous, le chapitre sur les paroles.

MĂȘme si Valdez chante plus que les chanteurs de la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente, il est encore prĂ©sentĂ© comme chanteur d’estribillo.

C’est une autre particularitĂ© qui divise les tangos de danse des tangos Ă  Ă©couter. Lorsqu’il s’agit de chansons, le chanteur commence dĂšs le dĂ©but. Quand c’est pour danser, le danseur n’intervient qu’un court moment, le refrain, refrain qui a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© aux danseurs par l’orchestre et que donc, ils vont pouvoir danser en confiance.
Lorsque le tango est instrumental, la premiĂšre fois que le refrain est proposĂ©, il est en gĂ©nĂ©ral plus simple Ă  danser et lors de la reprise, il est jouĂ© par un instrument diffĂ©rent, avec plus de richesse. Le chanteur est pareillement un instrument supplĂ©mentaire qui permet d’éviter la monotonie en ne jouant pas deux fois la mĂȘme chose.
Je termine -là ce sujet. Comme DJ, je mets du tango de danse, sauf si on me demande gentiment de mettre une tanda chanson. Aprùs tout, il faut bien que le bar fasse son chiffre d’affaires.

Les paroles

Le refrain (estribillo)

Ernesto FamĂĄ chante une petite partie des paroles Ă©crites par Manuel Enrique FerradĂĄs Campos, le refrain (estribillo).

Diez años transcurrieron desde entonces
cuando temblando llegué hasta ti,
diez años que sirvieron para hundirme
y quitarme hasta las ganas de vivir

Entonces, buenamente yo soñaba
un mundo nuevo, para los dos.
Y Dios, allĂĄ en el cielo solo sabe,
hasta dĂłnde yo he llegado por tu amor.

Estribillo (refrain) Manuel Enrique Ferradás Campos. C’est la seule partie que chante Fama

Les différentes parties chantées, selon les versions

Seule Ada Falcón chante tout. Elle termine en reprenant le refrain (Cuántas veces en mi pecho [
] por tu cruel ingratitud.)

Ernesto Famá ne chante que l’estribillo, ce qui est en rouge.
Jorge Valdez chante le premier couplet, le refrain et reprend la fin du refrain (Otra boca [
] por tu cruel ingratitud.)
Le dernier couplet, chanté uniquement par Ada Falcon
Ici, une version pour homme du dernier couplet. Elle n’est pas utilisĂ©e dans les trois enregistrements prĂ©sentĂ©s.

Autres enregistrements de Diez años

Je vous propose trois enregistrements de ce titre. Les deux avec Canaro et une version de 1958 par Juan d’Arienzo avec Jorge Valdez au chant.
Vous avez vu les Ă©tiquettes, deux sont pour la danse (Fama et Valdez) et un pour l’écoute (Falcon).

Diez años 1934-02-17 Ada Falcón con acomp. de Francisco Canaro
Diez años 1934-02-21 – Francisco Canaro C Ernesto FamĂĄ
Diez años 1958-12-17 – Orquesta Juan D’Arienzo con Jorge Valdez

Autres titres enregistrĂ©s un 21 fĂ©vrier

UniĂłn Civica 1933-02-21 – Juan Maglio (Pacho) y su orquesta de la guardia vieja
Te quiero mucho mĂĄs 1934-02-21 – Francisco Canaro C Ernesto FamĂĄ (Antonio Sureda Letra: GerĂłnimo Sureda). Il a Ă©tĂ© enregistrĂ© le mĂȘme jour que Diez años.
Murió la vecinita 1935-02-21 — Típica Victor C Alberto Gómez Dir Adolfo Carabelli (Guillermo Rivero; Juan Carlos Ghio Letra: Nolo López)
Jalisco nunca pierde 1938-02-21 (Marcha) – Enrique RodrĂ­guez C El « Chato » Roberto Flores (Lorenzo Barcelata ; T. Guizar). C’est une marche en l’honneur du territoire de Jalisco, au Mexique (le film Jalisco nunca pierde est sorti en 1937). Le fait que ce soit une marche rappelle qu’à l’époque, les bals n’étaient pas que tango, mais toutes danses, avec en gĂ©nĂ©ral deux orchestres.
Mi noche triste 1949-02-21 – Francisco Rotundo C Floreal RuĂ­z
Diez años que sirvieron para hundirme y quitarme hasta las ganas de vivir


El Ingeniero 1945-02-20 – Carlos di Sarli (Tango)

Orquesta Carlos Di Sarli

Alejandro Junnissi (1930) Letra: Juan Manuel Guerrera (2020)

Le tango du jour, El Ingeniero, est indubitablement associĂ© Ă  Carlos Di Sarli. C’est assez logique, car il est le seul Ă  l’avoir enregistrĂ© Ă  la belle Ă©poque du tango. Il a enregistrĂ© le titre Ă  trois reprises. En 1945, le 20 fĂ©vrier, le 22 juillet 1952 et le 31 janvier 1955.
Le titre est assez clair et pour une fois, il ne s’agit pas d’un surnom, d’un mot d’argot (lunfardo), mais bien de la fonction, du mĂ©tier d’ingĂ©nieur.
L’auteur de la musique, Alejandro Junnissi, dĂ©dicace sa composition « a todos los ingenieros egresados de las universidades argentinas » (À tous les ingĂ©nieurs diplĂŽmĂ©s des universitĂ©s argentines). On retrouve dans cette dĂ©dicace, la fiertĂ© d’un Ăąge d’or de l’Argentine, le dĂ©but du vingtiĂšme siĂšcle.
Cet Ăąge d’or se dĂ©voile dans l’architecture, mais aussi par les crĂ©ations industrielles. À la fin des annĂ©es 20, l’Argentine Ă©tait considĂ©rĂ©e comme un important pays industriel.

L’ingĂ©nieur

Un des hĂ©ros discrets de ce succĂšs est l’ingĂ©nieur que l’Argentine cĂ©lĂšbre deux fois en juin, le 6 juin avec el DĂ­a del Ingeniero et indirectement le 16 juin avec el DĂ­a de la IngenierĂ­a Argentina.
La premiĂšre date est en souvenir du premier ingĂ©nieur civil d’Argentine, Luis Augusto Huergo, diplĂŽmĂ© le 6 juin 1870.
Rien ne prouve que celui qui a inspirĂ© Junnissi soit Huergo. Disons que c’est le mĂ©tier qui est illustrĂ© ici.

Un pays Ă  bonne Ă©cole

Les efforts consentis en matiĂšre d’éducation par l’Argentine qui devait accueillir et « argentiniser » des millions de migrants donnaient leurs fruits et bientĂŽt l’Argentine disposait de nombreuses universitĂ©s, qui aujourd’hui encore restent prestigieuses.

Citons les IngenierĂ­as de CĂłrdoba y de La Plata ou l’Escuela de Ingenieros de Minas de San Juan.

Les pays Ă©trangers, notamment europĂ©ens, ont Ă©galement investi en Argentine. Par exemple, l’École Centrale des Arts et Manufactures de Paris qui a ouvert une Ă©cole d’ingĂ©nieurs Ă  Buenos Aires.

Ces nouveaux ingĂ©nieurs ont permis le dĂ©veloppement du pays, des ponts, du chemin de fer, de l’architecture et la dĂ©couverte de pĂ©trole a accentuĂ© le dĂ©veloppement industriel du pays.

Les montagnes russes

L’essor industriel a Ă©tĂ© soutenu par une immigration extrĂȘmement forte. La main-d’Ɠuvre Ă©tait abondante et dĂ©jĂ  concentrĂ©e dans les villes, car les campagnes appartenaient Ă  quelques propriĂ©taires terriens et n’offraient que peu de dĂ©bouchĂ©s aux nouveaux arrivants.
Cette concentration explique aussi les problĂšmes politiques rĂ©currents de l’Argentine, problĂšmes donnant lieu Ă  des crises graves et des Ă©meutes.
À peine Ă©crit ce tango, en 1930 que, la mĂȘme annĂ©e, en septembre, les militaires prenaient le pouvoir en destituant HipĂłlito Yrigoyen. Ce prĂ©sident au double visage a assumĂ© deux fois la prĂ©sidence. Double visage, car il prĂŽne une Argentine aux mains des ouvriers, mais commandite une rĂ©pression sanglante contre des grĂ©vistes, rĂ©alisant par la mĂȘme le premier pogrom d’AmĂ©rique du Sud (Semaine tragique, du 7 au 14 janvier 1919).
Ceux qui suivent l’actualitĂ© de l’Argentine constateront que les Ă©vĂ©nements actuels rappellent ceux des annĂ©es passĂ©es, 2001, 1976, 1930, et autres.
Bon, j’ai un peu oubliĂ© mon ingĂ©nieur dans tout cela. Revenons donc Ă  la musique.
Lorsqu’Alejandro Junnissi Ă©crit sa musique, l’Argentine est encore dans une pĂ©riode relativement optimiste, malgrĂ© les contrecoups de la crise de 1929.

L’ingĂ©nieur mĂ©rite son tango ; le voici.

Extrait musical

El Ingeniero 1945-02-20 – Carlos di Sarli

La version est plus sĂšche, les violons moins lyriques que dans les versions des annĂ©es 50. MĂȘme si Di Sarli a continuĂ© dans les annĂ©es 50 Ă  proposer du tango de danse, on sent dans cette Ă©volution la transition que d’autres orchestres ont opĂ©rĂ© de façon plus drastique.
Le Di Sarli des années 50 est souvent le plus utilisé dans les milongas, car il tranche plus avec les autres orchestres de référence, les quatre piliers par son aspect plus romantique. Cela permet de donner du contraste à la milonga.
Vous pourrez les entendre en fin d’article.

Les paroles

Vous m’attendiez au tournant. Toutes les versions enregistrĂ©es par de grands orchestres de tango sont instrumentales. Cependant, il existe au moins une version des paroles que je reproduis ici. Je n’imagine pas trĂšs bien le rĂ©sultat, tant on est habituĂ© Ă  l’entendre avec les violons de Di Sarli.
D’une façon plus gĂ©nĂ©rale, de nombreux tangos sont sans paroles, d’autres ont changĂ© de paroles au cours du temps et certains textes de tango n’ont pas encore trouvĂ© leurs musiques. Il reste du pain sur la planche pour les auteurs et compositeurs

Celui qui a Ă©crit les paroles est Juan Manuel Guerrera. Sa crĂ©ation est rĂ©cente, 2020, soit 90 ans aprĂšs la musique. Si vous enregistrez une version d’El Ingeniero avec les paroles, je vous promets de la placer ici et si elle est dansable, je la diffuserai en milonga


Y allĂĄ va el ingeniero
Por las calles del dolor
Camina solo
Llorando
Se va derrumbando
Es pura desolaciĂłn
Tanto quiere
Olvidar
Que ha vivido sin quererlo para los demĂĄs
Que ha dejado sus pasiones demasiado atrĂĄs
Que ha olvidado entre sus cuentas animarse a mĂĄs
Tanto quiere
Abandonar
Un destino que sabe a nada
El que eligiĂł
Y no cambiĂł
Y allĂĄ va el ingeniero
Hundido en la frustraciĂłn
Su penar suena a nostalgia
Con dejos de bandoneĂłn
Y allĂĄ va el ingeniero
Con su arte en un cajĂłn
Ahora no juega, no apuesta
Sus miedos no enfrenta
Y gana su perdiciĂłn
“Soy un cobarde”
Se dice tarde
Y vuelve a reflexionar:
“No es buena elección, la resignación
Renunciar a un sueño, es como morir
Sin resoluciĂłn, no hay realizaciĂłn,
Sin un ideal, tan triste es vivir”
Y encuentra en lo que siente
Respuestas que su mente
Buscaba desde siempre
Con cientĂ­fica obsesiĂłn
Y allĂĄ va el ingeniero
Se le muere el corazĂłn
Acompañan los violines
Su dramĂĄtica canciĂłn
Y allĂĄ va el ingeniero
Se desangra en su razĂłn
Pierde su tiempo, pensando
En vez de arriesgando
Y entierra su vocaciĂłn
Tanto quiere
Regresar
A un pasado irremediable que ha quedado atrĂĄs
A un presente esperanzado que no volverĂĄ
A un futuro imaginado que ya no serĂĄ
Tanto quiere
Escapar
De su vida equivocada
La que Ă©l mismo eligiĂł
Y, sin valor, jamĂĄs cambiĂł

Alejandro Junnissi (1930) Letra: Juan Manuel Guerrera (2020)

Autres enregistrements

Signalons que le mĂȘme jour, le 20 fĂ©vrier 1945, Di Sarli enregistrera avec Jorge DurĂĄn, Porteño y bailarĂ­n, un tango composĂ© par Carlos Di Sarli avec des paroles d’HĂ©ctor MarcĂł. Ce titre enregistrĂ© sur la matrice 80553-1 sera publiĂ© sur le mĂȘme disque 60-0639, sur la face A et el Ingeniero, sur la face B. Ce dernier a Ă©tĂ© enregistrĂ© sur la matrice 80554-1.

Porteño y bailarín 1945-02-20 Carlos Di Sarli con Jorge Durån (Carlos Di Sarli Letra: Héctor Marcó)

Les principaux enregistrements d’El Ingeniero sont ceux de Di Sarli. Il faut dire qu’il a mis la barre trĂšs haute et qu’il Ă©tait difficile de proposer des versions surpassant les trois enregistrements du maĂźtre de Bahia Blanca.

El Ingeniero, 1945-02-20 – Carlos Di Sarli
El Ingeniero 1952-07-22 – Carlos Di Sarli
El Ingeniero 1955-01-31 – Carlos Di Sarli

Pour terminer, un enregistrement du 21e siĂšcle. J’aime bien. Cependant, il est peu probable que je le propose en milonga, car le manque de franchise dans la marcacion fait que les versions originales sont Ă  mon avis prĂ©fĂ©rables pour danser.

El Ingenierro – Orquesta TĂ­pica de la Guardia Vieja 2002

Sources

JosĂ© MarĂ­a Otero ; Alejandro Junnissi ; Tangos al bardo
https://tangosalbardo.blogspot.com/2016/08/alejandro-junnissi.html

Juan Manuel Guerrera ; Letra para el tango ‘El ingeniero’
https://jmguerrera.medium.com/letra-para-el-tango-el-ingeniero-b8beb02152b8

Les autres sources consultĂ©es concernent surtout le dĂ©veloppement industriel de l’Argentine et son histoire.

D’aprĂšs les documents de Christian de Pescara ; Pionnier de l’aviation > Les HĂ©licoptĂšres du marquis Pateras-Pescara (1890-1966) ; latitud-argentina
https://www.latitud-argentina.com/blog/pionnier-aviation-helicopteres-marquis-pateras-pescara

Bernardo Kosacoff y Daniel Azpiazu; La industria argentina, desarrollo y cambios estructurales
https://repositorio.cepal.org/server/api/core/bitstreams/fc7cb237-a9cd-4627-8634-b1e2d8d5502c/content#:~:text=La%20industrializaciĂłn%20de%20la%20Argentina,industrial%20en%20ei%20escenario%20latinoamericano.

PeyrĂș Pablo y Verna Etcheber Roberto;  La industria y la Argentina; Monografias
https://www.monografias.com/trabajos14/industarg/industarg

Juan Pablo Pekarek ; Engineers, between being architects and entrepreneurs Constructeurs from the École Centrale de Paris in Buenos Aires, 1890–1920
http://portal.amelica.org/ameli/journal/219/2193563002/

Sylvie Sureda-Cagliani ; Chapitre II. Panorama de l’histoire de l’Argentine de 1930 Ă  1974 in Victimes et bourreaux dans le thĂ©Ăątre de Griselda Gambaro ; Presses universitaires de Perpignan
http://books.openedition.org/pupvd/32217

Felipe Pigna ; Argentine — La Semaine tragique (7-14 janvier 1919) ; Alterinfos
https://www.alterinfos.org/spip.php?article6016

DĂ©cennie infĂąme ; Wikipedia
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cennie_inf%C3%A2me

AndrĂ©s H. Reggiani, HernĂĄn GonzĂĄlez Bollo ; DĂ©natalitĂ©, « crise de la race » et politiques dĂ©mographiques en Argentine (1920-1940) ; VingtiĂšme SiĂšcle. Revue d’histoire 2007/3 (n° 95), pages 29 Ă  44

El Ingienero

Mozo guapo 1941-02-19 (Milonga) – Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Ricardo Tanturi Letra : Eusebio Francisco LĂłpez – RCA Victor  39228B, matrice 39813-1

Le tango du jour est une milonga, Mozo guapo, que l’on pourrait traduire par beau gosse, mais ce serait enlever la note de frime et de matuvu du compadrito, querelleur et armĂ© de son couteau qu’il est prompt Ă  sortir lorsque l’honneur est en jeu. Aujourd’hui, nous allons donc parler lunfardo, l’argot des faubourgs de Buenos Aires.

MĂȘme s’il n’a pas les cheveux en bataille et sales, Gardel, dans MelodĂ­a de arrabal (film du rĂ©alisateur Français Louis J. Gasnier, sorti le 4 avril 1933) est reprĂ©sentatif des mozos guapos

Les habituĂ©s de Buenos Aires savent qu’on y appelle les serveurs « mozo », de la mĂȘme façon que se dit « garçon » en France. Il ne faut cependant pas penser que cette milonga chante les mĂ©rites d’un serveur de bar ou de restaurant


En lunfardo (argot de Buenos Aires), mozo peut aussi signifier l’amant ou celui qui fait le beau, et guapo, le beau, le vaillant, le querelleur, mais avec un bon fond. Le cĂ©lĂšbre tango « Don Juan » est parfois sous-titrĂ© « Don Juan (Mozos guapos) », ce qui confirme que notre hĂ©ros du jour en est un.
Voici dressĂ© le tableau de notre mozo et si une mina vous dit : « sos buen mozo, que churro que sos », c’est probablement que vous avez une touche.

Extrait musical

Mozo guapo 1941-02-19 — Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Paroles

Un compadrito, con su mina. Un Don Juan avec sa poule.

Le lunfardo peut provoquer de nombreuses erreurs d’interprĂ©tation. Je vous propose donc, non pas une traduction, mais plutĂŽt une explication des termes employĂ©s par Eusebio Francisco LĂłpez. Ne regardez pas la qualitĂ© littĂ©raire de la colonne de droite, ce ne sont pas des paroles en français ; pour cela il faudrait un poĂšte, que je ne suis pas.

Beaucoup de termes de lunfardo sont sibyllins. C’est une caractĂ©ristique de tous les argots, dont le but est de parler de façon discrĂšte pour ne pas ĂȘtre entendus des caves et des flics. J’ai donc fait des choix qui me semblaient correspondre aux termes de la chanson, mais il aurait Ă©tĂ© possible de prendre des voies lĂ©gĂšrement diffĂ©rentes, pour noircir plus le personnage, ou le rendre romantique. Je vous laisse vous crĂ©er votre image.

Avec une cibiche (cigarette) arrogante
caressant ses lĂšvres,
le feutre taupé aux bords levés (chapeau mou, type Gardel)
Avec une dĂ©marche trĂšs portĂšgne ;
Le regard suffisant,
La criniÚre noire et ébouriffée,
beau gosse des faubourgs
avec sa touche (son allure), sans pareille.

Champion entouré de filles
pour son verbe tant fleuri,
terreur parmi les mauvais garçons
pour son couteau vibrant ; (il doit le tenir de maniĂšre fĂ©brile pour intimider)
homme du pavé
connu des balcons
Droit dans ses bottes (sans discussion, n’acceptant pas le compromis)
avec une Ăąme de payador (chanteur improvisateur)

Quand la nuit enrobe (entoure)
les ruelles du quartier
passe l’estampe du bellñtre,
pareil à un roi de la banlieue ;
bientît une ombre s’approche,
il y a un frémissement des lÚvres
et un baiser vibre dans l’ñme
du Don Juan (guapo) du lieu.

La vie est courte

Le mĂȘme jour, Castillo et Tanturi ont enregistrĂ© un tango, La vida es corta 1941-02-19. C’est Ă©galement Ricardo Tanturi qui en a composĂ© la musique, mais les paroles sont de Francisco Gorrindo.
MalgrĂ© cette petite diffĂ©rence, les deux titres vont bien ensemble (pas dans une tanda, bien sĂ»r), mais car le tango pourrait ĂȘtre le dit du Mozo, du Don Juan, du Taita, ce Shusheta (El aristĂłcrata de Di Sarli). Il dĂ©voile Ă  ses confrĂšres de fiesta, sa philosophie de la vie, philosophie que de nombreux tangueros dans le monde ont adoptĂ©e


La vida es corta 1941-02-19 – Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

A ver muchachos, quiero alegrĂ­a,
quiero aturdirme, para no pensar.
La vida es corta y hay que vivirla,
dejando a un lado la realidad.
Hay que olvidarse del sacrificio,
que tanto cuesta ser, tener el pan.
Y en estas noches de farra y risa,
ponerle al alma nuevo disfraz.

La vida es corta y hay que vivirla,
en el mañana no hay que confiar.
Si hoy la mentira se llama sueño,
tal vez mañana sea la verdad.
La vida es corta y hay que vivirla,
feliz al lado de una mujer,
que, aunque nos mienta, frente a sus ojos,
razĂłn de sobra hay para querer.

Ricardo Tanturi Letra : Francisco Gorrindo

Traduction libre

Voyez les gars, je veux de la joie,
je veux ĂȘtre Ă©tourdi pour ne pas penser.
La vie est courte et il faut la vivre,
en laissant la réalité de cÎté.
Il faut oublier le sacrifice,
Que c’est si dur d’avoir du pain.
Et dans ces nuits de réjouissance (danse, musique) et de rires,
se dĂ©guiser l’ñme.

La vie est courte et il faut la vivre,
il ne faut pas faire confiance Ă  demain.
Si aujourd’hui le mensonge s’appelle rĂȘve,
peut-ĂȘtre que demain ce sera la vĂ©ritĂ©.
La vie est courte et il faut la vivre,
heureux aux cĂŽtĂ©s d’une femme,
qui mĂȘme si elle nous ment Ă  la face (sous les yeux),
il y a plein de raisons d’aimer.

Autres enregistrements

Le 19 fĂ©vrier, une date fĂ©tiche pour Tanturi ?

À la mĂȘme date, une milonga et un tango, ce que nous venons de voir, mais l’annĂ©e suivante, peut-ĂȘtre Ă  la mĂȘme date (19 fĂ©vrier 1942) ou le 20 juillet 1942 (la documentation varie sur la date de cette session), deux autres titres enregistrĂ©s par Tanturi et Castillo

Tango (Voz de tango) 1942-02-19 ou 1942-07-20 avec Castillo

Tango (Voz de tango) 1942-02-19 ou 1942-07-20 – Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

La copa del olvido 1942-02-19 ou 1942-07-20 avec Castillo)

La copa del olvido 1942-02-19- -Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Pour renforcer cette idĂ©e de date fĂ©tiche, il a encore enregistrĂ© un 19 fĂ©vrier, mais cette fois en 1945 et avec le chanteur Enrique Campos :

Me besĂł y se fue 1945-02-19 (valse), avec Enrique Campos 

Me besĂł y se fuĂ© 1945-02-19 – Ricardo Tanturi con Enrique Campos

Qué serå de ti 1945-02-19 avec Enrique Campos

QuĂ© serĂĄ de ti 1945-02-19 – Ricardo Tanturi con Enrique Campos

Pour ce qui est de mozo guapo, on en trouve une version plus lente, dans le style limite canyengue-milonga de Villasoboas.
En effet, Miguel Villasboas a enregistrĂ© en 1959 ce titre dans son style si particulier. J’aime l’interprĂ©tation au piano par Villasboas, pleine de petites surprises.
Cette version est intĂ©ressante, car elle prĂ©sente le dialogue des deux faces du mozo dĂ©crite dans les paroles, le romantique (violons) et le compadrito (piano), utilisation de l’alternance de milonga lisa et traspie pour servir l’histoire.

La voici, pour terminer mon service. Soy tu mozo (serviteur). No te olvides de la propina (n’oublie pas le pourboire, un commentaire fera l’affaire).

Mozo guapo 1959 — Miguel Villasboas
DJ BYC, d’aprĂšs la gravure sur bois, Los Compadritos de Juan Antonio Spotorno

Hotel Victoria (Gran Hotel Victoria) 1948-02-18 (Tango)- Orquesta Juan D’Arienzo

Feliciano Latasa ? Luis Negrón ? H.D. ? Alfredo Barone ? Midori Tagami ? Un compositeur anonyme en Andalousie ? Letra : Carlos Pesce

Vieil hĂŽtel de mes rĂȘves et de mes joies qui berçait l’idylle d’un amour fou.

Le tango du jour, Gran Hotel Victoria a Ă©tĂ© enregistrĂ© le 18 fĂ©vrier 1948 par Juan D’Arienzo. Mais de plusieurs mystĂšres tournent autour de cet hĂŽtel ; sur l’hĂŽtel lui-mĂȘme, sur l’auteur ou plutĂŽt les auteurs supposĂ©s, pas moins de sept.
Pour en savoir plus, je dois vous convier Ă  une vĂ©ritable enquĂȘte policiĂšre.

Extrait musical

Mais auparavant, mettons-nous dans l’oreille ce titre, dans la version enregistrĂ© par Juan D’Arienzo le 18 fĂ©vrier 1948, il y a exactement 76 ans.

Gran Hotel Victoria (Hotel Victoria) 1948-02-18 – Juan D’Arienzo

Il y a plusieurs autres versions Ă  Ă©couter dans l’enquĂȘte, aprĂšs les paroles. N’hĂ©sitez pas Ă  y jeter une oreille.

Les paroles

Encore une version instrumentale, mais il existe quelques versions chantĂ©es, notamment la magnifique version par D’Agostino et Vargas de 1945. En voici donc les paroles qui peuvent Ă©galement aider Ă  mieux comprendre la musique.

Partition de Gran Hotel Victoria – Partie du second BandoneĂłn

En bleu le refrain, seule partie chantée par Vargas
En vert, les couplets chantĂ©s par Tita Merelo. Elle chante aussi le refrain en bleu avec une petite variante, el ingrato (l’ingrat) au lieu de mi amor (mon amour).

Viejo hotel de mis ensueños y alegrías
que acunĂł el idilio de un loco amar,
hoy recuerdo aquellos dĂ­as que vos eras
el fiel testigo de mi cantar.

Hotel Victoria, vos que supiste
lo que he llorado en mi soledad,
verås mañana, cuando te olviden,
que sĂłlo el tango te recordarĂĄ.
Hotel Victoria, fue el año veinte,
que de tus puertas partiĂł mi amor
(el ingrato)
Y desde entonces llevo una pena
que va matando a mi pobre corazĂłn.

Hoy que a golpes de piqueta te voltearon,
como aquella ingrata mi amor tronchĂł.
Los recuerdos son ahora muy amargos,
ilusiĂłn que el tiempo se la llevĂł.

Feliciano Latasa ? Luis Negrón ? H.D. ? Alfredo Barone ? Midori Tagami ? Un compositeur anonyme en Andalousie ? Letra : Carlos Pesce

Mais oĂč est l’HĂŽtel Victoria ?

MĂȘme sans les paroles, on peut ĂȘtre certain que la chanson Ă©voque un hĂŽtel. De nombreux hĂŽtels dans le Monde s’appellent Victoria. Mais plusieurs indices permettent de remonter la piste.

  • Le plus ancien enregistrement de ce titre en ma possession est de 1908, un enregistrement par la Banda de la Policia de Buenos Aires. La musique est donc antĂ©rieure.
  • L’auteur supposĂ© de la musique Feliciano Latasa est mort le 18 septembre 1906, Ă  un peu moins de 36 ans. Il faut donc trouver un hĂŽtel plus ancien si c’est lui le compositeur. Voir le paragraphe suivant pour le quilombo des compositeurs

  • Dans les paroles chantĂ©es par Tita Merelo en 1968, il est indiquĂ© que l’hĂŽtel a Ă©tĂ© dĂ©truit. Il faut donc se tourner vers la date d’écriture des paroles pour en savoir plus.
  • L’auteur des paroles est Carlos Pesce. Selon les sources, on trouve trois dates pour le texte, 1931, 1932 et 1935. Le tango Ă©tait donc probablement chantĂ© dĂšs cette Ă©poque. La rĂ©fĂ©rence Ă  la destruction de l’hĂŽtel est plus discrĂšte : « Hotel Victoria, vos que supiste
    lo que he llorado en mi soledad, verås mañana, cuando te olviden, que sólo el tango te recordarå.
     Â» (HĂŽtel Victoria, toi qui savais ce que j’ai pleurĂ© dans ma solitude, tu verras demain, quand ils t’auront oubliĂ©, que seulement le tango se souviendra de toi).
    Si on considùre que le tango, ce tango est celui-ci, on peut donc penser que l’hîtel a disparu, ce qui confirme que les paroles ne concernent pas le Gran Hotel Victoria de Córdoba.

Pour gérer ces informations et en tirer, sinon des certitudes, mais des possibilités, il convient de manier quelques hypothÚses.

Le Gran Hotel Victoria au début du 20e siÚcle. 1906 ou 1914, mystÚre.

L’auteur le plus couramment citĂ© est Feliciano Latasa. Ce jeune homme est mort Ă  CĂłrdoba en 1906, Ă©tait musicien et a Ă©tĂ© contractĂ© par un hĂŽtel de CĂłrdoba appartenant Ă  un certain Pascual Andruet. Ce dernier avait appelĂ© son hĂŽtel, Hotel Victoria (construit en 1893) et il a dĂ©cidĂ© d’en crĂ©er un nouveau qu’il a appelĂ© Gran Hotel Victoria. En 1906 (le 4 janvier), il inaugurait un nouvel Ă©tablissement. On peut donc penser que, comme l’affirme, EfraĂ­n Bischoff dans Historia de los Barrios de CĂłrdoba, sus leyendas, instituciones y gentes (1986), Feliciano Latasa aurait proposĂ© cette Ɠuvre pour l’inauguration.

Cependant, sur le site de l’hĂŽtel, on indique qu’il a Ă©tĂ© inaugurĂ© le 24 janvier 1914. Cela exclut donc totalement Feliciano Latasa de l’histoire, mais nous y reviendrons dans le prochain chapitre.

Plaque commĂ©morative du premier passage de Carlos Gardel et JosĂ© Razzano Ă  CĂłrdoba . Elle est fixĂ©e au Studio Theatre, sur l’emplacement du thĂ©Ăątre de l’époque

Ce qui va dans le sens de cette interprĂ©tation est que la musique est vive, sans la nostalgie des versions ultĂ©rieures et chantĂ©es, de D’Agostino et Vargas, ou de Tita Merello. Elle est tout Ă  fait adaptĂ©e Ă  une fĂȘte d’inauguration. Que ce soit par Latasa ou un autre, l’hĂŽtel de CĂłrdoba reste plausible, d’autant plus que cet Ă©tablissement s’enorgueillit de la visite de Gardel et Libertad Lamarque.
Gardel y a en effet séjourné pour la premiÚre fois pour un récital donné avec José Razzano le samedi 11 juillet 1914.

L’hĂŽtel Ă©tait alors le plus moderne de la ville avec l’eau courante, des salles de bain privĂ©es et des ascenseurs. Son propriĂ©taire, le fameux Andruet, avait passĂ© des annonces dans les journaux de la ville.
Comme il subsiste des doutes, on peut essayer de chercher du cĂŽtĂ© de l’auteur des paroles.
Elles sont clairement attribuĂ©es Ă  Carlos Pesce et datent probablement des annĂ©es 30. Elles peuvent faire rĂ©fĂ©rence Ă  des souvenirs. L’hĂŽtel dĂ©moli peut ĂȘtre l’ancien Ă©tablissement de Pascual Andruet, celui de 1893.
On peut tout Ă  fait imaginer que si l’hĂŽtel de la musique est celui de CĂłrdoba, celui des paroles est un autre hĂŽtel ou une simple invention de Pesce. Ce qui est sĂ»r, c’est que l’hĂŽtel de 1906 (ou 1914) existe toujours et que donc ce texte ne peut pas parler de cet hĂŽtel.
Pour trouver un autre hÎtel candidat, je propose de nous rendre à Buenos Aires ou un hÎtel Victoria a été démoli dans les années 30.

L’hĂŽtel Victoria de Buenos Aires vers 1930 et ce qui a Ă©tĂ© construit Ă  la place, Ă  l’angle des rues Cerrito et Lavalle. On voit clairement sur la photo de l’hĂŽtel Victoria les travaux en cours. DĂ©molition ou restructuration. Pas sĂ»r, mais suffisant pour faire Ă©crire le texte de ce tango Ă  Pesce.

Deux hîtels pour le prix d’un

Je pense que vous avez compris oĂč je voulais en venir. Le tango original peut trĂšs bien avoir Ă©tĂ© utilisĂ© pour l’inauguration de l’hĂŽtel de CĂłrdoba, puis Pesce lui adjoint des paroles pour parler de l’hĂŽtel Victoria de Buenos Aires qui Ă©tait en cours de dĂ©molition.
Un indice me conforte dans cette idĂ©e, le fait que le tango s’appelle parfois « Hotel Victoria » ou « Gran Hotel Victoria ». Il est peu probable que cela fasse rĂ©fĂ©rence au premier, puis au second Ă©tablissement d’Andruet. Pesce n’avait aucune raison d’ĂȘtre nostalgique d’un petit hĂŽtel de CĂłrdoba.
En revanche, l’Hotel Victoria, sans « gran » de Buenos Aires, est un parfait candidat, mĂȘme s’il peut y en avoir d’autres.

Voici donc ma proposition

Une musique allĂšgre a Ă©tĂ© utilisĂ©e pour fĂȘter l’inauguration de l’hĂŽtel de CĂłrdoba. Les versions de D’Arienzo qui sont Ă©nergique s’inscrivent dans la mĂȘme veine.

C1908 Banda De La Policia De Buenos Aires. VĂ©ritable musique avec flonflons pour une inauguration

Dans les annĂ©es 30, Pesce Ă©crit des paroles pour ce tango, des paroles nostalgiques oĂč il ajoute une histoire d’amour qui se termine et peut-ĂȘtre la dĂ©molition de l’hĂŽtel, probablement celui de Buenos Aires puisque celui de CĂłrdoba est toujours debout. Ceci explique que les versions chantĂ©es soient plus tristes. Par exemple, celle de D’Agostino et Vargas.

1945-05-21 Orchestre Ángel D’Agostino, con Ángel Vargas. Nostalgique et superbe

Mais cette histoire rocambolesque ne se termine pas si rapidement. Je vous invite à un autre rebondissement


Le quilombo des compositeurs

Couverture des partitions. À gauche, une signĂ©e Feliciano Latasa et Ă  droite une signĂ©e Luis NegrĂłn (c1932).

J’ai Ă©voquĂ© Feliciano Latasa comme Ă©tant le compositeur « officiel », mais rien n’est moins sĂ»r. En effet, si l’inauguration a eu lieu en 1914, il Ă©tait mort depuis 8 ans. Ceci pourrait expliquer les diverses revendications, notamment par Alfredo Barone (un violoniste de CĂłrdoba) et Luis NegrĂłn.

Coup de théùtre

Pour rajouter Ă  l’énigme, dans une Ɠuvre thĂ©Ăątrale nommĂ©e « La borrachera del tango » (l’ivresse du tango), il y a une chanson nommĂ©e la « La payasa » (qui n’est pas le fĂ©minin du clown [payaso], mais la drogue en lunfardo) et dont l’air est celui d’Hotel Victoria). Le curieux, c’est que la musique est attribuĂ©e Ă  un certain « H.D. ». Les paroles sont celles des auteurs de la piĂšce de thĂ©Ăątre et n’ont donc rien Ă  voir avec un quelconque hĂŽtel comme on peut l’entendre dans cette version chantĂ©e par Ignacio Corsini en 1922.

La Payasa – Ignacio Corsini – Tango (C1922)

On se retrouve donc avec plusieurs compositeurs potentiels ; Feliciano Latasa, Luis Negrón, H.D., et Alfredo Barone.

L’excellent site Todo Tango rajoute des compositeurs japonais, mais c’est juste une histoire de rĂ©cupĂ©ration de droits d’auteur et d’arrangements musicaux. En effet, la chanson de Mari Amachi, « Mizuiro no Koi » est enregistrĂ©e, de la façon suivante :

  • Mizuiro no Koi æ°Žè‰Čăźæ‹
  • Year: 1971
  • singer Amachi Mari
  • lyrics Pesce Carlos
  • lyrics Tagami Eri
  • composer Latasa Feliciano
  • composer Tagami Midori

On retrouve donc les classiques Pesce pour les paroles et Latasa pour la musique. Les Japonais (oncle et niĂšce) ne sont que les arrangeurs et auteurs des paroles japonaises.

Je vous propose cette vidĂ©o sous-titrĂ©e en espagnol. Elle est honnĂȘtement, difficilement supportable, mais elle a fait un tabac immense au Japon, pays regorgeant de fanatiques du tango.

Mari Amachi — « Mizuiro no Koi » 1971 – Avec sous-titres en espagnol.

On se retrouve donc avec beaucoup de compositeurs, mĂȘme si on peut bien sĂ»r enlever les Japonais et probablement H.D. de l’affaire.

Inutile de tirer au sort pour savoir qui est le gagnant, car Todo Tango fait une hypothĂšse que je trouve excellente. Si vous avez dĂ©jĂ  suivi le lien ci-dessus, vous ĂȘtes au courant. En effet, dans son article, « Gran Hotel Victoria », un tango anĂłnimo, Roberto Selles cite une anecdote oĂč la chanteuse andalouse, Lola Hisado indique que cet air est un air espagnol.

C’est loin d’ĂȘtre impossible dans la mesure oĂč Latasa est nĂ© en Espagne et que si cette Ɠuvre est traditionnelle, il peut l’avoir connue dans son pays d’origine.

Todo Tango s’arrĂȘte lĂ . Pour ma part, je laisse la porte ouverte en me disant qu’il se peut que Lola Hisado ait entendu cet air en Espagne, mais, car il avait entre-temps circulĂ© en Espagne, peut-ĂȘtre vĂ©hiculĂ© par les orchestres argentins dans les annĂ©es 20.

Existe-t-il un compositeur anonyme en Andalousie, Latasa a-t-il copiĂ© ou rĂ©ellement inventé ?

N’hĂ©sitez pas Ă  donner votre opinion dans les commentaires


Autres enregistrements

La version que je propose a Ă©tĂ© enregistrĂ©e le 18 fĂ©vrier 1948 par l’orchestre de Juan D’Arienzo qui l’a enregistrĂ© Ă©galement en 1935, 1966 et aprĂšs sa mort, en 1987. Non, ce n’est pas le fantĂŽme de D’Arienzo, c’est juste que de nombreux DJ utilisent des enregistrements des solistes de D’Arienzo, sous la direction du bandonĂ©iste et arrangeur des derniĂšres annĂ©es de D’Arienzo, Carlos Lazzari.

Comme indiqué précédemment, il y a deux branches pour ce tango. Une plutÎt gaie et une autre, celle des tangos chantés par Vargas et Merello, plutÎt nostalgique, voire triste.

Tous ces tangos ne sont pas pour la danse, mais en ce qui concerne D’Arienzo, ce sont tous des valeurs sĂ»res qui permettent de s’adapter au public prĂ©sent.

Voici quelques versions parmi une centaine, au moins, car le 21e siĂšcle l’a beaucoup enregistrĂ©). En rouge, les versions plutĂŽt gaies et en bleu, les versions plutĂŽt nostalgiques.

C1908 Banda De La Policia De Buenos Aires. (Gai. VĂ©ritable musique avec flonflons pour une inauguration)

C1910 Estudiantina Centenario Direction : Vicente Abad (Gai un peu plus lent, mais avec jolie mandoline).
C1911 Orchestre Vicente Greco (Gai, mais confuse)

C1922 Ignacio Corsini (Nostalgique, mais avec des paroles et sous un autre nom (Payasa).

C 1925 Orchestre Roberto Firpo (Nostalgique, bien qu’instrumentale). Il peut s’agir d’une rĂ©fĂ©rence Ă  la version de Corsini.
1929 TrĂ­o OdeĂłn avec les guitaristes Iriarte-Pesoa-Pages (Gai)
1935-06-18 Orchestre Francisco Canaro (Version trĂšs lente, plutĂŽt canyengue, disons nostalgique, mais en fait, plutĂŽt neutre).
1935-07-02 Orchestre Juan D’Arienzo (Gai, le D’Arienzo d’avant Biagi)
1945-05-21 Orchestre Ángel D’Agostino, con Ángel Vargas (Nostalgique et superbe).
1948-02-18 Orchestre Juan D’Arienzo (Gai, mais avec des passages plus doux (contraste)
1948-08-13 Roberto Firpo y su Nuevo Cuarteto (Gai, contrairement Ă  la version de 1925)
1949-10 Juan Cambareri y su Gran Cuarteto TĂ­pico « Ayer y hoy » (Gai et mĂȘme Ă©nervĂ©e. Si l’idĂ©e est de rappeler le dĂ©part, celui s’effectue avec une locomotive Ă  vapeur Ă  plein rĂ©gime. Pas question de proposer ce titre Ă  danser).

1951-10-30 Orchestre Joaquín Do Reyes (Nostalgique, mais pas trÚs intéressant)
1959 Miguel Villasboas y su Quinteto TĂ­pico (Gai, qui rappelle les airs des premiers flonflons ou de la mandoline, mais en pizzicati)
1959-04-09 Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro (Gai, avec des passages un peu plus nostalgiques. La flûte rappelle les flonflons des premiÚres versions.

1959-10-08 Orchestre Florindo Sassone (Nostalgique et bien dans l’esprit de Sassone, pas pour tous les danseurs
)
1963-07-11 Quinteto Real (Gai, avec beaucoup de trilles. Suffisamment dĂ©cousu pour ne pas ĂȘtre dansable)
1966-08-03 Orchestre Juan D’Arienzo (Gai, et puissant comme un D’Arienzo des annĂ©es 60, logique, c’en est un, avec ses fameux breaks)

1968 Conjunto Carlos Figari, con Tita Merello (Nostalgique, mais à la façon de Tita Merello, pas pour la danse de toute façon)
1970, 1976 et 1981-03-07 (En vivo) Horacio SalgĂĄn y Ubaldo De Lio (Gai, mais trĂšs dĂ©cousu, absolument pas pour la danse, le piano est trĂšs prĂ©sent. La version de 1976 est en public Ă  l’HĂŽtel Sheraton de Buenos Aires et celle de 1981 au Japon).
1976-12-08 (En vivo) Los Reyes Del CompĂĄs. EnregistrĂ© en public au Japon (Tokyo at the Shiba Yuubinchokkin hall) en mĂ©moire de Juan D’Arienzo. La version est plutĂŽt gaie malgrĂ© la mort de leur modĂšle.

1977 Sexteto Mayor Une version nostalgique, absolument pas pour la danse.
1990-02-09 Yasushi Ozawa y su Orquesta Típica Corrientes PlutÎt nostalgique, mais en fait assez moyenne. Sans doute pas le titre à retenir pour une milonga réussie.

2007—08 (En vivo) La Tubatango (Gai, retour des flonflons, la boucle est bouclĂ©e avec la Banda de la Policia de Buenos Aires, un siĂšcle plus tĂŽt. MĂȘme si dansĂ©e dans la vidĂ©o, ce n’est sans doute pas la version la plus dansante.

Il y a bien sĂ»r des dizaines d’autres versions. J’en ai plus de cinquante dans ma discothĂšque, mĂȘme si seulement deux ou trois passeront spontanĂ©ment dans les milongas que j’anime.

La Tubatango, un orchestre atypique, faisant revivre des modes musicaux des premiers temps. Ici, Gran Hotel Victoria, un enregistrement public à Sao Paulo, Brasil, en août 2007.

Sources

Plusieurs sources m’ont servi pour Ă©crire cet article. En dehors des sources Ă©crites, des musiques de ma discothĂšque, j’ai utilisĂ© les sites suivants :

The life of a frustrated Milonguero (en): Gran Hotel Victoria
https://tangogales.wordpress.com/2020/11/30/gran-hotel-victoria/

HĂŽtel Victoria, toi qui savais ce que j’ai pleurĂ© dans ma solitude.

Tus besos fueron mĂ­os 1927-02-17 (Tango) – Orquesta TĂ­pica Victor (Direction Adolfo Carabelli)

Anselmo Alfredo Aieta Letra : Francisco GarcĂ­a JimĂ©nez

Tus besos fueron mĂ­os

Le tango du jour a 97 ans. Son titre est explicite, Tus besos fueron mĂ­os (Tes baisers furent miens) et son sujet, toujours d’actualitĂ©.
MĂȘme s’il s’agit ici d’une version instrumentale, on imagine qu’il s’agit de la chanson de la perte d’un amour. Les paroles que l’on connaĂźt dans la plupart des autres versions le confirment.
J’ai choisi ce tango pour pouvoir parler de son Ă©diteur, la firme RCA Victor. En effet, l’orchestre TĂ­pica Victor ne jouait pas en public, seulement en studio, c’est l’originalitĂ© de certains de ces orchestres de maisons d’Ă©dition.

Victor ou Victors ?

La particularitĂ© de ces orchestres de maisons d’édition de disques Ă©tait qu’ils n’étaient pas associĂ©s Ă  un Directeur d’orchestre. Les musiciens pouvaient rester les mĂȘmes et le chef changer, contrairement aux orchestres dirigĂ©s par des chefs ayant donnĂ© leur nom Ă  l’orchestre. Le premier chef d’orchestre Ă  avoir Ă©tĂ© contractĂ© par la Victor a Ă©tĂ© un jeune pianiste, Adolfo Carabelli, qui a eu par la suite son propre orchestre. Ce tango date de cette pĂ©riode.

Les musiciens de la orquesta TĂ­pica Victor vers 1927 De gauche Ă  droite : Contrebasse : Humberto Costanzo — Violons : Eugenio Romano, Agesilao Ferrazzano et Manlio Francia — BandonĂ©ons : Luis Petrucelli, Ciriaco Ortiz et NicolĂĄs Primiani — Piano : Vicente Gorrese. Adolfo Carabelli (le chef d’orchestre et le violoniste Elvino Vardaro qui travaillait aussi Ă  l’époque pour la RCA Victor, ne sont pas sur la photo.

Qui dit pas Victor a parfois tort

Souvent, des danseurs me demandent la TĂ­pica Victor. Soucieux de leur faire plaisir, je leur demande quel orchestre, quelle pĂ©riode, quel titre et je n’obtiens jamais de rĂ©ponse.
Certains DJ, sous le prĂ©texte qu’il y a Ă©crit Victor passent n’importe quels titres sans tenir compte des styles assez diffĂ©rents selon les orchestres et les directeurs qui se sont succĂ©dĂ©.

Les différents orchestres Victor

  • Orquesta Victor Popular
  • Orquesta TĂ­pica Los Provincianos (Ciriaco Ortiz)
  • Orquesta Radio Victor Argentina (Mario Maurano)
  • Orquesta Argentina Victor
  • Orquesta Victor Internacional
  • Cuarteto Victor [Cayetano Puglisi et Antonio Rossi (violons), Ciriaco Ortiz et Francisco PracĂĄnico (bandonĂ©ons)]
  • TrĂ­o Victor [Elvino Vardaro (violon), Oscar AlemĂĄn et GastĂłn Buen (guitares)]

En revanche, il est souvent possible de mĂ©langer un titre de la Victor avec un titre enregistrĂ© par le mĂȘme chef avec son propre orchestre.
On remarquera, en effet, qu’avec les mĂȘmes musiciens, les chefs ont mis leur empreinte. C’est d’ailleurs un phĂ©nomĂšne bien connu pour les orchestres de musique classique.

Le nom ne fait pas la tanda

Beaucoup de DJ dĂ©butants l’apprennent Ă  leur dĂ©pens (ou Ă  celui de leurs danseurs), le nom d’un orchestre ne suffit pas pour fabriquer une belle tanda. Dans le cas des orchestres Victor, c’est assez clair, mais si on prend l’exemple de Canaro, de ces diffĂ©rents orchestres (tango et jazz), de ses diffĂ©rentes formations, quintettes, TĂ­picas et de sa trĂšs longue pĂ©riode d’enregistrement, on se retrouve face au mĂȘme problĂšme.
Reconnaissons toutefois que c’est un peu moins gĂȘnant maintenant, car ces DJ s’appuient dĂ©sormais sur des playlists qui circulent et que donc, le travail de tri a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© fait. C’était particuliĂšrement sensible au dĂ©but des annĂ©es 2000. Voir Ă  ce sujet, cet article.

Écoute

Tus besos fueron mĂ­os 1927-02-17Orquesta TĂ­pica Victor (Direction Adolfo Carabelli)

L’archive sonore prĂ©sentĂ©e ici, l’est Ă  titre d’exemple didactique. La qualitĂ© sonore est rĂ©duite Ă  cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualitĂ©. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de dĂ©couvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualitĂ© audiophile.

Les paroles

Tus besos fueron mĂ­os.
Dique Victor 79334-A

Hoy pasas a mi lado con frĂ­a indiferencia
Tus ojos ni siquiera detienes sobre mĂ­
Y sin embargo, vives unida a mi existencia
Y tuyas son las horas mejores que vivĂ­
Fui dueño de tu encanto, tus besos fueron míos
Soñé y canté mis penas junto a tu corazón
Tus manos en mis locos y ardientes desvarĂ­os
Pasaron por mi frente como una bendiciĂłn

Y yo he perdido por torpe inconstancia
La dulce dicha que tĂș me trajiste
Y no respiro la suave fragancia
De tus palabras, ÂĄy estoy tan triste!
Nada del mundo mi duelo consuela
Estoy a solas con mi ingratitud
Se fue contigo, de mi novela
La Ășltima risa de la juventud

Después te irås borrando, perdida en los reflejos
Confusos que el olvido pondrĂĄ a mi alrededor
Tu imagen se harĂĄ pĂĄlida, tu amor estarĂĄ lejos
Y yo erraré por todas las playas del dolor
Pero hoy que tu recuerdo con encendidos brĂ­os
Ocupa enteramente mi pobre corazĂłn
Murmuro amargamente: “tus besos fueron mĂ­os
Tus besos de consuelo, tus besos de pasiĂłn”

Y yo he perdido por torpe inconstancia
La dulce dicha que tĂș me trajiste
Y no respiro la suave fragancia
De tus palabras, ÂĄy estoy tan triste!
Nada del mundo mi duelo consuela
Estoy a solas con mi ingratitud
Se fue contigo, de mi novela
La Ășltima risa de la juventud

Anselmo Alfredo Aieta Letra : Francisco GarcĂ­a JimĂ©nez

Autres enregistrements

Ce titre a Ă©tĂ© enregistrĂ© Ă  plusieurs reprises, dans un balancement entre versions instrumentales, versions chantĂ©es et versions chansons (seulement pour l’écoute et pas pour la danse).

  • 1926, Carlos Gardel accompagnĂ© par les guitares de Guillermo Barbieri et JosĂ© Ricardo enregistrait ce titre avec les paroles.
  • 1926, Enregistrement par Canaro
  • 1927-02-17, la version que je vous propose aujourd’hui et qui a donc 97 ans, est celle enregistrĂ©e le 17 fĂ©vrier 1927 par l’orchestre TĂ­pica Victor. Il a Ă©tĂ© Ă©ditĂ© sur disque 78 tours sous la rĂ©fĂ©rence Victor 79334 A. Sa matrice portait le numĂ©ro 1102-2. C’était le deuxiĂšme enregistrement de la journĂ©e et il est devenu la face A du disque.
    Le mĂȘme jour, la TĂ­pica Victor enregistra Trago amargo de Rafael Iriarte Letra : Julio PlĂĄcido Navarrine (matrice 1101-1).
    À cette Ă©poque, les maisons d’édition regravent les titres avec les nouveaux procĂ©dĂ©s d’enregistrement Ă©lectrique. Cela provoque une activitĂ© intense, comme en tĂ©moignent d’autres enregistrements du du mĂȘme jour, comme l’enregistrement de la comparsita par Canaro, chez OdĂ©on.
  • 1927-02-21, Rosita Quiroga propose une version chantĂ©e, accompagnĂ©e par des guitaristes.
  • 1927-05-30, Canaro l’enregistre de nouveau, toujours en version instrumentale.
  • 1930-12-13, encore Canaro, mais en accompagnant de sa chĂšre Ada Falcon. Voir cet article pour des infos sur leur « couple ».
  • 1946-11-29, Ricardo Tanturi sort le titre de l’oubli avec le chanteur Roberto Videla. MalgrĂ© le mode mineur (tristesse), la partie instrumentale est assez allĂšgre. En revanche, Videla met beaucoup (trop ?) d’émotion. On peut aimer et ça reste comme Tanturi en gĂ©nĂ©ral, dansable.
  • 1952-08-14, Alfredo AttadĂ­a et le chanteur Enzo Valentino en donne une version chantĂ©e. C’est clairement une chanson qui n’était pas destinĂ©e Ă  la danse. Attadia, n’a pas contrĂŽlĂ© le chanteur comme l’avait fait Tanturi.
  • 1952-11-14, Alfredo de Angelis et Carlos Dante en donnent une version chantĂ©e bien Ă©quilibrĂ©e et qui permet une danse de qualitĂ©. Elle rejoint donc la version de Tanturi dans la discothĂšque du DJ de tango.
Pero hoy que tu recuerdo con encendidos brĂ­os
Ocupa enteramente mi pobre corazĂłn
Murmuro amargamente: “tus besos fueron mĂ­os
Tus besos de consuelo, tus besos de pasiĂłn”

La naranja naciĂł verde 1944-02-16 (Milonga) – Orquesta Francisco Canaro con Carlos RoldĂĄn y HĂ©ctor Castel

Rafael Rossi; Luis Mario (MarĂ­a Luisa Carnelli) Letra: Luis Mario (MarĂ­a Luisa Carnelli)

La naranja naciĂł verde Y el tiempo la madurĂł, Cuando me querrĂĄs, negrita Es lo que pregunto yo.

Sous ce titre un peu curieux se cache une milonga Ă©tonnante pour le tango du jour.
La chanson fait le parallĂšle entre le fruit vert, amer et le fruit mĂ»r, doux, avec la femme qui n’est pas prĂȘte Ă  aimer et qui le peut devenir en devenant douce.
L’air allĂšgre et joueur de la milonga dĂ©voile donc une demande d’amour en retour, un peu comme le dĂ©clarait Pierre de Ronsard, ĂągĂ© de 20 ans en 1545, aprĂšs sa rencontre avec Cassandre Salviati :

Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avoit desclose Sa robe de pourpre au Soleil, A point perdu ceste vesprée Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vostre pareil


Bon, le parallĂšle n’est pas totalement exact, Ronsard jouait avec la peur de la mort et MarĂ­a Luisa Carnelli invite plutĂŽt Ă  mĂ»rir plus rapidement, mais dans les deux cas, je pense qu’on peut parler d’une envie pressante de consommer.
Je viens de citer MarĂ­a Luisa Carnelli, cette auteure argentine se prĂ©sentait sous un nom de plume d’homme, Luis Mario. MarĂ­a Luisa d’origine bourgeoise et de formation littĂ©raire classique, a probablement pris ce pseudonyme de façon Ă  ce que sa famille ne se rende pas compte qu’elle Ă©crivait des paroles de tango en argot (lunfardo).
Si vous souhaitez en connaĂźtre plus sur sa trajectoire particuliĂšre, vous pouvez consulter une biographie Ă©crite par NĂ©lida Beatriz Cirigliano dans Buenos Aires Historia.
Sur la milonga proprement dite, le rythme est assez intĂ©ressant, assez proche de l’habanera (mais moins que dans la version de Feliciano Brunelli). La partie chantĂ©e rend toutefois un peu compliquĂ©e la danse. Cette milonga peut ĂȘtre diffusĂ©e en milonga, sans ĂȘtre un must have.

Extrait musical

La naranja naciĂł verde 1944-02-16 (Milonga) – Francisco Canaro con Carlos RoldĂĄn y HĂ©ctor Castel

L’archive sonore prĂ©sentĂ©e ici, l’est Ă  titre d’exemple didactique. La qualitĂ© sonore est rĂ©duite Ă  cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualitĂ©. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de dĂ©couvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualitĂ© audiophile.

Paroles

La naranja naciĂł verde
Y el tiempo la madurĂł,
Cuando me querrĂĄs, negrita
Es lo que pregunto yo.
Me dijiste ayer: mañana
Y hoy me dijiste que no,
Qué naranja mås amarga
Es la que a mĂ­ me tocĂł.

La naranja cuando nace
 nace verde
La esperanza también tiene ese color,
La naranja se hace dulce
La esperanza
 ilusión.
El baile
 el bailecito está de fiesta
Como suena resonando el acordeĂłn,
ÂĄAy, mi negra!, Con tus ojos
Me has nublado el corazĂłn.

Me dijiste ayer: mañana
Y hoy respondiste que no,
EstĂĄs jugando a las prendas
Pero el prendado soy yo.
La naranja naciĂł verde
Y al final se madurĂł,
Cuando me dirĂĄs, negrita
Que la espera terminĂł.

Rafael Rossi; Luis Mario (MarĂ­a Luisa Carnelli) Letra: Luis Mario (MarĂ­a Luisa Carnelli)

Autres enregistrements

Ce titre plutĂŽt original n’a pas donnĂ© lieu Ă  beaucoup d’enregistrements. Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas Ă©tĂ© beaucoup jouĂ©, seulement qu’il n’a pas Ă©tĂ© enregistrĂ©. Voici quelques enregistrements :

  • 1943-08-02 Feliciano Brunelli con Oscar Valeta. Version proche de l’habanera, assez joyeuse. Brunelli est un musicien gĂ©nĂ©raliste, qui n’a pas donnĂ© que dans le tango. Il Ă©tait nĂ© en France (Ă  Marseille), de parents italiens et naturalisĂ© Argentin. Quant Ă  Oscar Valeta, le chanteur, il ne semble avoir enregistrĂ© qu’avec Brunelli.
  • 1949 TrĂ­o Rafael Rossi con DĂșo Rolsales-Casadei, l’auteur de la musique a enregistrĂ© sa composition. C’est assez joli, mais un peu mou en faire une milonga inoubliable.

Sur la collaboration de Canaro avec ces chanteurs, on compte prĂšs d’une centaine d’enregistrements avec Carlos RoldĂĄn dont un bon nombre de milongas (candombe et “normales”). Par contre, il semblerait qu’il n’a pas enregistrĂ© d’autre titre avec HĂ©ctor Castel.

La naranja naciĂł verde Y al final se madurĂł, Cuando me dirĂĄs, negrita Que la espera terminĂł.
L’orange naĂźt verte et au final mĂ»rit. Quand me diras-tu, petite noire, que l’attente est terminĂ©e ?

Alma mĂ­a 1940-02-15 (Valse) – Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Diego J. Centeno Letra: HĂ©ctor MarcĂł

Alma mía, ¿con quién soñås?
He venido a turbar tu paz. […]
Abre niña tu ventanal
que con rayos de luna risueña
la noche porteña te quiere besar.

Clin d’oeil, j’ai utilisĂ© la silhouette de Gardel pour le chanteur derriĂšre les volets.

Le tango du jour est une superbe valse, Alma mĂ­a qui tĂ©moigne des premiers enregistrements de l’orchestre de Carlos Di Sarli qui auparavant avait seulement gravĂ© des titres avec son Sexteto.
On retrouve dĂšs les premiers enregistrements la subtilitĂ© harmonique au service d’une cadence rigoureuse qui fera sa gloire. Pour ĂȘtre juste, on trouvait dĂ©jĂ  dans les derniers enregistrements du sexteto, quelques Ă©lĂ©ments de cette harmonie, mais qui Ă©taient Ă©touffĂ©s par une rythmique un peu pesante, hĂ©ritiĂšre du canyengue.
Pour se rendre compte de la qualitĂ© de la musique de Di Sarli sur des tangos, on pourra Ă©couter La trilla, enregistrĂ©e le mĂȘme jour qu’Alma mĂ­a, ou son premier enregistrement avec Rufino, le 11 dĂ©cembre 1939, CorazĂłn.
Ceux qui me connaissent, savent que j’adore les valses, mais si je l’ai prĂ©fĂ©rĂ©e Ă  La trilla, enregistrĂ©e le mĂȘme jour et qui aurait donc parfaitement convenu comme tango du jour, c’est que je suis retournĂ© et j’ai toujours envie de chanter Ă  tue-tĂȘte en mĂȘme temps que Rufino « Aaaalmaaaaa mĂ­Ă­Ă­Ă­Ă­Ă­Ă­aaaaaa, Âż con quiĂ©n soñås ? » (Mon Ăąme, Ă  qui rĂȘves-tu ?).
C’est Ă©galement une superbe dĂ©claration d’amour, Ă  la Cyrano de Bergerac, il y a mĂȘme le balcon.
J’arrĂȘte de me justifier, cette valse est une merveille absolue et si Rufino est moins souvent choisi par certains collĂšgues DJ que Jorge DurĂĄn ou Alberto PodestĂĄ, voire Carlos Acuña ou Oscar Serpa, c’est Ă  mon sens trĂšs dommage. Il y a quelques jours, une organisatrice de Buenos Aires m’a remerciĂ© d’avoir passĂ© une tanda avec Roberto Rufino.

Extrait musical

Alma mĂ­a 1940-02-15 (Valse) – Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

L’archive sonore prĂ©sentĂ©e ici, l’est Ă  titre d’exemple didactique. La qualitĂ© sonore est rĂ©duite Ă  cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualitĂ©. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de dĂ©couvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualitĂ© audiophile.

Paroles

Alma mía, ¿con quién soñås?
He venido a turbar tu paz.
No me culpes, soy un cantor
que ha querido mezclar a tu sueño
un verso porteño borracho de amor.

Si despiertas, no maldigas
llego aquĂ­ porque te adoro,
porque sufro, porque imploro,
porque quiero que me digas,
si es verdad que cuando sueñas
me acarician tus amores.
Mariposa, tus colores
me han robado el corazĂłn.

Deja el lecho cĂĄndida flor
que en tu reja ronda el amor.
Abre niña tu ventanal
que con rayos de luna risueña
la noche porteña te quiere besar.

Duerme el ave, allĂĄ en su nido,
solo rondo yo en la calma
por saber si tienes alma,
oh mujer, que me has vencido.
Despierta si estĂĄs dormida
que por ti, mi dulce dueña,
mientras Buenos Aires sueña,
yo agonizo en tu balcĂłn.

Diego J. Centeno Letra: HĂ©ctor MarcĂł

Autres enregistrements

Curieusement, cette magnifique valse a Ă©tĂ© peu enregistrĂ©e. Il faut dire qu’il est difficile de surpasser la version de Di Sarli et Rufino. Les quelques exemples que je cite ici le prouvent.

  • 1936-07-15 AgustĂ­n Magaldi accompagnĂ© de guitares. HonnĂȘtement, cette version est un peu criĂ©e et pas trĂšs intĂ©ressante. Ce qu’en a fait 4 ans plus tard Di Sarli est heureux pour cette valse.
  • 1969-10-21 Le Sexteto Tango avec Jorge Maciel. Absolument pas pour la danse et pour ceux qui supportent Maciel dans ses moins bons moments.
  • 1996 Enzo Valentino propose une version maniĂ©rĂ©e guĂšre plus intĂ©ressante que la version de Maciel. Pas de risque que je propose cela en milonga.

Sous le mĂȘme titre, on trouve un tango composĂ© par Sando Panizzi. Il est interprĂ©tĂ© par Marek Weber et son orchestre. Cet orchestre allemand est attachant, il tĂ©moigne de la folie du tango dans les annĂ©es 20 et 30 en Europe. Son interprĂ©tation n’est pas si vilaine malgrĂ© ses airs militaires et ses flonflons de tromblons.
J’ai mentionnĂ© ci-dessus La trilla, un tango Ă©crit par Eduardo Arolas avec des paroles d’HĂ©ctor Polito. Rien Ă  voir avec Alma mĂ­a, si ce n’est que ce tango a Ă©tĂ© enregistrĂ© par les mĂȘmes, le mĂȘme jour, le 15 fĂ©vrier 1940.

Le chanteur s’interroge sur le rĂȘve de sa bien-aimĂ©e. Peut-ĂȘtre que cette image reprĂ©sente le rĂȘve des deux, quand elle aura ouvert ses volets pour accueillir la lune et l’amour. C’est mon interprĂ©tation…

Pourquoi le tango doit-il ĂȘtre dansĂ© avec les orchestres des annĂ©es 40 ?

Au creux de la polémique remise à jour en février 2024

En fĂ©vrier 2024, Guillermo Reverberi (Guille de SMTango) a diffusĂ© un texte “Pourquoi le tango doit-il se danser avec les orchestres des annĂ©es 40 ?” Ce texte a beaucoup de succĂšs en ce moment et je pense qu’il est intĂ©ressant de rendre Ă  CĂ©sar ce qui lui appartient.

Une fusée avec de multiples étages

En effet, cette restitution se fait en plusieurs Ă©tapes:

  • Le tangomĂštre, Ă©ditorial de Ricardo Schoua, publiĂ© le 13 dĂ©cembre 2009, dans le numĂ©ro 110 de la revue rosarina, Tango y Cultura Popular (voir ici…)
  • Le “No-Tango”, Ă©ditorial du mĂȘme Ricardo Schoua, dans le numĂ©ro 134 de la mĂȘme revue de mars 2012 (voir ici...)
  • Courrier du lecteur du magazine Tango y Cultura Popular n° 135, un texte Ă©crit par JosĂ© Carcione en rĂ©ponse Ă  l’Ă©ditorial du numĂ©ro 134. (reproduit ci-dessous en rouge)
  • MĂĄs sobre el tango bailado (Plus sur le tango dansĂ©) Ă©ditorial du n°136 de la revue Tango y Cultura Popular, toujours par Ricardo Schoua en rĂ©ponse au texte de JosĂ© Carcione.
  • ÂżPor quĂ© el tango se debe bailar con las orquestas del 40? (Pourquoi le tango doit-il ĂȘtre dansĂ© avec les orchestres des annĂ©es 40 ?) publiĂ© vers 2015 par JosĂ©, Él de la quimera (Celui de la chimĂšre), en fait JosĂ© Carcione, en italien et en espagnol. Pour la version française, c’est bien sĂ»r ici
  • Porque al tango se lo baila con las orquestas de los años 40 publiĂ© en fĂ©vrier 2024 par Guillermo Reverberi (Guille de SMTango) et qui est la reprise tu texte de 2015 de JosĂ© el de la quimera avec un paragraphe supplĂ©mentaire.

VoilĂ  un rĂ©sumĂ© de l’affaire. C’est une grande fusĂ©e qui dure depuis dĂ©cembre 2009, soit plus de 14 ans au moment oĂč j’Ă©cris ces lignes.

On se reportera pour les premiers Ă©tages aux textes que j’ai dĂ©jĂ  citĂ©s, Le tangomĂštre et Le “No-Tango”. La suite, est ci-dessous…

La version de février 2024 et ses différentes sources

Introduction de 2015 par José el de la quimera

Pourquoi le tango doit-il ĂȘtre dansĂ© avec les orchestres des annĂ©es 40 ?
Heureusement, les 20 derniĂšres annĂ©es ont vu la rĂ©surgence du tango dansĂ©, car il existe des milongas dans presque tous les pays du monde, oĂč les danseurs et les DJ « consomment » continuellement la culture du tango et revivent le bon vieux temps avec des orchestres de tango. « Ils dansent sur la musique des morts », comme Piazzolla l’a dit un jour Ă  Troilo avec mĂ©pris, parce qu’en rĂ©alitĂ© la musique d’aujourd’hui n’est pas dansante ; ils voient des tentatives ratĂ©es comme le « Tango Nuevo » ou la prĂ©tention de tel ou tel DJ Ă  « innover » en proposant des chansons soi-disant modernes de qualitĂ© musicale douteuse. ConcrĂštement, ce n’est pas le danseur qui doit s’adapter Ă  la musique, mais la musique doit ĂȘtre dansable. Dans une lettre envoyĂ©e aux lecteurs du magazine numĂ©rique « Tango y Cultura Popular », que je retranscris ci-dessous, j’ai essayĂ© d’expliquer pourquoi la « musique de tango » n’est pas populaire (ou n’existe pas) comme elle l’Ă©tait dans la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, la dĂ©cennie des annĂ©es 40 Ă©tant la derniĂšre et la plus reprĂ©sentative :

Courrier du lecteur du magazine Tango y Cultura Popular n° 135, un texte Ă©crit par JosĂ© Carcione en rĂ©ponse Ă  l’Ă©ditorial du numĂ©ro 134

J’aimerais apporter quelque chose Ă  l’article de Ricardo Schoua, « El No-Tango », du point de vue d’un milonguero (simplement un danseur de tango social, je ne suis pas professeur), qui apparemment dit le contraire, mais vous verrez que ce n’est pas comme ça. Je sympathise avec la « colĂšre » de Ricardo, mais d’un point de vue diffĂ©rent. Le tango (dansant) est mort depuis longtemps. Aujourd’hui, il n’y a pas de paroliers et de musiciens crĂ©atifs qui font de la musique pour danser. La musique postmoderne, post-Ăąge d’or, est faite pour ĂȘtre Ă©coutĂ©e. Piazzolla lui-mĂȘme a dit qu’il ne fallait pas danser sur sa musique. Cela s’est produit dans les annĂ©es 1950 pour diverses raisons. À Buenos Aires, l’hĂ©ritier du tango – en tant que musique et paroles qui interprĂ©taient la rĂ©alitĂ© du porteño – Ă©tait le rock urbain, chantĂ© en « argentin », et cette musique n’a rien Ă  voir avec les milongas. « Avellaneda Blues » de Javier MartĂ­nez, par exemple, a des paroles de tango, mais c’est un blues. Beaucoup de paroles de Flaco Spinetta sont du tango. Peut-ĂȘtre que Piazzolla et Ferrer y ont contribuĂ©, mais comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, ce n’est pas du tango que de danser. Oui, vous pouvez nommer Eladia Blasquez, Chico Novarro, Cacho Castaña et arrĂȘtons de compter, mais ce sont les cas qui confirment la rĂšgle, et ils n’ont pas fait de musique pour danser non plus. La scĂšne musicale (dansante) qui va de 900 Ă  50 est infiniment riche, heureusement et les milongueros n’ont pas Ă  s’inquiĂ©ter. Le problĂšme rĂ©side dans le fait que peu de DJs Ă©tudient vraiment cela, car en gĂ©nĂ©ral ils proposent peu d’orchestres et souvent la milonga n’a pas la bonne structure, c’est-Ă -dire l’assemblage correct des tandas et la succession appropriĂ©e des orchestres. Ensuite, nous avons le « Tango Nuevo » (en tant que phĂ©nomĂšne de danse, je comprends). C’est douloureux de voir des danseurs danser le nouveau tango, ce n’est pas du tango social, c’est trĂšs difficile, comme si on dansait de la danse classique sans le savoir. Seuls quelques-uns, FrĂșmboli, Arce, Naveira, qui pratiquent des heures par jour, peuvent le danser avec une certaine dĂ©cence, mais dans les milongas, ces milongas traditionnelles, ils dansent le tango social comme nous tous. Ce n’est pas facile non plus, il y a la musicalitĂ© diverse de chaque orchestre qu’il faut respecter. Ceux qui ne savent pas danser appellent les extraordinaires musiques de Biagi des « marchas » et sont ceux qui demandent un « nouveau tango », avec des chansons de « Otros Aires », « Gotan project », Grace Jones, etc. Nous pourrons danser sur de la musique contemporaine alors qu’il sera courant de danser le tango social, mais pour cela les Biagi, Lomuto, Donato, Di Sarli doivent revenir avec des paroliers tels que CadĂ­camo, Romero, etc., car le tango dansant n’existe plus. De plus, le « nouveau » est de mauvaise qualitĂ©. Si vous voulez le danser, vous devez d’abord apprendre le tango social, avec sa musicalitĂ© variĂ©e. Comme il s’agit d’un processus sans fin, oĂč l’on dĂ©couvre toujours quelque chose, vous verrez que c’est trĂšs gratifiant et qu’il n’est pas nĂ©cessaire de danser le « GotĂĄn » ou de le proposer dans une milonga pour se sentir Ă  l’avant-garde et prĂ©tendre que l’on est « dedans » ou quelque chose de super crĂ©atif. Je dis plus, aprĂšs avoir appris cela, vous n’allez pas aimer le « nouveau ». Alors, qui est le DJ crĂ©atif ? celui qui joue du Tanghetto, du Narcotango, (j’ai mĂȘme entendu Mozart), dans la milonga ? OĂč la plupart des danseurs ressemblent Ă  des zombies et pensent qu’ils dansent de maniĂšre phĂ©nomĂ©nale sur la derniĂšre mode du tango ? Celui qui propose de la musique traditionnelle n’est-il pas crĂ©atif ? DJs : Ă©tudiez et vous verrez que chaque orchestre a sa propre musicalitĂ©, avec des possibilitĂ©s infinies, oĂč le chanteur n’est qu’un instrument comme les autres, ce qui n’Ă©tait plus le cas aprĂšs les annĂ©es 50, quand le chanteur est devenu la star. Nous, les danseurs, avons besoin de tĂ©nors, comme Roberto Ray, RaĂșl BerĂłn, Francisco Fiorentino, je peux mĂȘme dire Goyeneche Ă  ses dĂ©buts, et Nina Miranda est parfaitement dansante, et pas de voix qui « disent » ou « crient » le tango. C’est bien, mais ils sont faits pour ĂȘtre Ă©coutĂ©s. Enseignants : apprenez aux danseurs Ă  marcher d’abord, les figures seront dĂ©couvertes par eux plus tard. Heureusement, le tango revient dans les annĂ©es 80 comme danse (milonga). Aujourd’hui, « la musique des morts », comme l’appelait autrefois Piazzolla, est dansĂ©e sur toute la planĂšte. Il n’y a pas de grande ville oĂč il n’y a pas de milongas. Des innovateurs sĂ©rieux aujourd’hui ? Malheureusement il n’y en a pas, et s’ils viennent, ils iront dans une direction, sinon la mĂȘme, parallĂšle Ă  celle des anciens maĂźtres.

(NDT : un maestro en Argentine, est un professeur d’Ă©cole primaire. Je propose donc la traduction “maĂźtres”, mais vous pouvez penser “maestros” si vous prĂ©fĂ©rez.)

Mås sobre el tango bailado (En savoir plus sur le tango dansé) éditorial du n°136 de la revue Tango y Cultura Popular, toujours par Ricardo Schoua en réponse au texte de José Carcione

Le texte de JosĂ© de la quimera reprend seulement des parties de la rĂ©ponse de Ricardo Schoua. Je prĂ©fĂšre vous donner la version complĂšte. J’ai indiquĂ© en gras et en bleu les passages citĂ©s par JosĂ© de la quimera et en italique les ajouts de JosĂ© de la quimera dans sa version de 2015…

Le lecteur JosĂ© Carcione rĂ©pond, dans le numĂ©ro prĂ©cĂ©dent, Ă  mon Ă©ditorial El No-Tango, du point de vue d’un milonguero, un danseur social. Cette rĂ©ponse et d’autres choses qui me sont arrivĂ©es m’ont donnĂ© l’occasion d’approfondir la question des prĂ©jugĂ©s, les miens et ceux des autres, autour de cette question.

Le lecteur dit que le tango dansant est mort depuis longtemps, se rĂ©fĂ©rant au fait que les nouveaux compositeurs n’écrivent pas de tangos pour danser. Ce n’est pas le cas, on ne peut pas le gĂ©nĂ©raliser.

Bien sĂ»r, cela dĂ©pend de ce que vous considĂ©rez comme dansant. Pour le lecteur, le paradigme semble ĂȘtre Rodolfo Biagi, qu’il oppose Ă  des monstres comme Gotan Project, mais ne mentionne pas Pugliese ou Troilo


Biagi n’est pas mon paradigme, c’est l’un de mes orchestres prĂ©fĂ©rĂ©s, mais Pugliese et Troilo sont aussi des annĂ©es 40 ! Mes arguments ne sont donc pas contredits.

Réponse de José de la quimera à Ricardo Schoua

Il s’avĂšre que dans de nombreuses milongas, ils ne jouent pas de chansons de ces deux derniers orchestres — et de beaucoup d’autres — parce qu’ils prĂ©tendent que leur phrasĂ© est inadĂ©quat pour danser. À l’autre extrĂȘme, il y a ceux qui ne se soucient de rien, mĂȘme si ce n’est pas le tango, parce qu’ils considĂšrent la musique comme un complĂ©ment Ă  leurs expositions.

Le lecteur mentionne que ceux qui ne savent pas danser traitent la musique de Biagi comme des « marches ». La comparaison ne m’était pas venue Ă  l’esprit. Dans les dĂ©filĂ©s, les marches sont utilisĂ©es, avec un rythme bien marquĂ©, pour que tout le monde marche en mĂȘme temps et se dĂ©place comme un tout compact. Et les contraintes d’espace des milongas, la nĂ©cessitĂ© de se conformer harmonieusement au mouvement en cercle, exigent quelque chose de similaire : un rythme sans « chocs ».

Mais il s’avĂšre que ces limitations d’espace finissent par limiter les danseurs eux-mĂȘmes, gĂ©nĂ©reusement aidĂ©s par les rĂšglements milonguero (« codes ») et par ceux qui, par commoditĂ©, ont Ă©levĂ© cette forme de danse Ă  la catĂ©gorie de « style ». Et la vĂ©ritĂ©, c’est qu’il n’y a pas de « styles » dans le tango, c’est une invention marketing. Je n’aime pas danser sur une petite piste de danse, pleine comme un bus aux heures de pointe, mais tout le monde a le droit de faire ce qu’il veut.

Ce Ă  quoi je rĂ©ponds que ceux qui savent danser sur une petite piste de danse ou avec une piste de danse complĂšte (par exemple, SalĂłn Canning dans les milongas « pico »), savent danser sur n’importe quelle piste de danse, Ă©galement dans Aeroparque :>)

Réponse de José de la quimera à Ricardo Schoua

Sans tomber dans les extrĂȘmes, dans les milongas plus dĂ©tendues, oĂč l’on peut aussi Ă©couter Pugliese, Troilo ou SalgĂĄn, on danse sur leurs chansons avec plaisir et sans inconvĂ©nient, et on danse aussi sur Piazzolla, bien sĂ»r que quelques-unes des compositions les plus connues. Mais il est trĂšs, trĂšs difficile pour les Ɠuvres de la nouvelle gĂ©nĂ©ration d’ĂȘtre transmises. Il est vrai que, mĂȘme avec un critĂšre large, il y a des titres qui ne se prĂȘtent pas Ă  la danse, mais ici l’habitude et l’ignorance jouent beaucoup.

Moi-mĂȘme, qui ai parfois l’habitude de mettre en musique des milongas et d’inclure de nouveaux orchestres et de nouvelles compositions, je me suis retrouvĂ© Ă  dire Ă  un compositeur qui a rĂ©cemment sorti un CD avec de nouveaux tangos de son auteur, que ses chansons devaient ĂȘtre plus dansantes. Et ce n’était pas vrai, ils sont trĂšs dansants. Ce qui se passe, c’est que j’ai aussi des prĂ©jugĂ©s, parce que, Ă©tant donnĂ© qu’ils ne sont pas trĂšs rĂ©pandus, j’ai peur du rejet que je pourrais recevoir si je les inclus dans un lot. (Et il y en a toujours un qui crie, vous voyez ?)

Pour éviter les problÚmes, seul ce qui est connu est mis en musique. Mais un danseur social ne devrait pas avoir de mal à danser un tango jamais entendu auparavant. AprÚs tout, dans les années 40, les tangos étaient créés en continu.

Oui, mais avec les étiquettes : « dansant ».

Réponse de José de la quimera à Ricardo Schoua

Maintenant, j’ai remarquĂ© que, lorsqu’un orchestre live est prĂ©sentĂ©, ces limites sont diluĂ©es et les gens dansent tout ce qu’on leur propose, mĂȘme si c’est nouveau.

Il semble que le secret pour parvenir Ă  l’acceptation soit de combiner, dans une prĂ©sentation, des thĂšmes traditionnels, arrangĂ©s dans le style de l’orchestre, avec de nouvelles compositions. Et pour ceux — nombreux — lecteurs qui animent des Ă©missions de radio, je ne pense pas qu’il soit nĂ©cessaire d’insister sur l’importance de diffuser durablement la nouveautĂ©. Si vous avez besoin de matĂ©riel, comptez sur nous pour le gĂ©rer.

En terminant, je tiens Ă  vous dire que je suis heureux de constater un intĂ©rĂȘt grandissant pour notre magazine et nos espaces de mĂ©dias sociaux. Merci beaucoup et rendez-vous dans le prochain numĂ©ro !

Ricardo Schoua

La suite de la publication de 2015 par José de la quimera

LĂ , JosĂ© n’est plus en rĂ©ponse directe Ă  Ricardo Schoua, mais ses ajouts sont intĂ©ressants :

Mais si je le dis-le, ça n’en vaut pas la peine. Voyons ce que dit MaĂźtre Alfredo de Angelis. Je viens de terminer la lecture de sa biographie, Ă©crite par sa fille. Dans ce livre, De Angelis fait clairement rĂ©fĂ©rence au problĂšme de 1981, et ses mots sont actuels :

L’une des raisons est que les orchestres ne font plus de rythme, cela ressemble Ă  de la musique espagnole, qui n’a rien Ă  voir avec le tango. La plupart d’entre eux jouent de la mĂȘme maniĂšre, les bandonĂ©ons font tous la mĂȘme chose. En dehors du rythme, ils n’ont pas la ligne mĂ©lodique du tango, le public n’aime pas ça et mĂȘme s’ils veulent le leur imposer, ils n’y arriveront pas.

Ce cas ne sera pas inversĂ© jusqu’Ă  ce qu’un orchestre sorte comme en 1935, lorsque D’Arienzo est parti et a rompu avec toutes les nouveautĂ©s de l’Ă©poque, la mĂȘme chose se produit aujourd’hui. Le tango c’est pour danser, aujourd’hui ils ont mĂȘme changĂ© le style de danse, les chanteurs crient, je dis toujours que les disques de Gardel durent, ils peuvent obtenir le style de lui. Gardel n’a jamais criĂ© et le temps le prouve. D’autres exemples sont Fiorentino, Dante et Vargas.

À l’Ă©poque de Canaro, De Caro est sorti, mais il a fait du rythme, c’est ainsi que Troilo, D’Arienzo et d’autres ont jouĂ© du « cuadrado », c’est-Ă -dire que pour danser, Horacio SalgĂĄn est sorti avec un style trĂšs agrĂ©able, modernisĂ©, bien arrangĂ©, et que s’est-il passĂ© ? AprĂšs, plus rien d’autre n’est sorti, ils veulent nous imposer un nouveau style, mais tant qu’ils ne font pas de tango-tango, il ne se passe rien.

(Diario La Prensa, 11/1981, « Alfredo de Angelis : Les orchestres ne font pas de rythme », note de Roberto Pertossi).

C’est on ne peut plus clair.

Pourquoi insistent-ils encore, dans de nombreuses milongas, pour faire Ă©couter des orchestres qui composent de la musique ? Parce que les danseurs ne savent pas danser, et ils pensent qu’ils savent. Les orchestres de tango ne dansent pas bien et font semblant de danser le tango « moderne ». Quelqu’un qui distingue la musicalitĂ© de chaque orchestre, qui sait danser des syncopes, des cadences et des silences, et qui ne danse pas « tout de la mĂȘme maniĂšre », ne va pas Ă  ces milongas, parce qu’il sait que ce ne sont pas vraiment des milongas, mais « un spectacle de danse de mauvaise qualitĂ© ».
Personnellement, si je veux Ă©couter un orchestre, je vais au thĂ©Ăątre oĂč l’acoustique est meilleure et oĂč leur fonction est prĂ©cisĂ©ment d’Ă©couter et d’apprĂ©cier la musique.
Dans la milonga, je veux de la musique de danse et ne pas attendre passivement la fin du « spectacle » pour pouvoir danser et payer plus. Les orchestres des annĂ©es 1940 convoquaient jusqu’Ă  6 000 personnes aux milongas du carnaval parce qu’ils jouaient pour danser et que les danseurs avaient une fonction active et non passive, interprĂ©tant correctement la musique, avec du rythme et de la mĂ©lodie comme le dit De Angelis. C’est le secret du succĂšs. OĂč sont les milongas de ces carnavals maintenant ? Quelqu’un s’est-il demandĂ© quelle en Ă©tait la cause ? L’absence de danseurs ou d’orchestres appropriĂ©s ?
Fonte
De Angelis, Isabel, 2004, Alfredo De Angelis. Le phénomÚne social. Le Tango Club. Ed. Corregidor.
Tango y Cultura Popular, avril 2012, n° 135 ; www.tycp.com.ar.

José de la quimera en complément de son article de 2015

Le paragraphe supplémentaire publié en février 2024 par Guillermo Reverberi (Guille de SMTango)

Haaaa, et enfin. Un danseur ou une danseuse de tango va Ă  une Milonga pour danser TANGOOOOOOOOO, pas pour regarder des spectacles, des expositions et/ou danser d’autres rythmes. Cela ne fait que disparaĂźtre l’envie de continuer Ă  danser, stresser, dĂ©primer sans le savoir et la Milonga finit dans un fiasco.

Les éléments originaux à télécharger

El tangometro (Ă©ditorial de TYCP 110 de dĂ©cembre 2009). Voir l’article sur le sujet sur ce blog.

El tangometro “No-Tango” (Ă©ditorial de TYCP 134 de mars 2012) . Voir l’article sur le sujet sur ce blog.

Courrier du lecteur en réponse à Ricardo Schoua par José Carcione dans TYCP n°135 (Avril 2012)

MĂĄs sobre el tango bailado (Ă©ditorial de TYCP 136, mai 2012)

Texte de José Carcione, sous le pseudonyme José de la quimera publié en 2015

Texte diffusé par Guillermo Reverberi (Guille de SMTango) en février 2024

Le « No-Tango »

J’ai reproduit dans le post le « TangomĂštre », un Ă©ditorial de Ricardo Schoua de dĂ©cembre 2009. Ce nouvel Ă©ditorial du mĂȘme auteur date de mars 2012, reprend le fil. Il l’a nommĂ© No-Tango. Il me restera un texte Ă  reproduire, lui aussi de 2012, texte qui circule beaucoup en ce dĂ©but de 2024, mais chut, revenons Ă  mars 2012, dans le numĂ©ro 134 de la revue Tango y Culture Popular.

L’Ă©ditorial du n°134 de Tango y Cultura Popular, intitulĂ© Le “No-Tango”

Éditorial : Le “No-tango” par Ricardo Schoua

J’avais dĂ©jĂ  fait remarquer, dans des notes prĂ©cĂ©dentes, qu’en ce qui concerne le tango et son dĂ©veloppement, il y a autant d’opinions que de personnes. Je vais me rĂ©fĂ©rer Ă  certaines de ces opinions d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, sans identifier les expĂ©diteurs, car ce qui m’intĂ©resse, c’est de polĂ©miquer avec des idĂ©es, pas avec des personnes.
Dans un Ă©ditorial prĂ©cĂ©dent (*), j’ai soulignĂ© quels Ă©taient, Ă  mon avis, les aspects nĂ©gatifs qui surgissent dans l’activitĂ©, et qui entravent son dĂ©veloppement. Je ne vais pas les rĂ©pĂ©ter ici, mais j’aimerais dĂ©velopper certains concepts.
Au sein de la nouvelle gĂ©nĂ©ration d’auteurs, de compositeurs et de musiciens, il y a ceux qui affirment que le tango est mort. La premiĂšre chose qui me vient Ă  l’esprit est « alors que font-ils ici, pourquoi continuent-ils Ă  apporter des contributions au genre ? » À tout le moins, on s’attend Ă  un peu de cohĂ©rence, une vertu qui semble Ă©galement dĂ©passĂ©e.

J’aime le tango, mais je ne considĂšre pas une certaine pĂ©riode comme limitative. Il y a des tangos que je trouve trĂšs ennuyeux parmi les anciens et aussi parmi les actuels. Les classiques le sont par leur propre mĂ©rite, et non parce qu’ils appartiennent Ă  une certaine Ă©poque. Dans un rapport que nous avons reproduit, le tango Uno a Ă©tĂ© interrogĂ© parce que « c’était dĂ©jĂ  le cas ». Sur quelle base disent-ils « c’est dĂ©jĂ  le cas » ? Les paroles ont-elles perdu de leur pertinence ?
Aujourd’hui, l’adage selon lequel « la lutte est cruelle et il y en a beaucoup » est tout Ă  fait valable
 Ou, l’est-il vraiment ?
Si le renouveau du tango va se baser sur l’interdiction de l’exĂ©cution des classiques, nous allons trĂšs mal, avec une orientation dĂ©sastreuse, qui semble cacher l’idĂ©e que ceux qui le promeuvent ne se sentent pas capables de surpasser les rĂ©alisations de ceux qui les ont prĂ©cĂ©dĂ©s.
Et il faut regarder les attitudes de ceux qu’ils prĂ©tendent admirer (admiration qui n’est pas cohĂ©rente non plus). Ou, peut-on imaginer une position similaire chez Osvaldo Pugliese ?
Ou Piazzolla a-t-il reniĂ© Troilo, Pugliese, SalgĂĄn, Di Sarli 
?
Il y a aussi ceux qui postulent que la mĂ©lodie et l’accompagnement ne sont « plus ». Dans quel manuel l’avez-vous lu ? Tout le monde a le droit d’expĂ©rimenter, mais pas de disqualifier gratuitement. Et de ne pas se fĂącher si le rĂ©sultat de leur expĂ©rience ne les mĂšne pas au sommet de la gloire.
J’ai Ă©coutĂ© de « nouveaux tangos » qui, musicalement, peuvent faire preuve d’un haut niveau de virtuositĂ©, mais, comme je ne trouve pas la mĂ©lodie, je ne peux pas les fredonner ou les siffler et, par consĂ©quent, je ne peux pas m’en souvenir. La musique populaire, pas seulement le tango, est simple et s’adresse Ă  tout le monde, pas seulement aux musiciens professionnels. Il n’est pas facile d’atteindre cette simplicitĂ© et cette acceptation.
George Martin, surnommĂ© « le cinquiĂšme Beatles », disait que la musique doit danser pour vous, ce qui ne veut pas dire qu’elle est dansable, mais qu’elle fait bouger quelque chose en nous, qui nous transporte. Ce n’est pas que je ne comprenne pas certaines « querelles » de ceux qui tentent de renouveler le genre. Constituer un rĂ©pertoire d’une vingtaine de numĂ©ros connus, toujours les mĂȘmes, sans en incorporer de nouveaux, c’est aussi une façon de combattre le tango de l’intĂ©rieur, quand on dit qu’il le dĂ©fend. Cela contribue Ă  la mĂȘme chose de ne pas chercher Ă  modifier les formats de diffusion et de programmation. Et l’attitude de certains DJ qui n’osent pas proposer quelque chose de diffĂ©rent, de peur de « perdre la clientĂšle ».
Maintenant, cette chose de dĂ©crire le tango comme mort ou pĂ©ri et d’essayer de le transformer en quoi que ce soit m’amĂšne Ă  suggĂ©rer que, pour ĂȘtre cohĂ©rent, au lieu d’ajouter des qualificatifs tels que « de ruptura » ou « alternativo », ils encadrent leurs crĂ©ations dans un nouveau genre : le No-Tango.

Merci beaucoup,

Ricardo Schoua

Éditorial de la revue Tango y Cultural Popular n°134

Lire la revue en entier…

Las margaritas 1933-02-14 (Ranchera) – Ada FalcĂłn accompagnĂ©e par Francisco Canaro

Domingo Pelle Letra : Alfredo Angel Pelaia

Las margaritas. Les marguerites.

Le tango du jour n’est pas un tango, pas mĂȘme une valse malgrĂ© son rythme ternaire (Pou-chi-chi), mais une ranchera.
Certains DJ proposent des rancheras pour des tandas de valses. C’est assez compliquĂ© Ă  danser et dĂ©stabilisant, je ne recommanderais donc pas l’exercice. La ranchera s’apparente en fait Ă  la mazurka ou Ă  la java.
Cette danse traditionnelle d’Argentine n’est plus dansĂ©e aujourd’hui, mais il y a de nombreux enregistrements qui montrent le succĂšs de ce rythme au siĂšcle passĂ©.
Si j’ai tenu Ă  placer ce thĂšme, c’est, car il me paraissait bien adaptĂ© au jour, le 14 fĂ©vrier, la Saint-Valentin, fĂȘte des amoureux.
Sur la dizaine de titres enregistrĂ©s un 14 fĂ©vrier, trĂšs peu avaient un thĂšme pouvant Ă©voquer l’amour (si on excepte la Limona de Amor (aumĂŽne d’amour) qui invoque l’amour divin et dont une version a Ă©tĂ© enregistrĂ©e un 14 fĂ©vrier (1957) par Miguel Calo avec Rodolfo GalĂ©.
Je reviens à Las Margaritas enregistré par Ada Falcón avec son grand amour (pas totalement réciproque), Francisco Canaro.
Las margaritas prĂ©sente les espoirs d’un jeune homme amoureux d’une serveuse et qui ceuille des marguerites. Il les offre Ă  la vierge du village. J’avoue ne pas savoir si cette vierge est la serveuse qui peut ainsi le guĂ©rir de son amour en le rendant effectif, ou bien la Sainte Vierge qui lui fera oublier un amour impossible Ă  concrĂ©tiser.
L’histoire d’Ada et Francisco est Ă©galement un thĂšme romantique. Je n’entrerai pas dans les dĂ©tails, mais disons que Canaro ne ressort pas forcĂ©ment grandi de l’affaire.
Une histoire d’amour un peu tragique, donc, mais une histoire d’amour.
Je propose donc ce titre pour fĂȘter la Saint-Valentin Ă  tous les amoureux du monde, en espĂ©rant qu’ils seront plus heureux au final qu’Ada qui est entrĂ©e dans les ordres comme
 franciscaine et que la Francesa, la redoutable Ă©pouse de Canaro


Extrait musical

Las Margaritas 1933-02-14 – Ada Falcon accompagnĂ©e par Francisco Canaro.

L’archive sonore prĂ©sentĂ©e ici, l’est Ă  titre d’exemple didactique. La qualitĂ© sonore est rĂ©duite Ă  cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualitĂ©. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de dĂ©couvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualitĂ© audiophile.

Paroles

En las lomas de mi pago yo corté
las mĂĄs lindas margaritas, con primor
y a la Virgen del pueblito las llevé,
para que ella me curara del amor.
Porque sabes, yo ando triste y ha de ser
por la moza del puestero Nicanor,
la vi en la tranquera, una tarde muy hermosa
y como un gualicho, me ha dejado el corazĂłn.

En mi alazĂĄn,
bajando voy todas las tardes
con el afĂĄn
de este amor, lleno de alardes
y al recortar
flores de amor para llevar,
candorosa margarita, sobre la lomita
yo suelo encontrar pa’ mi ilusión,
hasta el alma venderĂ­a
y lejos me irĂ­a a morir por vos.

Margaritas de mis pagos, que corté,
para aquella linda moza de mi amor,
han sangrado como sangra mi querer
y hoy quisiera darte todo mi fervor;
porque todo lo que nunca has de saber
hoy se llena de nostalgia en mi dolor,
mi amor y mis flores, margarita primorosa,
me han llenado el alma como mi lĂ­rica canciĂłn.

Domingo Pelle Letra : Alfredo Angel Pelaia
Dans les collines de mon domaine, j’ai coupĂ© les plus belles marguerites.

Pour terminer sur une note optimiste, je vous propose une autre illustration destinĂ©e Ă  faire mentir Les Rita Mitsouko avec une histoire d’amour qui se termine bien…

Une histoire d’amour qui se termine bien.

Le TangomÚtre (éditorial de Tango y Cultura Popular n°110)

Cet éditorial a été publié le 13 décembre 2009, dans le numéro 110 de la revue rosarina, Tango y Cultura Popular.
J’ai choisi de le reproduire ici, car en ce moment circulent des textes qui ne reprennent pas les sources et je pense utile de rendre Ă  CĂ©sar ce qui lui appartient (mĂȘme si dans le cas prĂ©sent il s’appelle Ricardo Schoua).
Ce sera le premier d’une sĂ©rie de textes polĂ©miques sur le tango et son Ă©volution.
Bonne lecture.

Vous trouverez le texte original, en espagnol, en fin d’article

Le TangomĂštre (Ă©ditorial)

Logo de Tango y Cultura Popular, la revue de tango de Rosario (Argentine)

L’inscription au patrimoine mondial, la multiplication des festivals, l’ouverture de nouvelles milongas, le fait que de nombreux jeunes musiciens soient enclins Ă  ce genre indiquent un essor du tango. Mais, comme toute manifestation de la culture populaire, cet essor contient beaucoup d’impuretĂ©s et s’inscrit dans une lutte permanente contre les conceptions qui tendent Ă  la limiter ou Ă  la vider de son contenu.

La question est de savoir dans quelle mesure nous comprenons ce que signifie la culture populaire. Ce n’est pas un sujet facile Ă  comprendre, c’est pourquoi beaucoup se rĂ©fugient dans des conceptions dogmatiques. Je pense que c’est une tĂąche quotidienne d’apprendre, avec un esprit ouvert, de quoi il s’agit. Et c’est un processus d’apprentissage sans fin.

Je vais essayer d’énumĂ©rer les Ă©lĂ©ments qui, Ă  mon avis, sont, en ce moment, un obstacle Ă  un dĂ©veloppement authentique du tango en tant qu’expression populaire.

1.— Les opinionologues qui n’admettent pas de changements au-delĂ  de ce que furent les annĂ©es 40, oubliant que cette Ă©poque se distingue prĂ©cisĂ©ment par le boom de l’innovation et du renouveau. Souvent, cette posture de « dĂ©fenseurs Ă  tout prix » du tango cache la mĂ©diocritĂ© consciente de ceux qui l’adoptent comme Ă©tendard. L’attitude est comparable Ă  celle d’un patron, dans n’importe quel travail, qui s’entoure de gens mĂ©diocres pour s’assurer qu’ils ne « bougent pas le sol », parce qu’il sait qu’il est lui-mĂȘme mĂ©diocre.

La rĂ©sistance au changement est exploitĂ©e, et ce n’est pas nouveau. Horacio Ferrer raconte dans son livre El gran Troilo que, lorsque Pichuco a crĂ©Ă© Responso Ă  Montevideo, l’un des spectateurs lui a criĂ© : « Gordo, arrĂȘte de jouer des pasodobles ! »

2.— Ceux qui, au nom d’un supposĂ© « nouveau tango », se placent Ă  l’extrĂȘme opposĂ© des prĂ©cĂ©dents, c’est-Ă -dire qu’ils nient les antĂ©cĂ©dents. Parmi eux, ceux qui ont l’intention de fusionner le tango (qui est le produit d’une fusion naturelle et Ă©volutive) avec d’autres genres, en particulier le jazz. Pugliese a dĂ©fini : « Le tango est un mĂ©lange de la campagne avec l’expression populaire de la ville. Beaucoup de choses peuvent ĂȘtre soulevĂ©es, dans diffĂ©rentes directions. Vous pouvez venir de Gardel, Bardi, CobiĂĄn, Maffia, Laurenz, mais vous ne pouvez jamais arrĂȘter les Ă©tapes ni perdre de vue les sources. Ceux qui veulent s’exprimer dans le tango doivent se rĂ©fĂ©rer Ă  la continuitĂ©, sans s’en dĂ©tacher. Le reste n’est pas du tango. C’est de la musique, d’autres musiques.

Et Atahualpa Yupanqui a dit : « Pour que les enfants vivent, il n’est pas nĂ©cessaire de tuer leurs parents. »

Des musiciens qui Ă©crivent pour des musiciens, qui semblent croire que plus la partition a de notes, mieux c’est. Ils ont pour corrĂ©lat les danseurs « de scĂšne », pour qui l’important semble ĂȘtre le nombre de figures par seconde et non la danse elle-mĂȘme.

Encore une fois, je cite Yupanqui : « Il y a des gens qui Ă©blouissent et d’autres qui illuminent, je prĂ©fĂšre illuminer. »

4.— Le soi-disant « tango Ă©lectronique », un produit dĂ©rivĂ© d’une Ă©tude de marchĂ©, l’une des nombreuses pierres que la contre-culture mĂ©diatique met sur le chemin.

5.— Les mĂ©thodes de danse Ă©galement qualifiĂ©es de « neo tango » qui, au nom de la technique et de la propretĂ© supposĂ©e, dĂ©connectent totalement le danseur de la musique et de l’émotion.

6.— L’arrogance avec laquelle beaucoup de ceux qui dĂ©fendent l’une ou l’autre des positions dĂ©crites sont traitĂ©s.

Eh bien, avec cela, j’ai dĂ©jĂ  gagnĂ© la haine de tout le monde. Si j’en ai manquĂ©, faites-le-moi savoir


SĂ©rieusement, mĂȘme si nous n’aimons pas les rĂ©sultats, toute poursuite sincĂšre est saine et devrait ĂȘtre encouragĂ©e et critiquĂ©e en mĂȘme temps.

Les goĂ»ts de chacun sont respectables, mais ce n’est pas une question de goĂ»t ici.

Et il n’existe pas de « tangomĂštre », bien que si un lecteur veut en concevoir un pour nous, nous le ferons volontiers savoir.

La pire chose qui puisse nous arriver, c’est que notre cerveau s’atrophie. De nouvelles propositions contribuent Ă  la pĂ©rennitĂ©. [
]

Le Directeur (Ricardo Schoua)

Mañanitas de Montmartre 1928-02-13 (Tango) – Orquesta Francisco Canaro

Lucio Demare (Letra : AgustĂ­n Irusta; Roberto Fugazot)

Mis mañanitas de Montmartre tan queridas
son para mĂ­ un delirio y una gran pasiĂłn.

Le tango du jour parle des aubes de Montmartre (Paris, France).
Le tango est né à Paris

Pardon, sans Paris, le tango ne serait pas ce qu’il a Ă©tĂ©/est. C’est dans cette ville qu’il a acquis ses lettres de noblesse et qu’il a pu revenir en Argentine et devenir ce que l’on sait. Si vous ne le savez pas, regardez mon article sur l’ñge d’or du tango.

Plusieurs centaines de tangos font rĂ©fĂ©rence Ă  la France et Ă  Paris, mais aussi aux grisettes, ces jeunes Françaises qui Ă  l’instar de Madame Yvonne quittaient la France pour le “rĂȘve” argentin (voir par exemple Bajo el cono azul).
Canaro qui a fait à diverses reprises le voyage à Paris a sans doute été sensible à cette composition de Demare qui devait également lui évoquer les paysages de la Butte Montmartre.

Extrait musical

Mañanitas de Montmartre 1928-02-13 – Francisco Canaro

L’archive sonore prĂ©sentĂ©e ici, l’est Ă  titre d’exemple didactique. La qualitĂ© sonore est rĂ©duite Ă  cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualitĂ©. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de dĂ©couvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualitĂ© audiophile.

Paroles

Las grises mañanitas de Montmartre,
donde iluso derroché mi juventud,
serĂĄn eternas en mi triste vida,
porque las recuerdo para mi inquietud.
Al igual que un amor cicatrizado
e imborrable en un tierno corazĂłn,
mis mañanitas de Montmartre tan queridas
son para mĂ­ un delirio y una gran pasiĂłn.

Pero sos, mujer,
pobre insensata que en el mundo triunfĂĄs;
la frĂĄgil barca de tu vida quizĂĄs
naufragarĂĄ porque el timĂłn de tu esperanza
se quebrarĂĄ en la mar,
y humillada ya,
mis mañanitas de Montmartre verån
la frĂ­a nieve del destino caer
sobre tu almita acongojada
destruyendo aquellos sueños
que forjaste con afĂĄn.

Nuevamente volverĂĄs a ser aquella
que paseaba exenta de pudor
por esas calles en que todas las mujeres
pecadoras, guardaban su dolor.
Y en las tinieblas de tu pobre vida,
por ingrata nunca mĂĄs encontrarĂĄs
quien te devuelva con un beso de cariño
la luz de tu esperanza, que se apaga ya.

Lucio Demare Letra : AgustĂ­n Irusta; Roberto Fugazot

Autres enregistrements

Ce titre n’a pas Ă©tĂ© beaucoup enregistrĂ©, mais on trouve quelques versions intĂ©ressantes :

  • 1928 TrĂ­o Argentino (Irusta, Fugazot, Demare) y su Orquesta TĂ­pica Argentina
  • 1928-02-13 Francisco Canaro (qui fait l’objet de ce tango du jour)
  • 1930 Lucio Demare l’a enregistrĂ© au piano en 1930
  • 1930 Irusta accompagnĂ© au piano par Demare
  • 1952-06-18 Lucio Demare encore au piano avec “No nos veremos mĂĄs” la valse que nous avons prĂ©sentĂ©e le 11 fĂ©vrier dans le cadre des Anecdotas de Tango
  • 1968-07-30 Toujours Lucio Demare et encore au piano.
  • Troilo l’a enregistrĂ© au moins Ă  deux reprises, le 14 avril 1970 et le 18 aoĂ»t 1972, dans un arrangement de RaĂșl Garello. Ce dernier enregistrement est celui d’un concert organisĂ© par la SADAIC (la SACEM argentine).

La version de Canaro est relativement archaĂŻque, de style canyengue, mais c’est la seule qui peut se prĂȘter Ă  la danse.

Lucio Demare est un pianiste et un des rares compositeurs Ă  avoir enregistrĂ© beaucoup de tango au piano. Ce pianiste Ă©garĂ© dans les rues sous l’aube pĂąle de Montmartre est sans aucun doute Lucio Demare. J’ai conçu cette image dans ce sens. il joue du piano debout…

Le tango est international, alors, le site est désormais multilingue

Un des miracles du tango est que l’on peut danser avec des personnes ayant appris Ă  danser Ă  plus de 10 ou 20 000 km de distance et que l’on peut s’entendre parfaitement en quelques secondes.

Yo no entender

Malheureusement, il n’est pas de mĂȘme pour l’expression orale ni mĂȘme Ă©crite, alors j’ai dĂ©cidĂ© de proposer une cinquantaine de langues pour le site.
Normalement, lorsque vous l’ouvrez, c’est la langue par dĂ©faut de votre navigateur qui est affichĂ©e.
Si vous souhaitez afficher une langue différente, il vous suffit de cliquer sur le globe bleu situé en haut à droite.

En cliquant sur le globe situé en haut à droite, vous faites apparaßtre une cinquantaine de drapeaux permettant de choisir les langues correspondantes.

Il y a une cinquantaine de langues et je peux en ajouter en fonction des demandes.

Le site est écrit en français et les paroles de tango en espagnol

Si vous avez un doute sur la traduction, pensez à revenir au français pour vérifier ce qui pourrait avoir été mal traduit, en particulier les parties en espagnol.
Choisir le drapeau français vous restituera les textes dans d’autres langues dans la langue d’origine.

Errare humanum est, perseverare diabolicum

Errare humanum est, perseverare diabolicum

Comme disait le vieux SĂ©nĂšque, Ă  moins que je me trompe, les Ɠuvres humaines ne sont pas parfaites. Les traductions peuvent donc ĂȘtre sujettes Ă  caution et je vous conseille de vĂ©rifier les passages douteux en affichant la langue d’origine (majoritairement le français, l’espagnol ou l’anglais).

Qui a peur de poser des questions a honte d’apprendre

Den, der er bange for at stille spÞrgsmÄl, skammer sig over at lÊre.

(Proverbe danois)

Vous pouvez me poser les questions, demander des renseignements ou écrire des commentaires dans votre langue préférée.
La musique est un langage universel, mĂȘme si nous n’avons pas tous les mĂȘmes goĂ»ts, cela permet d’adoucir les mƓurs dans ce monde en folie.
Au plaisir de vous lire, les amis !

Au plaisir de te lire, cher ami.

Gato 1937-02-12 (Tango) – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos

Edgardo Donato Letra: Homero Manzi

ÂĄGato! Este bicho es tu retrato
¡ Gato ! Dibujado con carbón
ÂĄGato! Del sombrero a los zapatos
¡ Gato ! Se denuncia tu ambición

Les danseurs qui ne connaissent pas ce tango sont Ă©tonnĂ©s par les cris et miaulements de chat. S’ils en connaissent le titre, Gato, qui signifie “chat”, cela leur semble plus clair.
Cependant, ce chat n’est pas un quadrupĂšde, mais un bipĂšde comme le chante Lagos :
Dans le bois de la vie vit un bipĂšde sans plumes.
Lagos utilise bĂ­pedo au lieu de parajo (oiseau) dans le texte de Manzi. On peut imaginer que ce choix a Ă©tĂ© fait, car en bon chanteur d’estribillo, Lagos ne chante qu’une partie du texte. La fin est beaucoup plus explicite. Je l’ai reproduite en bleu dans les paroles ci-dessous.
Pour insister sur le fait que l’on parle bien d’un homme Ă©lĂ©gant, Ă  l’Ă©poque, Gato pouvait signifier MadrilĂšne ou homme essayant de sortir avec de jolies femmes en portant un costume aussi beau que possible et en payant ce qu’il faut…
Par extension, le terme s’est Ă©tendu aux femmes qui acceptaient de l’argent pour ĂȘtre avec ces hommes, devenant un synonyme de pute.
Aujourd’hui, un gato est une insulte pour qualifier quelqu’un d’infĂ©rieur et que l’on mĂ©prise. Ce terme se retrouve beaucoup sur les murs de Buenos Aires pour qualifier des personnages politiques que les auteurs considĂšrent comme vĂ©reux. Macri Gato est un classique du genre.
Mais le gato de l’Ă©poque de ce tango est simplement un homme qui aime la sape pour s’attirer les faveurs des plus belles. Beau Ă  l’extĂ©rieur, mais vide Ă  l’intĂ©rieur, comme le dit le couplet omis par Lagos.

Extrait musical

Gato 1937-02-12 – Edgardo Donato con Horacio Lagos

L’archive sonore prĂ©sentĂ©e ici, l’est Ă  titre d’exemple didactique. La qualitĂ© sonore est rĂ©duite Ă  cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualitĂ©. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de dĂ©couvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualitĂ© audiophile.

Paroles

En el bosque de la vida, vive un bĂ­pedo sin plumas,
Que camina entre la gente en favor de su disfraz.
Que se muestra cuando hay buenas, pero en las malas se esfuma,
Que se estira en lÂŽaliviada y sÂŽencoge en el cinchar.
Que se apropia de lo ajeno, que se viste con espuma,
Que aparenta estar sobrando y no tiene paÂŽ empezar.

ÂĄGato! Este bicho es tu retrato
ÂĄGato! Dibujado con carbĂłn
ÂĄGato! Del sombrero a los zapatos
ÂĄGato! Se denuncia tu ambiciĂłn

Exponente de este siglo, expresiĂłn de este momento,
Su chatura es el ‘standard’ que circula en la babel.
Por adentro es un vacĂ­o, por afuera un monumento
Retocado por la moda con un golpe de pincel.
Prototipo de mediocre, sin amor ni sentimiento,
Y arrastrado por los vientos como un trozo de papel.

Edgardo Donato Letra: Homero Manzi

Autres versions

Il existe quelques tangos sous ce titre, mais aucun autre n’a Ă©tĂ© enregistrĂ© (Ă  ma connaissance) avec la musique de Donato et les paroles de Manzi.
La crĂ©ation de Donato avec ses miaulements est inĂ©galĂ©e par les autres tangos ayant le mĂȘme titre, comme le Gato de CĂ©sar Petrone interprĂ©tĂ© par Carlos CobiĂĄn con Genaro Veiga de fĂ©vrier 1928.
Le gato est aussi une danse traditionnelle, semblable Ă  la chacarera. On trouve donc beaucoup de musiques de Gato sous ce titre.

ÂĄGato! Del sombrero a los zapatos ÂĄGato! Se denuncia tu ambiciĂłn

No nos veremos mĂĄs 1943-02-11 (Valse) – Orquesta Lucio Demare con RaĂșl BerĂłn

Lucio Demare Letra: Julio PlĂĄcido Navarrine

Bésame otra vez Siento que después No nos veremos mås.

Le tango du jour est une valse, nostalgique, mais entraĂźnante dans cette version rĂ©alisĂ©e par Lucio Demare et RaĂșl BerĂłn.
Elle a Ă©tĂ© enregistrĂ©e il y a 81 ans, le 11 fĂ©vrier 1943.
Lucio Demare Ă©tait pianiste et compositeur. On lui doit beaucoup de titres qu’il a lui-mĂȘme interprĂ©tĂ©s, comme cette valse, mais aussi d’autres tangos Ă  succĂšs, comme TelĂłn, Malena, Mañana zarpa un barco, Solamente ella et autres titres nostalgiques.

Extrait musical

No nos veremos mĂĄs 1943-02-11 – Lucio Demare con RaĂșl BerĂłn

L’archive sonore prĂ©sentĂ©e ici, l’est Ă  titre d’exemple didactique. La qualitĂ© sonore est rĂ©duite Ă  cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualitĂ©. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de dĂ©couvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualitĂ© audiophile.

Paroles

Saber partir
Con la sonrisa florecida.
Y ver morir
El sueño de toda la vida.
Ahogar la voz
Morder la angustia que nos hiere.
Después, adiós
Y el alma de un rosal que muere.

BĂ©same otra vez
Siento que después
No nos veremos mĂĄs.
Se irĂĄ la cerrazĂłn
Pero la ilusiĂłn
No vendrĂĄ jamĂĄs.
Sombra entre los dos
Que un dolor atroz
No torna claridad.
Amor que se abre en cruz
Al puñal de luz
De todas las estrellas.

Hoy por distinta huella
Nos echa la vida,
Amor que nunca olvida
No sabe llorar.
BĂ©same otra vez
Siento que después
No nos veremos mĂĄs.
Se irĂĄ la cerrazĂłn
Pero la ilusiĂłn
No vendrĂĄ jamĂĄs.

Lucio Demare Letra: Julio PlĂĄcido Navarrine

Autres enregistrements

Il existe une autre version, par Francisco Canaro et Roberto Maida (1935-12-03), dans un rythme beaucoup plus lent et majestueux, trÚs différent de cette interprétation par Demare et Berón.
Signalons aussi l’enregistrement (1952-06-18) par Lucio Demare, au piano, solo de cette valse, dans le rythme lent de Canaro. Il enchaĂźne sur Mañanitas de Montmartre, une autre de ses compositions, dans cet enregistrement de 1952.
Comme Lucio Demare est le compositeur, il est possible qu’il l’ait conçue dans le rythme lent de 1935 et 1952 et que cette version de 1943 soit une adaptation au goĂ»t de l’Ă©poque, l’Ăąge d’or du tango de danse.

Sous le mĂȘme titre, on trouve une chanson de tango de Luis Stazo et Federico Silva (letra) qui a eu son petit succĂšs en 1963, notamment par la version de Roberto Goyeneche avec l’accompagnement de Luis Stazo, Armando Cupo y Mario Monteleone.
On pourrait citer aussi celle de Maure, de la mĂȘme annĂ©e, ou celle de d’Arienzo avec Jorge Valdez. Mais si les valses sont passables en milonga, ce n’est pas le cas de ces chansons (mĂȘme si certains arqueront que si…).

Amor que se abre en cruz al puñal de luz de todas las estrellas.

Mi vida fue una milonga (AsĂ­ es la vida) 1943-02-10 (Milonga)

Orquesta Manuel BuzĂłn con Osvaldo Moreno

BenjamĂ­n GarcĂ­a (BenjamĂ­n Garcilazo) et Mario Soto Letra : Mario Soto

Mi vida fue una milonga

Manuel BuzĂłn est un musicien un peu tombĂ© dans l’oubli.
Il a dĂ©butĂ© comme professeur de piano et de solfĂšge et a travaillĂ© Ă  la station de radio LOY Radio Nacional Flores, comme secrĂ©taire de la Direction artistique, pianiste, chanteur et directeur d’orchestre. Il interviendra dans diffĂ©rentes radios durant sa vie, notamment Ă  Radio Paris

Il a trÚs peu enregistré avec son orchestre. Seulement une vingtaine de titres en 1942-1943 et les titres chantés sont tous avec Osvaldo Moreno.

Il a réalisé quelques enregistrements comme pianiste avec différents orchestres ou comme accompagnateur de chanteurs.
Pour son activitĂ© de compositeur, on pourrait mentionner que son tango “DespuĂ©s hablamos” a gagnĂ© le troisiĂšme prix en 1933 Ă  un concours organisĂ© par le journal “Critica” et qui a eu lieu au Luna Park, la cĂ©lĂšbre salle Ă©vĂ©nementielle de Buenos Aires.
Ce tango ne semble pas avoir été enregistré, mais on le connaßt par sa partition.
Il ne faut en effet pas rĂ©duire le tango au seul patrimoine enregistrĂ© qui nous est parvenu. Les orchestres jouaient plusieurs fois par semaine, avec des variations et des titres qu’ils n’ont jamais enregistrĂ©s.
La composition la plus cĂ©lĂšbre de Buzon reste sans doute la milonga Mano brava (paroles d’Enrique CadĂ­camo) qu’il a enregistrĂ©e avec Osvaldo Moreno le 11 fĂ©vrier 1942, soit un an aprĂšs Anibal Troilo et Francisco Fiorentino (1941-03-04).

Extrait musical

Mi vida fue una milonga (AsĂ­ es la vida) 1943-02-10 – Manuel BuzĂłn con Osvaldo Moreno

L’archive sonore prĂ©sentĂ©e ici, l’est Ă  titre d’exemple didactique. La qualitĂ© sonore est rĂ©duite Ă  cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualitĂ©. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de dĂ©couvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualitĂ© audiophile.

Paroles

Mi vida fue una milonga
Que bailé sin dar resuello,
Con lengue de seda al cuello
Y una flor en el ojal.
Humilde como el percal
Que usĂł la piba fabriquera,
Me pasé la vida entera,
En la calma callejera
Que respira mi arrabal.
Milonga mĂ­a, tus notas
Traen del ayer
Recuerdos de tantas cosas.
Nostalgia de las mujeres
Que mås amé,
Y del calor de su boca.
Oigo tu compĂĄs y en el corazĂłn
Reviven mis años mozos,
Cuando marcaba en el piso
De algĂșn salĂłn,
La flor de un corte compadrĂłn.

BenjamĂ­n GarcĂ­a (BenjamĂ­n Garcilazo) et Mario Soto Letra : Mario Soto

Autres enregistrements

Pas d’autres versions, dommage, car celle de BuzĂłn est loin d’ĂȘtre gĂ©niale…
Sous le mĂȘme titre secondaire, on trouve deux compositions. Une d’Edgardo Donato qui fut enregistrĂ©e le 30 avril1929 par Francisco Canaro et une autre de Menvielle enregistrĂ©e par Cayetano Puglisi le 26 septembre de la mĂȘme annĂ©e..

Mi vida fue una milonga.

Milonga sentimental 1933-02-09 (Canyengue – Milonga) – Orquesta Francisco Canaro con Ernesto FamĂĄ y Ángel Ramos

SebastiĂĄn Piana Letra : Homero Manzi (Homero NicolĂĄs Manzione Prestera)

Otros se quejan llorando, yo canto por no llorar. Tu amor se secó de golpe, nunca dijiste por qué. Yo me consuelo pensando que fue traición de mujer.

À noter que malgrĂ© son titre de “milonga” et que beaucoup de DJ propose ce titre comme une milonga, il s’agit plutĂŽt d’un rythme de canyengue ou pour le moins d’un rythme batard entre le tango et la milonga que des orchestres comme celui de Miguel Villasboas adoreront utiliser plus tard.
Canaro le dĂ©crivait comme un milongon, une de ses inventions rythmiques qui n’ont pas eu de succĂšs.

Extrait musical

Milonga sentimental 1933-02-09 – Francisco Canaro con Ernesto FamĂĄ y Ángel Ramos

L’archive sonore prĂ©sentĂ©e ici, l’est Ă  titre d’exemple didactique. La qualitĂ© sonore est rĂ©duite Ă  cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualitĂ©. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de dĂ©couvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualitĂ© audiophile.

Paroles

Milonga pa’ recordarte,
milonga sentimental.
Otros se quejan llorando,
yo canto por no llorar.
Tu amor se secĂł de golpe,
nunca dijiste por qué.
Yo me consuelo pensando
que fue traiciĂłn de mujer.

VarĂłn, pa’ quererte mucho,
varĂłn, pa’ desearte el bien,
varĂłn, pa’ olvidar agravios
porque ya te perdoné.
Tal vez no lo sepas nunca,
tal vez no lo puedas creer,
ÂĄtal vez te provoque risa
verme tirao a tus pies!

Es fĂĄcil pegar un tajo
pa’ cobrar una traiciĂłn,
o jugar en una daga
la suerte de una pasiĂłn.
Pero no es fĂĄcil cortarse
los tientos de un metejĂłn,
cuando estĂĄn bien amarrados
al palo del corazĂłn.

Milonga que hizo tu ausencia.
Milonga de evocaciĂłn.
Milonga para que nunca
la canten en tu balcĂłn.
Pa’ que vuelvas con la noche
y te vayas con el sol.
Pa’ decirte que sĂ­ a veces
o pa’ gritarte que no.

SebastiĂĄn Piana Letra : Homero Manzi (Homero NicolĂĄs Manzione Prestera)

Autres enregistrements

Je ne ferai pas la liste des enregistrements de Milonga sentimentale, il y a en a des dizaines. Certains, comme la version de Canaro, sont proches du canyengue et d’autres sont de vĂ©ritables milongas, comme celle enregistrĂ©e par l’orchestre actuel, Hyperion.
Voici juste quelques perles :

  • 1932-10-04 Mercedes Simone
  • 1932-12-30 Adolfo Carabelli con Carlos Lafuente
  • 1933-01-23 Carlos Gardel accompagnĂ© Ă  la guitare par Guillermo Barbieri, Domingo Riverol, Domingo Julio Vivas et Horacio Pettorossi. Pas pour la danse, mais des passages avec la voix de Gardel se retrouvent dans certaines versions de Otros Aires au vingt uniĂšme siĂšcle…
Yo canto por no llorar / Je chante pour ne pas pleurer.

Serpentinas de esperanza 1946-02-08 (Tango) – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

José Canet Letra: Afner Gatti

Les serpentins de l’espĂ©rance raconte les espoirs d’un homme qui a des sentiments pour une femme lors d’un carnaval (fĂ©vrier, c’est justement l’Ă©poque du carnaval). Il espĂšre qu’une fois l’ivresse du carnaval disparu, le lien avec sa compagne ne s’Ă©vanouira pas.
D’Agostino et Vargas, tous les deux prĂ©nommĂ©s Ángel (ange), ont formĂ© un couple artistique au point qu’ils ont Ă©tĂ© surnommĂ©s les petits anges (Angelitos).
En 5 ans, ils ont enregistrĂ© 93 tangos comme celui-ci (Tres esquinas, A las siete en el cafĂ©, Ave de paso, Madreselva, Yo soy de Parque Patricios…).
Auparavant, D’Agostino a enregistrĂ© avec RaĂșl Aldao et par la suite avec un autre RaĂșl, RaĂșl LaviĂ©, Tino GarcĂ­a, Ricardo Ruiz, Roberto Alvar et RubĂ©n CanĂ©.
Mais la production idĂ©ale de d’Agostino est bien dans les annĂ©es 40 et avec Vargas. On notera toutefois un “OVNI”, Cafe Dominguez (avec glosas de JuliĂĄn Centeya), mais qui date de 1955 et qu’il est difficile d’apparier tant la production de d’Agostina est diffĂ©rente et moins intĂ©ressante Ă  cette Ă©poque. Ce qui fait que beaucoup de DJ mettent aprĂšs CafĂ© Dominguez des titres de la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dente avec Vargas.

Extrait musical

Serpentinas de esperanza 1946-02-08 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

L’archive sonore prĂ©sentĂ©e ici, l’est Ă  titre d’exemple didactique. La qualitĂ© sonore est rĂ©duite Ă  cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualitĂ©. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de dĂ©couvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualitĂ© audiophile.

Paroles

Con su luz y piedras falsas, pasa, bella y sugestiva, la ilusiĂłn, enredando serpentinas de esperanza.

Esta noche bajo el arco de la vida,
va paseando su locura el carnaval,
suena el mundo la corneta de su risa
y se ha puesto una careta de bondad.
Ataviada con su luz y piedras falsas,
pasa, bella y sugestiva, la ilusiĂłn,
enredando serpentinas de esperanza
en la tierna mandolina de un pierrot.

Esta noche estĂĄs linda como nunca,
mi romĂĄntica princesa de papel
y en el brillo de tus ojos va la luna,
cuando pasas en tu raro carrousel.
Yo tenĂ­a el corazĂłn un poco enfermo
pero ahora me ha vuelto a sonreĂ­r
y bailamos embriagados de contento,
bajo un traje alquilado de ArlequĂ­n.

Ya se va la caravana bullanguera
y me apena, saber que tĂș te vas
y si llevas la flor de mi Quimera,
yo me quedo con la rosa que me das.
Con mis versos tiraré papel picado,
porque se haga menos triste nuestro adiĂłs,
porque aĂșn el carnaval no ha terminado
y prosigue en las almas de los dos.

José Canet Letra: Afner Gatti

Autres versions

Ce titre a également été enregistré par Miguel Caló avec la voix de Carlos Dante (1935-04-05)

Ce soir sous l’arche de la vie, le carnaval vit sa folie, le monde sonne le clairon de son rire et a mis un masque de gentillesse. HabillĂ© de ses pierres lĂ©gĂšres et fausses, l’illusion passe, belle et suggestive, des serpentins d’espoir enchevĂȘtrĂ©s sur la tendre mandoline d’un Pierrot.

La vida es un tango 1939-02-08 (Film)

RĂ©alisation Manuel Romero. Musique Alberto Soifer

Sabina Olmos et Hugo del Carril

La vida es un tango est un film argentin en noir et blanc de Manuel Romero. La musique est d’Alberto Soifer (compositeur de nombreux titres de la vieja guardia comme la merveilleuse valse Estrellita mĂ­a enregistrĂ©e, entre autre par Donato).

Il est sorti le 8 février 1939.

Les rĂŽles sont tenus par Florencio Parravicini, Tito Lusiardo, Hugo del Carril et Sabina Olmos.

Le film d’un couple (Hugo del Carril et Sabina Olmos) autour du tango au dĂ©but du vingtiĂšme siĂšcle.
Consultez le site de la maison de production, Lumiton pour obtenir du matériel autour du film.
La vida es un tango (1939)

Quelles sont les dates de l’ñge d’or en tango de danse ?

What are the dates of the golden age of dance tango?

Pour un DJ, l’ñge d’or, c’est principalement l’époque ou le tango de danse Ă©tait Ă  la mode. Mais pour qu’un Ăąge d’or arrive, il faut diffĂ©rents Ă©lĂ©ments prĂ©curseurs et pour qu’il se termine, il faut que l’élan s’épuise. Nous allons voir l’évolution de ce phĂ©nomĂšne.

For a DJ, the golden age is mainly the time when dance tango was in fashion. But for a golden age to come, there must be different precursors, and for it to end, the momentum must be exhausted. We will see how this phenomenon evolves.

L’Ăąge d’or du tango

Le prototango, le tango d’avant le tango

Dans l’article sur les styles du tango, vous trouverez des traces de l’histoire musicale, mais la musique n’est qu’un des aspects. Pour que l’ñge d’or se manifeste, il faut Ă©galement que la pratique de cette culture sorte des cercles restreints oĂč elle est nĂ©e.
L’Europe et particuliĂšrement la France ont jouĂ© un rĂŽle certain dans cette naissance. L’exposition universelle de 1900 a Ă©tĂ© l’occasion pour de nombreux Argentins argentĂ©s, de faire de Paris, leur point de chute, ou de plaisir.
Un certain nombre d’entre eux qui avaient goĂ»tĂ© aux charmes du tango Ă  la fin du 19e siĂšcle l’ont encouragĂ© Ă  Paris. Un des exemples les plus connus est celui de Benino Macias, auquel on attribue le lancement de la furie du tango Ă  Paris. Que ce soit cette histoire ou d’autres, il est certain que dĂšs 1911, le tango Ă©tait entrĂ© dans les mƓurs Ă  Paris. On pouvait le danser tous les jours dans plusieurs lieux, ce qui a attirĂ© les orchestres argentins, mĂȘme s’ils devaient se produire dĂ©guisĂ©s en gauchos, car les orchestres Ă©trangers n’étaient autorisĂ©s qu’à la condition d’ĂȘtre « folkloriques ». Le costume Ă©tait rĂ©servĂ© aux orchestres europĂ©ens.

Prototango, the tango before the tango

In the article on tango styles, you will find traces of musical history, but music is only one aspect. In order for the golden age to manifest itself, the practice of this culture must also come out of the restricted circles in which it was born.

Europe and particularly France played a certain role in this birth. The Universal Exhibition of 1900 was an opportunity for many silver-loving Argentinians to make Paris their place of stay, or of pleasure. A number of them who had tasted the charms of tango at the end of the 19th century encouraged him in Paris. One of the best-known examples is that of Benino Macias, who is credited with launching the Tango Fury in Paris. Whether it is this story or others, it is certain that by 1911, tango had become part of the customs in Paris. It could be danced every day in several venues, which attracted Argentine orchestras, even if they had to perform disguised as gauchos, as foreign orchestras were only allowed on the condition that they were “folkloric”. The costume was reserved for European bands.

Pourquoi Pas, revue wallonne de Louis Dumont-Wilden, George Garnir et LĂ©on Souguenet (les « trois moustiquaires ») du 4 octobre 1929.

La naissance du tango

Le chansonnier Fursv affirme, dans ses mĂ©moires, avoir assistĂ©, vers 1900, Ă  la naissance du tango, l’Abbaye Albert », Ă  Montmartre.
— Parmi les Argentins qui venaient lĂ , conte-t-i1, il y avait un certain Benino Macias, formidablement riche, trĂšs nostalgique.
» Un soir, ayant payĂ© l’orchestre pour le seconder dans son projet, il se mit Ă  danser, pour la galerie, une sorte de pas lent, et traĂźnĂ©, coupĂ© de repos rythmĂ©s, et accompagnĂ© par une mĂ©lodie en mineur, d’une infinie mĂ©lancolie.
~ Ce fut, sur le moment, de l’étonnement, mieux, de la stupeur.
» Mais on applaudit Benino Macias, qui dansait avec une certaine Loulou Christy, fort jolie.
» Huit jours aprĂšs, il y avait vingt couples qui faisaient comme eux.» C’est ainsi que le tango a fait sa toute premiĂšre apparition Ă  Paris. »

Pourquoi Pas, revue wallonne de Louis Dumont-Wilden, George Garnir et LĂ©on Souguenet (les « trois moustiquaires ») du 4 octobre 1929.

The birth of tango

In his memoirs, the chansonnier Fursv claims to have witnessed, around 1900, the birth of the tango, the “Abbaye Albert” in Montmartre.
“Among the Argentinians who came there,” he said, “was a certain Benino Macias, tremendously rich, very nostalgic.
One evening, having paid the orchestra to assist him in his project, he began to dance, for the gallery, a sort of slow, drawn-out step, interrupted by rhythmic rests, and accompanied by a melody in minor, of infinite melancholy.
~ It was, at the time, astonishment, or rather, amazement.
But we applaud Benino Macias, who danced with a certain Loulou Christy, who was very pretty.
Eight days later, there were twenty couples doing the same.This is how tango made its very first appearance in Paris. »

Pourquoi Pas, Walloon magazine by Louis Dumont-Wilden, George Garnir and LĂ©on Souguenet (the “three mosquito nets”) of 4 October 1929.

Lorsque ces orchestres sont retournés en Argentine, auréolés de leurs succÚs européens, cela a aidé à sortir le tango de ses lieux mal famés en Argentine.
Dans l’article « Une enquĂȘte sur le tango », vous trouverez des Ă©lĂ©ments intĂ©ressants si vous vous intĂ©ressez Ă  la question des dĂ©buts du tango en France. Vous pouvez aussi consulter le site milongaophelia, riche en documents iconographiques. 
Donc, pour la France, l’ñge d’or se situe dans les annĂ©es 1910-1935. Cependant, ce tango s’y est figĂ© dans le temps et s’est abĂątardi pour devenir le tango musette qui est une lointaine rĂ©miniscence du tango de style canyengue. Il convient donc de retraverser l’Atlantique pour dĂ©couvrir le vĂ©ritable Ăąge d’or.

When these orchestras returned to Argentina, basking in the glory of their European successes, it helped to bring tango out of its disreputable places in Argentina.
In the article “A survey on tango ”, you will find interesting elements if you are interested in the question of the beginnings of tango in France. You can also consult the milongaophelia website, rich in iconographic documents. 
So, for France, the golden age is in the years 1910-1935. However, this tango has been frozen in time and has bastardized to become the tango musette which is a distant reminiscence of the tango of the Canyengue style. It is therefore appropriate to cross the Atlantic again to discover the true golden age.

Les premiers orchestres dorés

Pas de musique sans orchestre.
Le phénomÚne tango se développe donc à Buenos Aires et dans sa jumelle rioplatense.
De nombreux orchestres se crĂ©ent, se renforcent et pour accompagner cette vague, les enregistrements se multiplient. Malheureusement, les techniques rudimentaires de l’époque obligent Ă  jouer d’une façon martiale, de crier plus que de chanter et la musique qui en rĂ©sulte a du mal Ă  sortir du bruit du disque pour donner de l’émotion.
On peut considĂ©rer que ces premiers enregistrements ne rendent pas justice Ă  ce que jouaient rĂ©ellement les orchestres devant le public. On se reportera Ă  l’article sur les progrĂšs de l’enregistrement pour en savoir plus.
Ce n’est qu’en 1926 que la qualitĂ© des enregistrements rend enfin justice aux prestations des orchestres. Ce biais fait que l’on peut nĂ©gliger le phĂ©nomĂšne tango antĂ©rieur et que par consĂ©quent, on peut « louper » la dĂ©tection d’un Ăąge d’or, faute d’enregistrements de qualitĂ©.
Cependant, lorsque la qualitĂ© devient satisfaisante, la musique est pour sa part assez diffĂ©rente de celle qui sera dĂ©ployĂ©e dans les dĂ©cennies suivantes. Des orchestres anciens, comme ceux de Carabelli, Fresedo, Canaro font de fort belles choses, mais l’arrivĂ©e d’une nouvelle vague va rĂ©volutionner la musique.
Les orchestres deviennent plus virtuoses Ă  force de pratiquer tous les jours et de se concurrencer dans une vive Ă©mulation.

The First Golden Orchestras

There is no music without an orchestra. The tango phenomenon is therefore developing in Buenos Aires and its Rioplatensian twin.
Many orchestras were created, strengthened, and to accompany this wave, recordings multiplied. Unfortunately, the rudimentary techniques of the time forced you to play in a martial way, to shout more than to sing and the resulting music had difficulty getting out of the noise of the record to give emotion.
It can be argued that these early recordings do not do justice to what the orchestras actually played in front of the audience. Refer to  the article on the progress of registration for more information.
It was not until 1926 that the quality of the recordings finally did justice to the orchestras’ performances. This bias means that the previous tango phenomenon can be neglected and that consequently, the detection of a golden age can be “missed” due to a lack of quality recordings.
However, when the quality becomes satisfactory, the music is quite different from the one that will be deployed in the following decades. Old orchestras, such as those of Carabelli, Fresedo, Canaro did very beautiful things, but the arrival of a new wave revolutionized music. Orchestras become more virtuoso by dint of practicing every day and competing with each other in lively emulation.

El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944.

Les quatre piliers

Le premier orchestre Ă  dĂ©coller est sans conteste celui de Juan D’Arienzo, grĂące Ă  l’apport providentiel de Rodolfo Biagi (arrangeur et pianiste) Ă  partir de dĂ©cembre 1935. Le dĂ©part rapide de Biagi de l’orchestre en 1938 ne rompt pas le nouveau style de l’orchestre de D’Arienzo qui Ă©voluera dans cette direction jusqu’à la mort de son directeur en 1976.

The Four Pillars

The first orchestra to take off was undoubtedly that of Juan D’Arienzo, thanks to the providential contribution of Rodolfo Biagi (arranger and pianist) from December 1935. Biagi’s rapid departure from the orchestra in 1938 did not break the new style of D’Arienzo’s orchestra, which would evolve in this direction until the death of its conductor in 1976.

Juan d’Arienzo – Gran Hotel Victoria (Hotel Victoria) 1935-07-02, avant Biagi.
Juan d’Arienzo – El flete 1936-04-03, aprĂšs Biagi. On entend les ding ding du piano de Biagi.

Peu aprĂšs, Carlos Di Sarli qui Ă©tait Ă  la tĂȘte d’un sexteto jusqu’au dĂ©but des annĂ©es 30 se lance avec un orchestre qui prend sa dimension dans les dĂ©cades des annĂ©es 40 et 50.

Shortly afterwards, Carlos Di Sarli, who was at the head of a sextet until the early 1930s, launched himself with an orchestra that took on its dimension in the 1940s and 1950s.

Carlos Di Sarli (Sexteto) – T.B.C. 1928-11-26
Carlos Di Sarli – El amanecer 1942-06-23
Carlos Di Sarli – El amanecer 1951-09-26 – La version de 1954-08-31 aurait Ă©galement pu ĂȘtre prise comme example.

Troilo arrive au dĂ©but des annĂ©es 40, suivi de prĂšs par Pugliese.

L’ñge d’or peut ĂȘtre dĂ©fini comme la pĂ©riode d’activitĂ© maximale de ces quatre orchestres. Celle oĂč l’on pouvait danser chaque semaine avec des orchestres Ă©poustouflants.

Troilo arrived in the early 1940s, closely followed by Pugliese.

The Golden Age can be defined as the period of maximum activity of these four orchestras. The one where you could dance every week with breathtaking orchestras.

La fin de l’ñge d’or

The End of the Golden Age

Le rock et d’autres musiques vont changer les habitudes des danseurs et amorcer le dĂ©clin du tango.

Les annĂ©es 40 voient les quatre piliers dans leur pĂ©riode de gloire. Dans les annĂ©es 50, ils continuent leur Ă©volution, mais en parallĂšle, l’arrivĂ©e de nouveaux goĂ»ts chez les danseurs, notamment le rock, fait que la pratique commence Ă  baisser est que les orchestres se tournent vers des formes plus concertantes.
Troilo et Pugliese produisent dans leurs derniĂšres annĂ©es des titres novateurs et nostalgiques, Ă  la recherche d’un second souffle, plus orientĂ© vers le concert que la danse.
Carlos Di Sarli, peut-ĂȘtre plus dans l’air du temps qui demandait une musique plus romantique a continuĂ© dans son style jusqu’à la fin des annĂ©es 50, sans sacrifier Ă  la danse.
Quant Ă  d’Arienzo, son style Ă©nergique en a fait une bĂȘte de scĂšne qui lui permettait d’animer des concerts euphorisants jusqu’à sa mort en 1976. Ses musiciens (sous la direction de Carlos Lazzari, bandonĂ©iste et arrangeur de D’Arienzo) puis de nombreux orchestres contemporains perpĂ©tuent ce style festif et Ă©nergique jusqu’à nos jours qui continuent d’enchanter les danseurs, comme les auditeurs.
Cependant, il est certain que le rock et d’autres modes ayant Ă©loignĂ© les danseurs du tango, il est difficile de faire continuer l’ñge d’or aprĂšs les annĂ©es 50.

The 1940s saw the four pillars in their heyday. In the 1950s, they continued to evolve, but at the same time, the arrival of new tastes among dancers, especially rock, meant that the practice began to decline and that orchestras turned to more concertante forms.
In their last years, Troilo and Pugliese produced innovative and nostalgic tracks that were more oriented towards concert than dance in search of a second wind.
Carlos Di Sarli, perhaps more in tune with the times who demanded more romantic music, continued in his style until the end of the 50s, without sacrificing dance.
As for d’Arienzo, his energetic style made him a beast of the stage, allowing him to host euphoric concerts until his death in 1976. Its musicians (under the direction of Carlos Lazzari, D’Arienzo’s bandoneist and arranger) and many contemporary orchestras perpetuate this festive and energetic style to this day, which continues to enchant dancers and listeners alike. However, rock and other fashions have certainly kept dancers away from tango, making it difficult to continue the golden age after the 1950s.

Le lancement du disque, ou la seconde mort du tango de danse

The launch of the LP, or the second death of dance tango

Le disque LP et la stéréophonie ont changé la musique de tango.

Un autre phĂ©nomĂšne se dĂ©veloppe dans les annĂ©es 50, le microsillon et en 1958, le son stĂ©rĂ©o. Cette invention avec l’augmentation de la qualitĂ© de la musique, la plus grande durĂ©e de musique par disque (environ 8 fois plus par disque), fait que l’on peut possĂ©der beaucoup plus de musique sans que cela devienne trop envahissant, d’autant plus que les disques microsillons sont plus lĂ©gers et fins que les anciens 78 tours en shellac.
Le son stĂ©rĂ©o a rapidement formĂ© les oreilles des auditeurs, relĂ©guant les anciens enregistrements au rayon des antiquitĂ©s. Pour essayer de contrer ce mouvement et « moderniser » leur fond ancien, les Ă©diteurs de musique ont rĂ©Ă©ditĂ© les tangos des annĂ©es 30 et 40 en vinyle (microsillon) en rajoutant de la rĂ©verbĂ©ration. Cela donne une impression d’espace et permet de faire du « stĂ©rĂ©o like » Ă  peu de frais. Aujourd’hui ces vinyles sont trĂšs mal vus, car la rĂ©verbĂ©ration nuit au message sonore.

Another phenomenon developed in the 1950s, the LP, and in 1958, stereo sound. This invention with the increase in the quality of music, and the longer duration of music per record (about 8 times more per record), means that one can own much more music without it becoming too intrusive, especially since LP records are lighter and thinner than the old shellac 78s.
The stereo sound quickly trained listeners’ ears, relegating old recordings to the antique shelf. To try to counter this movement and “modernize” their old background, music publishers have reissued tangos from the 30s and 40s on vinyl (LP) by adding reverb. This gives the impression of space and allows you to “stereo like” at little cost. Today, these vinyls are very frowned upon, because the reverb detracts from the sound message.

La valse de Juan D’Arienzo – No llores madre de 1936-07-03 a Ă©tĂ© diffusĂ©e dans un premier temps sur disque shellac. Lors de la rĂ©Ă©dition en microsillon (LP), pour lui donner un air de “stĂ©rĂ©o”, les ingĂ©nieurs du son ont rajoutĂ© de la rĂ©verbĂ©ration, ce qui a polluĂ© la musique originale.

Ces deux données expliquent aussi le déclin des orchestres de bal. En effet, il devenait possible de jouer de la musique de tango pendant une demi-heure, sans aucune manipulation et sans avoir à payer un orchestre.

These two factors also explain the decline of ballroom bands. Indeed, it became possible to play tango music for half an hour, without any manipulation and without having to pay for an orchestra.

Le petit ñge d’or, le moyen ñge d’or et le grand ñge d’or

The Little Golden Age, the Golden Age and the Great Golden Age

L’Ăąge d’or du tango. Illustration libre, ne pas y chercher une vĂ©ritĂ© historique… / The golden age of tango. Free illustration, do not look for historical truth


Une dĂ©finition trĂšs stricte de l’ñge d’or est parfois donnĂ©e et qui est bornĂ©e par la pĂ©riode oĂč les 4 piliers jouaient, donc de 1943 (arrivĂ©e sur le marchĂ© du disque de Pugliese), jusqu’à l’arrivĂ©e du microsillon, aux alentours de 1955.
Comme on aime bien arrondir, on définit cette période comme courant de 1940 à 1955.
Cependant, cela enlĂšve les merveilleux enregistrements de D’Arienzo de la seconde moitiĂ© des annĂ©es 30. Il est donc plus courant de dĂ©finir un « moyen Ăąge d’or » de 1935 Ă  1955. Les comptes sont ronds, vingt ans tout juste. En Europe, la nostalgie et la familiaritĂ© avec le tango musette et italien, font que la vieille garde est Ă©galement apprĂ©ciĂ©e. Cela permet d’inclure des orchestres qui ont beaucoup de succĂšs dans les « encuentros milongueros », comme Canaro, Donato, Carabelli ou Fresedo. Toujours pour favoriser les comptes justes, on Ă©tend parfois l’ñge d’or de 1930 Ă  1955.

A very strict definition of the golden age is sometimes given which is limited by the period when the 4 pillars were playing, i.e. from 1943 (arrival on the market of the Pugliese record), until the arrival of the LP, around 1955.
Since we like to round up, we define this period as current from 1940 to 1955.
However, this takes away from the wonderful D’Arienzo recordings from the second half of the 1930s. It is therefore more common to define a “golden middle” from 1935 to 1955. The accounts are round, just twenty years. In Europe, nostalgia and familiarity with musette and Italian tango mean that the old guard is also appreciated. This makes it possible to include orchestras that are very successful in the “encuentros milongueros”, such as Canaro, Donato, Carabelli, or Fresedo. Also in order to promote fair accounts, the golden age is sometimes extended from 1930 to 1955.

Le support de l’Ăąge d’or

The support of the Golden Age

Un disque 78 tours en shellac. Ici, une valse de D’Arienzo, En tu corazĂłn. / A 78 rpm shellac record. Here, a waltz from D’Arienzo, En tu corazĂłn.

C’est le rĂ©pertoire qu’utilisent les DJ les plus « traditionnels ».
Signalons que dans ce mouvement « traditionnel » certains DJ revendiquent la diffusion en milonga Ă  partir de disques vinyle, un support anachronique. Mais les modes ont-elles Ă  se justifier ? Quelques DJ utilisent des disques shellac par souci de vĂ©ritĂ© historique. Mais lĂ , c’est jouer avec le patrimoine et cette pratique me semble non recommandable, car nuisible avec notre hĂ©ritage, sans aucune valeur ajoutĂ©e en termes de musique. Les vĂ©ritables collectionneurs respectent ces trĂ©sors et ne les exposent pas Ă  la ruine.

This is the repertoire used by the most “traditional” DJs.
It should be noted that in this “traditional” movement, some DJs claim to broadcast in milonga from vinyl records, an anachronistic medium. But do fashions have to be justified? Some DJs use shellac records for the sake of historical truth. But in this case, it’s playing with heritage and this practice seems to me to be recommendable, because it is harmful to our heritage, without any added value in terms of music. True collectors respect these treasures and do not expose them to ruin.

Vers un nouvel ñge d’or ?

Towards a new golden age?

Vers un nouvel Ăąge d’or du tango ? / Towards a new golden age?

Le tango est né et est ressuscité à différentes reprises, sous des aspects légÚrement différents à chaque fois.
Peut-ĂȘtre sommes-nous Ă  l’aube d’un nouvel Ăąge d’or du tango de danse ? Les avions n’ont jamais transportĂ© autant de tangueros Ă  Buenos Aires. En Europe, il n’y a pas une ville de quelque importance sans une communautĂ© tanguera.
Cette communautĂ© est internationale. Il est possible de danser avec des partenaires venus du monde entier et de s’entendre dĂšs la premiĂšre tanda commune. C’est un des miracles du tango. Cependant, ce patrimoine est fragile, comme les disques shellac. Il convient de le prĂ©server et de ne pas le dĂ©naturer en s’éloignant de ce qui fait la particularitĂ© de la danse.

Tango was born and resurrected on different occasions, in slightly different aspects each time.
Maybe we are at the dawn of a new golden age of dance tango? Planes have never carried so many tangueros to Buenos Aires. In Europe, there is not a city of any importance without a tanguera community.
This community is international. It is possible to dance with partners from all over the world and to hear each other from the first tanda together. This is one of the miracles of tango. However, this heritage is fragile, like shellac records. It should be preserved and not distorted by distancing oneself from what makes dance so special.

Épilogue

Epilogue

Difficile d’imaginer ce que sera le tango dans un siĂšcle. EspĂ©rons qu’il sera dans un nouvel Ăąge d’or. / It’s hard to imagine what tango will be like in a century. Hopefully it will be in a new golden age.

Un DJ actuel a le choix de quasiment un siĂšcle de musique pour animer ses milongas. Il convient cependant qu’il ne sĂ©pare pas les danseurs de ce qui est le plus prĂ©cieux, le tango de l’ñge d’or. Il devra donc veiller Ă  toujours donner Ă  Ă©couter et danser cette rĂ©fĂ©rence, les grands tangos de bals des annĂ©es 35-55, ou 30-55, ou 40-55.
Charge aux danseurs et Ă  leurs professeurs, de comprendre ce qui fait du tango une danse si particuliĂšre et pourquoi il est important de la relier Ă  une musique parfaite pour lui. Pour terminer, je souhaite rappeler que le tango de danse n’est qu’une partie de la culture tango et que je n’ai parlĂ© d’ñge d’or que pour le DJ. Des amateurs de tango Ă  Ă©couter pourraient placer leur Ăąge d’or dans les annĂ©es Piazzolla. En effet, celui-ci crĂ©e son octeto en 1955 et ses propositions musicales dĂ©buteront le clivage entre tradition et modernitĂ©. On pourrait donc parler d’un Ăąge d’or du tango d’écoute de 1955 Ă  1990


A today DJ has the choice of almost a century of music to liven up his milongas. However, he should not separate the dancers from what is most precious, the tango of the golden age. He will therefore have to make sure that he always gives to listen to and dance to this reference, the great balls of the years 35-55, or 30-55, or 40-55.
It is up to the dancers and their teachers to understand what makes tango such a special dance and why it is important to connect it to music that is perfect for them. To conclude, I would like to remind you that dance tango is only one part of the tango culture and that I have only spoken of a golden age for the DJ. Tango lovers to listen to could place their golden age in the Piazzolla years. Indeed, he created his octeto in 1955 and his musical proposals began the divide between tradition and modernity. We could therefore speak of a golden age of listening tango from 1955 to 1990…

Tete Rusconi, cartas abiertas

Tete Rusconi

Tete Rusconi avait l’habitude de dĂ©poser des lettres ouvertes sur les tables des milongas pour exposer sa vision du tango.
J’avais traduit deux de ces textes que je reproduits ici :
– Une lettre ouverte de Tete aux danseurs et aux professeurs en 2006.
– « Les Dits de Tete » Ă  l’occasion de sa mort en 2010.

Apprenons à danser le tango — Aprendamos a bailar el tango

En 2006, j’avais traduit cette lettre confiĂ©e par une amie, RĂ©gine C qui l’avait rĂ©cupĂ©rĂ©e sur une table de Buenos Aires.
J’avais reproduit ce texte sur le site de Tango Passion, dont j’Ă©tais le crĂ©ateur et le seul auteur Ă  l’Ă©poque.

Lettre de Tete distribuĂ©e en 2006 Ă  Buenos Aires. Merci Ă  RĂ©gine C qui l’avait rapportĂ©e de Baires !
Apprenons Ă  danser le tango
Aujourd’hui, 9 janvier 2006, avec toute l’affection et le respect que j’ai pour vous, j’aimerais vous demander quelque chose. Ce n’est pas un reproche, pour qui que ce soit. Ce que j’aimerais, c’est que les jeunes et tous ceux qui dansent le tango comprennent mon point de vue : Il n’est point besoin de travestir le tango, en aucune maniĂšre, car cette musique, si passionnĂ©e, nous donne vie, Ă©nergie, plaisir et ainsi nous nous sentons meilleurs. Depuis le temps que je vois des danseurs et des professeurs, je pense qu’il ne faut pas qu’il persiste avec autant d’erreurs dans l’enseignement et les dĂ©monstrations. Mon sentiment est que la musique est la base principale du Tango. Il faut ensuite apprendre Ă  marcher avec elle, en conservant l’équilibre et le rythme (cadencia / cadence). Je ne peux pas affirmer que la technique n’existe pas quand on danse, mais je crois qu’il serait profitable que l’on enseigne Ă  danser plus librement, pour soi-mĂȘme
 LĂ  est le plaisir. Personne ne nous mĂ©juge en nous regardant danser pour nous.
En cela, je dis que beaucoup travestissent le tango en ce qu’il n’est pas rĂ©ellement. Il est avant tout musicalitĂ© et ne se prĂ©occupe pas initialement des pas. Nous ne devons pas commettre l’erreur d’oublier d’enseigner comment marcher sur diffĂ©rents rythmes en harmonie avec chaque orchestre. Trop de personnes qui enseignent le tango devraient d’abord apprendre Ă  le danser pour ensuite pouvoir enseigner en donnant tout de soi. Ainsi, ils ne tromperaient pas leurs Ă©lĂšves, ni ne nuiraient Ă  leur rĂ©putation de professeur.
Le tango n’est pas un commerce, contrairement Ă  ce qu’en font beaucoup. Le tango fait partie de notre vie, partie de nos ancĂȘtres, pĂšres, mĂšres, frĂšres et amis. Il est notre vie. Nous ne devons pas persister dans l’erreur. Il faut le reconquĂ©rir, lui que nous perdons, faute de le respecter.
Chers amis, danseuses, danseurs, l’enseignement du tango est un travail supplĂ©mentaire dans votre vie. Par respect pour vous-mĂȘme, vous feriez mieux dans vos dĂ©monstrations de danser plus de tango et faire moins d’acrobaties, de ballet et de ces choses qui ne sont pas du tango. Je ne puis croire qu’avec les dĂ©monstrations vous entriez en compĂ©tition en sachant que chaque couple devrait crĂ©er son style. De plus, on ne devrait pas danser sur de la musique qui n’est pas du tango. Ainsi, on ne trompe personne, pas mĂȘme soi. Voici un conseil pour la communautĂ© tango d’Europe et du reste du Monde : Il me plairait que vous ouvriez les yeux sur la pĂ©dagogie de la danse, en particulier les organisateurs de stages et les professeurs. De tout mon cƓur, j’aimerais qu’ils sachent que quand ils organisent quelque chose, ils se doivent d’inviter les meilleurs danseuses et professeurs pour pouvoir enseigner comme il se doit. Sans la musique, le rythme, la posture et l’équilibre, les pas ne servent Ă  rien. Pour cela, il faut des danseurs et professeurs authentiques. Alors, enfin, du fond de mon cƓur, avec un soupçon de tristesse, je voudrais que vous y pensiez. Si vous avez quelque chose Ă  me dire, j’aimerais que vous le fassiez, Ă  travers une revue ou ailleurs, oĂč que ce soit. Si vous souhaitez vous plaindre, parlez-moi, je vais au bal, voyez-moi, parlez-moi, interrogez-moi. Je rĂ©pondrai Ă  tous, n’ayez crainte. Je ne laisserai personne sans rĂ©ponse, mais s’il vous plait, changez de pratique, mettons en place un systĂšme oĂč nous serions tous heureux, oĂč nous pourrions danser le tango, oĂč nous serions heureux en Ă©tant beaucoup plus nombreux, sans plus vendre de mensonge Ă  qui que ce soit. Maintenant, j’envoie un baiser et un abrazo Ă  vous tous en espĂ©rant que cette annĂ©e qui commence sera la plus heureuse pour tous. Merci,
Tete
Traduction libre en 2006
(révisée en 2016)
par DJ Bernardo BYC,
avec un grand Merci à Françoise S.
Aprendamos a bailar el Tango
“Hoy 9 de enero del 2006 quisiera pasar a pedirles algo con el cariño y respeto que siento por todos ustedes. Esto no es un reproche para nadie, yo lo que quiero es que toda la juventud y todo aquel que baila tango entienda mi motivo: No hay que disfrazar al tango bajo ningĂșn punto de vista, porque esta mĂșsica tan apasionante nos da vida, energĂ­a, placer y asĂ­ nos sentimos mejor. DespuĂ©s de muchos años de ver bailarines y maestros, pienso que no puede haber tantos errores en la enseñanza ni en las exhibiciones. Paso a contarles cuĂĄl es mi idea. Siempre supe que la mĂșsica es la base principal del tango. TambiĂ©n es aprender a caminar con ella, teniendo equilibrio y cadencia. No podrĂ­a decirles que no hay una tĂ©cnica cuando se baila, pero sĂ­ que serĂ­a mejor que se enseñara a bailar mĂĄs libremente, para uno mismo
 ahĂ­ estĂĄ la diversiĂłn. Nadie nos compromete mirĂĄndonos, porque bailamos para nosotros. En esto que digo pienso que muchos estĂĄn disfrazando al tango de algo que no es verdad, porque el tango es mĂșsica y no se empieza por los pasos, ni tenemos que cometer el error de no enseñar cĂłmo caminar diferentes compases musicales para reconocer cada orquesta. Mucha gente que estĂĄ enseñando tendrĂ­a que aprender primero a bailar tango, para poder enseñar dando todo de sĂ­ mismo, para no defraudar a sus alumnos ni dañar su imagen como profesor. El tango no es un negocio, aunque muchos lo vean asĂ­. El tango es parte de nuestra vida, parte de nuestros abuelos, padres, madres, hermanos y amigos. Es nuestra vida. No deberĂ­amos equivocarnos tanto y tendrĂ­amos que volver a conquistarlo, ya que lo estamos perdiendo por no respetarlo. Queridos amigos, bailarinas y bailarines, como esto que hacen es un trabajo mĂĄs en la vida de uno, por respeto a ustedes mismos, en sus exhibiciones serĂ­a bueno que bailaran mĂĄs tango y menos acrobacia, ballet o cualquier cosa que no sea tango. No quiero creer que tambiĂ©n con las exhibiciones compiten; sabemos que cada pareja deberĂ­a crear su estilo, y ademĂĄs no se deberĂ­a bailar mĂșsica que no es tango. En eso no se mientan a ustedes mismos ni a la gente. Y para la comunidad tanguera de Europa y del resto del mundo les doy un consejo: me gustarĂ­a que abrieran los ojos acerca de cĂłmo aprender a bailar, principalmente a los organizadores de stages y a los profesores, de todo corazĂłn, quiero que sepan que, cuando se organiza algo, se trata de llevar los mejores bailarines y maestros, para poder enseñar como es debido. Sin la mĂșsica, la cadencia, la postura, el equilibrio, de nada sirven los pasos y para eso necesitamos maestros y profesores autĂ©nticos. AsĂ­ que bueno desde el fondo de mi corazĂłn, con un poco de tristeza, me gustarĂ­a que ustedes lo piensen y, si hay algo para decirme, me gustarĂ­a que lo hicieran ya sea por medio de revista o por donde sea, si quieren quejarse hĂĄblenme, yo voy al baile; me ven, me dicen, me preguntan y yo contesto
 les voy a contestar a todos, no tengan miedo, que no voy a dejar a nadie sin contestar, pero por favor cambien el sistema, pongan un sistema donde todos seamos alegres, donde podamos bailar el tango, donde seamos felices y donde podamos tener mucha mĂĄs gente, sin venderle ninguna mentira mĂĄs, yo desde ya les mando un beso y un abrazo a todos ustedes y espero que este año que ha empezado sea el mĂĄs feliz para todos. Gracias,
Tete. 

Dits de Tete — Habla Tete

Dits de Tete
Pedro « Tete Â» Rusconi
Je dis la vĂ©ritĂ©. Ne travestissons pas le tango car sinon nous l’envoyons Ă  sa ruine. Sans vouloir offenser qui que ce soit, j’aime le tango. Je ne critique personne mais ne dĂ©guisez pas le tango. Le tango se danse de mille façons, mais avant tout, on prend appui dans le sol, parce que dans le sol se trouve l’énergie et que c’est sur lui que l’on danse la musique. Ne perdons pas le plaisir et l’amour pour la danse s’encrant au sol. Les jeunes d’aujourd’hui dansent dans les airs : vous pouvez faire des choses trĂšs jolies, mais faĂźtes-les au sol, tout comme les grands maĂźtres. Le compas et la mĂ©lodie du tango sont trĂšs particuliers, c’est une souffrance de les perdre. Que ce soit sur ou au pied de la scĂšne, toujours le danseur doit vivre la musique. S’il vous plaĂźt rĂ©veillez-vous et comprenez ce qu’ils font avec la musique ou il viendra un temps oĂč les EuropĂ©ens vont nous vendre le tango. Je parle du cƓur, je suis un mec qui danse. J’ai donnĂ© des ateliers pour les enseignants Ă  l’étranger, je pensais qu’ils n’allaient jamais surpasser nos danseurs
 LĂ -bas, il y a des gens qui peuvent danser furieusement bien. Restons sur notre axe et n’allons pas en regardant le sol. Ne dansons pas pour le public, seulement pour nous. Quand on danse sur scĂšne, il faut danser d’abord pour soi pour que ce soit plus lumineux. Ce n’est pas car je m’exhibe que je dois oublier qui je suis ou la musique. Le tango est une affaire Ă  deux. Sans la femme, il n’y a pas de cavalier qui puisse danser. La femme, de son cĂŽtĂ©, peut mettre en valeur son partenaire quand elle le comprend vraiment. MĂȘme si l’enseignement du tango devient un travail, on ne peut pas enseigner un pas sans musique, On n’apprend pas un pas pour un pas. Sans musique, il y a ni danseur, ni tango, ni enseignant, ni Ă©lĂšve. Le vĂ©ritable maestro ne peut transmettre que ce que la musique lui a enseignĂ©.
Traduction DJ Bernardo BYC 2010
Habla Tete
Pedro « Tete Â» Rusconi
Yo digo la verdad. No disfracemos el tango porque lo vamos a arruinar. Sin querer ofender a nadie, yo amo el tango. No castigo a nadie, pero no disfracemos el tango. El tango tiene mil formas de bailarse, pero primero pisemos el suelo porque en el piso estĂĄ la energĂ­a y es donde bailamos la mĂșsica. No perdamos el placer y el amor por bailar pisando el suelo. Los chicos de hoy andan por el aire: todos ustedes son capaces de hacer cosas muy lindas, hĂĄganlas en el piso, como los grandes Maestros lo hicieron. Los compases y la melodĂ­a del tango son muy especiales, es una lĂĄstima perderlos. Sea arriba o abajo del escenario siempre que el bailarĂ­n baile debe vivir esa mĂșsica. Por favor despiĂ©rtense y comprendan quĂ© hacen con la mĂșsica porque si no va a llegar un momento en que los europeos nos van a vender el tango a nosotros. Yo hablo de corazĂłn, soy un tipo mĂĄs que baila. Yo he dado talleres para maestros en el extranjero, pensĂ© que no iban a superar a nuestros bailarines
AcĂĄ hay gente que puede bailar ferozmente. ParĂ©monos en nuestro eje y no vayamos mirando el piso. No bailemos para el pĂșblico sino para nosotros. Cuando se baila en el escenario hay que bailar primero para uno porque tambiĂ©n luce mucho mĂĄs. No por mostrarme me olvido de quiĂ©n soy ni de la mĂșsica. El tango es de a dos. Sin la mujer no hay bailarĂ­n que pueda bailar. La mujer tambiĂ©n luce al bailarĂ­n cuando lo comprende. Aunque la enseñanza del tango sea un trabajo, no se enseña el paso sin la mĂșsica; no se enseña el paso por el paso. Sin la mĂșsica no hay bailarĂ­n, ni tango, ni maestro, ni alumno. Maestro es el que tiene una enseñanza para dar, es la que le dejĂł la mĂșsica.

Qui Ă©tait Tete Rusconi ?

Tete Rusconi était un danseur portÚgne, apprécié dans les milongas. Il avait développé un style personnel, notamment pour les valses et avait un sens aigu de la musique.

Article de Silvina Damiani sur Tete Rusconi dans l’excellent site Todotango.com (Espagnol ou anglais).

Une vidéo de 2000 (environ), prise à Marseille au théùtre Bompard. .Organisateur Michel Raous.
TetĂ© Rusconi, le danseur qui s’est envolĂ© sur les pistes pour danser la valse. ChaĂźne Youtube du Canal de la Ciudad

Principe de la restauration de la musique de tango de l’ñge d’or

La restauration et la sauvegarde de la musique historique est un devoir.

Lorsque l’on est DJ de tango, on a en gĂ©nĂ©ral Ă  cƓur d’utiliser la meilleure qualitĂ© de musique possible. Cependant, cela ne suffit pas Ă  la rĂ©ussite d’une prestation de DJ. Il vaut mieux une excellente animation avec de la musique de qualitĂ© moyenne, qu’une diffusion maladroite de morceaux « parfaits ».

Ces conseils sont donc pour ceux qui veulent, comme moi, essayer d’avoir la meilleure musique au meilleur moment dans les milongas.

Utiliser un original de la meilleure qualité possible

Les supports à utiliser sont dans cet ordre de la meilleure qualité à la pire. En rouge, ce qui est déjà numérisé.

  1. Matrice originale (il en reste trùs peu). C’est ce qui sert à presser les disques, c’est une forme d’original.
  2. Bande magnĂ©tique originale d’époque (si elle est de bonne qualitĂ©).
  3. Disque d’époque (78 tours en shellac). Malheureusement, beaucoup sont en mauvais Ă©tat et les DJ qui passent ces disques en milonga dĂ©truisent un patrimoine.
  4. CD ou FLAC d’aprĂšs un disque d’époque (shellac) — ATTENTION, toutes les Ă©ditions ne se valent pas. Ces derniĂšres annĂ©es, plusieurs Ă©diteurs se sont lancĂ©s dans ce marchĂ© avec des fortunes variĂ©es. C’est une façon Ă©conomique de se constituer une base musicale.
  5. Disque vinyle, 33 ou 45 tours (si l’enregistrement n’a pas de rĂ©verbĂ©ration ajoutĂ©e, car c’est presque impossible Ă  supprimer de façon correcte).
  6. CD ou FLAC d’aprùs une copie d’un vinyle (33 tours)
  7. Cassette ou cartouche audio depuis un disque d’époque
  8. Service de musique en ligne, type Spotify. C’est en gĂ©nĂ©ral une trĂšs mauvaise source, car les musiques sont mal Ă©tiquetĂ©es. En revanche, ça peut servir pour trouver le meilleur disque Ă  acheter.
  9. Musique numérique en MP3
  10. Tomas radiales (enregistrĂ© depuis la radio ou la tĂ©lĂ©vision). Elles sont rarement exploitables en milonga, car de qualitĂ© gĂ©nĂ©ralement mĂ©diocre, mais ce sont souvent des documents intĂ©ressants d’un point de vue historique. Ces documents sont en gĂ©nĂ©ral sur bandes, mais on en trouve des copies numĂ©riques.

Précaution pour utiliser la copie avant traitement

Copie de disque

  1. Nettoyer la matrice ou le disque. C’est extrĂȘmement important et souvent nĂ©gligĂ© par ceux qui numĂ©risent des disques. Il ne suffit pas de passer un coup de brosse antistatique

    Voir cet article pour un nettoyage efficace et non destructif du disque original. XXXX
  2. Utiliser un diamant adaptĂ© et une pression de bras adaptĂ©e au disque utilisĂ©. Pour ne pas endommager le disque, le diamant doit ĂȘtre en excellent Ă©tat.
  3. RĂ©glez la vitesse de la platine avec son stroboscope. Cependant, certaines marques n’étaient pas tout Ă  fait Ă  la bonne vitesse, notamment pour les disques les plus anciens. Si la tonalitĂ© exacte du morceau vous intĂ©resse, il vous faudra la chercher en variant la vitesse, ou procĂ©der Ă  un traitement ultĂ©rieur aprĂšs numĂ©risation. Pour un DJ, cela a peu d’importance, il est possible de modifier ces paramĂštres Ă  la volĂ©e lors de la diffusion et aucun danseur ne va remarquer mĂȘme un demi-ton d’écart.
  4. RĂ©glez de façon optimale la courbe d’égalisation. Pour la plupart des disques Odeon et les vinyles aprĂšs 1955, c’est la courbe RIAA. Pour des disques plus anciens, il vous faudra creuser en fonction de la marque et de la date.
  5. NumĂ©riser dans un format non destructif (Lossless), en 44 kHz ou 48 kHz. Il est inutile d’utiliser un taux d’échantillonnage supĂ©rieur, car les disques ne transmettent pas de frĂ©quences supĂ©rieures Ă  20 000 Hz. Pour ma part, j’enregistre en stĂ©rĂ©o, mĂȘme si le disque est mono. Cela permet d’avoir le choix entre deux versions trĂšs lĂ©gĂšrement diffĂ©rentes. C’est utile pour le traitement des scratchs ou de certains dĂ©fauts du signal.
  6. Enregistrer le bruit du disque ou du support magnétique avant la musique et aprÚs la musique).
  7. Ranger prĂ©cieusement le disque et ne plus y toucher (le stocker verticalement et lĂ©gĂšrement pressĂ© Ă  l’abri de l’humiditĂ© excessive et de la forte chaleur).

Voir l’article sur le nettoyage des disques Shellac 78 tours.

Exemple de courbe de pré-égalisation (RIAA)

En bleu, lors de l’enregistrement, les basses sont diminuĂ©es, pour Ă©viter que le stylet ne fasse de trop grosses vibrations et les aigus sont augmentĂ©s pour marquer plus les sillons afin que les mouvements soient plus faciles Ă  provoquer lors de la lecture. En rouge, les rĂ©glages opposĂ©s diminuent les aigus et renforcent les graves qui avaient Ă©tĂ© fortement attĂ©nuĂ©s lors de l’enregistrement. Sans la restitution de la courbe d’origine, les aigus seraient criards et les basses absentes.

Exemple de tables de correction

Jusqu’en 1955, chaque compagnie utilisait ses propres rĂ©glages. Cela conduit, si on ne respecte pas le rĂ©tablissement de la prĂ©-Ă©galisation Ă  des sons infidĂšles. Une bonne restitution d’un disque ancien commence par la recherche des paramĂštres utilisĂ©s par le fabricant pour rĂ©tablir le son d’origine.

Extrait minimal de tableaux de caractĂ©ristiques des rĂ©glages d’enregistrement de diffĂ©rentes firmes.

Copie de support analogique (cassette ou bande)

Les bandes magnĂ©tiques ont plusieurs dĂ©fauts. Il peut y avoir une duplication de la spire antĂ©rieure, qui fait que l’on a une musique « fantĂŽme », car la magnĂ©tisation d’une spire a « bavé » sur une autre. C’est surtout audible avant un fortissimo, on l’entend quelques instants avant, de façon rĂ©duite.

Si les bandes ou cassettes ont été mal conservées, le support et/ou le liant qui maintient les oxydes métalliques se délitent, ce qui provoque des défauts dans le magnétisme de la bande aux endroits considérés et donc un son défectueux.

Si la bande est en bon état, il faut aussi veiller à ce que le magnétophone le soit également.

Préparation du magnétophone

Pour les cassettes, en général un bon magnétophone est suffisant et ne demande pas de réglage particulier.

Il est cependant recommandĂ© d’utiliser un dĂ©magnĂ©tiseur de tĂȘtes de lecture pour enlever une magnĂ©tisation rĂ©siduelle qui pourrait donner du souffle et/ou endommager le signal magnĂ©tique de la bande magnĂ©tique.

J’ai ce magnĂ©tiseur depuis plus de quarante ans. Il est toujours en vente. Je l’utilisais surtout pour les magnĂ©tophones Ă  bande, mais il est utilisable pour les appareils Ă  cassettes.

Pour utiliser un dĂ©magnĂ©tiseur, c’est assez simple, mais il faut bien suivre la procĂ©dure.

  1. DĂ©brancher le magnĂ©tophone (s’il est Ă  pile, enlever les piles).
  2. Brancher le magnétiseur, mais laisser le bouton en position OFF.
  3. Approcher le dĂ©magnĂ©tiseur aussi prĂšs que possible de la tĂȘte de lecture.
  4. Glisser le bouton en position ON.
  5. Effectuer des petits cercles autour de la tĂȘte de lecture, aussi prĂšs que possible, mais sans toucher la tĂȘte de lecture. Pour un magnĂ©tophone Ă  bande, il y a plusieurs tĂȘtes

  6. Éloigner lentement le dĂ©magnĂ©tiseur, le plus loin possible, SANS l’ÉTEINDRE.
  7. Une fois qu’il est le plus loin possible (le cĂąble d’alimentation est un peu court, prĂ©voir de l’organiser de façon Ă  pouvoir Ă©loigner le dĂ©magnĂ©tiseur des tĂȘtes facilement), mettre le bouton curseur sur OFF.

C’est tout pour la dĂ©magnĂ©tisation. Il reste une autre Ă©tape pour nettoyer le magnĂ©tophone, nettoyer les tĂȘtes. Pour cela, utilisez un Coton-Tige imbibĂ© d’alcool (isopropylique ou Ă  dĂ©faut 90°). Si cela fait un moment que vous ne l’avez pas fait, vous retirerez un dĂ©pĂŽt brun ou noirĂątre. Ce sont des particules arrachĂ©es aux bandes et/ou de la saletĂ© đŸ˜‰

Attention Ă  ne pas faire couler d’alcool dans le magnĂ©tophone ou ailleurs que sur le coton tige humide.

Pour les lecteurs de cassettes, il existe des cassettes de nettoyage.

  • Humidifier la bande Ă  travers de la fenĂȘtre (elle ne comporte pas de vitre, contrairement aux cassettes normales). Faire dĂ©filer la bande. Certaines cassettes contiennent une zone plus abrasive pour nettoyer. Ne pas en abuser.
  • Ces cassettes sont dĂ©sormais assez chĂšres (il faut les changer tous les quatre ou cinq utilisations). Si les tĂȘtes de lecture sont accessibles, il est plus Ă©conomique d’utiliser des Cotons-Tiges et la procĂ©dure pour les magnĂ©tophones Ă  bande. Lorsque les tĂȘtes sont sĂšches, vous pouvez utiliser le magnĂ©tophone (c’est instantanĂ© si vous avez utilisĂ© de l’alcool isopropylique).

La vitesse et l’enroulement des bandes magnĂ©tiques

Contrairement aux cassettes qui sont relativement standardisĂ©es, les magnĂ©tophones Ă  bande utilisent des vitesses diffĂ©rentes et mĂȘme des types d’enroulement diffĂ©rent.

Il faut donc un magnĂ©tophone disposant des mĂȘmes vitesses que l’appareil d’origine. Tous les magnĂ©tophones actuels n’ont pas ces vitesses. On pourra copier ces bandes, mais il faudra restituer la vitesse originale sur le signal numĂ©risĂ©.

Sur les matĂ©riels anciens, la bande Ă©tait parfois enroulĂ©e avec l’oxyde magnĂ©tique Ă  l’extĂ©rieur de la bande. Sur d’autres matĂ©riels et sur les plus rĂ©cents, l’oxyde est sur la partie intĂ©rieure de l’enroulement. Il peut donc ĂȘtre compliquĂ© de lire une bande ancienne sur un appareil plus moderne.

Une autre difficultĂ© est l’utilisation d’alignements diffĂ©rents des tĂȘtes de lecture. Les bandes anciennes Ă©taient normalement mono. Elles Ă©taient enregistrĂ©es dans la partie infĂ©rieure de la bande, puis retournĂ©es pour lire l’autre cĂŽtĂ©. Il y a donc deux pistes, une dans chaque sens. Sur un matĂ©riel stĂ©rĂ©o, il y a deux pistes. La lecture avec une tĂȘte mono fait qu’on lit Ă©galement l’espace entre deux pistes, c’est-Ă -dire que l’on a un signal moins bon.

Avec un magnĂ©tophone stĂ©rĂ©o, on peut lire une piste mono Ă  condition que les tĂȘtes soient en face de la piste. Au pire, on utilise qu’une seule des pistes.

Si le magnĂ©tophone disposait de plus que deux pistes dans chaque sens, il faut un magnĂ©tophone multipiste, ce qui est un matĂ©riel professionnel. Dans ce cas, les pistes sont toutes dans le mĂȘme sens. La bande ne se retourne pas quand on arrive au bout.

Un autre piÚge, ce sont les réglages du magnétophone en fonction du type de bande. Si on dispose des boßtes originales des bandes, on trouve les indications. Sinon, il faut y aller par tùtonnement.

Un tout dernier point, certains magnĂ©tophones utilisaient un systĂšme de rĂ©duction de bruit, type Dolby. Il faut donc en tenir compte et utiliser le dĂ©codeur adĂ©quat. Avec les cassettes, c’est assez simple, avec les magnĂ©tophones Ă  bande, il faudra peut-ĂȘtre acquĂ©rir un dĂ©codeur sĂ©parĂ©.

Il a existé aussi des cartouches, sortes de grosses cassettes. Pour ces bandes, la difficulté sera de trouver un lecteur en bon état de marche.

En gros, rĂ©cupĂ©rĂ© des bandes anciennes, c’est compliquĂ©, sauf pour les cassettes.

Utilisation d’une copie dĂ©jĂ  numĂ©rique

Vous avez achetĂ© une copie numĂ©rique, ou vous avez procĂ©dĂ© vous-mĂȘme Ă  l’enregistrement. Si la musique est parfaite, n’y touchĂ©s pas. Mais c’est rarement le cas.

Il ne faut pas oublier que vous allez crĂ©er des tandas et que ces derniĂšres doivent ĂȘtre homogĂšnes. Pas question d’avoir un titre criard, suivi d’un titre sourd, puis un titre trĂšs fort et Ă  la limite de la distorsion et terminer sur un titre presque inaudible.

Un autre point consiste Ă  normaliser les dĂ©buts et les fins de morceaux. Pour ma part, j’ai 0,7 seconde au dĂ©but de tous mes morceaux et 3 secondes Ă  la fin de tous mes morceaux. Cela Ă©vite que deux morceaux se choquent, ou qu’il faille attendre 10 secondes entre deux titres.

Ordre des opérations pour le traitement des musiques numériques

  1. Faire une sauvegarde du support numĂ©rique pour revenir Ă  l’état initial en cas d’erreur.
  2. SĂ©lectionner une partie sans musique et avec le bruit de fond du disque. S’il y a des scratchs, les nettoyer auparavant, un par un, ou mieux, sĂ©lectionner une zone entre deux scratchs.
  3. Faire une empreinte du bruit de fond, de prĂ©fĂ©rence Ă  la fin du disque et la soustraire de l’enregistrement. ATTENTION Ă  ne pas soustraire uniformĂ©ment, mais seulement dans les frĂ©quences du bruit afin de ne pas toucher la musique (on peut activer 100 % pour les frĂ©quences trĂšs basses ou trĂšs hautes et doser les autres frĂ©quences en fonction de la musique). Cela demande un logiciel Ă©voluĂ©, pas du type Audacity qui applique l’empreinte de façon Ă©gale sur toutes les frĂ©quences). Il y a d’autres options Ă  prendre en compte, ce tutoriel est simplifié 
  4. Faire la mĂȘme chose avec une empreinte au dĂ©but du disque. Cependant, attention Ă  bien choisir le lieu, car souvent le dĂ©but du disque est abĂźmĂ© par l’impact de la pointe de lecture lors des Ă©coutes. L’empreinte ne sera pas reprĂ©sentative de l’état du disque sur son intĂ©gralitĂ©. Si le dĂ©but du disque n’est pas abĂźmĂ© (ou si l’original Ă©tait une matrice). Si la copie numĂ©rique ne comporte pas des bouts d’amorce au dĂ©but ou Ă  la fin, essayer d’utiliser un moment de silence. Attention Ă  ne pas prendre une partie avec un peu de son. Si c’est impossible, mettre Ă  zĂ©ro la dĂ©duction d’empreinte sur les frĂ©quences de la musique prĂ©sente dans cette sĂ©lection.
  5. Nettoyer les scratchs sur la musique. C’est un travail de patience. SĂ©lectionner le scratch et appliquer l’outil de correction sur les quelques millisecondes nĂ©cessaires. Il existe des plugins de suppression automatique de scratchs, mais ils sont souvent nĂ©fastes au message sonore. Il convient donc de ne pas en abuser.
    Ne pas utiliser la suppression de frĂ©quence pour limiter le bruit (mĂ©thode la plus courante), car cela se fait Ă©galement au dĂ©triment de la musique). C’est en revanche la seule mĂ©thode possible lors de la diffusion en direct, par exemple si le morceau « original » fourni pour une dĂ©mo est vraiment trop bruitĂ©.
  6. Revoir l’équilibre sonore du morceau. Cela consiste Ă  restituer la vitesse initiale (au cas oĂč l’original serait un disque 33 tours ou une copie numĂ©rique d’origine douteuse). On peut aussi jouer sur les frĂ©quences pour rĂ©harmoniser le morceau. Ce travail se fait de prĂ©fĂ©rence au casque. On vĂ©rifie que les instruments se distinguent bien. Je conseille de vĂ©rifier le rĂ©sultat Ă©galement sur une sono
 Plus le morceau sera propre et bien Ă©quilibrĂ© et le moins il y aura besoin d’intervenir en milonga pour adapter le volume et les frĂ©quences.
  7. Enregistrer le résultat dans un format numérique sans perte (Lossless).
  8. Éventuellement, faire une copie pour l’utilisation en milonga, au minimum MP3 Ă  320 kb/s si on n’a pas la place de conserver l’original en HD. Pour ma part, je diffuse de l’ALAC, Lossless, mais chaque fichier fait au moins 30 Mo


Exemple de morceau avec restauration :

Cet extrait est tirĂ© de « Violines gitanos » Musique : Enrique Maciel Orchestra Roberto Firpo Enregistrement Odeon 8949 5611, enregistrĂ© Ă  Buenos Aires le 21 mai 1930. On peut entendre l’enregistrement depuis le disque 78 tours original, avant et aprĂšs retouche des scratchs. https://youtu.be/ZZWpox_lGbg

Ce qu’il ne faudrait pas faire

Acheter de la musique dite « Remasterized ».

C’est dans presque tous les cas trĂšs, trĂšs mĂ©diocre, y compris dans les CD du commerce. Ces morceaux donnent l’impression que la musique est jouĂ©e dans une salle de bain. Les sons sont Ă©touffĂ©s. En un mot, c’est moche Ă  Ă©couter.

Cet extrait est tirĂ© de « Violines gitanos » Musique : Enrique Maciel Orchestra Roberto Firpo Enregistrement Odeon 8949 5611, enregistrĂ© Ă  Buenos Aires le 21 mai 1930. On peut entendre l’enregistrement depuis le disque 78 tours original, avant et aprĂšs retouche des scratchs.

Mais c’est aussi moche à voir


À gauche, le morceau brut. Il y a des dĂ©tails fins (qui peuvent ĂȘtre des bruits de disque, mais on voit que les frĂ©quences sont reprĂ©sentĂ©es. À droite, le traitement « Remasterized » qui est tant Ă  la mode maintenant et que l’on a pu Ă©couter dans l’extrait ci-dessus. On dirait que la musique est Ă©rodĂ©e, comme de la neige qui aurait fondu. Les cristaux de la musique sont dĂ©sormais de la soupe.

EspĂ©rer qu’un morceau en MP3 va donner un excellent FLAC.

Si je conseille d’enregistrer tout ce qu’on modifie dans un format Lossless, c’est juste pour ne pas perdre en qualitĂ© Ă  chaque enregistrement. Le morceau passĂ© de MP3 Ă  FLAC ne sera pas meilleur
 C’est juste qu’il ne se dĂ©gradera pas si on l’enregistre plusieurs fois.

Conclusion

Avoir la meilleure musique est un respect pour les danseurs et contrairement Ă  ce que certains disent, ils s’en rendent compte, mĂȘme de façon inconsciente.

Les sonorisateurs s’en rendent Ă©galement compte et cela permet d’instaurer une relation de confiance avec eux et ainsi, ils donnent un peu plus de libertĂ© au DJ pour intervenir sur la sonorisation. Ils apprĂ©cient d’avoir une prestation de niveau sonore toujours adaptĂ© et de ne pas avoir Ă  revoir sans cesse le volume, voire l’égalisation quand le DJ a des musiques d’origines diffĂ©rentes et incompatibles.

Le nettoyage des disques Shellac 78 tours

Les disques Shellac (gomme-laque), sont les disques 78 tours. Ceux qui ont accueilli la musique de l’ñge d’or du tango. Ce sont des tĂ©moins prĂ©cieux qu’il convient de prĂ©server.

Sur la diffusion de disques historiques en milonga

Certains DJ ont choisi de passer des disques 78 tours en milonga, ce qui est une pratique que je ne cautionne pas, car elle est dangereuse pour les disques et n’apporte absolument rien Ă  la qualitĂ© sonore de la prestation.
Elle est dangereuse, car les disques se cassent facilement et le passage répété de la pointe de lecture abßme le sillon et donc dégrade le signal sonore.
De plus, l’usage de disques hĂ©tĂ©rogĂšnes et avec un choix rĂ©duit (on ne peut pas transporter 600 disques Ă  une milonga) limite les possibilitĂ©s d’animation de la milonga.
Sans une pointe de snobisme de la part des danseurs, cette pratique n’existerait pas.

Je ne parle pas des DJ qui passent des vinyles, ces supports ont peu d’intĂ©rĂȘt en ce qui concerne la musique de l’Ăąge d’or, car ce sont des copies de copies et qu’il existe des enregistrements de bien meilleure qualitĂ© rĂ©alisĂ©s Ă  partir des originaux.
LĂ , au snobisme, se rajoute la diffusion d’une musique de qualitĂ© mĂ©diocre, souvent noyĂ©e dans de la rĂ©verbĂ©ration outrĂ©e.

Prendre soin de ses disques

Le premier soin est de ne pas utiliser inutilement le disque. Il convient d’en faire une copie de sauvegarde, celle qui gardera l’état optimal de la copie Ă  disposition.
On gardera le disque pour un usage ultérieur, par exemple si la technique de numérisation a progressé, mais en dehors de cela, on le laissera tranquille.
Je partage ici quelques conseils pour vous permettre de tirer le meilleur parti de ces disques, si vous avez la chance d’en trouver en bon Ă©tat. Cependant, cela devient de plus en plus difficile.

Rien n’est Ă©ternel, les disques 78 tours non plus

Les disques 78 tous en gomme laque sont fragiles. Ils se cassent facilement en tombant. Il convient donc de les manipuler avec soin.
La matiĂšre, elle-mĂȘme peut se dĂ©grader au contact de l’air, de l’humiditĂ©, de solvants, par usure, abrasion ou en se couvrant de poussiĂšre ou autres matiĂšres.
Un autre ennemi pernicieux est le scotch que l’on utilise parfois pour rĂ©parer les pochettes.
Il y a aussi les éventuels débris alimentaires et autres déchets organiques, les moisissures.

Bien conserver les disques

L’idĂ©al serait de placer les disques dans des pochettes non acides en polypropylĂšne sans acide ou en papier Perma/Dur, sans acide, sans lignine et avec rĂ©serve alcaline (pour lutter contre l’aciditĂ© prĂ©sente).
En effet, l’aciditĂ© du papier original fait que les pochettes peuvent endommager la surface du disque et donc le son qu’il porte.
Des pochettes sans acides sont donc essentielles. Les pochettes originales sont par ailleurs souvent dĂ©gradĂ©es, cassantes et les conserver n’est pas aussi indispensable dans la mesure oĂč la majoritĂ© est sans aucune indication, les informations Ă©tant sur l’étiquette du disque, visible par le trou central de la pochette. Celles qui sont dĂ©corĂ©es ont un intĂ©rĂȘt, mais elles sont les mĂȘmes pour tous les disques d’une mĂȘme Ă©poque et du mĂȘme Ă©diteur. On peut donc conserver celles dans le meilleur Ă©tat, sĂ©parĂ©ment ou les conserver pour si on souhaite revendre un jour sa collection.
Il existe Ă©galement des albums ou des boĂźtes permettant de ranger quelques dizaines de disques. C’est une bonne solution pour l’archivage.

Pochettes et boĂźtes d’archivages non acides et avec rĂ©serve alcaline. L’idĂ©al pour prĂ©server les disques historiques.

Les disques se rangent de toute façon de façon verticale. LégÚrement serrés, mais pas compressés.
L’humiditĂ© doit ĂȘtre modĂ©rĂ©e (infĂ©rieure Ă  50 %), la lumiĂšre doit ĂȘtre attĂ©nuĂ©e et le lieu suffisamment ventilĂ©. En fait, ce sont les conditions de conservation idĂ©ale de beaucoup de choses

Faites attention au mobilier qui contient les disques. Ce serait dommage de leur offrir des pochettes spéciales et de les mettre dans une armoire dégageant du formaldéhyde à grosses doses.

Procédure de numérisation des disques Shellac

Avant de ranger les disques dans les nouvelles pochettes, il convient de les nettoyer.
Je conseille donc d’opĂ©rer de la façon suivante :

  1. Identification et saisie du disque dans la base de données
  2. Photographie recto verso de l’étiquette
  3. Nettoyage du disque (voir ci-dessous)
  4. NumĂ©risation du disque Format sans perte (WAV, AIFF, FLAC ou ALAC) 44 ou 48kHz 32 bits. Des valeurs supĂ©rieures n’ont aucun intĂ©rĂȘt car il n’y a pas de signal supĂ©rieur Ă  20 kHz (voire 15kHz) sur les disques de pĂąte.
  5. Rangement du disque dans les pochettes et boĂźtes
  6. Complément de la base de données (référence de la boßte).
  7. Édition des tags de l’enregistrement numĂ©rique

Nettoyer le disque

L’étape 3 du processus annoncĂ© ci-dessus consiste Ă  mettre le disque en condition pour sa numĂ©risation et son archivage ultĂ©rieur.

Examen du disque Ă  nettoyer

La premiĂšre chose Ă  faire est de vĂ©rifier que le disque n’est pas fendu et qu’il n’y a pas des endroits oĂč la gomme-laque s’est dĂ©gradĂ©e. Si c’est le cas, il va falloir ĂȘtre trĂšs prĂ©cautionneux. Pour ma part, il m’est arrivĂ© de sacrifier une des faces du disque pour sauver l’autre face. Par exemple, si le disque est cassĂ© et que les sillons d’un des cĂŽtĂ©s sont trop endommagĂ©s.
J’utilise la face sacrifiĂ©e pour renforcer le disque, afin que le sillon de la face choisie soit parfaitement continu et que le disque soit aussi plat que possible. L’armature crĂ©Ă©e pour renforcer le disque est idĂ©alement dĂ©montable, mais ce n’est pas toujours le cas. J’ai ainsi pu numĂ©riser des disques qui Ă©taient en plusieurs morceaux.

Mais revenons au processus le plus courant.

  1. Identifier la matiĂšre du disque. Si on a dĂ©jĂ  restaurĂ© des disques de la mĂȘme Ă©poque et du mĂȘme Ă©diteur, les procĂ©dĂ©s prĂ©cĂ©demment utilisĂ©s devraient ĂȘtre efficaces.
  2. DĂ©poussiĂ©rer le disque avec un aspirateur muni d’une brosse adaptĂ©e (poils antistatiques, idĂ©alement en fibre de carbone). Évidemment, ne pas utiliser cette brosse pour d’autres usages. Attention, ne surtout pas frotter. Si vous touchez la surface, faites-le dans le sens des sillons.
Pour aspirer la poussiĂšre d’un disque, on peut utiliser un aspirateur avec une brosse adaptĂ©e (poils en fibre de carbone, par exemple).
  1. VĂ©rifier que la surface du disque est en bon Ă©tat.
  2. Si aprĂšs aspiration et nettoyage, le disque semble propre, essayer de l’écouter.
  3. RĂ©glez l’égalisation dans votre systĂšme si vous avez d’autres courbes disponibles que la RIAA sur votre prĂ©ampli phono. Si ce n’est pas le cas, vous gĂ©rerez cela sur le fichier numĂ©risĂ©.
  4. Vérifier la propreté du diamant (utiliser une brosse adaptée).
  5. Placer le disque sur la platine
  6. Donner un coup de brosse antistatique en faisant tourner le disque
La brosse avec des poils en fibre de carbone permet d’enlever la poussiĂšre. L’idĂ©al est de faire tourner le disque en maintenant la brosse en appui trĂšs lĂ©ger sur le disque.
  1. Essayez de faire une premiĂšre copie du disque.
  2. Si la copie est bonne et ne semble pas devoir ĂȘtre amĂ©liorĂ©e, c’est terminĂ©.
  3. Si vous pensez qu’il va falloir pousser le nettoyage, gardez la copie en sĂ©curitĂ© et passez aux Ă©tapes de nettoyage, suivantes.
  4. Placez le disque sur une vieille platine qui ne sert pas Ă  la reproduction des disques et qui ne craint pas des accidents Ă©ventuels avec les liquides.
  5. Procédez au nettoyage humide du disque Shellac.
    Le nettoyage humide est trĂšs efficace, mais il y a deux points trĂšs importants Ă  prendre en compte :
  • Il ne faut surtout pas utiliser d’alcool qui dĂ©grade la laque et donc choisir un liquide adaptĂ©.
    • Il ne faut pas mouiller l’étiquette.

Il existe dans le commerce des liquides pour le nettoyage des disques. Le plus inoffensif est l’eau distillĂ©e. Bien sĂ»r, on ne plonge pas le disque directement dans le liquide, mais on dĂ©pose un film uniforme sur la surface du disque en Ă©vitant de mouiller l’étiquette. À l’aide d’une brosse ou tampon en microfibre, on rĂ©partit le liquide sur le disque en faisant tourner la platine Ă  la main en prenant garde de ne pas sortir de la direction du sillon avec la brosse.
Lorsque toute la surface est recouverte d’un fin film de liquide, mettez la platine en rotation (16 ou 33 tours/minute) en appliquant lĂ©gĂšrement la brosse en microfibre.
La brosse crée un petit bourrelet en amont de son passage, ce qui aide à déloger la saleté.
Si l’eau distillĂ©e ne vient pas Ă  bout des rĂ©sidus sur le disque, utilisez un produit adaptĂ©. Par exemple : Clearaudio Pure Groove Shellac.

VĂ©rifiez que le produit porte bien la mention Shellac, car la plupart des magasins vendent du produit pour vinyle qui contient de l’alcool et qui dĂ©truirait votre disque 78 tours.
En revanche, le produit spĂ©cial pour Shellac peut ĂȘtre utilisĂ© sans inconvĂ©nient pour les disques vinyle.

Le produit s’applique comme dĂ©crit pour l’eau distillĂ©e.

Solution pour disque Shellac (vérifier la mention sur la bouteille) et une brosse avec tampons en microfibre).
  1. Le séchage du disque est une étape importante. Pas question de le laisser humide plus longtemps que nécessaire.
    Utilisez un chiffon non pelucheux et, là encore, toujours agir dans le sens du sillon. Le but est d’enlever le plus possible de produit de nettoyage.
  2. Rincez le disque Ă  l’eau distillĂ©e propre. Il faut donc la changer trĂšs souvent (ne pas traiter 50 disques avec la mĂȘme eau).
    Si vous disposez d’une cuve à ultrason assez profonde, vous pouvez positionner le disque de façon qu’il trempe dans la cuve en mettant un axe en travers de la cuve.
    Mettez les ultrasons en fonctionnement et faites tourner trĂšs lentement le disque.
    Attention Ă  ce que l’eau distillĂ©e ne coule pas sur l’étiquette (essuyez le disque au fur et Ă  mesure) qu’il sort de l’eau distillĂ©e).
Le disque est plongĂ© dans la cuve Ă  ultrason, mais attention, l’étiquette ne doit pas ĂȘtre immergĂ©e. Il convient donc de ne pas trop pousser la puissance des ultrasons pour Ă©viter les Ă©claboussures. Comme les cuves sont trĂšs grandes, il faut de grosses quantitĂ©s d’eau distillĂ©e. Ce n’est pas rĂ©ellement un inconvĂ©nient, cela permet d’espacer les remplacements de l’eau.
  1. Essuyez le disque Ă  l’aide de chiffons non pelucheux (diffĂ©rents de celui utilisĂ© pour Ă©ponger le liquide de nettoyage
). Veillez Ă  ne pas mouiller l’étiquette dans la manipulation.
  2. Laisser le disque terminer de sĂ©cher en le positionnant verticalement. (veiller Ă  ce que les supports ne touchent que les bords du disque et l’étiquette).
  3. Si vous avez un aspirateur avec une brosse en fibre de carbone dédiée à cet usage, vous pouvez accélérer le séchage en passant la brosse dans le sens du sillon.
  4. Lorsque le disque est parfaitement sec, vous pouvez reprendre la numérisation du disque aprÚs avoir vérifié que la pointe de lecture était propre. Vous devez bien sûr utiliser une autre platine que celle utilisée pour le nettoyage


Voilà, votre précieux disque est désormais sauvegardé. Il peut attendre sagement dans sa pochette et son boitier sécurisés que vous en ayez besoin. Mais en attendant, utilisez la merveilleuse copie numérique que vous avez réalisée.

La restauration et la sauvegarde de la musique historique est un devoir.

Les styles du tango

El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944.

Il semble que tout a Ă©tĂ© dit sur les styles de tango. Je vous propose cependant un petit point, vu essentiellement sur l’aspect du tango de danse.

Ce qu’il convient de prendre en compte, c’est que les pĂ©riodes gĂ©nĂ©ralement admises sont en fait toutes relatives.

Les orchestres ont, selon les cas, continuĂ© un style qui leur rĂ©ussissait au-delĂ  d’autres orchestres et a contrario, d’autres ont innovĂ© bien avant les autres, voire, sont revenus en arriĂšre, remettant en avant des Ă©lĂ©ments disparus depuis plusieurs dĂ©cennies.

On peut donc avoir deux enregistrements contemporains appartenant Ă  des courants forts diffĂ©rents. C’est particuliĂšrement sensible Ă  partir des annĂ©es 50, oĂč la baisse de la pratique de danse a incitĂ© les orchestres Ă  dĂ©velopper de nouveaux horizons, souvent en rĂ©chauffant des plats plus anciens.

Les origines (avant le tango)

Il ne s’agit pas ici de trancher dans un des nombreux dĂ©bats entre spĂ©cialistes des origines. Du strict point de vue de la danse, les premiers tangos sont proche du style habanero et par consĂ©quent, c’est plus du cĂŽtĂ© des habaneras qu’il convient de trouver la forme de danse.

La habanera

Vous connaissez ce rythme. DaaaTadaTaDaaa

Pour ceux qui ne sont pas lecteurs de la musique, les barres rouges (croches pointĂ©es) correspondent Ă  3 unitĂ©s temporelles relatives (double croche), les barres bleues Ă  une unitĂ© temporelle (double croche) et les barres vertes Ă  une unitĂ© temporelle (croche). Les barres sont donc proportionnelles Ă  la durĂ©e des notes. Au dĂ©but de la portĂ©e, il y a l’indication 2/4. Cela signifie qu’il y a deux noires par mesure (espace entre deux barres verticales). Les croches valent la moitiĂ© d’une noire en durĂ©e et les doubles croches la moitiĂ© d’une croche. VoilĂ , vous connaissez la lecture du rythme en musique (ou pas
).
Rythme de la habanera au piano. retrouvez le DaaaTadaTaDaaa…

La habanera porte ce nom, car c’est une restitution d’un rythme cubain. L’inventeur du genre est SebastiĂĄn de Iradier qui a composĂ© El arreglito (le petit arrangement) oĂč il joue avec ce rythme. En voici un extrait et je suis sĂ»r que cela va vous rappeler quelque chose.

Axivil Criollo – El Arreglito – Compositeur SebastiĂĄn de Iradier vers 1840.

Avez-vous trouvé ?

Oui, vous avez trouvĂ©. Ce cher Georges Bizet a piquĂ© la musique de SebastiĂĄn de Iradier.

Teresa Berganza chante la Habanera de Carmen de Bizet (le copieur 😉

Ce rythme, trĂšs prĂ©sent dans les premiers tangos, est devenu plus discret, sauf pour les milongas qui l’ont largement exploitĂ©.

Dans la milonga criolla (ici par l’orchestre de Francisco Canaro 1936-10-06), on reconnait parfaitement le rythme de la habanera qui a Ă©tĂ© accĂ©lĂ©rĂ©e et est devenue une des pierres de construction des milongas.

Lorsque le tango de danse a perdu de son Ă©lan, les orchestres sont revenus Ă  ces formes traditionnelles, au point que les compositeurs l’on rĂ©introduit trĂšs largement.

Autres apports

En parallÚle, des formes chantées, notamment par les payadors et des danses, traditionnelles, voire tribales, ont influencé ces prémices, donnant une grande richesse à ce qui deviendra le tango, notamment à travers ses trois formes dansées, le tango, la milonga et la valse.

Les payadors

On lit parfois que Gardel Ă©tait un payador. Cependant, mĂȘme s’il Ă©tait ami de JosĂ© Bettinotti, il n’a pas Ă©tĂ© directement l’un de ces chanteurs qui s’accompagnaient Ă  la guitare en improvisant. Cependant, l’influence des payadors est indĂ©niable pour le tango, comme vous pouvez en juger. Par cet extrait, qui avec ses relents d’habanera pourrait s’approcher d’une milonga lente ou d’un canyengue.

José Bettinotti, El cabrero circa 1913

Exemple d’influence africaine

Parmi les sources, on met en avant des origines africaines. MĂȘme si l’Argentine n’a pas Ă©tĂ© une terre d’esclavage trĂšs marquĂ©e, contrairement Ă  beaucoup d’autres payĂ©s du continent amĂ©ricain, il y a eu une communautĂ© d’origine africaine relativement importante au XIXe siĂšcle. Celle-ci s’est attĂ©nuĂ©e par l’Ă©migration, les mariages avec des populations d’autre origines et quelques faits guerriers oĂč ils ont servi de chair Ă  canon.

MĂȘme si l’Argentine a absorbĂ© des Ă©lĂ©ments, c’est plutĂŽt la province de l’Est, l’Uruguay qui a le plus Ă©tĂ© influencĂ© par ces musiques, notamment les percussions.

Candombe solo para Uruguayos – Hugo Fattoruso – “Caminando” , Toma de Sonido Dario Ribeiro

Le candombé et la milonga candombé se retrouvent à la mode dans les années 50, bien avant que Juan Carlos Cacéres relance la mode.

Siga el baile 1953-10-28 – Alberto Castillo y su Orquesta TĂ­pica dirigĂ© par Ángel Condercuri.

La dĂ©nomination “tango” est souvent associĂ©e Ă  la dĂ©formation de “tambo” et dĂ©signait des lieux ou la communautĂ© noire dansait. Il faut voir un jugement nĂ©gatif par la bonne sociĂ©tĂ© blanche. Le terme est devenu synonyme de bamboche, de dĂ©bauche, ou pour le moins de moeurs lĂ©gĂšres. La musique des faubourgs, mĂȘme si elle n’Ă©tait pas issue des Africains a hĂ©ritĂ© de ce vocable pĂ©joratif, lorsque le tango s’est dĂ©veloppĂ© dans les bordels et autres lieux choquants pour la bonne sociĂ©tĂ©.

Les origines européennes

L’immigration europĂ©enne a apportĂ© sa musique. Pour el vals, mĂȘme criollo, on est trĂšs proche de la valse et des artistes comme Canaro ont mĂȘme adoptĂ© des valses viennoises.

Pour la milonga, c”est un peu moins Ă©vident de retrouver des sources europĂ©ennes, si ce n’est que la mode de la habanera en Europe et les Ă©changes dans le monde latinoamĂ©ricain ont favorisĂ© sa diffusion. La habanera symbolisait le marin pour l’Europe. La milonga, on devrait mĂȘme Ă©crire les milongas sont une salsa, un mĂ©lange d’influences.

Les dĂ©buts du tango dans les faubourgs et les milieux interlopes ont conduit celui-ci Ă  des formes assez populaires, voire outrĂ©es que le canyengue d’aujourd’hui a du mal Ă  retraduire en totalitĂ©.

La naissance européenne

Disons-le, tout bonnement, ce tango d’avant le tango n’est pas au sens strict du tango. À cela se rajoute que les rares enregistrements de l’époque ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s par voie acoustique et qu’ils ne sont donc pas du tout adaptĂ©s Ă  nos oreilles contemporaines.

Voir les progrĂšs de l’enregistrement pour plus d’informations sur l’enregistrement acoustique.

Vus les lieux oĂč le tango Ă©tait jouĂ© et malgrĂ© la frĂ©quentation par des ninos bien (jeunes hommes de bonne famille), le tango ne s’est pas fait une place importante en Argentine avant d’acquĂ©rir ses lettres de noblesses en Europe et notamment en France.

Le style du tango, avant le tango…

Avant 1926, date des premiers enregistrements Ă©lectriques, pas d’enregistrements utilisables en danse.

Argañaraz – Orquesta TĂ­pica Criolla Alfredo Gobbi (1913)

Comme vous pouvez vous en rendre compte, le style sommaire et monotone de la musique est renforcĂ© par l’obligation de jouer de façon assez forte et peu nuancĂ©e pour que le pavillon puisse graver le support d’enregistrement. On retrouve cependant certains Ă©lĂ©ments « Canyengue » que l’on connaĂźt par les enregistrements Ă©lectriques.

Je vous propose Ă  titre d’exemple, Zorro gris un enregistrement Ă©lectrique de 1927 par Francisco Canaro.

Zorro gris 1927-08-22, Francisco Canaro (enregistrement Ă©lectrique).

La vieille garde (Guardia vieja)

Gobbi et Canaro, dans la premiĂšre partie de leur carriĂšre, sont des reprĂ©sentants de ce que l’on a nommĂ© la vieille garde. On ne peut pas rĂ©duire cela au canyengue, car dĂšs les annĂ©es 20 des rythmes diffĂ©rents avaient vu le jour. Se dĂ©tachant progressivement du style claudicant du canyengue, les orchestres abandonnent la habanera, accĂ©lĂšrent le rythme. Des titres en canyengue deviennent des milongas, comme par exemple : Milonga de mis amores, ici dans la version de Canaro en 1937 et qui a encore des accents de canyengue :

Extrait de Milonga de mis amores 1937-05-26, Francisco Canaro

contrairement Ă  la version de la mĂȘme annĂ©e par Pedro Laurenz :

Extrait de Milonga de mis amores 1937-07-14, Pedro Laurenz canta HĂ©ctor Farrel

Ou celle du mĂȘme de 1944 :

Extrait de Milonga de mis amores 1944-01-14, Pedro Laurenz

Des orchestres anciens Ă©voluent, comme Di Sarli ou d’Arienzo, notamment Ă  l’arrivĂ©e de Biagi dans l’orchestre et on arrive Ă  la grande pĂ©riode du tango, l’Ăąge d’or.

L’ñge d’or (Edad de oro)

C’est la pĂ©riode considĂ©rĂ©e comme la plus adaptĂ©e au tango de danse. C’est logique, car Ă  l’époque, le tango Ă©tait une danse Ă  la mode et chaque semaine, plusieurs orchestres se produisaient.

El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944. En rouge, les 4 piliers se produisent le mĂȘme jour (Hoy). En bleu des orchestres de second plan, tout Ă  fait dansables et en vert, des orchestres un peu moins pertinents pour la danse.

On voit l’énorme choix qui s’adressait aux danseurs. Les musiciens jouaient ensemble plusieurs fois par semaine et il y avait un climat d’émulation pour ne pas dire de compĂ©tition entre les orchestres.

On remarquera qu’en face de chacun des orchestres de tango, il y a un orchestre de « Jazz ». En effet, les bals de l’époque jouaient des genres variĂ©s et les orchestres se spĂ©cialisaient.

Certains comme Canaro avaient deux orchestres, ce qui lui permettait d’assurer les deux aspects de la soirĂ©e. D’ailleurs, Canaro utilise des cuivres dans son orchestre de tango, il jouait donc de la limite entre les deux formations. Vous avez pu Ă©couter cela dans l’extrait de Milonga de mis amores, ci-dessus.

Chaque orchestre se distinguait par un style propre. Certains Ă©taient plus intellectuels, comme Pugliese ou De Caro, d’autres plus joueurs, comme Rodriguez ou D’Arienzo, d’autres plus romantiques, comme Di Sarli ou Fresedo et d’autres plus urbains, comme Troilo.

Aujourd’hui, dans les milongas, le DJ s’arrange pour proposer ces quatre orientations pour Ă©viter la monotonie et contenter les diffĂ©rentes sensibilitĂ©s des danseurs.

MĂȘme si la production de l’époque est essentiellement tournĂ©e vers la danse, il y a Ă©galement une production pour l’écoute.

Sur les disques de l’époque, il est facile de faire la diffĂ©rence, notamment pour les tangos avec chanteur. En effet, un tango Ă  danser est indiquĂ© : Nom de l’orchestre canta ou estribillo cantado por Nom du chanteur. Un tango Ă  Ă©couter est indiquĂ© Nom du chanteur y su orquesta dirigido por ou con (avec) Nom de l’orchestre.

Nous n’entrerons pas dans les dĂ©tails en ce qui concerne les styles des orchestres de l’ñge d’or, cela fait l’objet d’un de mes cycles de cours/confĂ©rence (mini 3 h, voire 6 h). Il convient seulement de savoir reconnaĂźtre le tango de danse et de savoir apprĂ©cier les diffĂ©rences de style entre les orchestres.

Pour les DJ, il est important de tenir compte de l’évolution des styles du mĂȘme orchestre. Il est souvent moins grave de mĂ©langer deux orchestres enregistrĂ©s Ă  la mĂȘme Ă©poque que de mĂ©langer deux enregistrements d’époques stylistiquement diffĂ©rentes du mĂȘme orchestre.

Tango Nuevo

C’est celui initiĂ© par De Caro, repris ensuite par Troilo, Pugliese et Piazzolla, par exemple. Il est encore trĂšs vivant, notamment chez les orchestres de concert.

À noter que Pugliese et Troilo sont bien sĂ»r des piliers du tango de bal et que leurs incursions nuevos, pas toujours pour la danse, ne doivent pas masquer leur importance dans le bal traditionnel.

N’oublions pas que Pugliese a aussi bien enregistrĂ© du canyengue, que du tango classique avant de faire du Nuevo
 Curieusement, le tango dit nuevo reprend souvent des motifs les plus anciens, notamment la habanera des tout premiers titres du XIXe siĂšcle.

Tango Electronico

Style Gotan Project. Il se caractĂ©rise principalement par une batterie et l’utilisation d’instruments Ă©lectroniques. Curieusement, il est parfois assez proche, d’un point de vue rythmique, du tango musette qui est l’évolution europĂ©enne et notamment franco-italienne, du tango du dĂ©but du XXe siĂšcle.

Comme DJ, j’Ă©vite et en tout cas je n’en abuse pas car cette musique est trĂšs rĂ©pĂ©titive et ne covient pas aux danseurs avancĂ©s. Cependant, il faut reconnaĂźtre que cette musique a fait venir de nouveaux adeptes au tango.

Tango alternatif

Le tango alternatif consiste Ă  danser avec des repĂšres « tango » sur des musiques qui ne sont absolument pas conçues comme telles.

Par exemple, la Colegiala de Ramirez est un tango alternatif, puisqu’on le danse en “milonga” alors que c’est un fox-trot.

Certains DJ européens placent des zambas que les danseurs dansent en tango. Quel dommage quand on sait la beauté de la danse.

N’oublions pas la dynamique « nĂ©otango » qui consiste Ă  danser sur toute musique, chanson, de tout style et de toute Ă©poque. Cela ouvre des horizons immenses, car la trĂšs grande majoritĂ© de la musique actuelle est Ă  4 temps et permet donc de marcher sur les temps.

Ce qui manque souvent Ă  cette musique, c’est le support Ă  l’improvisation. On peut lui reconnaĂźtre une forme de crĂ©ativitĂ© dans la mesure oĂč elle permet / oblige de sortir des repĂšres et donc d’innover. Mais est-t-il vraiment possible d’innover en tango ? C’est un autre dĂ©bat.

Pourquoi l’ñge d’or est bien adaptĂ© Ă  la danse

Si on Ă©tudie un tango de l’ñge d’or, on y dĂ©couvrira plusieurs qualitĂ©s favorisant la danse :

  • La musique a plusieurs plans sonores. On peut choisir de danser sur un instrument (dont le chanteur), puis passer Ă  un autre. On peut aussi choisir de danser uniquement la marcation (tempo). Les instruments se rĂ©pondent. On peut ainsi se rĂ©partir les rĂŽles avec les partenaires en reconstituant le dialogue en le dansant.
  • La musique se rĂ©pĂšte plusieurs fois, mais avec des variations. Cela permet de dĂ©couvrir le tango au cas oĂč il ne serait pas connu et la seconde fois, l’oreille est plus familiĂšre et l’improvisation est plus confortable. Cette reprise est en gĂ©nĂ©ral diffĂ©rente de la premiĂšre exposition, mais reste tout Ă  fait comparable. Par exemple, la premiĂšre fois le thĂšme est jouĂ© au violon ou au bandonĂ©on et la seconde fois, c’est le rĂŽle du chanteur ou d’un autre instrument. Si c’est le mĂȘme instrument, il y aura de lĂ©gĂšres diffĂ©rences dans l’orchestration qui rendra l’écoute moins monotone.
  • Les changements de rythme, phrases, parties, sont annoncĂ©s. Un danseur musicien ou exercĂ© sait reconnaĂźtre les parties et peut « deviner » ce qui va suivre, ce qui lui permet d’improviser plus facilement sans dĂ©router sa partenaire. Je devrais plutĂŽt mettre cela au pluriel, car les deux membres du couple participent Ă  l’improvisation. Si la personne guidĂ©e a envie d’appuyer, de marquer un Ă©lĂ©ment qui va arriver, elle a le temps d’alerter le guideur pour qu’il lui laisse un espace. Les musiques alternatives ou des musiques d’inspiration pus classiques, comme certaines compositions de Piazzolla » proposent souvent des surprises qui font qu’elles ne permettent pas de deviner la suite, ou au contraire, sont tellement rĂ©pĂ©titives, que quand revient le mĂȘme thĂšme de façon identique et mĂ©canique, les danseurs n’ont pas de nouvelles idĂ©es et finissent par tomber dans une routine. Évidemment, les danseurs qui n’écoutent pas la musique et qui se contentent de dĂ©rouler des chorĂ©graphies ne verront pas de diffĂ©rences entre les diffĂ©rents types de tango. Ceci explique le succĂšs des pratiques neotango auprĂšs des dĂ©butants, mĂȘme si ces bals ont aussi du succĂšs auprĂšs de danseurs plus affirmĂ©s. En revanche, on ne fera jamais danser, mĂȘme sous la menace, un PortĂšgne sur ce type de musique, en tout cas, en tango


Ne faut-il danser que sur des tangos de l’ñge d’or ?

Non, bien sĂ»r que non. Les canyengues et la vieille garde comportent des titres sublimes et trĂšs amusants ou intĂ©ressants Ă  danser. Certains danseurs sont prĂȘts Ă  danser plusieurs heures d’affilĂ© sur ces rythmes. Cependant, un DJ qui passerait ce genre de musique de façon un peu soutenue Ă  Buenos Aires se ferait Ă©charper


Quelques musiques modernes donnent des idĂ©es agrĂ©ables Ă  danser. Pour ma part, je propose souvent une tanda de valses « originales ». Le rythme Ă  trois temps de la valse reste le mĂȘme que pour les tangos traditionnels et le besoin d’improvisation est moins important, car il s’agit surtout de
 tourner.

MĂȘme si les danseurs avancĂ©s aiment moins danser sur les d’Arienzo des annĂ©es 50 ou postĂ©rieures, ils n’y rechignent pas toujours et l’énergie de ces musiques plaĂźt Ă  de trĂšs nombreux danseurs. C’est donc un domaine Ă  proposer aux danseurs. D’ailleurs, les orchestres qui font Ă  la maniĂšre de du d’Arienzo sont particuliĂšrement nombreux. C’est bien le signe que c’est toujours dans l’air du temps.

Pour terminer, je prĂ©cise que je suis DJ et que par consĂ©quent, mon travail est de rendre les danseurs heureux. J’adapte donc la musique Ă  leur sensibilitĂ©.

Pour un DJ rĂ©sident, en revanche, il est important d’ouvrir les oreilles des habituĂ©s. Dans certains endroits, le DJ met toujours le mĂȘme type de musique, pas forcĂ©ment de la meilleure qualitĂ© pour la danse. Le problĂšme est qu’il habitue les danseurs Ă  ce type de musique et que quand ces derniers vont aller dans un autre endroit, ils vont ĂȘtre dĂ©routĂ©s par la musique.

L’innovation, c’est bien, mais il me semble qu’il faut toujours garder un fond de culture « authentique » pour que le tango reste du tango.

Carlos Gardel, enfant de France

Carlos Gardel Ă  Albi en 1934

MĂȘme si la polĂ©mique semble Ă©teinte, il reste quelques foyers de rĂ©sistance refusant encore d’attribuer la naissance de Carlos Gardel Ă  Toulouse.

Article publiĂ© le 14 NOVEMBRE 2016 sur l’ancien site
Depuis, un excellent site a vu le jour sur le sujet (Musée virtuel Gardel). Vous y trouverez des compléments.

Dans cette mise Ă  jour, j’y fais quelques liens et rĂ©fĂ©rences. 

La dispute sur la nationalité de Gardel

Plusieurs documents irrĂ©futables existent pour prouver la nationalitĂ© d’origine de Carlos Gardel. Ils sont plus solides que les documents Uruguayens qui sont des dĂ©clarations trĂšs largement postĂ©rieures Ă  la naissance de Gardel et qui avaient probablement des buts du genre, se faire oublier pendant la premiĂšre guerre mondiale oĂč il aurait Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme dĂ©serteur, car nĂ© français et pour Ă©viter (en 1920) certaines poursuites en se rendant blanc comme
 plĂątre (escayola) en s’inventant une filiation comme  Â» Carlos Escayola Â» fils de Carlos Escayola et MarĂ­a Gardel, ce Carlos Escayola Ă©tant rapprochĂ© d’un fils d’un second mariage d’un Colonel Carlos Escayola nĂ© en 1876 (soir 14 ans plus vieux que l’ñge français de Gardel). À noter que les deux « parents Â» sont morts Ă  la date de l’établissement de ces documents, ce qui semble pratique et peut convaincre qu’ils n’avaient pas connaissance de ce rejeton encombrant


Consultez les documents du Musée virtuel Gardel sur la position militaire de Garde.

« En 1920 la compañía de Rosas lo convocĂł para viajar a España por una temporada teatral. Él estaba indocumentado, porque el hecho de no concurrir a la embajada para registrarse como ciudadano francĂ©s le impidiĂł recibir la cartilla militar y el registro en gendarmerĂ­a. Entonces, Ă©l decidiĂł en 1920 inscribirse en el consulado uruguayo amparĂĄndose en una legislaciĂłn muy particular para sĂșbditos uruguayos residentes en otros paĂ­ses. Se registrĂł como uruguayo nacido en TacuarembĂł tres años antes de su verdadero nacimiento: se anotĂł como nacido el 11 de diciembre pero de 1887. En vez de poner Gardes, se inscribiĂł como Gardel, su nombre artĂ­stico.«  En 1920, la compagnie de Rosas l’invite Ă  voyager en Espagne pour une tournĂ©e thĂ©Ăątrale. Il Ă©tait sans papier car il n’était pas allĂ© se faire enregistrer Ă  l’ambassade comme citoyen français et n’a donc pas reçu ses papiers (sinon, il aurait du partir faire la guerre en 1918 et aurait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© comme dĂ©serteur s’il l’avait fait par la suite). Ainsi, dĂ©cida-t-il de s’inscrire au consulat uruguayen en vertu d’une lĂ©gislation spĂ©ciale pour les sujets uruguayens rĂ©sidant dans d’autres pays. Il a Ă©tĂ© inscrit comme Ă©tant nĂ© Ă  TacuarembĂł, trois ans avant sa date de naissance rĂ©elle, le 11 dĂ©cembre de 1887. Au lieu de choisir Gardes, il pris son nom d’artiste, Gardel.

On attribue souvent Ă  ce manquement Ă  ses obligations militaires en France, la composition de silencio

« Dice la « leyenda Â», que Carlos Gardel y Alfredo Le Pera visitaron en Francia la tumba de 5 hermanos y su madre, que habrĂ­an muerto durante la Gran Guerra de 1914-18. Y que quedaron tan impresionados por lo visto, que esa misma noche compusieron la canciĂłn.«  La lĂ©gende prĂ©tend que Carlos Gardel et Alfredo La Pera visitĂšrent en France la tombe de cinq frĂšres et leur mĂšre, tuĂ©s pendant la grande guerre 14-18 et qu’ils ont Ă©tĂ© tellement impressionnĂ©s par cette visite qu’ils Ă©crivirent la chanson la nuit mĂȘme.

Vous trouverez en bas de page, des liens vers divers documents, comme des cartes postales Ă©crites Ă  sa famille française, cartes difficiles Ă  expliquer s’il Ă©tait effectivement uruguayen


Revenons donc aux documents originaux, Ă©tablis au noms de Charles Gardes :

Les preuves de la naissance Ă  Toulouse d’un Charles Gardes

Acte de naissance de Charles Romuald Gardes à l’hîpital de la Grave à Toulouse

Acte de naissance de Charles Romuald Gardes Ă  l’hĂŽpital de la Grave Ă  Toulouse Cet acte indique que le 11 dĂ©cembre 1890, Charles Romuald est nĂ© Ă  deux heures du matin Ă  l’hĂŽpital de la Grave.
Copie littĂ©rale de l’acte de naissance de Charles Romuald Gardes Ă  l’hĂŽpital de la Grave Ă  Toulouse Cet acte indique que le 11 dĂ©cembre 1890, Charles Romuald est nĂ© Ă  deux heures du matin Ă  l’hĂŽpital de la Grave.
Registre de l’hospice de la Grave avec le nom de la mĂšre de Charles Gardes.

Acte de BaptĂȘme de Carlos Gardel

Acte de baptĂȘme de Carlos Gardel, le 11 dĂ©cembre, lendemain de sa naissance.

Ces quatre documents incontestables prouvent qu’un enfant de sexe male est nĂ© Ă  Toulouse et qu’il s’appelait Charles Romuald Gardes. Reste Ă  prouver que ce bambin est bien allĂ© en Argentine.

Le document témoignant de son entrée en Argentine

Ce titre est Ă©mis par la Direction GĂ©nĂ©rale de l’immigration de la RĂ©publique Argentine sous le numĂ©ro 122 (sa mĂšre est sous le numĂ©ro 121).

RĂ©cipissĂ© d’inscription dans les registres de l’immigration argentine en date du 11 mars 1893 Ă©tabli au nom de Charles Gardes, ĂągĂ© de 2 ans, en provenance de Bordeaux sur le vapeur Don Pedro.

RĂ©cipissĂ© d’inscription dans les registres de l’immigration argentine en date du 11 mars 1893 Ă©tabli au nom de Charles Gardes, ĂągĂ© de 2 ans, en provenance de Bordeaux sur le vapeur Don Pedro.

Dans ce document Gardel, s’appelle encore Gardes et son prĂ©nom est Charles.
Le 11 mars 1893, Gardel est mentionné dans ce document comme ayant 2 ans, ce qui correspond, à trois mois prÚs à son ùge exact.
La bateau est le Don Pedro, un vapeur qui devait partir du Havre le 8 février 1893 (à destination de La Plata).
On trouve trace de ce voyage, le 10 fĂ©vrier, dĂ©part effectif du Havre avec comme capitaine Vincent Marie Crecquer.
Le 14, ce bateau partait de Pauillac (oĂč auraient embarquĂ© Berthe et Charles) Ă  destination de Santa Cruz de Tenerife oĂč il arrive et repart le 20 fĂ©vrier pour se lancer dans la traversĂ©e de l’Atlantique jusqu’en Uruguay.
Il arrive le 9 mars Ă  Montevideo et en repart le 10 pour Buenos Aires oĂč il arrive probablement le 11 mars si on tient compte de la durĂ©e de la traversĂ©e du Rio de la Plata et des dates des certificats d’immigration de Berthe et Charles.
Il y a un petit doute sur la date d’arrivĂ©e, les documents maritimes Ă©voquant le 12 mars pour le dĂ©barquement. On peut trĂšs bien imaginer que les autoritĂ©s d’immigration sont montĂ©s Ă  bord le 11, Ă  l’arrivĂ©e, mais que le dĂ©sembarquement ne s’est effectuĂ© que le lendemain pour tenir compte des dĂ©lais de quarantaine de 48 heures.
Le bateau est ensuite reparti pour le Havre, chargé de viande congelée

Reste que certains documents manquent, comme les registres de l’immigration confiĂ©s au CEMLA et Ă©vaporĂ©s pour les annĂ©es 1882-1925
 Pour cette raison, on ne peut pas retrouver l’écriture correspondant au certificat 122 de l’immigration. Certains en profitent pour diminuer la force de l’origine française, s’appuyant aussi sur l’absence du registre de crĂ©ation des passeports français pour les annĂ©es entourant le dĂ©part supposĂ©s des Gardes.

Courriers et interactions avec sa famille française

Carte postale envoyé à ses grands parents, en France

Carte postale de Carlos Gardel Ă  ses grands-parents en France

Mes chers grands parents / Bonne et heureuse Année
Je vous envoie cette petite carte postale pour vous dire que toujours je pense Ă  vous avec affection, ainsi qu’ Ă  ma bonne tante Charlotte et Ă  mon bon oncle Jean.
Ici, nous sommes trés contents que vous soyez en bonne santé. Nous allons bien, et bientÎt, Si Dieu le veut, je reviendrai passer quelques moments avec vous.
Sans autre chose Ă  ajouter, votre petit fils qui vous aime et n’oublie pas.

Carlos

Cité par Christiane Bricheteau dans son livre : Traduction Monique Ruffié pour le Musée Virtuel Gardel.

La famille française de Carlos Gardel

Carlos rendra Ă©galement visite Ă  sa famille en France, notamment Ă  Toulouse et Albi. LĂ  encore, ces documents sont prĂ©cieux pour prouver ses origines. Quel serait l’intĂ©rĂȘt d’un artiste cĂ©lĂšbre comme Carlos Gardel de s’inventer une famille “bidon” en France.

Une des photos prises Ă  Albi en 1934 avec Ă  la gauche de Gardel (Ă  droite sur la photo), son oncle Jean Marie Gardes et sa tante Charlotte Laurence, seconde femme de Jean et belle-sƓur de Berthe.

Sur le Musée virutel Gardel, vous trouverez de nombreux autres éléments au sujet de sa famille albigeoise et toulousaine.

Arbre gĂ©nĂ©alogique de Carlos Gardel rĂ©alisĂ© par Georges Galopa en 2013 d’aprĂšs celui d’Henri Brune. Ici dans sa version actualisĂ©e en 2020. Vous pouvez le consulter sur le site du musĂ©e virtuel Gardel.

Arbre gĂ©nĂ©alogique de Carlos Gardel rĂ©alisĂ© par Georges Galopa en 2013 d’aprĂšs celui d’Henri Brune.

Pourquoi Gardel changea d’identitĂ©s Ă  plusieurs reprises


RaĂșl Torre et Juan JosĂ© Fenoglio  rĂ©alisĂšrent une enquĂȘte judiciaire, relevant notamment les empreintes de Carlos Gardel dans les documents judiciaires de l’époque, ce qui permet de confirmer que le Carlos Gardel chanteur du tango et le Carlos Gardez(s) nĂ© en France en 1890, sont bien le mĂȘme.

DiffĂ©rentes empreintes de Carlos Gardel permettant de confirmer que l’on parle toujours du mĂȘme.

Dans un article paru dans Pagina 12 en 2012, on retrouve les principales raisons qui ont fait que Gardel, escroc, se devait de changer rĂ©guliĂšrement d’identitĂ©, y compris avec l’aide d’un prĂ©sident argentin (Marcelo T. de Alvear)


L’article paru dans Pagina 12 se trouve ici : 
https://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-207654-2012-11-12.html 
Copie de cet article au cas oĂč ce lien se verrait Ă  disparaĂźtre

Un article de 2010 de la DĂ©pĂȘche Ă©voque aussi cette Ă©tude.
Copie de cet article au cas oĂč le lien se verrait Ă  disparaĂźtre.

Empreintes de Carlos Gardel ùgé de 13 ans et 6 mois, lors de sa fugue.

Le pĂšre naturel de Carlos Gardel

Si on retient l’origine française, le pĂšre le plus probable est Paul Lasserre. Ce jeune homme, alors ĂągĂ© de 24 ans est parti pour Paris deux mois avant la naissance de Carlos Gardel.

Paul Lasserre, la vĂ©ritable photo selon Todo Tango. En effet, la photo habituelle, serait celle de l’oncle et pas du pĂšre.

À Paris, il a intĂ©grĂ© la bande des Ternes et finalement a Ă©copĂ© de trois ans de prison. De retour Ă  Toulouse, il fonde une famille et meurt jeune. Sa fille, ĂągĂ©e de 2 ans Ă  sa mort, dit qu’il est parti en Argentine pour aider Ă  Ă©lever le jeune Gardel. Cependant, il n’Ă©tait pas sur le bateau et ses exploits parisiens sont contemporains de cette aventure argentine.
Il me semble donc plus probable que devant deux faits gĂȘnants, la famille Lasserre a choisi le moins dĂ©rangeant. Partir trois ans en Argentine pour aider Ă  Ă©lever son fils, mĂȘme obtenu hors mariage (il Ă©tait cĂ©libataire Ă  l’Ă©poque), c’est moins dĂ©shonorant que de passer trois ans en prison.

Documents et références

Les Ă©lĂ©ments prĂ©cĂ©dents sont en principe suffisants pour prouver que Carlos Gardel est le Charles Romuald Gardes nĂ© Ă  Toulouse le 11 dĂ©cembre 1890. Cependant, ce serait sans compter sur l’ingĂ©niositĂ© des Urugayens qui n’a d’Ă©gale que leur gentillesse.

La thĂšse urugayenne

En prenant les documents qui ont servi Ă  Ă©tablir une fausse identitĂ© Ă  Carlos Gardel, comme nous l’avons Ă©voquĂ© ci-dessus, ils avaient montĂ© une origine plausible.

Cependant, il devenait beaucoup plus difficile de remettre en doute les documents comme le certificat de naissance, le voyage en bateau et les visites Ă  la famille.

D’autres documents que nous n’avons pas prĂ©sentĂ©s sont d’autres tĂ©moignages de l’origine française, comme les certificats du consulat de France, son testament et autre. Ces documents sont remis en cause par certains Urugayens. Admettons, comme eux, que le testament est un faux Ă©tabli pour s’accaparer la fortune de Gardel. Cela n’enlĂšve rien Ă  la force des premeirs documents. Voici donc en rĂ©sumĂ© la nouvelle thĂšse :

Il y a bien un Charles Gardes nĂ© en France, mais le Carlos Gardel, chanteur fameux est en fait une autre personne, le fameux Urugayen nĂ© Ă  Valle EdĂ©n, TacuarembĂł, aux alentours de 1882-1884, et qui serait le fils du Coronel Carlos Escayola y de MarĂ­a Lelia Oliva, sa belle soeur… Deux personnes qui rappellons-le Ă©taient mortes au moment oĂč Gardel avait fait Ă©tablir cette identitĂ© pour pouvoir voyager en Europe.

Je vous passe d’autres versions selon laquelle Berte Gardes serait en fait sa maĂźtresse et pas sa mĂšre et qu’avec le factotum, de Gardel, Armando Defino, elle aurait montĂ© une entourloupe pour bĂ©nĂ©ficier de l’hĂ©ritage.

En appui de la thÚse française :

Documents divers

En guise de conclusion

Je laisse la conclusion au Docteur Marti, cet Urugayen pein de sagesse :

Hoy ya el mito estĂĄ bien consolidado en sus lineamientos y no cambia por el detalle de que Gardel haya nacido en Toulouse y no haya sido el padre de Leguisamo ni el abuelo de Julio Sosa. Este hijo natural de una lavandera y de un padre desconocido no fue uruguayo ni argentino, pero pertenece de un modo mĂĄs profundo y raigal que el accidente de un parto a las dos orillas del Plata, donde todo el mundo -sin distinciĂłn de clases sociales- lo escucha con una asiduidad y una devociĂłn que ningĂșn pueblo puede haber tenido nunca en mayor grado por ningĂșn cantante que haya nacido en su suelo. Lo escucha y comprueba que, Ă©mulo lĂ­rico del Cid, cada dĂ­a canta mejor.

Dr. Carlos MartĂ­nez Moreno

Traduction :
Aujourd’hui, le mythe est bien consolidĂ© dans ses contours et ne change pas car Gardel est nĂ© Ă  Toulouse et n’Ă©tait pas le pĂšre de Leguisamo ni le grand-pĂšre de Julio Sosa.
Ce fils naturel d’une lavandiĂšre et d’un pĂšre inconnu n’Ă©tait ni uruguayen ni argentin, mais il appartient d’une maniĂšre plus profonde et plus fondamentale que l’accident de l’accouchement sur les deux rives de la Plata, oĂč tout le monde – sans distinction de classe sociale – l’Ă©coute avec une assiduitĂ© et un dĂ©vouement qu’aucun peuple n’a jamais pu avoir Ă  un plus haut degrĂ© pour un chanteur nĂ© sur son sol.
Il l’Ă©coute et constate qu’en Ă©mule lyrique du Cid, il chante chaque jour un peu mieux.

Dr. Carlos MartĂ­nez Moreno

Les progrùs de l’enregistrement de la musique de tango

Julio de Caro jouant de son violon Ă  pavillon avec son orchestre.

Texte publiĂ© sur l’ancien site le 

Sur la qualité des enregistrements anciens


Dans les milongas, on ne diffuse que des enregistrements postérieurs à 1926. Savez-vous pourquoi ?

  1. La vieja guardia n’est pas toujours intĂ©ressante Ă  danser.
  2. Les orchestres ne jouaient pas vraiment du tango avant 1926.
  3. La qualitĂ© des enregistrements antĂ©rieurs n’est pas assez bonne.

La premiĂšre raison n’est pas exacte. Si Ă  Buenos Aires la Vieja guardia est trĂšs peu diffusĂ©e, c’est loin d’ĂȘtre le cas en Europe. Disons que ces enregistrements sont souvent un peu pauvres et moyens Ă  danser, mais ils sont diffusables quand ils ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s aprĂšs 1926


La seconde n’est pas exacte non plus. La combinaison entre les diffĂ©rents rythmes originaux, candombe, chansons de payador, habanera, canyengue et autres avait dĂ©jĂ  donnĂ© naissance Ă  de vĂ©ritables tango (2X4 notamment). Certains morceaux assez lents ont Ă©tĂ© ensuite accĂ©lĂ©rĂ©s et sont devenus des milongas, d’autres ont gardĂ© le caractĂšre du tango. Donc, ce n’est pas la seconde raison.

L’enregistrement acoustique

Et oui, c’est la troisiĂšme solution la bonne. Les premiers enregistrements Ă©taient effectuĂ© en Ă©mettant du son dans un pavillon collecteur, afin de concentrer les vibrations sonores vers une aiguille qui gravait un sillon dans un matĂ©riau ductile (comme la cire).
Voir l’article sur le premier enregistrement sonore pour des informations plus dĂ©taillĂ©es…

Phonographe Edison 1877. Il enregistrait sur un cylindre d’étain. Il servait aussi Ă  la reproduction.
Phonographe à cylindre Pathé Le Coquet, 1903 (Collection Charles Cros)
Enregistrement d’un chef amĂ©rindien Pied Noir par Frances Densmore en 1916
Orchestre enregistrant en acoustique. Remarquez le grand pavillon pointant vers l’enregistreur et comment les musiciens sont « empilĂ©s Â» pour ĂȘtre en face du pavillon. Le violoniste au premier plan Ă  un violon Ă  pavillon qui permet de donner un son plus fort et plus directionnel.
Julio de Caro jouant de son violon Ă  pavillon avec son orchestre.
Orchestre enregistrant en acoustique. Dans la cabine, l’enregistreur sur disque de cire.
Dans cet extrait on peut voir une reconstitution des condition d’enregistrement d’avant 1926.
« El Ășltimo payador » de Homero Manzi et Ralph Pappier 1950 (scĂ©nario d’Homero Manzi). Hugo del Carril joue le rĂŽle du payador JosĂ© Bettinotti, enregistrant « Pobre mi madre querida » un des succĂšs de Bettinotti.

Dans le film d’Homero Manzi, le son est bien sĂ»r celui de 1950, pas celui de 1912 que l’on peut entendre ici :

José Bettinotti. Pobre mi madre quarida, Circa 1912

En 1925, l’enregistrement Ă©lectrique va rapidement mettre au rebut ce type d’équipement
 En Argentine, il faudra attendre 1926 pour trouver les premiers enregistrements Ă©lectriques, les Ă©diteurs cherchant Ă  Ă©couler leur vieux stock


L’enregistrement Ă©lectrique

En 1906, l’invention du microphone a un peu amĂ©liorĂ© le dispositif, mais ce n’est qu’en 1925 que l’enregistrement Ă©lectrique a vu le jour de façon industrielle.

Le microphone est associé à un amplificateur qui permet de graver avec une grande précision les masters (disques qui serviront aprÚs moulage au pressage des disques diffusés).

Orchestre Victor jouant devant un microphone Ă  charbon
En coulisse, l’ingĂ©nieur du son surveille la gravure du master


Les microphones, l’Ăąme de l’enregistrement Ă©lectrique

Microphone Ă  charbon Voxia de 1925. Il est utilisĂ© pour les premiers enregistrements Ă©lectriques (1926 pour le tango) et jusqu’Ă  la fin des annĂ©es 20.
Microphone à condensateur Western Electric 47A, utilisé de 1928 à 1935 environ.
Microphone Ă  ruban RCA 44 A (Brevet RCA de 1931). Il est utilisĂ© de 1935 Ă  1949 environ. C’est le microphone de l’Ăąge d’or du tango.
U47 de Georg Neumann GmbH. De 1947 Ă  nos jour, ce microphone Ă©lectrostatique (“the Telly” Ă©tait le fĂ©tiche de Frank Sinatra).

Écoutons la diffĂ©rence entre acoustique et Ă©lectrique

L’orchestre de Francisco Canaro a enregistrĂ© Ă  deux reprises le tango Caricias. Une fois en 1924, avec un systĂšme d’enregistrement acoustique et une fois en 1927, avec un systĂšme Ă©lectronique.

Il est trĂšs intĂ©ressant de voir comment la qualitĂ© a Ă©tĂ© amĂ©liorĂ©e en l’espace de quelques mois


Écoutez la diffĂ©rence de qualitĂ© entre l’enregistrement acoustique et l’enregistrement Ă©lectrique.

VoilĂ  donc pourquoi on n’Ă©coute gĂ©nĂ©ralement pas de tangos enregistrĂ©s avant 1926 dans les milongas

Pour vous en convaincre, Ă©coutez ces deux extraits du mĂȘme thĂšme avec des interprĂ©tations trĂšs diffĂ©rentes et une qualitĂ© technique fort dissemblable.

DĂ©but de : El criollo falsificado (el Porteñito) 1906 – Alfredo Gobbi y Flora – Vous voyez-vous danser lĂ -dessus ?
DĂ©but de : El Porteñito 1928-09-26. TĂ­pica Victor (direction Carabelli). Ce titre est tout Ă  fait passable en milonga. La qualitĂ© d’exĂ©cution et technique est trĂšs satisfaisante. Évidemment, ce style canyengue n’est pas le plus raffinĂ©, mais de temps Ă  autre, dans une milonga, c’est sympa.
Fin de : El Porteñito 1943-03-23. Angel d’Agostino y Angel Vargas. On notera comme le rythme s’est Ă©galement accĂ©lĂ©rĂ©, passant du canyengue Ă  la milonga. La qualitĂ© sonore est excellente, mĂȘme si celle de la TĂ­pica Victor de 1928 n’a pas Ă  rougir.

Le plus ancien enregistrement connu

Phonographe Edison 1877. Il enregistrait sur un cylindre d’étain. Il servait aussi Ă  la reproduction.

Je pense que vous ĂȘtes nombreux Ă  penser que les premiers enregistrements sonores datent environ de 1877, avec l’invention d’Edison et Marie qui a un petit agneau.

En effet, si le Phonographe d’Edison est probablement le plus ancien Ă  avoir diffusĂ© un son enregistrĂ©, deux inventions françaises antĂ©rieures l’ont prĂ©cĂ©dĂ©.

La premiĂšre et la plus ancienne est celle d’Édouard-LĂ©on Scott de Martinville qui permettait de voir le son grĂące Ă  son Phonautographe.

La demande de brevet a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e le 25 mars 1857 sous la rĂ©fĂ©rence 1 BB 31470.

Le Phonautographe d’Édouard-LĂ©on Scott de Martinville

Phonautographe d’Édouard-LĂ©on Scott de Martinville fabriquĂ© par Rudolph KƓnig.

Édouard-LĂ©on Scott de Martinville (1817-1879) a rĂ©alisĂ© les premiĂšres captures de son dĂšs 1853, soit 24 ans plus tĂŽt qu’Edison. Mais alors, pourquoi ne lui donne-t-on pas la palme du premier enregistreur ?

Pour le comprendre, il faut Ă©tudier le fonctionnement de l’engin.

Dessin du phonautographe, joint au dossier de brevet de Scott de Martinville (version de 1859). Institut National de la PropriĂ©tĂ© Industrielle (INPI).

Un pavillon canalise les sons entrants. Ce systĂšme Ă©tait courant, car le cornet acoustique utilisĂ© par les personnes ayant une baisse de l’audition utilisait dĂ©jĂ  ce principe depuis plusieurs siĂšcles.

Antonias Nuck (1650—1692) Cornet en forme de cor de chasse Ă©quipĂ© d’une poignĂ©e

Cependant, contrairement aux procĂ©dĂ©s ultĂ©rieurs d’Edison, le systĂšme de Scott de Martinville enregistre la dĂ©viation d’un faisceau lumineux sur une feuille de papier sensible Ă  la lumiĂšre.

Phonautogramme rĂ©alisĂ© par Scott de Martinville en 1859

Le catalogue de Rudolph KƓnig

Rudolph KƓnig, fabricant de matĂ©riel de laboratoire, obtient un accord d’exclusivitĂ© pour la fabrication des Phonautographes Ă  partir de 1859. Voici comment il dĂ©crit ce matĂ©riel dans son catalogue. Tout d’abord, dans la prĂ©face :
« Dans le prĂ©sent catalogue, j’ai ajoutĂ© aux instruments d’acoustique rĂ©unis dans la derniĂšre Ă©dition du Catalogue de M. Marloye, de 1851, et aujourd’hui partout adoptĂ©s dans les cabinets de physique, un nombre assez considĂ©rable d’appareils nouveaux.
Une partie de ces appareils sont devenus, dans l’état actuel de la science, presque indispensables pour l’étude de l’acoustique ; les autres offrent encore assez d’intĂ©rĂȘt pour figurer dans les cours et les collections, d’instruments de physique. Je crois devoir attirer particuliĂšrement l’attention des savants sur l’appareil de phonautographie (fixation graphique du son) reposant sur les brevets de M. L. Scott, et dont je suis le seul constructeur, parce que cet instrument ne permet pas seulement de rĂ©pĂ©ter une longue sĂ©rie d’expĂ©riences trĂšs-intĂ©ressantes, mais qu’il donne aussi le moyen de faire un grand nombre de recherches scientifiques qui jusqu’à prĂ©sent Ă©taient restĂ©es absolument inabordables. »

Puis vient la description de l’équipement :

48. Phonautographe de M. t. Scott. 500 »

49. Le mĂȘme, avec cylindre et porte-membrane en bois. 400 »
Par les trois moyens sur lesquels s’appuient les brevets de M. L. Scott, c’est-Ă -dire : 1° l’emploi d’un style souple et tout Ă  fait lĂ©ger ; 2° l’application de ce style sur une membrane placĂ©e Ă  l’extrĂ©mitĂ© d’un conduit ou rĂ©cepteur du son, et 3° la fixation des figures obtenues sur un papier ou tissu revĂȘtu d’une couche d’un noir de lampe spĂ©cial, il devient possible d’obtenir avec cet appareil non seulement le tracĂ© de tous les mouvements vibratoires des corps solides d’une maniĂšre beaucoup plus facile et complĂšte, et sur une Ă©tendue beaucoup plus grande qu’avec les deux instruments des Nos 46 et 47, mais on peut aussi imprimer directement tous les mouvements qui s’accomplissent dans l’air ou dans d’autres fluides, et c’est par lĂ  surtout que l’appareil ouvre un champ nouveau et vaste Ă  des recherches de ce genre.
Dans le prospectus ci-joint de M. Scott, on trouve encore des dĂ©tails sur cet instrument et l’énumĂ©ration d’une sĂ©rie d’expĂ©riences qui nous ont dĂ©jĂ  rĂ©ussi au point de pouvoir ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ©es sans difficultĂ© par tout le monde, car le maniement de l’appareil est rendu excessivement facile par la maniĂšre dont il est disposĂ©.

50. Collection d’épreuves de tout genre obtenues par l’appareil prĂ©cĂ©dent.

Extrait du catalogue de Rudolph KƓnig 1859 – Page de couverture et fascicule sur le Phonautographe.
Phonautogramme des vibrations sonores Ă©mises par des tuyaux d’orgue (Rudolph KƓnig, 1862).

Ce principe de l’enregistrement optique est viable, car il a Ă©tĂ© utilisĂ© pendant des dĂ©cennies pour le cinĂ©ma, notamment pour les grands classiques hollywoodiens qui utilisaient le son optique (procĂ©dĂ© Movietone).

Ce qui manquait Ă  l’époque de Scott de Martinville, c’était le systĂšme de lecture de ce que l’on avait enregistrĂ©.

L’invention de Charles Cros

Il manquait donc la partie de reproduction du son enregistrĂ© avec le Phonautographe. Charles Hortensius Émile Cros a eu l’idĂ©e vers 1876 de graver par gravure chimique des tracĂ©s rĂ©alisĂ©s avec un Phonautographe. Les gravures obtenues devaient permettre d’ĂȘtre reproduite en faisant se dĂ©placer une aiguille reliĂ©e Ă  une membrane connectĂ©e Ă  un pavillon.

Allant plus loin dans sa logique, il considĂšre l’idĂ©e de graver directement, sans passer par l’étape optique. Il dĂ©pose alors le 18 octobre 1876, un document dĂ©crivant « un procĂ©dĂ© d’enregistrement et de reproduction des phĂ©nomĂšnes perçus par l’ouĂŻe ». Ce document est finalement enregistrĂ© par l’AcadĂ©mie des sciences le 30 avril 1877 et ouvert le 8 dĂ©cembre, Ă  la demande de Charles Cros, soit deux jours aprĂšs l’enregistrement d’Edison (Mary has a little lamb) et plus d’une semaine avant la demande de brevet d’Edison.

Son appareil qu’il a nommĂ© PalĂ©ophone est constituĂ© d’une membrane vibrante dotĂ©e en son centre d’une pointe qui repose sur un « disque animĂ© d’un double mouvement de rotation et de progression rectiligne » (c’est le principe des platines Ă  bras tangentiel pour disques vinyles).

PalĂ©ophone de Charles Cros. Il n’est pas sĂ»r que ce matĂ©riel ait Ă©tĂ© fabriquĂ©, mĂȘme si l’abbĂ© Lenoir a essayĂ© sans succĂšs de le rĂ©aliser.

Dans le dispositif dĂ©crit par Charles Cros, le son de la voix fait vibrer la membrane qui elle-mĂȘme anime l’aiguille qui trace un sillon sur le disque. Lorsque l’aiguille parcourt le sillon produit, elle transmet une vibration Ă  la membrane qui reproduit le son du dĂ©part.

Le petit doute sur la viabilitĂ© de la solution par rapport Ă  celle d’Edison, c’est l’utilisation de la feuille d’Ă©tain ou cuivre mince qui n’est pas clairement mentionnĂ©e dans le brevet, mais dans des Ă©crits antĂ©rieurs, non-dĂ©posĂ©s.

Contrairement au Phonautographe, le procédé est réversible. Il enregistre et restitue les sons.

Edison est-il inventeur ou copieur ?

Si on en croit les « on-dit », l’idĂ©e qu’Edison se serait appropriĂ© l’idĂ©e de Scott de Martinville et celle de Cros ne serait pas si Ă©tonnante, si on se souvient qu’on l’accuse d’avoir Ă©galement volĂ© les idĂ©es :

  • de la lampe Ă  incandescence Ă  Humphry Davy
  • de la chaise Ă©lectrique Ă  Harold P. Brown
  • de la camĂ©ra Ă  William Dickson
  • du nĂ©gatif sur papier cirĂ© Ă  Gustave Le Gray
  • de l’utilisation des rayons X (fluoroscope) Ă  Wilhelm Röntgen

Je ne me lancerai pas dans le dĂ©bat, c’est un peu comme Gardel qui, bien que nĂ© en France, est revendiquĂ© par les Uruguayens. L’enregistrement sonore est nĂ© en France et Edison qui Ă©tait parfaitement documentĂ© a eu plusieurs mois pour avoir connaissance du procĂ©dĂ© imaginĂ© par Charles Cros, d’autant plus que ce dernier a Ă©tĂ© publiĂ© par l’abbĂ© Lenoir dans la Semaine du ClergĂ© et que donc Edison avait tous les Ă©lĂ©ments sous la main. Le Phonautographe de Scott de Martinville et la description du dispositif de Charles Cros.

Addendum 2016 : Un article de la porte ouverte reprend avec des dĂ©tails cette histoire. Les curieux pourront s’y reporter

RĂ©cemment, FirstSound a essayĂ© de donner la parole aux enregistrements de Scott Martinville. L’idĂ©e a Ă©tĂ© de transformer les tracĂ©s en sons.

Je n’entrerai pas dans le dĂ©tail des deux mĂ©thodes employĂ©es, mais vous pourrez avoir des prĂ©cisions dans le site de FirstSound.

Sur ce site, vous pourrez Ă©galement entendre divers enregistrements restituĂ©s, comme « Au clair de la Lune » (dans deux versions de 1860).

Parmi les enregistrements restituĂ©s, j’attire votre attention sur « Diapason at 435 Hz – at sequential stages of restoration (1859 Phonautogram) [#33] ». On peut y Ă©couter successivement diffĂ©rents Ă©tats de restauration du signal, le dernier Ă©tant digne d’un enregistrement moderne. Cependant, il y a plusieurs biais dans leur restitution.

La premiĂšre est que ce serait l’enregistrement d’un diapason Ă  435 Hz. Pour ma part, je pense qu’il s’agit plutĂŽt du diapason Ă  512 Hz dans la mesure oĂč dans son catalogue, Rudolph KƓnig vend sur la mĂȘme page que le Phonautographe, un diapason Ă  512 Hz (Ut). Ce serait assez curieux qu’il utilise un autre matĂ©riel que celui qu’il vend pour son enregistrement


C’est d’autant plus embĂȘtant que cela discrĂ©dite un peu les restitutions. Ils sont partis de ce qu’ils voulaient obtenir pour faire « parler » l’enregistrement. On se fiera donc plutĂŽt au dĂ©but du fichier sonore en imaginant que Rudolph KƓnig a enregistrĂ© un son plus aigu que celui qu’ils restituent.

Pour les autres enregistrements, comme « Au clair de la Lune », il faut espĂ©rer que la part d’interprĂ©tation n’est pas exagĂ©rĂ©e.

Quoi qu’il en soit, avec un siĂšcle et demi de retard, les enregistrements de Scott de Martinville parlent et mĂȘme chantent.

Merci Ă  FirstSound pour cet exploit et Monsieur Edison, arrĂȘtez de piquer les idĂ©es des autres.

Dans un autre article, nous Ă©voquons l’histoire des enregistrements de tango, domaine qui nous intĂ©resse particuliĂšrement. Vous le trouverez au bout de ce lien.

Quelques trésors du National Recording Preservation Board de la Library of Congress

https://www.loc.gov/programs/national-recording-preservation-board/recording-registry/complete-national-recording-registry-listing/

Nom du « trĂ©sor Â» Auteur Date d’enregistrement
Phonautograms Edouard-Leon Stott de Martinville 1853–1861 (circa)
The 1888 London cylinder recordings of Colonel George Gouraud George Gouraud 1888
Edison Talking Doll cylinder (November 1888) n/a 1888
The Lord’s Prayer Emile Berliner  
Twinkle Twinkle Little Star Emile Berliner  
Around the World on the Phonograph Thomas Edison 1888–1889
Fifth Regiment March Thomas Edison 1888–1889
Pattison Waltz Thomas Edison 1888–1889

De l’humour dans le tango “Le tango, une pensĂ©e triste qui se danse.”

Pour certains, le tango est une musique compassée, triste, à la limite dépressive.

Cette impression est bien souvent causĂ©e par une mĂ©connaissance de cette culture, ou pour le moins par la prise en compte d’une partie trop restreinte du rĂ©pertoire.

En regardant rapidement dans ma collection, j’identifie environ 200 titres clairement à classer comme faisant preuve d’humour, voire à la limite de la farce.

Bien sĂ»r, l’humour n’est pas universel et ce qui faisait rire les Argentins dans les annĂ©es 40 n’est sans doute pas ce qui fait rire un europĂ©en d’aujourd’hui.

Tout d’abord, quand on est DJ, un des buts est que les gens s’amusent. Je sais que mon travail est rĂ©ussi quand les gens sourient, voire rigolent.

Beaucoup de milongas son hilarantes Ă  danser, mais aussi certaines valses et des tangos ne manquent pas d’humour. MĂȘme ce cher Pugliese a fait des enregistrements amusants.

Le DJ joue avec les sentiments pour alterner des tandas gaies et d’autres plus romantiques voire tristes, mais avec modĂ©ration, les danseurs sont lĂ  pour s’amuser, pas pour ce couper les veines.

C’est d’ailleurs une grande diffĂ©rence entre les milongas d’Europe et celles de Buenos Aires. Dans les premiĂšres, on se prend au sĂ©rieux, dans les secondes, on vient passer un bon moment. C’est peut-ĂȘtre ce genre d’attitudes qui incitent certains DJs europĂ©ens Ă  adopter des rĂ©pertoires peu euphorisants.

Avec plus de 20 ans d’expĂ©rience dans le domaine, je peux tĂ©moigner que mĂȘme dans les plus sĂ©rieux encuentros, l’humour a sa place et que finalement, les danseurs apprĂ©cient les musiques divertissantes, mĂȘme si leur proportion est sans doute moindre dans ce type d’évĂ©nement.

La vie est trop courte pour la gĂącher en Ă©tant triste, la milonga est une fĂȘte et oublier que le tango est avant tout un divertissement populaire est Ă  mon sens une erreur.

Je pense que je vais faire un article sur le sujet pour mon blog, car cela me dĂ©sole de voir des danseurs s’ennuyer avec des DJs dĂ©pressifs. Ces derniers croient bien faire, mais ainsi, ils desservent l’ñme du tango et c’est dommage.

Entre la vulgaritĂ© d’un Rodriguez, la joie nostalgique d’un Firpo, l’énergie euphorisante de D’Arienzo ou l’éclectisme de Canaro il y a de quoi faire.

Rions le tango !

For some, tango is a piece of compassed, sad music, bordering on depression.

This impression is often caused by a lack of knowledge of this culture, or at least by considering too small a part of the repertoire.

By quickly looking through my collection, I identify about 200 titles clearly to classify as humorous, even bordering on farce.

Of course, humour is not universal and what made Argentines laugh in the ’40s is probably not what makes a European laugh today.

First, when you’re a DJ, one of the goals is for people to have fun. I know that my work is successful when people smile or even laugh.

Many milongas are hilarious to dance, but some waltzes and tangos do not lack humour. Even this dear Pugliese made some funny recordings.

The DJ plays with feelings to alternate cheerful tandas and other more romantic or even sad ones, but in moderation, the dancers are there to have fun, not to cut the veins.

This is also a big difference between the milongas of Europe and those of Buenos Aires. In the first, we take ourselves seriously, in the second, we come to have a good time. It is perhaps this kind of attitude that encourages some European DJs to adopt repertoires that are not very euphoric.

With more than 20 years of experience in the field, I can testify that even in the most serious encuentros, humour has its place and that finally, dancers appreciate entertaining music, even if their proportion is probably lower in this type of event.

Life is too short to ruin it by being sad, the milonga is a party, and forgetting that tango is above all a popular entertainment is, in my opinion, a mistake.

I think I’m going to do an article on the subject for my blog because it saddens me to see dancers bored with depressed DJs. The latter think they are doing well, but in this way, they serve the tango’s soul, which is a shame.

Between the vulgarity of a Rodriguez, the nostalgic joy of a Firpo, the euphoriant energy of D’Arienzo, or the eclecticism of Canaro there is plenty to do.

Let’s laugh at the tango!

Le tango, une pensée joyeuse qui se danse (DJ BYC Bernardo)

Quelles sont les qualitĂ©s d’un bon DJ de tango ?

Réponse à une question de Sonia Devi :

Buenos Aires (Gricel) – DJ BYC Bernardo

« Il faut du travail, mais aussi de la sensibilitĂ©, sans doute la capacitĂ© Ă  sortir des sentiers battus tout en guidant son public, une capacitĂ© de connexion avec le groupe, du sens psychologique, de la gĂ©nĂ©rosité  quelles sont pour toi les qualitĂ©s d’un bon DJ ? ».

Lien vers la discussion sur Facebook…

Sonia, je vais rĂ©pondre sur chacun des points avec le code couleur que j’ai utilisĂ© pour mettre en valeur ta question :

Il faut du travail

Moins qu’avant, car la musique est largement disponible, bien mieux classĂ©e et de meilleure qualitĂ© qu’il y a vingt ans ou trente ans.

L’ordinateur permet de gagner beaucoup de temps pour le classement, la facilitĂ© d’écoute et la recherche des musiques.

Les choses ont tellement été simplifiées sur ces plans que toute personne ayant mis la main sur une playlist de tango et ayant un ordinateur se déclare DJ.

Si c’était si simple, cela ferait longtemps que l’on aurait crĂ©Ă© la « playlist idĂ©ale » et qu’on la passerait dans toutes les milongas du monde.

Les humains Ă©tant versatiles, diffĂ©rents, les conditions de bal, les cultures, les habitudes et autres diffĂ©rant d’un lieu Ă  l’autre et d’un jour Ă  l’autre, cette fameuse playlist idĂ©ale sera obsolĂšte dĂšs sa deuxiĂšme tentative d’utilisation.

Tout au plus, dans des milongas rĂ©guliĂšres, on peut se permettre de passer le mĂȘme type de playlist chaque semaine.

Si on intervient sur un Ă©vĂ©nement diffĂ©rent de sa zone habituelle, les ennuis vont ĂȘtre bien plus importants pour ces pseudo-DJ, car ils vont se confronter Ă  d’autres goĂ»ts et attitudes.

Ils devront donc ĂȘtre capables de repĂ©rer le plus rapidement possible ce qui va rencontrer le public.

La sensibilité, une capacité de connexion avec le groupe, du sens psychologique, de la générosité

Pour dĂ©terminer les goĂ»ts des danseurs, il faut savoir observer, faire preuve d’empathie. Un DJ qui ferait cela pour sa « pomme » sera difficilement un excellent DJ, car il fera prĂ©fĂ©rentiellement passer ses goĂ»ts avant ceux de son public, en admettant mĂȘme qu’il s’en soucie


La sensibilitĂ©, c’est aussi avoir une culture musicale permettant de se repĂ©rer dans les Ă©poques, les styles afin de pouvoir varier les musiques et Ă©viter les « tunnels » (succession de tandas semblables qui gĂ©nĂšrent l’ennui).

La connexion avec le groupe, cela dĂ©pend de la personnalitĂ© du DJ. Certains sont en retrait, ne cherchent pas l’interaction avec les danseurs, mais sont trĂšs attentifs Ă  eux. C’est le cas d’un des meilleurs DJ de Buenos Aires, Daniel Borelli.

Un autre, trÚs différent, est Marcelo Rojas (également de Buenos Aires, mais qui tourne dans le monde entier) qui va parler à son public et se tenir majoritairement debout.

Ceux qui me connaissent savent que j’abuse parfois de cette recherche de complicitĂ© avec les danseurs. Ceux qui prĂ©fĂšrent les DJ inertes ne me font pas venir ou me demandent d’ĂȘtre discret, ce que je peux faire, bien qu’avec difficultĂ© đŸ˜‰ Jeudi prochain, je serai DJ dans une milonga trĂšs traditionnelle de Buenos Aires et je serai discret, si, si


Les goûts des danseurs sont différents et avoir un éventail de personnalités de DJ est intéressant.

En ce qui concerne le sens psychologique, je parlerai plutĂŽt de sens de l’observation. Remarquer la hauteur des talons, les Ăąges, les proportions de danseurs et danseuses, leurs capacitĂ©s d’écoute de la musique, comment les gens sont entre eux, s’ils se connaissent, s’ils sont plutĂŽt joyeux ou introvertis (le but peut ĂȘtre de les faire changer d’attitude s’ils sont un peu trop compassĂ©s ; —)

La capacité à sortir des sentiers battus tout en guidant son public

Une fois qu’on a mis en place les Ă©lĂ©ments prĂ©cĂ©dents, c’est-Ă -dire que l’on a :

  • Une bonne diversitĂ© de musique en stock et bien sĂ»r, tous les « incontournables »
  • Une excellente connaissance de sa base de musique
  • Une bonne dĂ©termination des goĂ»ts et attentes des danseurs
  • Une connexion intĂ©ressante avec le groupe

On peut alors essayer de sortir des sentiers battus. Cependant, il me semble qu’il faut dĂ©velopper ce point avant d’aller plus loin.

Le tango est une danse assez particuliĂšre, basĂ©e sur l’improvisation. Les couples Ă©voluent sur la musique, sans aucune chorĂ©graphie prĂ©alable et dans une construction mutuelle de la danse. Ils doivent Ă©galement tenir compte des contraintes du lieu, des dĂ©placements des autres couples et d’autres critĂšres pouvant aller d’un trou dans le plancher Ă  une personne assise avec les pieds qui traĂźnent sur la piste en passant par le serveur qui passe avec un plateau chargĂ© de verrerie.

Toutes ces « contraintes » sont en fait des enrichissements qui permettent d’innover, d’improviser sans avoir l’impression de faire toujours la mĂȘme chose. Mais les plus grandes aides Ă  l’improvisation sont bien sĂ»r la musique et le (la) partenaire.

Le partenaire n’est pas du ressort du DJ, sauf s’il propose des tandas roses, amĂ©ricaines, des femmes, des bonbons ou d’autres suggestions et encouragements Ă  ne pas ĂȘtre trop strict sur les rĂšgles d’invitation et acceptation de l’invitation. Ce levier est aussi aux mains de l’organisateur.

Tout cela pour en venir Ă  la sortie des sentiers battus. Le DJ peut apporter une note de fantaisie, mais il me semble qu’il a Ă©galement la responsabilitĂ© de conduire les danseurs vers « le tango » et pas vers une danse « crĂ©ative », mais qui aurait perdu les caractĂšres de la danse originale.

Je n’ai rien contre les milongas alternatives, j’en ai mĂȘme musicalisĂ©, cependant, je suis certain qu’il est quasiment impossible de danser le tango sur ces musiques. On peut faire des « figures » de tango, adopter un abrazo milonguero ou salĂłn, mais il manquera l’impulsion, la variĂ©tĂ© comprĂ©hensible qui rend la musique propice Ă  l’improvisation pour que les danseurs se sentent en sĂ©curitĂ© avec la musique.

Si la musique est hyper connue, les danseurs pourront improviser. Si la musique n’est pas connue, il faudra que les danseurs soient capables de deviner la suite, de la pressentir. C’est la limite que devra s’imposer le DJ pour ne pas dĂ©stabiliser les danseurs et leur ouvrir de nouveaux horizons.

La plupart des musiques actuelles sont Ă  quatre temps. On peut donc avoir l’impression qu’elles sont adaptĂ©es au tango. Ce n’est malheureusement pas souvent (jamais) le cas. C’est sans doute pour cela que les danseurs de Buenos Aires sont si « traditionnels ». Ils ne trouvent pas dans des musiques trop Ă©loignĂ©es de leur zone de confort, ce qu’ils recherchent pour construire leur danse.

Avec des danseurs moins connaisseurs, les musiques alternatives ou les tangos plus « originaux » passent relativement bien, car trĂšs peu dansent la musique. Ils peuvent danser sur la musique, mais pas la musique.

Danser sur la musique, c’est poser les pieds sur les temps et faire des pauses quand la musique en fait. Danser la musique, c’est en avoir une Ă©coute attentive pour danser tantĂŽt sur un instrument, tantĂŽt sur un autre (les tangos de danse proposent d’eux-mĂȘmes une diversitĂ© d’interprĂ©tation dans les diffĂ©rentes reprises du mĂȘme thĂšme). C’est prĂ©voir les variations de rythme pour prĂ©parer sa partenaire (ou se prĂ©parer si on prĂ©fĂšre ĂȘtre suiveur.

Donc, sortir des sentiers battus, ça peut tout aussi bien ĂȘtre de proposer un tango traditionnel, mais plus rare ou proposer une musique qui n’est pas de tango, mais qui sera Ă  la portĂ©e des danseurs. Dans ce dernier cas, on remarquera que le plus les danseurs sont familiers avec le tango et plus ils auront du mal Ă  s’adapter Ă  une musique trop « étrange ».

Sortir des sentiers battus, c’est cependant une responsabilitĂ© du DJ d’un lieu donnĂ©. Dans des communautĂ©s oĂč il y a peu de diversitĂ© dans l’offre, il arrive qu’un DJ « forme » le goĂ»t des danseurs en leur proposant un type de musique atypique. Ces danseurs seront donc habituĂ©s Ă  d’autres sentiers et le jour oĂč ils iront dans une milonga plus classique, ils seront dĂ©routĂ©s et perdront ce qui fait une des grandes richesses du tango, pouvoir danser avec n’importe qui dans le monde Ă  condition de savoir guider et suivre. On pourrait dire la mĂȘme chose des « professeurs », d’ailleurs.

Pour reprendre le chemin de la question initiale, un DJ invitĂ© devra Ă  la fois se couler dans les habitudes du lieu, mais aussi apporter sa voix/voie originale. S’il passe la mĂȘme musique que le DJ rĂ©sident, quel est l’intĂ©rĂȘt de le faire venir ? Il devra donc guider les danseurs vers son univers en crĂ©ant un climat de confiance. À la limite, lorsque les blancs en neige auront pris, il pourra renverser le saladier, en faisant danser sur des musiques qui ne seraient pas venues Ă  l’esprit des danseurs.

Sonia, j’aime ton dernier point « tout en guidant son public ». Le DJ est avant tout un animateur. Il provoque des envies, qu’il retarde pour mieux les satisfaire. Il construit ses tandas pour que les danseurs se sĂ©parent comblĂ©s. Par exemple, une des rĂšgles de base qui consiste Ă  alterner les styles est une forme trĂšs simplifiĂ©e de « donner envie ».

AprĂšs une tanda Ă©nergique, comme une tanda de milongas, il est courant de proposer une tanda plus calme, voire romantique. Si on propose une tanda tonique Ă  la place de cette tanda calme, il faudra qu’elle soit irrĂ©sistible. Les danseurs se jetteront alors sur la piste et le moment de calme sera repoussĂ© Ă  la tanda suivante. Ils ne l’apprĂ©cieront que mieux.

La construction de la tanda suscite aussi l’envie. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est plus facile de faire des tandas de quatre que de trois, car on a plus de graduation pour guider les danseurs. On peut commencer calme et terminer avec beaucoup d’énergie. Dans une tanda de trois, les transitions risquent d’ĂȘtre plus heurtĂ©es ou il faudra se limiter dans la progression.

En rĂ©sumĂ©, il y a tellement de facteurs Ă  prendre en compte que toutes les qualitĂ©s possibles seront utiles au DJ de tango qui n’est pas un crĂ©ateur comme le DJ de boĂźte de nuit. Il est celui qui propose avec empathie, avec le seul but de faire passer une excellente soirĂ©e aux danseurs.

Un dernier point, il doit aussi ĂȘtre masochiste, car la responsabilitĂ© du DJ rend le travail trĂšs stressant et il est frustrant de ne pas pouvoir danser avec les danseurs quand le bal est magnifique.

Voir aussi :
DJ de tango, la grande incompréhension
Questionnaire DJ

Questionnaire DJ -— Est-ce que c’Ă©tait bien ?

Est-ce que c’était bien ? Questionnaire DJ

(Traduction de la page https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html) rĂ©alisĂ©e par une danseuse de Londres et publiĂ©e le samedi 4 aoĂ»t 2012


Être un bon DJ est une Ă©norme quantitĂ© de travail. PossĂ©der beaucoup de musique n’est pas suffisant. Cela nĂ©cessite Ă©galement des connaissances, du goĂ»t et une prĂ©paration extrĂȘmement longue. Ça ne m’intĂ©resse pas de le faire, parce que c’est beaucoup trop de travail, et je prĂ©fĂšre danser (l’article est Ă©crit par une danseuse londonienne (NDT BYC). Il n’est bien fait que par des gens qui aiment vraiment le faire pour eux-mĂȘmes, et qui aiment vraiment faire le travail qui est requis.

Les danseurs mal informĂ©s et sans attentes crĂ©ent un mauvais DJing et l’aident Ă  persister, et un mauvais DJing limite la qualitĂ© globale de la danse en rendant la danse sociale beaucoup plus difficile qu’elle ne devrait l’ĂȘtre.

J’aimerais que les DJ soient plus apprĂ©ciĂ©s. Cette check-list a pour but d’aider le danseur, en particulier le dĂ©butant, Ă  rĂ©flĂ©chir au DJing. Il ne suppose pas plus de connaissances musicales que la capacitĂ© de faire la diffĂ©rence entre le tango, la milonga et la valse, mais il repose en partie sur le fait que la musique de tango a un sens pour vous et vous donne envie de bouger. Certaines sont trĂšs subjectives, mais d’autres ne le sont pas. Profitez des morceaux de grĂące habituels.

Commencez Ă  0. Ajoutez ou dĂ©duisez des points comme indiquĂ© pour comparer les DJ. Vous pouvez choisir plus d’une rĂ©ponse pour certaines questions. Si vous vouliez le personnaliser en fonction de vos prioritĂ©s, vous pouvez Ă©videmment modifier les scores. J’ai tendance Ă  pĂ©naliser les mauvaises performances sur les choses les plus mĂ©caniques et les plus mesurables, parce qu’il n’y a aucune bonne raison de se tromper.

Bases musicales
Est-ce que certaines musiques ne convenaient pas Ă  la danse du tango en sociĂ©té ? Par exemple :

  • Elle vous demande de rester immobile et de poser, comme un pavĂ©, plutĂŽt que de danser
  • Il est impossible de s’y adapter Ă  moins de connaĂźtre l’enregistrement particulier par cƓur
  • Elle suggĂšre fortement de grands mouvements dramatiques rapides et des changements soudains de vitesse qui sont grossiers et peu pratiques pour la danse sociale dans l’espace disponible
  • C’est de la bonne musique de danse, mais elle fait ressortir le pire des danseurs qui sont lĂ .

En cas de doute, regardez la salle dans son ensemble : les indices sont que la ligne de danse cesse de se dĂ©rouler et sombre dans le chaos, il y a beaucoup de chutes, et la plupart des danseurs vraiment bons s’assoient, se cachent ou vont fumer Ă  moins que quelqu’un ne les attrape. Si c’est ce Ă  quoi ressemble normalement votre milonga, ajustez votre jugement en consĂ©quence. [Édit. : Ce que vous cherchez, c’est si le DJ, ou une tanda individuelle font la diffĂ©rence].

  1. Aucun de ces problĂšmes ne s’est produit (+10)
  2. Un ou deux moments douteux (-5)
  3. Plusieurs sections douteuses (-7)
  4. Tanda aprĂšs tanda, je m’ennuyais, j’ai reçu des coups, ou les deux (-10)

Avez-vous dĂ©jĂ  Ă©tĂ© surpris par une piĂšce qui ne correspondait pas Ă  cette tanda et qui vous a causĂ© des difficultĂ©s, de l’embarras ou de la dĂ©ception Ă  vous ou Ă  votre partenaire ? Par exemple :

  • Un changement d’humeur ou de style choquant au milieu de la tanda, de sorte que vous avez senti que vous deviez dĂ©visser votre tĂȘte et la revisser
  • Une ouverture trompeuse qui signifiait que vous passiez Ă  cĂŽtĂ© d’une tanda que vous auriez autrement aimĂ©e
  • Une piĂšce faible ou dĂ©cevante au milieu, ou Ă  finir
  • Changements de vitesse excessivement brusques
  • Une tanda mĂ©langĂ©e de musique que vous auriez prĂ©fĂ©rĂ© danser avec deux personnes diffĂ©rentes – ou une partie pas du tout.
  1. Aucun de ces problĂšmes ne s’est produit (+10)
  2. Une ou deux fois, peut-ĂȘtre une question d’opinion (-3)
  3. Plus, peut-ĂȘtre une question d’opinion (-5)
  4. Une ou deux fois, sans aucun doute ! (-7)
  5. Plus que cela (-10)
  6. Tout le temps de retournement ! (-15)

Dans l’ensemble, sans se soucier de pistes spĂ©cifiques, quelle Ă©tait la qualitĂ© du son ?

  1. Bon – j’ai pu sentir la musique et vraiment m’y plonger (+7)
  2. OK – Je l’entendais de partout (+5)
  3. MĂ©diocre – je ne pouvais pas l’entendre assez clairement pour entrer dedans correctement – Ă©touffĂ© / pas de dĂ©tail / pas de profondeur / trop silencieux / fort, mais boueux / dĂ©formĂ© / trop fort parce que DJ est sourd (-5)
  4. Ne s’applique pas, l’Ă©quipement de ce lieu est mĂ©diocre, donc je ne peux pas le dire (0)

Y a-t-il eu de mauvais choix de pistes spécifiques, comme quelque chose de beaucoup trop rapide, beaucoup trop lent, ou avec une qualité sonore inacceptable ?

  1. Non (+5)
  2. Un ou deux, incertains (0)
  3. Plus que cela (-5)

Les cortinas vous ont-elles rendu heureux ?

  1. Oui (+5)
  2. Elles ont rendu les gens heureux, mais pas moi en particulier (+3)
  3. Non, elles étaient généralement ennuyeuses (-3)
  4. Elles n’ont pas fait le travail, je n’ai pas toujours pu dire ce qui Ă©tait une cortina ou s’il y en a eu (-5)
  5. Ne s’applique pas – cette milonga a une politique de non-cortinas (0)

Il y avait-il suffisamment de tandas de vals (V) et milonga (M) par rapport au tango (T), et elles Ă©taient-ils jouĂ©es de maniĂšre rĂ©guliĂšre pour que vous sachiez oĂč vous Ă©tiez ?

  1. À peu prĂšs Ă  droite – quelque part dans la gamme TTVTTM ou TTTTVTTTTM, tout ce qui avait du sens compte tenu de la longueur de cette milonga (+5)
  2. Pas assez – TTTTTTTTTTM ou quelque chose comme ça (-5)
  3. Trop – TVTMTVTMTVTM DJ WTF ? (-7)
  4. Tellement chaotique que je ne pouvais pas dire – TT VV TTTTVTTTTTMTMV, ou quelque chose comme ça. (-10)
  5. « Tanda » n’est pas le bon mot. (-15).

Les cortinas Ă©taient-elles assez longues pour que vous puissiez dĂ©gager la piste et trouver votre prochain partenaire sans obstruer la vue de quelqu’un d’autre, compte tenu de la taille de la piĂšce, et en supposant qu’il y ait un endroit pour s’asseoir ?

  1. Oui (+3)
  2. Non (-3)

Le DJ a-t-il diffusĂ© gracieusement Ă  la fin avec de la musique qui n’est pas du tango pour que les gens se calment et s’Ă©claircissent, en supposant que cela soit possible ?

  1. Oui (+4)
  2. Non, il a utilisĂ© le temps prĂ©vu et s’est arrĂȘtĂ© lĂ  (0)

Professionnalisme

La musique a-t-elle retenu toute l’attention du DJ ?

  1. Oui, tout ou presque tout le temps (+5)
  2. Oui, autant que nécessaire dans la situation (+3)
  3. Moins que cela (-3)
  4. Non, il est sorti fumer et la musique s’est arrĂȘtĂ©e (-10)
  5. Non, il a mis une playlist/CD et s’est fĂąchĂ© avec les danseurs (-20)

S’il y avait des problĂšmes avec l’Ă©quipement, le DJ les a-t-il traitĂ©s calmement et avec compĂ©tence ?

  1. Oui, exceptionnel – par exemple, il est rentrĂ© chez lui et a achetĂ© un meilleur Ă©quipement. Il a trouvĂ© un autre ordinateur (+7)
  2. Satisfait aux attentes – contournement du problĂšme et correction (+5)
  3. Un drame ! Mais il s’en est sorti (+3)
  4. Non (-5)
  5. Sans objet (0)

Le DJ a-t-il eu de la difficultĂ© Ă  utiliser l’Ă©quipement de sonorisation ?

  1. Non (+2)
  2. Il y a eu quelques conneries faites (-2)
  3. Il y a eu quelques problÚmes, mais compréhensibles dans les circonstances (0)
  4. Le DJ n’Ă©tait clairement pas prĂ©parĂ© (-7)

Le DJ a-t-il semblĂ© Ă  un moment donnĂ© oublier pourquoi il/elle Ă©tait lĂ  ? A-t-il, par exemple, suivi une performance de vingt minutes, dans une milonga de trois heures, avec une piste de jive de cinq minutes pour qu’un seul couple puisse danser dans une performance bonus non officielle, pendant que tous les autres attendaient comme des citrons, comme s’ils attendaient les photos d’un mariage qui se retourne, et dans la position inconfortable de devoir prĂ©tendre qu’ils n’Ă©taient pas du tout ennuyĂ©s et qu’ils n’avaient rien de mieux Ă  faire que de regarder cette vanitĂ© ?

  1. Non (0)
  2. Oui (-5)
  3. Oui, et ce couple se comprenait lui-mĂȘme ou son conjoint/partenaire et/ou au moins un membre du couple qui venait de se produire (-10)
  4. Oui, mais, j’Ă©tais d’accord avec ça dans les circonstances (0)

S’il y avait un intermĂšde de danse traditionnelle, comme la chacarera, ou une autre danse comme le jive ou la salsa, Ă©tait-il bien programmĂ©, pas trop long et agrĂ©able pour un nombre raisonnable de personnes prĂ©sentes ?

  1. Oui, c’Ă©tait amusant, ça m’a plu / ça ne m’a pas dĂ©rangĂ© de regarder (0)
  2. Non, c’Ă©tait un bordel fastidieux, personne ne pouvait danser dessus, ou ça prenait la derniĂšre heure avant le dernier mĂ©tro ! (-5)
  3. C’Ă©tait ennuyeux, mais c’Ă©tait exigĂ© par les professeurs invitĂ©s ou le lieu (0)

Questions

La musique Ă©tait-elle :

  1. PrĂ©tentieusement salĂ© avec l’indansable, l’obscur ou l’inappropriĂ© (-10)
  2. DisposĂ©s de maniĂšre irrĂ©flĂ©chie au fil du temps, avec de bonnes choses gĂąchĂ©es par le fait d’ĂȘtre trop proches les unes des autres (-5)
  3. D’accord, mais Ă  un rythme, trop d’un genre de chose (+5)
  4. Bon, mais avec un style de DJ qui n’est tout simplement pas Ă  mon goĂ»t (+10)
  5. Convenablement variée, avec un bon mélange entre rythmique et lyrique et dramatique, compte tenu de la situation (+15)
  6. Brillamment mixĂ©, chaque tanda donnant l’impression d’ĂȘtre un changement parfait aprĂšs le prĂ©cĂ©dent (+20)

Qu’avez-vous ressenti par rapport Ă  « l’Ă©nergie » dans la piĂšce ?

  1. Confus et chaotique. (-7)
  2. Bas. Ni moi ni mes partenaires prĂ©fĂ©rĂ©s n’avons pu entrer dans la musique. (-5)
  3. Un peu plat, j’aimais bien la musique, mais je n’avais pas vraiment eu envie de m’y plonger (-2)
  4. Bien, ça se passait toujours bien (+5)
  5. Magnifique, il a réussi avec de bonnes sensations, variées (+10)
  6. Fantastique, j’ai passĂ© une excellente soirĂ©e, tout le monde Ă©tait en effervescence, tout coulait de source et j’Ă©tais aussi trĂšs heureux quand j’Ă©tais assis (+15)

Choisissez trois trĂšs bons danseurs sociaux qui Ă©taient lĂ , de prĂ©fĂ©rence cĂ©libataires. À quel point semblaient-ils danser ?

  1. Pas du tout, peut-ĂȘtre une ou deux tandas avec la bonne personne (-5)
  2. Un peu, comme d’habitude en fait (0)
  3. Plus que d’habitude (+5)
  4. Tout le temps, et en prenant plus de risques que d’habitude avec le choix du partenaire (+10)

Subjectivement, qu’en avez-vous pensĂ© ? Pas de scores ici – comparez avec ce que vous avez obtenu ci-dessus.

  1. C’Ă©tait gĂ©nial / ça a Ă©tĂ© une rĂ©vĂ©lation pour moi / ça a transformĂ© le lieu ou la situation pour le mieux.
  2. C’Ă©tait trĂšs bien. J’en Ă©tais trĂšs content.
  3. C’Ă©tait bien, mais il y avait quelques dĂ©fauts, ou c’Ă©tait bien fait, mais ce n’Ă©tait pas mon truc.
  4. C’Ă©tait bon et constant, je pouvais lui faire confiance, mais peut-ĂȘtre que ce n’Ă©tait pas inspirant.
  5. C’Ă©tait gĂ©nĂ©ralement inoffensif et ne m’a pas causĂ© de problĂšmes sĂ©rieux.
  6. Pas bon – c’Ă©tait faible ou m’a ennuyĂ© plusieurs fois.
  7. C’Ă©tait pauvre. Je ne pouvais pas lui faire confiance. Si quelque chose de bien se prĂ©sentait, je devais prendre quelqu’un.
  8. C’Ă©tait mauvais – moi, ou mes partenaires envisagĂ©s, nous ne voulions tout simplement pas danser. Inutile de rester.

Je tracerais la ligne de démarcation entre 4 et 5.

Article original (en anglais) https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html
Article original dans Web Archives (au cas oĂč il disparaitrait du blog d’origine) https://web.archive.org/web/20231120051440/https://mshedgehog.blogspot.com/2012/08/was-that-good-dj-questionnaire.html

DJ de tango, la grande incompréhension


“Il suffit de secouer un arbre pour que 10 DJ en tombent

L’article original avait Ă©tĂ© publiĂ© en 2014 sur mon ancien site

Un organisateur me disait il y a quelques temps qu’il suffisait de secouer un arbre pour que 10 “DJ” en tombent.
L’arrivĂ©e de l’ordinateur dans le DJiing et la diffusion de tangos via Internet ont trĂšs clairement dĂ©mocratisĂ© le mĂ©tier de DJ de tango. Il suffit dĂ©sormais de tĂ©lĂ©charger des playlists pour se dire DJ.

C’est un peu facile, mais est-ce souhaitable pour les danseurs ?
Bien sĂ»r, ce phĂ©nomĂšne existait auparavant avec les compilations organisĂ©es en tandas, vendues par certaines milongas et DJ portĂšgnes, ou par divers autres canaux. Ce qui est nouveau maintenant, c’est que la facilitĂ© d’utilisation de l’ordinateur permet de mĂ©langer ces morceaux, sans avoir Ă  maĂźtriser les outils en temps rĂ©el.
Et c’est lĂ  que le bĂąt blesse. En effet, une compilation, qu’elle soit en provenance d’une milonga de Buenos Aires, ou qu’elle ait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e Ă  la maison par l’apprenti DJ, NE PEUT CONVENIR À COUP SÛR À LA MILONGA en cours de musicalisation.

Sentir la milonga

Le rĂŽle du DJ est de diffuser le bon morceau au bon moment. Si c’est pour diffuser une playlist, il suffit d’un CD gravĂ©, d’un lecteur mp3 ou d’un ordinateur. Je me demande quel peut ĂȘtre l’intĂ©rĂȘt pour le DJ qui reste 5 heures ou plus derriĂšre son ordi Ă  faire semblant de bricoler une playlist qui est de toute façon immuable


Je comprends mieux les motivations de ce DJ qui se contente de couper la fin de la cortina sur son lecteur mp3 pour ĂȘtre le premier sur la piste. Lui, il veut danser sur les musiques qu’il aime et peu importe le vĂ©cu des danseurs (ou non-danseurs qui voient le DJ, s’agiter sur la piste alors qu’eux attendent un titre Ă  peu prĂšs Ă  leur goĂ»t).

Pour moi, le DJ doit sentir la milonga, regarder ceux qui ne dansent pas, repĂ©rer ce qui fait lever certains et pas d’autres, afin que chaque sensibilitĂ© puisse trouver de quoi avoir envie de danser. Il pourra faire des tests, par exemple en variant les cortinas, ou en observant les rĂ©actions devant un morceau un peu plus surprenant.

Mais dans tous les cas, c’est l’adĂ©quation entre les envies des danseurs et la programmation qui fera le succĂšs de la soirĂ©e.

Le choix du DJ

J’ai Ă©tĂ© trĂšs interpelĂ© il y a quelque temps en discutant avec un organisateur qui me disait qu’il sĂ©lectionnait ses DJ par rapport Ă  leur style. Je crois qu’il pensait que mettre un DJ « cataloguĂ© Â» d’un style proche de sa milonga Ă©tait un gage de qualitĂ©. De fait, s’il lui arrive de faire venir de bons DJ, il recrute finalement, surtout des maniaques de la playlist.

Vous avez tous en tĂȘte certains DJ capables de musicaliser un festival, une milonga de Buenos Aires ou un encuentro milonguero avec le mĂȘme bonheur, mais pas avec la mĂȘme musique. C’est que ce DJ sait jouer des paramĂštres offerts par la musique et des moyens techniques Ă  sa disposition pour s’adapter rĂ©ellement Ă  son public.

ParamĂštres Ă  la disposition du DJ pour adapter sa musicalisation

Les orchestres sont la premiĂšre variable. Il est possible de varier les orchestres pour Ă©viter la monotonie.

Les styles des orchestres est un facteur important. Notons aussi qu’un mĂȘme orchestre, suivant les pĂ©riodes peut avoir des ambiances diffĂ©rentes.

Les formes de tangos (chantés, instrumentaux, canyengue ou autres) sont trÚs directement ressenties par les danseurs. Cependant, globalement, les titres chantés sont majoritaires car ils sont plus plaisants à danser à condition de choisir des tangos chantés et pas des chansons de tango, ce qui est une erreur beaucoup trop fréquente chez les apprentis DJ et qui plombent assurément la tanda


L’énergie des morceaux est sans doute le paramĂštre essentiel et souvent mal gĂ©rĂ©. Il ne faut en effet pas confondre Ă©nergie et vitesse. Des morceaux d’apparence calmes comme certains titres de Calo peuvent ĂȘtre trĂšs Ă©nergiques et inversement, des tangos bruyants et rapides peuvent ĂȘtre complĂštement plats Ă  danser. Certains DJ confondent ces paramĂštres et vont diffuser des orchestres de style ou sonoritĂ© diffĂ©rents, mais qui ont tous la mĂȘme Ă©nergie. Cela crĂ©Ă© l’ennui Ă  coup sĂ»r


L’organisation des tandas est trĂšs importante selon moi. En effet, si le premier morceau est destinĂ© Ă  faire se lever le plus de danseurs que possible, il ne faut pas que les autres déçoivent. Ils doivent ĂȘtre donc d’une Ă©nergie semblable et de prĂ©fĂ©rence ascendante. Les danseurs ne doivent pas non plus subir de choc causĂ©s par des titres mal assemblĂ©s.

RĂ©activitĂ© et adaptation sont trĂšs importantes. Il m’arrive frĂ©quemment de changer une tanda en cours de diffusion en fonction de ce qui se passe sur et autour de la piste. Si le premier titre n’a pas fait lever assez de monde, je place un second titre plus efficace, voire, je change l’ambiance de la tanda en la faisant Ă©voluer. Je pense par exemple Ă  une tanda de canyengue qui peut selon les publics passer parfaitement ou bien fatiguer. Je fais alors Ă©voluer la tanda vers des canyengues plus rapides, voire plus du tout canyengue si cela n’a pas du tout de succĂšs.

L’organisation des tandas en ronda est aussi un Ă©lĂ©ment sur lequel le DJ peut jouer. Pour ma part, je diffuse quasiment toujours des tandas de quatre, y compris pour les valses et sauf pour les milongas ou des titres nuevos parfois plus longs. J’adopte cependant parfois les tandas de trois, sur une partie de la milonga, par exemple lorsque la durĂ©e est trĂšs courte et s’il y a un gros dĂ©sĂ©quilibre des partenaires. C’est cependant quelque chose que je rĂ©pugne un peu Ă  faire car cela entre dans la mode du « zapping Â» et l’on s’éloigne du tango. Il me semble prĂ©fĂ©rable de faire des milongas qui durent plus longtemps afin d’offrir Ă  tout le monde une chance de bien danser (c’est d’ailleurs le choix effectuĂ© par les portĂšgnes
). La ronda comporte traditionnellement des successions de styles du type T T V T T M ou T = Tango, V = Vals et M = Milonga). Pour les milongas courtes oĂč quand je veux donner beaucoup d’énergie, il m’arrive de faire T V T M, ou T V T T M. Il n’est pas possible d’utiliser cette ronda toute une milonga, car elle est trĂšs fatigante pour les danseurs
 D’autres DJ vont multiplier au contraire les tandas de tango pour diminuer le nombre de Vals et Milongas.

Le volume sonore est aussi trĂšs important Ă  considĂ©rer. Il arrive souvent que les cortinas soient plus fortes que les morceaux dansĂ©s. Je trouve cela illogique. C’est Ă  mon avis les tandas qui doivent donner l’ambiance. Les cortinas sont lĂ  pour Ă©changer quelques mots et se prĂ©parer Ă  la prochaine tanda. Je pense aussi que la musique doit ĂȘtre jouĂ©e suffisamment forte pour que l’on puisse enter dedans sans ĂȘtre obligĂ© de tendre l’oreille. Une cortina moins forte permettra de se reposer l’oreille et Ă©vitera d’avoir Ă  pousser exagĂ©rĂ©ment le volume de la tanda suivante pour couvrir les conversations qui auront Ă©tĂ© poussĂ©es pour couvrir le bruit de la cortina.

Je reste bref sur le choix des morceaux pour chaque compositeur et orchestre. C’est un des rĂŽles majeur du DJ, mais ce n’est pas souvent lĂ  qu’est le plus gros problĂšme (si on excepte la question des chansons diffusĂ©es comma tangos chantĂ©s). Le sĂ©rieux point noir vient de ce que ces morceaux sont diffusĂ©s dans un ordre hasardeux ou Ă  mauvais escient. Deux excellentes tandas peuvent se tuer si elles se succĂšdent car elles peuvent ĂȘtre d’une Ă©nergie trop proche (ou trop diffĂ©rente).

L’utilisation de l’ordinateur conduit aussi Ă  ne pas exploiter un des facteurs qui est l’intervalle entre les morceaux. Par dĂ©faut, j’ai un intervalle de 3,7 secondes entre les titres, mais il m’arrive de raccourcir ou prolonger cette durĂ©e en fonction du lieu, des danseurs et de l’énergie Ă  diffuser. Par exemple, dans une tanda oĂč il y a une dynamique mĂ©canique trĂšs entraĂźnante comme dans certains vals de d’Arienzo, il peut ĂȘtre intĂ©ressant de ne pas laisser de trop grands blancs pour que l’énergie reste en progression constante.

La longueur des cortinas est aussi Ă  prendre en considĂ©ration. Trop courtes, elles empĂȘchent d’avoir le temps de retourner s’assoir, ce qui pĂ©nalise le renouvellement des couples. Il faut avoir le temps de raccompagner sa danseuse et de prĂ©parer la suite
 Il ne faut pas qu’elle soit trop longue non plus. Une fois que les plus rapides ont fait leur choix, il est intĂ©ressant de lancer la tanda suivante


Dans la pratique, il y a des dizaines d’autres paramĂštres que doit pouvoir estimer et maĂźtriser le DJ. Je prendrai juste pour exemple la diffusion d’une tanda de milonga dans la derniĂšre heure d’une soirĂ©e. Certains DJ se l’interdisent par principe. En fait, c’est assez idiot dans la mesure oĂč, oĂč la milonga est apprĂ©ciĂ©e, cette derniĂšre tanda sera hyper bien vĂ©cue, dans le style Ă©clate finale. Il m’arrive dans d’autres endroits, de remplacer une tanda de milonga par des vals, ou plus rarement l’inverse.

Aux organisateurs

J’espĂšre que ces petits Ă©lĂ©ments vous permettront de voir plus clair sur comment choisir un DJ. Lorsque je suis danseur, j’ai envie de passer une bonne soirĂ©e et si je peux faire des kilomĂštres pour un DJ et mĂȘme si tous les danseurs ne sont pas aussi exigeants, ils sont globalement tous sensibles Ă  la musique et ils passeront, ou pas, une excellente soirĂ©e, avec fatigue, ou sans. Le DJ doit donc pouvoir veiller sur eux, en les mĂ©nageant ou en les tonifiant en fonction de l’ambiance du moment.

Un bon DJ a effectuĂ© un Ă©norme travail en amont pour connaĂźtre et organiser sa musique, de façon Ă  pouvoir programmer avec efficacitĂ© en direct. Ce travail mĂ©rite salaire et il me semble que l’on devrait payer le DJ en fonction de sa rĂ©ussite. J’ai proposĂ© Ă  certains organisateurs un paiement Ă  l’entrĂ©e. Curieusement, cela en gĂšne beaucoup. Pourtant, quand le DJ fait venir deux fois plus de monde que le public habituel, il semblerait logique qu’il soit mieux payĂ©.

A minima, faĂźtes ce petit questionnaire :

Aux DJ débutants

Bienvenue dans cette merveilleuse activitĂ© qui consiste Ă  faire danser le tango en choisissant des musiques. Je vous conseille trĂšs vite d’abandonner les playlists pour vous concentrer sur ce qui se passe dans la salle (y compris autour de la piste).

Vous pouvez en revanche organiser des tandas toutes faites, que vous diffuserez dans l’ordre qui convient Ă  l’ambiance du moment. C’est un premier pas vers l’adaptation. Ainsi, si vous avez besoin d’une tanda plus calme ou plus tonique, vous en aurez quelques-unes toutes prĂȘtes que vous pourrez diffuser en confiance, sachant que vous en ferez pas de grave faute de goĂ»t.

Lorsque vous aurez acquis de l’assurance, vous pourrez vous dĂ©tacher de ces tandas prĂ©fabriquĂ©es pour en crĂ©er de nouvelles en direct. Pour acquĂ©rir cette libertĂ©, il vous faut deux choses :

  1. Bien connaĂźtre votre musique
  2. Avoir bien organisĂ© sa musique (rien de plus bĂȘte que de passer une milonga ou une ranchera au milieu d’une tanda de vals car on a mal Ă©tiquetĂ© sa musique
).

Cela ne vous dispensera pas de la prĂ©-Ă©coute, notamment pour les cortinas… En gĂ©nĂ©ral, j’ai au moins deux musiques en mĂȘme temps dans les oreilles.
La musique de la salle, la musique de la cortina et/ou la tanda que je suis en train de préparer.
Il faut Ă©viter de s’isoler de la salle pour toujours avoir conscience de la qualitĂ© sonore de la diffusion. MĂȘme si j’utilise en gĂ©nĂ©ral des casques avec rĂ©duction de bruit, je n’active cette fonctionnalitĂ© que quelques instants, par exemple pour caler le dĂ©but d’un morceau dont je ne souhaite pas diffuser l’introduction.

Existe-t-il des tandas “classiques” ?

RĂ©ponse Ă  un message d’un danseur que je citerai s’il se reconnaĂźt…
Je crois que sa question Ă©tait en lien avec l’article tandas 5-4-3-2 ou 1

Existe-t-il une influence des vinyles sur l’ordre des morceaux d’une tanda ?

Byc Bernardo j’ai lu avec intĂ©rĂȘt ton article. Concernant l’apport des vinyles, je me suis fait la remarque que certaines tandas « classiques » que l’on entend parfois (du genre oĂč on peut prĂ©dire le morceau suivant) semblaient correspondre Ă  l’ordre des morceaux sur un vinyle d’origine. Je me suis donc demandĂ© si certains DJ Ă  l’époque, peut-ĂȘtre par facilitĂ©, laissaient les quatre morceaux dans l’ordre du disque (un peu comme pour les cassettes) et que, par habitude auditive, certains DJ actuels reprenaient ce mĂȘme ordre sans forcĂ©ment savoir qu’il avait Ă©tĂ© dictĂ© par.un aspect pratique au dĂ©but. Qu’en penses-tu ? As-tu pu observer cela ?

Danseur anonyme, car je ne me souviens pas…

Ma rĂ©ponse…

Excellente question, dont la rĂ©ponse est facile Ă  donner, c’est non đŸ˜‰

Les disques des tangos de l’ñge d’or Ă©taient des 78 tours qui ne comportaient qu’un morceau par face. Il n’y avait donc pas d’obligation d’enchaĂźner deux morceaux.

Les publications vinyles Ă©taient rĂ©alisĂ©es par des Ă©diteurs qui ne cherchaient pas forcĂ©ment Ă  satisfaire les danseurs. Les morceaux sont dans un ordre quelconque, ou plutĂŽt, ils sont organisĂ©s d’un point de vue « esthĂ©tique », pas du tout par tanda.

Le concept de disque tanda est mĂȘme assez rĂ©cent et quelques orchestres comme la Romantica Milonguera se sont lancĂ©s dans cette stratĂ©gie. C’est d’ailleurs un problĂšme pour les orchestres contemporains qui n’ont pas leur style propre, ils font un morceau dans le style de d’Arienzo, un dans le style de Di Sarli et ainsi de suite et il est impossible d’en faire une belle tanda. Évidemment, les orchestres monostyles, comme la Juan d’Arienzo, sont plus faciles Ă  utiliser.

Sur l’organisation Ă  l’identique de tandas par diffĂ©rents « DJs », j’attribuerai cela plutĂŽt Ă  l’origine commune des tandas. À Buenos Aires, chaque DJ arrondit ses fins de mois en vendant des Playlists, y compris avec les cortinas toutes faites.

Tu l’auras compris, c’est du tout-venant et rarement de bonne qualitĂ©, les DJ conservent jalousement leurs meilleurs atouts.

D’autres rĂ©cupĂšrent des playlists sur YouTube ou autres endroits, cela ne relĂšve pas le niveau.

Mais, on peut en dire plus…

Cependant, il y a des logiques.

  • Les titres d’une tanda ne sont pas mis en Ɠuvre de façon alĂ©atoire. Pour moi, c’est comme une exposition de peinture, il doit y avoir une harmonie d’ensemble. Cela peut se faire en ayant des titres de la mĂȘme pĂ©riode, mais ce n’est pas totalement sĂ»r, les orchestres pouvant avoir enregistrĂ© le mĂȘme jour une version Ă  Ă©couter et une Ă  danser, ou des titres Ă  la mode qui n’ont rien Ă  voir. AprĂšs la pandĂ©mie, Ă  Buenos Aires, plusieurs DJ s’étaient mis Ă  mĂ©langer dans les tandas des tangos instrumentaux et des chantĂ©s. C’est un peu passĂ© de mode maintenant. Depuis la pandĂ©mie, beaucoup de choses ont changĂ© et les organisateurs/DJ, cherchent des formules pour attirer la manne des touristes qui ont un taux de change trĂšs avantageux.
  • Une tanda est un voyage. On propose au dĂ©but un morceau qui donne envie de se lever, puis on propose une progression. Le couple augmente en compĂ©tence et la derniĂšre piĂšce est donc une apothĂ©ose, les danseurs Ă©tant parfaitement accordĂ©s, il est possible de se « lĂącher » (ce qui est Ă©tonnant si on considĂšre que l’abrazo est serrĂ©). Lorsque l’orchestre est trĂšs prolifique, il y a beaucoup de façon d’organiser les thĂšmes. Quand il a moins enregistrĂ©, c’est plus compliquĂ©. Si on respecte l’harmonie des titres et le voyage, il reste peu de choix et donc, la redite est probable.

La cassette, ferait-elle un coupable idéal ?

Maintenant que j’ai donnĂ© plusieurs pistes, je vais te donner une raison bien plus probable. En effet, lorsque Philips a sorti la cassette, les DJ se sont jetĂ©s dessus. Pour des raisons de soliditĂ©, les DJ utilisaient uniquement les C60 qui avaient 30 minutes par face. Elles permettaient donc de caser 2X5 titres sur une face.

Ainsi, sur une cassette D’Arienzo, il y avait 4 tandas possibles (de 5 titres chacune). Cela conduisait Ă  lire les titres dans le mĂȘme ordre et pire, les tandas dans le mĂȘme ordre. Car il est impossible de rembobiner les K7 en cours de milonga. On passe donc la premiĂšre tanda, ensuite la cortina sur une autre cassette (qui elle est rembobinĂ©e Ă  chaque passage pour revenir au dĂ©but de la cortina qui Ă©tait toujours la mĂȘme). Ensuite, le DJ choisissait la cassette d’un autre orchestre et quand il voulait revenir Ă  D’Arienzo, il jouait la deuxiĂšme tanda de la premiĂšre face de la disquette.

Pour en savoir plus sur ce thĂšme et la raison du nombre de titres d’une tanda, je t’invite Ă  lire un article que j’ai proposĂ© sur le sujet : https://dj-byc.com/tandas-de-5-4-3-2-ou-1/

Je pourrai rajouter plusieurs explications, du genre, la paresse de certains qui fabriquent des playlists Ă  l’avance et qui ne se donnent pas la peine de composer les tandas en direct. Dans une certaine mesure, ils ont raison, si les organisateurs font appel Ă  eux et dĂ©pensent de l’argent pour payer quelqu’un qui pourrait ĂȘtre remplacĂ© par un lecteur de CD
 ils auraient tort de se priver. J’ai vu certains de ces DJ passer des playlists qui portaient le nom d’autres Ă©vĂ©nements, ou qui passent toujours les mĂȘmes titres, car ils sont itinĂ©rants et que donc personne ne se rend compte qu’ils passent toujours la mĂȘme chose.

Je pense que si tu as participĂ© Ă  une milonga que j’anime tu as eu un peu plus de mal Ă  deviner ce qui va suivre, car justement, j’essaye de proposer des titres moins connus ou de les enchaĂźner de façon plus originale pour susciter l’intĂ©rĂȘt et la curiositĂ©. Ce sont les danseurs qui me donnent des idĂ©es et je tire le fil. Un titre s’impose Ă  moi et selon le moment, je trouve de quoi l’accompagner pour renforcer le thĂšme. Par exemple, hier, plusieurs thĂšmes me sont passĂ©s par la tĂȘte, comme les oiseaux (au jardin Massey Ă  Tarbes), le cafĂ© (pour la buvette du jardin).

Ensuite, le DJ conduit aussi les danseurs. En mettant un titre qui en Ă©voque un autre, il place Ă  l’insu des danseurs, l’idĂ©e du titre plus connu et quand celui-ci arrive, c’est comme une dĂ©livrance (au sens paysan du terme ; —)

Hommage Ă  un extraordinaire DJ

Mon DJ prĂ©fĂ©rĂ©, Daniel Borelli (Buenos Aires) est un as dans la composition des tandas et dans la succession des tandas. Ma grande fiertĂ© est de deviner quel orchestre il va mettre aprĂšs la tanda qu’il vient de passer. Cela fait prĂšs de quinze ans que je le suis, et il arrive toujours Ă  me surprendre dans la composition des tandas, mais plus rarement dans l’enchaĂźnement des tandas đŸ˜‰

Chacarera pour/for/para tango DJS (Conseils/Tips/Consejos)

Choisir une chacarera / Elegir una chacarera / To choose a chacarera

Dans la plupart des milongas portĂšgnes, on pratique des danses folkloriques. Depuis une quinzaine d’annĂ©es, j’essaye de proposer une tanda de folklore dans les milongas que j’anime. La chacarera commence Ă  bien prendre et j’ai mĂȘme eu le bonheur de voir des zambas dansĂ©es en France.
Pour aider au développement du phénomÚne, je vous propose quelques conseils pour choisir des chacareras qui ne vont pas dérouter les danseurs novices.

In most milongas of Buenos Aires, folk dances are performed.
For the past fifteen years, I have been trying to offer a tanda of folklore in the milongas that I do. The chacarera is starting to take well and I even had the pleasure to see zambas danced in France.
To help develop the phenomenon, I offer some tips for choosing chacareras that will not confuse novice dancers.

En la mayoría de las milongas porteñas hay bailes tradicionales.
Durante los Ășltimos quince años, he tratado ofrecer una tanda del folclore en las milongas que asumo. La chacarera estĂĄ empezando a tomar bien y tuve el placer ver zambas bailado en Francia tambiĂ©n.
Para ayudar a desarrollar el fenĂłmeno, doy acĂĄ algunos consejos para elegir chacareras que no confundirĂĄn a los principiantes.

Animer une chacarera / Guiar a una chacarera / How to help for a chacarera

Animer une chacarera

Lorsque les danseurs sont peu familiers avec la chacarera, il est utile de les aider pour que le résultat ne vire pas à la pagaille. Voici quelques conseils.

Annoncer l’intermùde de folklore

Il faut laisser le temps aux danseurs de se placer. Le mieux est de lancer une introduction bien marquĂ©e qui signifiera aux danseurs que l’on va danser une chacarera. Cette introduction peut ĂȘtre une introduction spĂ©cifique ou le dĂ©but d’une chacarera, pas forcĂ©ment celle que l’on dansera.
Attention Ă  ne pas laisser se dĂ©rouler plus que les introductions pour Ă©viter que les danseurs plus avancĂ©s commencent. On peut mettre une intro en boucle pour quand les danseurs sont longs Ă  s’organiser.

Penser Ă  annoncer de se munir d’un pañuelo si on a prĂ©vu une zamba dans l’intermĂšde de folklore.

Positionner les danseurs

En gĂ©nĂ©ral, on place les hommes sur une ligne en face d’une ligne de femmes. Il est souvent utile de proposer que les danseurs se positionnent Ă  un endroit prĂ©cis. Par exemple : « Les hommes du cĂŽtĂ© des fenĂȘtres ». Les femmes se positionneront en face de leur partenaire.

Si les danseurs sont nombreux, on peut proposer de faire deux ou plusieurs lignes. Mais en gĂ©nĂ©ral, quand ils sont nombreux, ils savent Ă  peu prĂšs s’organiser.

Les danseurs sont dans leurs lignes, face à leurs partenaires. Le DJ peut lancer la musique de la chacarera qui sera dansée.

Annoncer le dĂ©but « adentro »

MĂȘme Ă  Buenos Aires, il est courant d’annoncer le dĂ©but de la danse par « adentro ». Si vos danseurs ont lu le guide pour choisir les chacareras, ils n’auront pas besoin de cette aide, car ils auront Ă©coutĂ© l’introduction. Cependant, beaucoup de musiques de folklore contiennent l’adentro annoncĂ© par l’orchestre.

Cela me semble donc indispensable de l’annoncer, mĂȘme si l’orchestre le dit, car les danseurs europĂ©ens ne sont pas tous bien familiers avec cela.

Cela permet un dĂ©part plutĂŽt franc et le rĂ©sultat d’ensemble aura plus de chance d’ĂȘtre harmonieux.

Pour mĂ©moire, voici la chorĂ©graphie. On peut annoncer les diffĂ©rentes phases si les danseurs se dĂ©calent et plus particuliĂšrement ce qui est en gras, car c’est le dĂ©but et l’annonce du final. Cela Ă©vite que certains commencent trop tard ou termine trop tard


Voz preventiva: Adentro
1Âș Figura : Avance y retroceso   4 compases
2Âș Figura : Giro – 4  Compases
3Âș Figura : Vuelta entera — 6 u 8 compases
4Âș Figura : Zapateo y zarandeo – 8 compases
5Âș Figura : Vuelta entera — 6 u 8 compases
6Âș Figura : Zapateo y Zarandeo – 8 compases
Voz preventiva: Aura
7Âș Figura : Media vuelta – 4 compases
8Âș Figura : Giro y coronaciĂłn   4 compases

Pour la seconde partie, on peut en général se contenter de adentro et aura.

Et aprĂšs la premiĂšre chacarera

Si tout s’est bien passĂ© et qu’il y a une bonne partie des danseurs sur la piste, on fait en gĂ©nĂ©ral une seconde chacarera.

Pas de consigne particuliÚre. On peut encourager le frappé des mains en annonçant palmas. Pour ma part, je marque le rythme avec des claquements de langue au microphone.

Il me semble moins utile de le faire pour la premiĂšre chacarera, car les danseurs se mettent en place et on peut avoir des consignes Ă  donner. Cela peut aussi gĂȘner pour l’écoute du nombre de compases (6 ou 8).

Pour la seconde, cela me semble utile, car ça permet d’entretenir l’ambiance et d’éviter que les danseurs retournent Ă  leur place. On peut aussi en profiter pour encourager les timides qui n’ont pas dansĂ© la premiĂšre chacarera Ă  rejoindre la piste.

En gĂ©nĂ©ral, on propose toujours une chacarera Ă  8 compases pour la premiĂšre et si on dĂ©cide de proposer une chacarera Ă  6 compases pour la seconde, c’est que le niveau est satisfaisant, mais il faudra veiller Ă  ce que les danseurs ne se laissent pas surprendre en terminant trop tard leurs vueltas.

Si on a la chance d’ĂȘtre dans un lieu oĂč les danseurs pratiquent aussi la zamba, on terminera l’intermĂšde de folklore par une zamba. Le fait d’avoir annoncĂ© de prendre le pañuelo Ă  l’avance permet de savoir si la proposition d’une zamba est pertinente.

Si personne ne danse la zamba, cela fera une belle cortina


En gĂ©nĂ©ral, je laisse la zamba mĂȘme s’il n’y a qu’un ou deux couples. Cela fait un peu dĂ©mo, mais c’est une façon d’encourager le dĂ©veloppement de cette danse magnifique.

MichĂšle et Christophe, deux danseurs ayant dansĂ© magnifiquement une zamba dans une milonga que j’animais. SĂ»r qu’ils ont crĂ©Ă© des vocations car depuis, je passe un peu plus de zambas…

Archives de l’ancien site DJ BYC Bernardo (Avant 2023)

dj-byc.com est sur WebArchive

Web Archive est un service qui mĂ©morise des millions de sites Internet. Par chance, il a enregistrĂ© le site Ă  diffĂ©rentes reprises, ce qui peut vous permettre de retrouver d’anciens articles qui ont Ă©tĂ© dĂ©truits suite au piratage du site.

Vous pouvez retrouver la plupart des anciens articles

Le premier site a été mis en ligne au tout début des années 2000 et a été à maintes reprises remanié. Web Archive a gardé des traces de certaines ces versions.

Si vous recherchez un article plus ancien, vous pourrez donc le retrouver grĂące Ă  Web Archive : https://web.archive.org/web/20221129045910/https://dj-byc.com/

Web Archives a sauvegardĂ© une grande partie de l’ancien site, ce qui vous permet de consulter les articles qui n’ont pas Ă©tĂ© rĂ©tablis.

Les modifications de 2022 et 2023 ont surtout Ă©tĂ© marquĂ©es par les tentatives de dĂ©jouer les pirates…

Les anciens articles qui sont toujours d’actualitĂ© seront rĂ©Ă©cris progressivement. Vous pouvez toutefois me rĂ©clamer les articles que vous souhaitez retrouver en prioritĂ© en me contactant.

Le plus beau, de tous les tangos du Monde…

Je ne vais pas vous parler de la chanson de Vincent Scotto et RenĂ© Sarvil, le Plus Beau Tango du Monde, mais des tangos prĂ©fĂ©rĂ©s des danseurs de tango.


Comme DJ, dĂšs que je capte une information sur les goĂ»ts d’un danseur, je le
note dans les commentaires du fichier. Ainsi, lors d’une milonga oĂč est prĂ©sent
ce danseur, je peux annoncer que je lui dédicace le titre ou la tanda.

Je vais ainsi passer le plus beau tango du Monde,
pour ce danseur. Mais il n’est pas seul sur la piste. Je ne parle pas des bras qu’il
devra trouver pour le danser, mais de tous les autres participants de la
milonga.

En gĂ©nĂ©ral, quand j’annonce cette dĂ©dicace, la communautĂ© de bal fait preuve
d’empathie et est prĂȘte Ă  danser sur le tango proposĂ©. Parfois, j’annonce que
si ça ne plaüt pas il faudra aller se plaindre à l’inspirateur de la tanda,
mais en fait, personne ne va se plaindre.

En effet, la seconde partie et le sujet que je souhaite traiter ici est, quel
est le meilleur tango de danse ?

Bien que je ne sois pas Normand, je vais répondre par ça dépend.
Ce « ça dĂ©pend » fait qu’il est utile d’avoir un DJ pour animer la milonga.
Sinon, cela ferait longtemps que l’on aurait une playlist « parfaite » que l’on
pourrait la servir en toutes les occasions.

Les goĂ»ts changent d’une milonga Ă  l’autre, d’une ville Ă  l’autre, d’un pays Ă  l’autre. La musique des milongas italienne ne ressemble pas Ă  celles d’Angleterre. La musique d’un encuentro milonguero n’est pas identique Ă  celle d’un festival et selon l’ñge des danseurs, les goĂ»ts diffĂšrent Ă©galement. Pour entrer plus en avant dans la complexitĂ©, les goĂ»ts Ă©voluent d’un jour Ă  l’autre et mĂȘme durant la milonga.

1 Ces statistiques de 2014 ont Ă©tĂ© Ă©tablies par Tango Tecnia. CE qui nous intĂ©resse ici, ce ne sont pas les rĂ©sultats, mais l’observation que selon diffĂ©rents critĂšres, comme la zone gĂ©ographique, le sexe ou l’ñge, les rĂ©sultats sont diffĂ©rents.

Le DJ, en dĂ©couvrant une milonga, fera rapidement une analyse en fonction des personnes prĂ©sentes, les vĂȘtements, les chaussures, l’ñge et il pourra s’aider de connaissances dont il connaĂźt les goĂ»ts. L’organisateur lui-mĂȘme pourra avoir donnĂ© des consignes, mais le DJ doit savoir les interprĂ©ter et relativiser


Durant la milonga, il continuera son Ă©valuation, enregistrant ce qui semble mieux fonctionner pour proposer d’autres tandas de ce type plus tard dans la milonga.

Des sondages en direct

Ces tests des danseurs s’appuient sur l’expĂ©rience du DJ, mais aussi sur des mĂ©thodes. Pour simplifier, disons qu’il existe quatre grands types musiques. Les musiques Ă  dominante intellectuelles comme la musique classique, la musique sentimentale, les musiques urbaines et les musiques de divertissement.

Ces quatre types de musique se rencontrons en tango et ont donnĂ© lieu aux quatre piliers du tango. Le classique, c’est le courant Pugliese (De Caro
), le romantique, Di Sarli (Calo
), l’urbain, Troilo et le ludique, D’Arienzo.

On considĂšre que ces quatre orchestres sont incontournables dans une milonga, car ils reprĂ©sentent les quatre aspects, Ă©motions, qui permettent d’éviter la monotonie et qui donnent satisfaction aux quatre principales sensibilitĂ©s de danseurs.

Bien sĂ»r, certains pourraient danser cinq heures sur du d’Arienzo ou des musiques de la mĂȘme catĂ©gorie, mais dans une milonga, il y a forcĂ©ment des danseurs qui aiment mieux d’autres styles et il convient de les identifier et d’alterner les tendances.

On entend parfois qu’il faut proposer une tanda rythmique, puis une plus lyrique, ce n’est pas faux, mais c’est une simplification de ce qui prĂ©cĂšde. Le ludique et l’urbain en opposition Ă  l’intellectuel et au romantique. On peut/doit, entrer plus dans les dĂ©tails quand on est DJ pour Ă©viter le gros problĂšme des milongas, les danseurs qui restent deux tandas d’affilĂ© sans danser


Le DJ remarquera, par exemple, que les danseurs sont plutĂŽt ludiques. Il proposera donc plus de tandas d’un style comparable Ă  d’Arienzo et ainsi de suite. En fin de milonga, il y a parfois besoin de plus d’intimitĂ© et de romantisme. Le DJ va progressivement baisser « le feu » pour terminer avec une tanda hyper romantique. D’autres fois c’est l’inverse. Il faut donner la pĂȘche quand les gens vont devoir faire de la route pour rentrer chez eux afin qu’ils restent avec des Ă©toiles dans les yeux le plus longtemps possible.

Il n’y a donc pas de rĂšgle absolue
 Le plus beau tango du Monde ne sera pas le mĂȘme dans les deux cas.

Mais quel est le plus beau tango du Monde ?

Je ne vais pas vous demander de relire ce que j’ai Ă©crit au-dessus, je vais vous donner des indications. De nombreux sites, pages Facebook, ont fait ce type d’enquĂȘtes, avec des rĂ©sultats trĂšs divers.

La rĂ©alitĂ© est qu’il s’agit de donnĂ©es trĂšs instables. Ainsi, les statistiques de TangoTecnia donnaient des scores disproportionnĂ©s pour le Sexteto Milonguero. En analysant plus prĂ©cisĂ©ment les donnĂ©es, on se rendait compte que les femmes aimaient deux fois plus cet orchestre que les hommes. Je pense que le charisme et la voix de Javier di Ciriaco ne sont pas Ă©trangers Ă  ces statistiques.

Le fait de passer par un orchestre contemporain (mĂȘme si ce sexteto n’existe plus) permet d’avoir une autre source de donnĂ©es, les musiques jouĂ©es par les orchestres.

D’Arienzo et souvent les d’Arienzo tardifs ont la faveur des orchestres de danse. Anibal Troilo et Pugliese sont aussi surreprĂ©sentĂ©s dans les orchestres actuels.

Les danseurs en entendant rĂ©guliĂšrement les mĂȘmes thĂšmes, s’y habituent, les dansent mieux, car ils deviennent plus faciles Ă  improviser et finalement, il en rĂ©sulte une meilleure impression et une montĂ©e dans le classement.

Les DJ, notamment ceux qui utilisent des playlists, en passant toujours les mĂȘmes titres, augmentent cet effet de reconnaissance.

Hier, le DJ rĂ©sidant d’une milonga de Buenos Aires a passĂ© deux fois de suite Poema (Canaro Maida), par suite d’une mauvaise manipulation dans son logiciel. Les danseurs ont souri et ont dansĂ© une deuxiĂšme fois Poema, d’autant plus que le DJ dansait avec sa fiancĂ©e et qu’on pouvait pardonner ce doublon romantique. Lorsque Poema a commencĂ© pour la troisiĂšme fois, le DJ a couru Ă  son poste pour lancer Invierno. Les danseurs ont pris la chose avec beaucoup de sympathie et ont beaucoup applaudi le DJ (ce qui est rare Ă  Buenos Aires).

Ce type de raté sur un titre moyennement apprécié aurait été plus sévÚrement apprécié.

Poema est en effet un des tangos prĂ©fĂ©rĂ©s des danseurs, comme en tĂ©moignait une enquĂȘte de 2014 de TangoTecnia qui indiquait que prĂšs de 18 % des sondĂ©s en faisaient leur tango prĂ©fĂ©rĂ©.

2 Tangos préférés pour danser (liste établie par TangoTecnia en 2014 sur un panel de 1282 votants).

Si vous prenez la peine de consulter cette liste qui a dĂ©sormais dix ans, vous constaterez tout de mĂȘme que la plupart des titres proposĂ©s sont encore dans le domaine des titres qui « marchent ».

Dans cette observation, on peut dĂ©couvrir l’empreinte des DJ qui ont forcĂ©ment encouragĂ© les titres Ă  succĂšs, ce qui a renforcĂ© l’estime pour ces titres.

D’autres titres ont Ă©tĂ© victimes de ce succĂšs, car ils correspondaient Ă  un effet de mode, par exemple car il a Ă©tĂ© mis en avant par un orchestre Ă  succĂšs.

Prenons l’exemple de Mi Vieja Linda (ne la cherchez pas dans cette liste, elle n’y est pas, car en 2014, personne n’aimait ce titre qui avait Ă©tĂ© peu enregistrĂ© avant que le « Sexteto Cristal » en fasse un tube (en 2018). Dans un autre genre, le phĂ©nomĂšne Sexteto Milonguero de l’époque est totalement Ă©teint aujourd’hui et mĂȘme chez les femmes, ce n’est plus le premier orchestre du Monde.

Une autre source de donnĂ©es est constituĂ©e par les publications de musique. Certains titres ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s par dix orchestres et parfois Ă  plusieurs reprises et d’autres n’ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s qu’une fois. Les dates d’enregistrements sont Ă©galement trĂšs utiles pour retracer les modes au vingtiĂšme siĂšcle. Un titre va ĂȘtre enregistrĂ© cinq ou six fois en deux ou trois ans, puis devenir silencieux pour ne rĂ©apparaĂźtre que dix ou vingt ans plus tard.

Un excellent outil pour dĂ©couvrir cela est la base de donnĂ©es de tango-dj.at. Dans la copie d’écran suivante, on peut voir la discographie de Poema qui a Ă©tĂ© enregistrĂ© principalement dans les annĂ©es 30, mais qui est restĂ© sur le devant de la scĂšne et parfois de façon renouvelĂ©e grĂące Ă  des orchestres contemporains comme la Romantica Milonguera.

3 Dans la base de donnĂ©es de tango-dj.at, on trouve Poema enregistrĂ© 29 fois par 28 orchestres (HĂ©ctor Pacheco l’a enregistrĂ© deux fois).

Les spĂ©cialistes se pencheront sur les catalogues des Ă©diteurs de l’époque, mais il faut suivre les orchestres quand ils ont changĂ© d’éditeur et la compilation pour un orchestre donnĂ©e n’existe pas toujours si on excepte des sommes, comme le catalogue Canaro de Christoph Lanner.
https://sites.google.com/site/franciscocanarodiscografia/prefacio

4 Les enregistrements de Francisco Canaro (le chef d’orchestre qui a le plus enregistrĂ©) reprĂ©sentent 200 pages de donnĂ©es. Le formidable travail de Christoph Lanner vous permettra de vous y retrouver si vous vous passionnez pour son Ɠuvre.

Signalons aussi tango.info qui n’est pas trùs complet,